Les éléments transposables (ET)

 Les éléments transposables (ET)

Définition, découverte et généralité 

Au cours du XXe siècle, la cytogénéticienne américaine Barbara McClintock commença l’étude systématique de la mosaïque des patrons de couleurs des semences de maïs et de l’instabilité de son héritage. Au cours de cette étude elle identifia deux nouveaux locus génétiques dominants interagissant qu’elle nomma Dissociator (Ds) et Activator (Ac), et qui avaient des effets variés sur les gènes voisins. En observant les changements dans le patron de coloration des grains de maïs pendant plusieurs générations de croisements contrôlés, elle fit la découverte que ces éléments Dissociator et Activator pouvaient transposer, c’est-à-dire changer de position sur le chromosome, montrant ainsi le caractère mobile du génome. Elle a également pu observer que la transposition de Ds du chromosome 9, sous le contrôle de Ac, était accompagné par la brisure du chromosome. Celle-ci permet la synthèse du pigment de coloration dans les cellules, mais la taille de la zone colorée va elle dépendre du stade de développement au moment de la dissociation, ce qui va alors causer la mosaïque de couleurs. De par ces observations, elle a ainsi pu développer une théorie : ces éléments mobiles réguleraient les gènes en inhibant ou en modulant leur action ; les rendant ainsi responsables de l’activation, ou non, de caractéristiques physiques au cours des générations. Elle émit finalement l’hypothèse que ce type de régulation génique pouvait expliquer comment des organismes multicellulaires complexes, composés de cellules aux génomes identiques, pouvaient avoir des cellules aux fonctions différentes.

Les théories émises par McClintock furent assez mal reçues par la communauté scientifique de l’époque, mais après une redécouverte de ses observations, elles furent admises comme des découvertes majeures du fonctionnement du génome et sont aujourd’hui reconnues. Aujourd’hui, on définit ces éléments transposables (ET) comme étant des séquences génétiques répétées, dispersées dans le génome, et qui ont la capacité de se multiplier et de se déplacer au sein des génomes par des mécanismes de transposition. Depuis leur découverte par Barbara McClintock à la fin des années 1940 (McClintock, B. 1950), de nombreux autres éléments transposables ont été identifiés chez quasiment tous les organismes, des bactéries aux eucaryotes.

Ces éléments qui ne semblent pas contenir de gènes importants pour leur organisme hôte, disposent juste de l’information leur permettant de se répliquer et / ou se déplacer dans les génomes. Ainsi, ils ont longtemps été considérés comme des éléments « égoïstes » et « parasites » uniquement capables de perturber les gènes. Le séquençage de génomes de nombreuses espèces a par la suite montré que les éléments transposables sont un des composants majeurs des génomes eucaryotes (Vieira, C. et al. 2012), et notamment chez les plantes. Au fil des découvertes, le dogme d’un génome constitué d’une succession linéaire de gènes parfaitement stable, a été remplacé par la vue d’un génome comme un réseau complexe impliquant génétique, épigénétique, et interactions cellulaires, dans lequel les ET et autres éléments structuraux et fonctionnels sont impliqués.

Classification des éléments transposables et mécanismes de transposition

Bien que les ET semblent être des séquences de types variés, il a rapidement paru important d’être capable de les classer, c’est-à-dire de les regrouper selon leur structure, la similarité de leur séquence nucléotidique ou protéique, ou encore selon leur mode de réplication (Wicker, T. et al., 2007).

Classe d’élément transposable: le plus haut niveau de classification

De manière générale, il existe trois niveaux de classification des éléments transposables. Le niveau le plus haut est celui de la classe : les éléments peuvent être de la classe I, aussi appelés rétrotransposons, qui utilisent un mécanisme dit de « copier / coller » qui nécessite un intermédiaire d’acide ribonucléique (ARN), et les éléments de type II, ou transposons à acide désoxyribonucléique (ADN), qui ne nécessitent pas d’intermédiaire ARN pour leur mobilisation.

Les ET de classe I sont donc caractérisés par un mode de transposition dit de « copier / coller » (Figure 1). Ce type de transposition engendre systématiquement une augmentation du nombre de copies, pouvant alors expliquer que ce type d’éléments est prédominant dans la plupart des génomes eucaryotes. La transposition de type « copier / coller » implique la transcription d’un acide ribonucléique (ARN) à partir de l’élément par l’ARN Polymérase II ou III, ARN qui est ensuite convertit en acide désoxyribonucléique complémentaire (ADNc) par réverse transcription. Finalement, cet ADNc sera intégré à une nouvelle position du génome par une intégrase. On identifie principalement ce type d’éléments, par la présence, dans leur séquence, du code d’une proteine « réverse transcriptase », à l’exception de certains qui sont uniquement identifiables par la présence de motifs ADN spécifiques puisqu’ils dérivent des promoteurs de l’ARN Polymérase III.

Les ET de classe II, quant à eux, sont également appelés transposons à ADN et transposent principalement par un mécanisme dit de « couper / coller » (Figure 2). Contrairement au mode de transposition « copier / coller » des rétroéléments, le mode « couper / coller » n’induit pas toujours une augmentation du nombre de copies. En effet, l’élément est d’abord physiquement excisé du chromosome et est ensuite réintégré à un nouvel endroit dans le génome grâce à la transposase codée par certains ET. La réplication de ce type d’élément est terminée lorsque la cassure double brin de l’ADN est réparée. Si la réparation du site donneur se fait par recombinaison illégitime ou non-homologue (« non homologous end joining »), c’est à-dire qu’elle conduit à la réunion de deux fragments d’ADN ne présentant pas ou très peu d’homologie de séquence, alors la copie au site donneur est perdue. Si, au contraire, la réparation se fait par recombinaison homologue, c’est-à-dire entre deux séquences identiques situées sur deux molécules d’ADN, ou distantes l’une de l’autre sur la même molécule, alors la copie du site donneur est conservée, l’insertion s’étant produite à un site où la réplication n’avait pas encore eu lieu.

Superfamilles d’ET : une marque de la diversité

En fonction des propriétés particulières que présentent les éléments, au sein de chacune de nos deux classes d’ET, ils vont pouvoir être regroupés en différentes superfamilles et familles d’éléments. Mais on pourra également distinguer nos ET en les classant comme des éléments autonomes, c’est-à-dire qu’ils codent l’ensemble des protéines nécessaires à leur transposition, ou non-autonomes qui eux nécessitent la machinerie des éléments autonomes intacts en trans pour transposer. La relation entre les copies autonomes et non-autonomes est semblable à du parasitisme : les copies autonomes (les « hôtes ») sont capables de survivre et de se répliquer seuls, alors que les copies non-autonomes (les « parasites ») n’en sont pas capables sans les copies autonomes dont elles vont affecter la survie en s’amplifiant. Les éléments autonomes étant eux-mêmes considérés comme des parasites des génomes, on peut alors considérer que les éléments non-autonomes sont des hyperparasites (Robillard, É., Le Rouzic, A., Zhang, Z., Capy, P. & Hua-Van, A., 2016).

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Table des matières

Introduction
1.1 Les éléments transposables (ET)
1.1.1 Définition, découverte et généralité
1.1.2 Classification des éléments transposables et mécanismes de transposition
1.1.2.1 Classe d’élément transposable: le plus haut niveau de classification
1.1.2.2 Superfamilles d’ET : une marque de la diversité
1.1.2.2.1 La diversité de la classe I
1.1.2.2.2 La diversité de la classe II
1.1.3 Notion de repeatome et stratégies d’annotation
1.1.3.1 Qu’est-ce que le repeatome ?
1.1.3.2 Utilisation de librairies pour l’annotation des éléments transposables
1.1.3.3 Les outils dédiés à l’annotation par alignement
1.1.3.4 Les méthodes de détection ab initio
1.1.3.5 L’annotation par des approches k-mers
1.1.4 Impacts structuraux
1.1.4.1 Modifications de la composition, de la taille et de la structure des génomes
1.1.4.2 Autres impacts structuraux : réarrangements chromosomiques, recombinaison et duplication de gènes
1.1.5 Impacts sur l’expression des gènes
1.1.5.1 Les mécanismes de régulation de la transcription
1.1.5.1.1 Les modifications de la chromatine
1.1.5.1.2 Les protéines et séquences de régulation de l’initiation de la transcription
1.1.5.2 L’inactivation de gènes par les éléments transposables
1.1.5.3 Reprogrammation de l’expression des gènes
1.1.5.4 Exaptation de séquences codantes et mise en place de réseaux de régulation
1.1.5.5 Modifications épigénétiques
1.1.5.6 Le devenir des insertions
1.1.5.7 Eléments transposables et théories de l’adaptation et de la domestication
1.2 Les Solanaceae, une ressource variée pour l’étude des plantes
1.2.1 La famille des Solanaceae
1.2.2 Solanum lycopersicum comme organisme modèle
1.2.2.1 Généralités
1.2.2.2 Le génome de Solanum lycopersicum
1.2.3 Les ET de Solanum lycopersicum
1.3 Objectifs de la thèse
Chapitre 1 : Eléments transposables et processus de maturation de la tomate Solanum lycopersicum
2.1 Introduction
2.2 L’analyse approfondie du repeatome de la tomate montre un impact potentiel des éléments transposables sur la maturation du fruit
2.3 Discussion et conclusion
Chapitre 2 : Les éléments transposables : de potentiels éléments de régulation de l’expression des gènes au cours de l’évolution
3.1 Introduction
3.2 Résultats
3.2.1 Constitution du jeu de données
3.2.2 Une organisation particulière des ET par rapport aux gènes
3.2.3 Des fonctions de gènes particulières associées aux ET
3.2.4 Comparaison des copies proches et éloignées des gènes
3.3 Matériel et méthodes
3.3.1 Annotation de l’assemblage SL2.50 du génome de S. lycopersicum
3.3.2 Paires gènes / éléments transposables
3.3.3 Calcul de la répartition des effectifs en upstream des gènes et test de conformité
3.3.4 Analyse de l’orientation des éléments transposables par rapport aux gènes
3.3.5 Analyse d’enrichissement des GO term
3.3.6 Comparaison des séquences de copies proches et éloignées des gènes
3.4 Discussion et conclusion
Conclusion et discussion
Bibliographie
Annexes

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