Les éléments constituants du podcast natif : spécificité technique ou spécificité de contenus ?

Les éléments constituants du podcast natif : spécificité technique ou spécificité de contenus ? 

Si le podcast a le vent en poupe depuis quelques années, il ne s’agit pourtant pas de la dernière invention high-tech issue d’acteurs majeurs de la Silicon Valley ou venue bouleverser l’écoute de la radio. Il s’agit au contraire d’une innovation incrémentale, proposant de nouvelles fonctionnalités à une forme de produit culturel déjà existant, et qui s’est installée peu à peu dans le paysage radiophonique. Dans cette première partie, je reviendrai sur l’histoire de ce média et sur ses attributs techniques. Et en tentant de donner la définition du podcast natif, on peut relever que certaines difficultés de conceptualisation de ce média persistent.

Le podcast, une “tortue numérique”

Steve Jobs et l’arrivée de nouveaux supports d’écoute, un bref historique du podcast 

Si le premier festival de podcast natif en France a eu lieu en automne 2018, Arte Radio, pionnière en France, en produit pourtant depuis 2002. On pourrait effectivement qualifier le podcast de « tortue numérique » : ce concept désigne une technologie qui existe depuis longtemps mais dont l’usage se généralise assez tardivement. Et c’est le cas de ce média qui rentrerait aujourd’hui dans son « âge d’or », selon les propos de Sylvain Gire, le fondateur d’ARTE Radio .

Le mot « podcast », vient du terme podcasting qui est lui-même une contraction des termes iPod, et broadcasting . À l’origine, le concept de podcast repose sur une idée mise au point par un  développeur et un ancien animateur de MTV : Dave Winer et Adam Curry. Ensemble, ils  développent une technologie qui permet la transmission, la réception et l’organisation de fichiers audio et vidéo grâce à un logiciel. Ces données automatiquement récupérées permettent ensuite une éditorialisation des contenus.

Mais au-delà de l’invention de la technologie même, l’évènement fondateur pour le podcast sera la keynote annuelle de Steve Jobs en octobre 2001. Au cours de cette présentation incontournable dans le monde de la tech, le célèbre fondateur d’Apple présente pour la première fois l’iPod. Ce «nouvel appareil révolutionnaire», selon les mots de Steve Jobs, deviendra un des premiers supports des podcasts et permettra au logiciel développé par Dave Winer et Adam Curry de prendre une forme tangible et donc de généraliser l’accès à ces ensembles de fichiers.

Quelques années plus tard, en 2005, l’intégration de l’offre de podcasts à iTunes donne accès à de nouvelles portes vers la distribution. Les créateurs de podcasts peuvent désormais soumettre et indexer leurs créations au sein d’une plateforme grand public. Aujourd’hui la dépendance des créateurs de podcasts à Apple reste forte puisqu’il s’agit d’un des principaux acteurs de diffusion, notamment à travers sa plateforme dédiée : Apple Podcasts. Afin de voir leurs podcasts publiés sur les plateformes grand public, les producteurs de podcasts diffusent dans un premier temps leurs contenus audio (PAD : Prêt à diffuser) sur des plateformes d’hébergement (internes ou externes comme Soundcloud, Art 19 ou encore Pippa) qui permettent de générer des flux qui servent de stock de contenu : les flux RSS. Ce sont ces flux qui sont ensuite soumis et répertoriés au sein des différentes plateformes de diffusion comme Deezer, Spotify ou Apple Podcast. Au-delà de la mise en ligne, Apple est aussi un outil de référence en termes de communication pour les producteurs. Effectivement l’accès au classement « top podcast » et « top épisodes » fait l’objet de convoitises et reste pour l’instant une des seules références de réussite d’un podcast vis-à-vis de l’extérieur. Si aujourd’hui les smartphones se sont démocratisés et les supports d’écoute sur le numérique se multiplient, l’histoire du développement des podcasts reste en partie liée à la marque à la pomme.

Le phénomène Serial, quand le podcast devient grand public

C’est presque 15 ans après l’idée de Dave Winer et d’Adam Curry que le podcasting se démocratise aux Etats-Unis, notamment grâce au succès de la série Serial. En octobre 2014, la journaliste Sarah Kœnig enquête sur une affaire criminelle datant de 1999. La sortie de cette première saison en douze épisodes est un franc succès. Dans un article pour Slate, la journaliste Charlotte Pudlowski, cofondatrice du studio de production Louie Média, relate que « en un mois seulement, Serial dépasse les cinq millions de téléchargements – la croissance la plus rapide de l’histoire d’iTunes. Au bout de huit semaines, on est à 1,26 million de téléchargements. » La  qualité du programme et sa viralité ont ainsi permis d’évangéliser et d’accompagner une audience qui n’était pas nécessairement initiée sur un nouveau média. Serial a été un tournant qui a entraîné ensuite une meilleure connaissance des podcasts par la population américaine. Dès 2016, une étude d’Edison Research exposait que 55 % des Américains étaient désormais familiers du terme « podcasting » et que 20 % en écoutaient tous les mois . Là où en France seulement 9,7 % de la  population consommait de la radio sur les supports numériques la même année .

Si la France n’a pas connu de Serial, de programme qui aurait rendu populaire l’écoute de podcasts, les chiffres d’écoutes numériques sont néanmoins en hausse constante. Médiamétrie prend désormais les podcasts natifs dans son champ d’analyse. Ainsi, la dernière étude Global Audio de mars 2019 révélait que 22,8 % des internautes écoutaient chaque mois des contenus radio sur des supports numériques, 19,5 % concernant la radio en replay et 6,6 % des podcasts natifs. Mais la  question se pose encore régulièrement : s’agit-il d’un boom, d’un phénomène sur le long terme, ou s’agit-il encore d’une bulle ? On peut penser que l’appropriation progressive du podcast par les usagers pourrait servir de preuve à l’endurance et à la viabilité dans le temps du podcast et que le média prend le temps de s’installer progressivement dans les habitudes des auditeurs mais en réalité, le podcast reste pour l’instant un média de niche. Comme l’illustre une étude Médiamétrie de 2018 sur les profils des consommateurs de podcasts, ce média n’atteint pour l’instant qu’un public encore restreint, dans lequel les CSP+ sont largement surreprésentées puisqu’elles représentent 49 % des auditeurs.

Sortir de la niche, y aura-t-il un marché du podcast ? 

En France, le podcast est encore à l’épreuve pour devenir un média grand public. Néanmoins, sa spécialisation et la concentration des écoutes vers un public de CSP+ et plutôt jeune (71 % de moins de 50 ans ) semblent en faire un marché attrayant pour les publicitaires et  commerciaux. Plusieurs modèles économiques se développent autour du podcast :
– le modèle publicitaire, avec l’insertion en début, fin ou milieu de programme de messages promotionnels, lus directement ou non par les protagonistes du programme.
– les contenus de marque (brand content) qui consistent à créer des programmes pour des tiers, sous l’égide du studio de podcast en endossant le rôle de producteur délégué ou en marque blanche, c’est-à-dire en s’effaçant derrière la marque et en se positionnant comme producteur exécutif. Dans un article du Figaro, le studio Nouvelles Ecoutes revendiquait que 75 % de ses revenus étaient issus de cette activité .
– En parallèle de ces deux principaux modèles économiques, d’autres se développent, se testent. De nombreux producteurs s’essayent aux produits ou aux évènements dérivés de podcasts. Avec en tête de proue La Poudre, podcast phare de Nouvelles Ecoutes autour duquel s’organisent de nombreuses conférences ou enregistrements publics avec billetterie. En mai 2019, Binge Audio a aussi produit son premier spectacle : Binge en scène, une représentation autour de cinq podcasts adaptés et mis en scène. Les 500 places de la salle se sont vendues entre 18€ et 25€, le studio voit dans cette activité une nouvelle opportunité économique et souhaite réitérer l’opération au cours de la prochaine année.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Les éléments constituants du podcast natif : spécificité technique ou spécificité de contenus ?
A. Le podcast, une “tortue numérique”
1. Steve Jobs et l’arrivée de nouveaux supports d’écoute, un bref historique du podcast
2. Le phénomène Serial, quand le podcast devient grand public
3. Sortir de la niche, y aura-t-il un marché du podcast ?
B. La distribution numérique des contenus, élément constitutif du podcast natif
1. Les éléments de définition du podcast natif
2. Un écosystème naissant, aux acteurs de plus en plus nombreux
3. Des enjeux spécifiques liés aux modes de distribution : le cas de la découvrabilité
C. Podcast natif, une nouvelle façon de faire de la radio ou une qualification déjà dépassée ?
1. Les limites du travail de définition
2. Faut-il vraiment distinguer le podcast natif à la radio ?
3. La caractérisation du natif par ses contenus
II. La distribution sur le numérique, élément structurant de la conception des contenus natifs
A. Une économie de l’attention structurante pour les contenus
1. La posture de l’auditeur et les stratégies de consultation proactives
2. Parler à un individu : la singularité de l’adresse du podcast
B. Une culture de la narration & du storytelling
1. Un écrin pour le récit
2. Un contenu de stock empreint des codes de la série
3. L’influence des podcasts américains : en quête de storytelling
C. Un média « de niche » et de l’engagement
1. Audience engagée, contenu engagé
2. L’exemple des podcasts féministes
III. Un média en quête de singularité, une prophétie auto-réalisatrice
A. Le fantasme de la disruption des contenus, les limites d’une vision techniciste
1. Déconstruire l’idée d’une supériorité des programmes de stock
2. Une adaptation partielle des contenus radiophoniques aux modes de distribution
3. Un succès limité par son déploiement auprès du grand public
B. La spécificité du podcast comme outil discursif des acteurs du podcast
1. Une réflexion sur les podcasts entretenue par ses acteurs
2. Une opportunité de positionnement pour les nouveaux médias
3. L’exemple de Binge Audio, un discours en transition
C. La porosité avec les autres médias, des formats qui restent à modeler
1. Un média en évolution dans un espace multidimensionnel
2. Lien avec d’autres médias, des affiliations naturelles ?
3. Une source d’inspiration pour des médias installés
CONCLUSION

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