Intérêt du sujet, problématisation du sujet et hypothèses de recherche
Suite à la séquence électorale de 2012, nous faisons le constat d’une position hégémonique acquise par le parti socialiste dans la région Bretagne.
Cette position hégémonique se caractérise très simplement par des succès lors de toutes les élections depuis 2007 et logiquement par l’occupation des différents postes de pouvoir politiques dans la région. Ainsi, le candidat du PS à l’élection présidentielle de 2012, François Hollande, arrive en tête au premier et au second tour dans les quatre départements bretons. Les élections législatives de juin 2012 donnent au PS dix-huit sièges sur les vingt-sept mis en jeu, de plus, trois autres sièges sont remportés par des candidats « divers gauche » qui vont s’apparenter au groupe PS dès le début de la législature . Ce résultat est à mettre en relation avec celui des élections législatives de 2007 où le PS et les Divers Gauche ne remportaient que quatorze sièges sur vingt-six.
Les différentes élections ayant eu lieu pendant la législature 2007 – 2012 ont permis au parti socialiste, grâce à une progression lors de chaque élection, de confirmer son implantation dans la région. Ainsi, aux élections sénatoriales de 2011 dans le Morbihan, la liste d’Union de la Gauche possédant une tête de liste PS a pu emporter les trois sièges mis en jeu alors que les partis de centre droit et de droite en possédaient deux. Les élections sénatoriales de 2008 concernaient les trois autres départements bretons, trois candidats de gauche, dont deux socialistes remportent les trois sièges dans les Côtes d’Armor, le PS obtient trois sièges sur quatre dans le Finistère et en Ille et Vilaine. Au total, la droite ne possède plus que deux sièges sénatoriaux sur quatorze dans la région, alors que les socialistes en possèdent neuf.
Les quatre conseils généraux de la région Bretagne n’ont pas été témoin d’un basculement de présidence entre la droite et la gauche lors des élections cantonales de 2008 et de 2011, le seul changement de présidence concerne le conseil général du Morbihan qui dont le nouveau président, élu en 2011 appartient à l’UMP alors que le précédent appartenait à l’Alliance Centriste. A l’issue des élections de 2011, la gauche possède de confortables majorités dans le département des Côtes d’Armor (trente-huit sièges sur cinquante-deux), dans le département du Finistère (quarante sièges sur cinquante-quatre) et dans le département de l’Ille et Vilaine (trente-cinq sièges sur cinquantetrois) alors que le PS possède la majorité absolue des sièges dans les Côtes d’Armor et le Finistère.
Le département du Morbihan est administré par un président UMP qui possède une faible majorité au sein de l’assemblée départementale, majorité qui a, de plus, tendance à s’amenuiser au fil des élections (vingt-quatre sièges sur quarante-deux).
Les élections régionales de 2010, particulièrement intéressantes dans le cadre de notre sujet car se déroulant dans un cadre régional, ont vu un maintien de la liste PS à un niveau très haut (37,2 % des suffrages exprimés au premier tour contre 38,5% en 2004) et une progression globale des listes de gauche (59,5% des suffrages exprimés contre 52,9% en 2004). Les dissensions entre le PS et les écologistes, combinées au score important (12,2% des suffrages exprimés) de la liste EELV ont provoquées le maintien de cette liste au second tour de cette élection. Malgré cela, le PS obtient la majorité absolue des suffrages exprimés lors du second tour, les deux listes de gauche obtenant ensemble 67,6% des suffrages exprimés. Concrètement, la liste conduite par le PS possède, après les élections régionales de 2010, cinquante-deux sièges sur quatre-vingt-trois au conseil régional.
Enfin, les élections municipales de 2008 ont permis au PS de conforter ses positions dans les villes les plus importantes de la région, ainsi à Rennes, le candidat PS à la tête d’une liste d’Union de la Gauche (sans les écologistes) obtient 47% des suffrages exprimés au premier tour et 60,4% au second tour, malgré le fait qu’il ne soit pas le maire sortant. Le maire sortant PS de Brest, François Cuillandre obtient des résultats très comparables, alors que la liste du maire PS de Lorient, Norbert Métairie, obtient 64% des suffrages exprimés dès le premier tour de l’élection.
Nous ne pourrons pas analyser en détail ces différents résultats, pour des raisons évidentes de forme, nous ferons donc en sorte de nous concentrer sur l’analyse de la séquence électorale de 2012 dans cette étude, néanmoins, il s’agit de ne pas perdre de vue ces éléments importants.
Les résultats décrits ci-dessus confirment donc le constat d’une hégémonie du PS dans la région Bretagne. Dans cette étude, nous nous appliquerons à comprendre comment s’est construite cette hégémonie, quels en sont les fondements et comment elle se caractérise dans les élections législatives, voire dans l’élection présidentielle.
Suite à cette brève présentation, il semble nécessaire et pertinent de s’interroger sur la poussée sensible de la gauche lors de la séquence électorale de 2012 en Bretagne, concrètement, quels sont les clés pour comprendre cette progression en voix et en sièges ?
Pour répondre à cela, nous mettons en avant plusieurs hypothèses de recherche, qui peuvent se compléter :
− La région Bretagne possède le plus faible taux d’étrangers de toutes les régions françaises (environ 2%), cela expliquerait le fait que les partis politiques mettant en avant un discours centré sur le refus de l’immigration, à l’instar du FN n’ont que peu de succès en Bretagne.
Les électeurs ne considérant pas ce sujet comme pertinent vu qu’ils ne sont pas (ou peu) confrontés au phénomène d’une immigration visible. Il y aurait dans la région, un moindre impact de l’enjeu immigration.
− La sociologie des électeurs bretons évolue, l’influence du phénomène religieux dans une région à forte tradition catholique est beaucoup moins important qu’auparavant. La population bretonne augmente assez rapidement essentiellement dans les grandes villes (Rennes, Brest…). La sociologie des grandes villes est généralement proche de la sociologie de l’électorat socialiste (classe moyenne, diplômée, ouverte au monde extérieur).
− Le taux de chômage (8,3% en 2012) et les inégalités sociales sont structurellement plus faibles que la moyenne nationale en Bretagne, ce qui peut expliquer le plus fort taux de participation observé lors des différents scrutins.
− L’occupation des différents postes de pouvoirs locaux (la moitié des sièges de députés suite aux élections de 2007, présidence du conseil régional, présidences de trois conseils généraux, nombreuses mairies…) par le PS a permis de fidéliser une certaine clientèle électorale et une rétribution militante plus importante.
− Pour ce qui est de la représentation parlementaire, le mode de scrutin majoritaire à deux tours possède un important effet amplificateur. Le PS a pu remporter certains sièges grâce à une faible majorité. Le résultat spectaculaire obtenu en sièges est donc en grande partie dû au mode de scrutin.
− L’influence du courant centriste s’est largement amenuisé au sein de l’UMP et la stratégie de droitisation a visiblement rencontré assez peu d’écho chez les électeurs bretons, paradoxalement, la région Bretagne est la région dans laquelle François Bayrou a perdu le plus de pourcentage des suffrages exprimés entre 2007 et 2012, alors que c’est la région où Nicolas Sarkozy a résisté le mieux, connaissant une déperdition des suffrages (en proportion relative) moins importante que sa moyenne nationale. Ceci peut s’expliquer par le succès important de Ségolène Royal, candidate socialiste en 2007, le score de François Hollande peut alors être vu comme un rééquilibrage après la forte poussée socialiste de 2007, Nicolas Sarkozy étant, en fait, le bénéficiaire indirect de ce rééquilibrage, et ce, grâce au moindre impact de son bilan économique, dans la région.
− La tradition centriste et démocrate-chrétienne inhérente à la Bretagne (18 députés MRP sur 30 malgré scrutin proportionnel lors de l’élection à l’assemblée constituante de 1946, encore 9 sur 25 appartenant au MRP en 1962) tend à être remplacée par la sociale-démocratie. Le candidat centriste a bénéficié de très peu de soutiens locaux d’importance à l’occasion de l’élection présidentielle. L’héritier de la tradition démocrate-chrétienne, Pierre Méhaignerie appartenait à l’UMP à ce moment-là et a soutenu Nicolas Sarkozy.
Méthodologie
Nous disposons de trois types de données pour analyser le comportement électoral : les résultats électoraux eux-mêmes qui sont des données agrégées et dont le bureau de vote constitue en France, le niveau le plus fin, les données d’enquête par sondages qui sont des déclarations d’individus figurant dans un échantillon représentatif et les entretiens qualitatifs semi-directifs où l’on fait s’exprimer longuement et librement un petit nombre de personnes. Dans le cas de ce mémoire, il nous a semblé intéressant de privilégier la première et la troisième méthode.
Il est aujourd’hui aisé d’obtenir des données électorales récentes, en effet, ces dernières sont numérisées par le ministère de l’intérieur, et sont très facilement lisibles, concernant ce travail de recherche, il apparaît incontournable de travailler sur ces données qui constituent l’essence même d’une analyse électorale. Dans cette étude, nous utiliserons comme élément de comparaison les circonscriptions législatives, remaniées en 2010.
Un travail sur les données d’enquête par sondages apparaît beaucoup moins intéressant et forcément biaisé, en effet, notre étude se cantonne à l’analyse des scrutins de 2012 en Bretagne, et les sondages concernant la présidentielle sont réalisés sur la France entière. Pour les élections législatives, les enquêtes concernant certaines circonscriptions sont rares (du fait d’un problème de coût) de plus, elles ne concernaient pas, en 2012, les circonscriptions de la région Bretagne.
Les entretiens qualitatifs peuvent être retenus comme méthode d’analyse dans le cadre de ce mémoire, néanmoins il ne peut s’agir d’entretiens avec des électeurs car le travail ne peut être représentatif faute de temps et de moyens. Il apparaît plutôt prégnant de s’entretenir avec un géographe spécialiste de la région tel Michel Bussi et des élus bretons issus des principaux mouvements politiques. Ainsi interroger Jacques Le Guen, député UMP du Finistère de 2002 à 2012 et Pierre Méhaignerie, député UDF puis UMP (aujourd’hui à l’UDI) de l’Ille et Vilaine de 1973 à 2012 pourrait permettre d’avoir des éléments de réponse quant à l’influence de la droitisation de l’UMP sur les électeurs bretons. Un entretien avec Guy Hascoët, le président du groupe EELV au conseil régional permettrait de comprendre les raisons de la mésentente entre le PS et EELV au niveau régional, un entretien avec Gilbert le Bris député PS du Finistère depuis 1981 (avec plusieurs discontinuités) permettrait d’aborder le thème de l’hégémonie du PS dans la région.
Structure du mémoire
Pour obtenir des éléments de réponse à la problématique et exclusivement au vu des résultats électoraux de la région, il existe trois possibilités complémentaires :
− Une étude par scrutin
− Une étude par forces politiques
− Une étude par zone géographique
Il peut paraître intéressant, pour cette étude de privilégier une présentation départementale puis une analyse régionale à l’aide des circonscriptions pour l’élection présidentielle. Pour les élections législatives, une analyse par scrutin avec une l ogique d’analyse détaillée de chacune des circonscriptions apparaît comme la plus pertinente. Cette étude n’a d’intérêt que si la dimension comparative est prégnante, ainsi, les résultats des séquences électorales de 2002 et de 2007 dans la région, les départements et les circonscriptions seront très souvent utilisés comme variables d’analyse.
Les statistiques de l’INSEE concernant, l’immigration, la structure de la population par âge et par Catégories socio-professionnelles, le taux de chômage et d’autres caractéristiques sociodémographiques, disponibles par communes, cantons, départements et pour la région vont compléter utilement, au niveau sociologique, l’analyse basée sur les résultats électoraux et confirmer ou infirmer les différentes hypothèses de recherche.
L’élection présidentielle de 2012 dans la région Bretagne.
Cette première partie de l’étude sera consacrée à l’analyse des résultats de l’élection présidentielle dans la région. Il s’agira de comprendre pourquoi François Hollande parvient à obtenir un score si important dans la région.
Avant d’analyser les résultats de l’élection présidentielle de 2012 en Bretagne, il convient de rappeler les résultats des élections possédant un enjeu régional ou national dans la région.
Ce tableau possède une double utilité, il permet de connaître l’état exact des forces des différents partis ou mouvances politiques dans la région lors des élections présidentielles de 2002, 2007 et 2012. Il permet également une comparaison rapide entre les résultats sur la France entière et les résultats en Bretagne si l’on se réfère au tableau 1 présenté en introduction. Cette comparaison permet d’observer un phénomène particulier : Le total des voix de gauche et des écologistes est systématiquement supérieur d’au moins 3 points en Bretagne par rapport à la moyenne nationale, dans le même temps, le total des voix de Droite est systématiquement inférieur d’au moins 2 points en Bretagne par rapport à la moyenne nationale. Ces différences s’accentuent avec le temps, quand on observe le premier tour des différents élections présidentielles, elles sont ainsi plus importantes en 2012 qu’en 2002 ou en 2007. On observe donc qu’à l’occasion des élections les plus politisées et qui génèrent le plus de participation, la Bretagne est une région sensiblement plus à gauche que la moyenne nationale. Ainsi, il est important de garder ces chiffres en tête pour la suite de l’étude, notre but sera de comprendre pourquoi ces différences sont si importantes.
La participation
Intéressons nous tout d’abord à la participation dans la région à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012. La Bretagne possède une tradition ancienne de forte participation à la vie sociale et politique, le grand nombre de catholiques pratiquants expliquant ce phénomène. . Si la baisse de la participation électorale constatée dans tout le territoire français depuis le début des années 1980 n’épargne pas la Bretagne, cette entité territoriale reste une des régions où la participation est la plus importante. Lors des élections présidentielles de 2002 et de 2007, la participation est systématiquement d’au moins 3 points supérieure à la moyenne nationale. En 2012, la Bretagne est la région française la plus participative lors du scrutin présidentiel . En effet 81,1% des 2,4 millions de bretons inscrits sur les listes électorales ont voté aux deux tours de l’élection, taux supérieur de 4,4 points à la moyenne nationale. De plus, la région est le théâtre d’un phénomène particulier qui est la participation plus importante des hommes aux deux tours de cette élection (84% contre 79% de femmes) alors qu’en France, on retrouve le même chiffre (77%) quel que soit le genre de l’électeur.
Le graphique présenté par les deux auteurs nous indique qu’en Bretagne comme en France, la structure de la participation par l’âge est très classique, ainsi, la participation est plus faible (72,5%) chez les plus jeunes électeurs, elle ne cesse de croître avec l’âge, atteignant un pic chez les 40-70 ans (90% d’entre eux ont voté aux deux tours de l’élection présidentielle). La participation recule fortement ensuite, du fait des problèmes de sante et/ou d’invalidité chez les personnes les plus âgées. De même, les femmes âgées vivant seules pour cause de veuvage ne se déplacent que très rarement pour voter, en effet, elles appartiennent à une ancienne génération où la politisation était plus une affaire masculine, de plus, ces femmes sont généralement très peu diplômées, ce qui ne favorise pas la participation aux élections.
De la même manière, la structure de la participation par diplôme est sensiblement la même que la moyenne nationale, si ce n’est que les chiffres sont plus importants en Bretagne. Le tableau 2 nous montre que seuls 6% des diplômes de l’enseignement supérieur se sont abstenus lors des deux tours alors que ce chiffre grimpe à 18% pour les détenteurs du seul BEPC et à 22% pour les non diplômés.
La catégorie socio-professionnelle la plus participative dans la région est composée des agriculteurs avec un taux supérieur à 95%, alors que ce sont les retraités (74% de participation aux deux tours de l’élection ) qui ferment la marche dans ce classement, il est intéressant de signaler qu’il s’agit de la seule catégorie socio-professionnelle dans laquelle la moyenne nationale est supérieure au score breton, ce fait est à mettre en rapport avec le fait que le candidat de la droite obtienne ici parmi ses plus faibles scores, si l’une des composantes principales de son électorat se mobilise moins, il est difficile pour lui de réaliser un bon score dans ce territoire.
Les résultats dans la région
L’élection présidentielle de 2012 a été remportée par François Hollande avec 51,6% des suffrages exprimés. En Bretagne, il obtient 56,4% des suffrages exprimés, soit un différentiel positif de 4,8 points. Ce résultat place la Bretagne au cinquième rang des régions françaises en France métropolitaine, alors qu’elle se classait au troisième rang, avec 52,6% obtenus par Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle de 2007 . On peut donc constater une rétrogradation en rang de la Bretagne dans la hiérarchie des régions françaises, néanmoins, cette rétrogradation est peu significative, l’indice calculé dans le tableau 6 nous indique que François Hollande obtient un indice de 1,07 par rapport au score de Ségolène Royal en 2007 dans la région. Cet indice est un des plus faibles obtenu dans le tableau, toutefois la progression en valeur absolue du score de François Hollande dans la région est juste légèrement inférieure à ce qu’on constate sur la France entière (+3,8 contre +4,7). Ce faible indice s’explique par le score important obtenu par Ségolène Royal en 2007, les règles de la logique nous apprennent qu’il est plus difficile d’augmenter un résultat en valeur relative quand ce résultat est déjà haut. L’observation des résultats issus du tableau 4, permet de connaître les principales caractéristiques électorales de la région. Lors de l’élection présidentielle de 2012, les partis situés à la gauche du PS obtiennent des résultats sensiblement équivalents à leur moyenne nationale, ce qui peut être étonnant dans une région où le communisme n’a jamais percé, en-dehors de quelques bastions dans les Côtes d’Armor et le Finistère. Néanmoins, lorsque les partis trotskystes et anticapitalistes obtenaient des scores importants, lors des élections de 2002 et de 2007, le score cumulé de la gauche de la gauche était supérieur dans cette région à la moyenne nationale.
Les résultats de la gauche gouvernementale, comprenant le Parti Socialiste et Europe Écologie-Les Verts, partis dont les relations sont parfois difficiles dans la région, phénomène sur lequel nous reviendrons, sont largement supérieurs en Bretagne par rapport à leur moyenne nationale. Néanmoins, le score du candidat du PS progresse moins dans la région que sur la France entière comme nous venons de le signaler. Gilbert Le Bris, député PS du Finistère, pense que cela est dû au fait que la candidate PS de 2007, Ségolène Royal, suscitait beaucoup de ferveur chez les bretons car elle correspondait à ce que ces électeurs attendaient d’une personnalité politique. De même, il est possible que le poids du bilan économique de Nicolas Sarkozy soit moins important qu’ailleurs, la région Bretagne étant l’une des moins touchées par le chômage.
Il est possible de penser que les choses se sont moins dégradées en Bretagne que dans d’autres régions, ce qui expliquerait cette moindre hausse du candidat socialiste.
Le candidat du Mouvement Démocrate, François Bayrou, incarnant un centre indépendant de la droite de gouvernement, mais représentant la tradition démocrate-chrétienne obtient des résultats importants en Bretagne, à tel point que c’est la région où il obtient le plus de suffrages exprimés (en pourcentage) lors de l’élection présidentielle de 2007. La déperdition de ces suffrages entre 2007 et 2012 est même moins importante dans la région où son score est divisé de moitié.
L’enjeu immigration en Bretagne
L’hypothèse selon laquelle le faible taux d’étrangers (2,2% selon l’INSEE) dans la région Bretagne expliquerait le fait que les partis politiques mettant en avant un discours centré sur le refus de l’immigration, à l’instar du FN, voire de l’UMP, n’ont que peu de succès en Bretagne, mérite d’être largement prise en considération. En effet, la question de l’immigration tient une place centrale dans la période de politique ordinaire allant de 1984 à 2007 et est un des sujets de controverse les plus importants lors de la campagne électorale de l’élection présidentielle de 2012.
Pour comprendre la signification électorale de l’enjeu immigration, nous reproduisons ici une partie du tableau produit par Pierre Martin dans son article paru dans la revue « Commentaires » suite aux élections législatives de 2012.
Les circonscriptions concernées, citons ici la deuxième circonscription du Morbihan qui compte 0,9% d’étrangers et où Nicolas Sarkozy obtient 50,6% des voix au second tour de l’élection ou encore la quatrième circonscription de l’Ille et Vilaine , ces circonscriptions se situent en fait à la périphérie des centres urbains, entre Vannes et Lorient pour la deuxième circonscription du Morbihan, au Sud-Est de Rennes pour la quatrième circonscription de l’Ille et Vilaine. Différentes études montrent que ce ne sont pas les territoires où le nombre d’étrangers et le nombre de français d’origine étrangère est le plus important qui votent le plus à droite, mais plutôt ceux qui sont à leur périphérie immédiate, en zone péri-urbaine, voire rurale. C’est, en fait, le « gradient d’urbanité » (voir figure 1), c’est à dire la distance qui sépare la commune de résidence de la grande agglomération la plus proche qui a une incidence électorale de plus en plus forte. Les habitants des territoires faisant partie du « grand péri-urbain », dénomination qui regroupe les communes rurales et les petites villes situées dans un rayon de 20 à 50 kilomètres des grandes agglomérations, craignent la concurrence de l’emploi étranger, l’insécurité des quartiers sensibles et ont le désir de garder leur « mode de vie » . Il faut également rappeler que ce sont sur ces territoires que vivent les populations les plus riches, cette conjonction de deux facteurs peut alors expliquer le vote de droite plus important dans ces territoires. Nous ne possédons pas d’enquêtes spécifiques à la Bretagne sur la question de la xénophobie mais divers travaux ont montré que l’attitude xénophobe était tout à fait indépendante du découpage par zones, c’est à dire de l’intensité de la présence de populations immigrées. L’immigration peut devenir un facteur de politisation négative (en réaction contre) si et seulement si l’électeur est déjà xénophobe, la faible intensité de la présence immigrée en Bretagne a une nette influence sur le vote des personnes les plus xénophobes, ces dernières sont alors assez peu nombreuses à transformer leur attitude xénophobe en comportement électoral, ce qui s’explique par le faible (mais tout de même réel) impact de l’immigration dans les centres urbains comme Rennes, Brest ou Lorient.
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Table des matières
Introduction
Présentation du sujet
Cadre théorique
L’enjeu de la séquence électorale de 2012
Les modalités et les résultats de l’élection présidentielle et des élections législatives de 2012
Intérêt du sujet, problématisation du sujet et hypothèses de recherche
Méthodologie
Structure du mémoire
I. L’élection présidentielle de 2012 dans la région Bretagne
La participation
Les résultats dans la région
Les résultats dans les départements
Les caractéristiques sociologiques et leur influence sur le vote
L’enjeu immigration en Bretagne
L’influence d’un député sur le vote des électeurs de sa circonscription à l’élection
présidentielle
La résistance de Nicolas Sarkozy dans la région, un moindre impact du bilan ?
La Bretagne : De la démocratie-chrétienne à la sociale-démocratie ?
II. Les élections législatives de 2012 dans la région Bretagne
Causes, modalités et enjeux des élections législatives de 2012
Vue générale des élections législatives dans la région
Les élections législatives de 2012 dans les Côtes d’Armor
Les élections législatives de 2012 dans le Finistère
Les élections législatives de 2012 dans l’Ille et Vilaine
Les élections législatives de 2012 dans le Morbihan
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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