Les écoles religieuses dans le débat éducatif
Les écoles orthodoxes
Les premières écoles juives à avoir vu le jour et qui existent toujours à l’heure actuelle sous le nom des Écoles Talmud Torahs Unis, ont été fondées par la communauté ashkénaze de Montréal issue de l’Europe de l’Est (depuis 1880). S’inscrivant dans une conception religieuse traditionnelle (orthodoxe), ces écoles véhiculent une philosophie éducative inspirée des dogmes et des traditions datant de l’origine du judaïsme. Ainsi, la Torah (loi écrite) et le Talmud (loi orale) se retrouvent au fondement de l’enseignement transmis dans les Écoles Talmud Torahs Unis, en plus de la transmission de la foi en Dieu et de la pratique des prières quotidiennes. À l’origine, ces écoles permettaient en quelque sorte de reproduire les écoles des Shtetls (petits villages juifs d’Europe de l’Est) et ainsi de perpétuer les traditions du pays d’origine (Robinson, 2010, p. 28-‐30 ; Corcos, 1997, p. 38). Mais, avec le temps, elles ont évolué au sein du contexte montréalais, tout en conservant un certain nombre de caractéristiques essentielles, dont un curriculum religieux fondé sur l’apprentissage de l’hébreu, des études bibliques, de l’héritage juif et de l’histoire du peuple juif et d’Israël (Herzliah, 2011). On compte aujourd’hui quatre établissements Talmud Torahs Unis à Montréal (sections anglaise et française), dont la moitié se consacrent au niveau secondaire et les autres, aux niveaux primaire et préscolaire.
Les écoles de mouvance hassidique et ultraorthodoxe
À l’heure actuelle, environ la moitié des écoles privées juives implantées au Québec (à Montréal et dans une moindre mesure à Boisbriand) s’inscrivent dans la mouvance hassidique ou ultraorthodoxe (MELS, 2011). Il va de soi que l’attitude de rejet (à différents degrés) de la société ambiante, la vitalité communautaire et la forte croissance démographique qu’affichent ces groupes expliquent certainement en partie le nombre important d’écoles hassidiques existantes. Cependant, bien qu’elles partagent plusieurs points communs, ces écoles développent des pratiques pédagogiques fort variables en fonction du degré d’(ultra) orthodoxie qu’elles observent. Malgré ces variantes, le mouvement hassidique renvoie généralement à une « religion du sentiment » se traduisant avant tout par la « joie » de pratiquer la religion, priorité placée devant le respect littéral de la doctrine, des normes et la connaissance fine des textes sacrés (Wiesel, 1972, p. 19). Les hassidim se réunissent habituellement autour d’un « rèbbe », un chef charismatique, qui guide les fidèles; « ignorant le monde extérieur, ses menaces et ses persécutions, ils se renferment sur eux-‐mêmes et se réchauffent à la flamme des contes mystiques » (Wiesel, 1972, p. 19).a première école hassidique ouverte à Montréal, le collège Rabbinique du Canada, alors appelé Tomché Tmimim, a été fondée par le mouvement Loubavitch en 1941. À cet établissement s’ajoutent la Yeshiva Gedola-‐Merkaz Hatorah (1941) et l’école Beth Rivka (1956), destinée aux filles hassidiques. En plus de respecter une séparation des garçons et des filles dans toutes les activités éducatives, chaque école hassidique cherche habituellement à recréer la vie juive d’avant la Shoah, où chaque groupe possédait son école (Bauer, 2010, p. 223). Les autres écoles hassidiques, incluant l’Académie Beth Esther, les écoles communautaires Belz, l’école première Mesfita du Canada et les écoles communautaires Skyver, appartiennent à des tendances encore plus strictes du hassidisme, surtout en ce qui concerne les Satmar (Beth Esther) (MELS, 2011). Jusqu’à maintenant, six groupes ont ouvert des écoles hassidiques pour les garçons (Belz, Loubavitch, Satmar, Skyver, Viznitz et Tash) et cinq autres, des écoles pour les filles (Belz, Loubavitch, Satmar, Skyver et Tash).
Selon Bauer (2010), il est en soi surprenant que tant d’écoles hassidiques soient parvenues à survivre aussi longtemps dans le paysage scolaire québécois puisque le rejet du monde extérieur qu’affichent ces communautés pose des défis de taille quant à leur respect des critères nécessaires à l’obtention de subventions gouvernementales pour les écoles, dont les exigences concernant la langue d’enseignement, les cours et les horaires. En effet, trois clivages normatifs, en lien avec la langue d’enseignement, l’égalité des sexes et l’instruction, séparent la philosophie éducative hassidique (surtout parmi les communautés d’Outremont) et celle du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). D’abord, la langue d’enseignement privilégiée dans ces écoles est essentiellement le yiddish, suivie de l’anglais et dans une moindre mesure, du français. Ensuite, les hassidim réservent aux filles un enseignement d’ordre général en plus de l’éducation religieuse, mais pas aux garçons : « Ceux-‐ci doivent étudier, et l’étude, c’est la religion » (Bauer, 2010, p. 224). Par conséquent, finalement, la plupart de ces écoles jugent prioritaire l’enseignement religieux, lequel empiète souvent sur l’éducation générale prévue au Programme de formation de l’école québécoise (profane) (Bauer, 2010, p. 223-‐224). Il n’y a, parmi les hassidim, que les loubavitch qui manifestent un degré d’ouverture passablement plus élevé à l’égard de la société environnante, comme en témoignent leurs écoles, qui ouvrent leurs portes à tous ceux qui s’intéressent au type d’éducation qu’ils prônent (Bauer, 2010, p. 224).
Guide du mémoire de fin d’études avec la catégorie La face externe des trois communautés éducatives
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Table des matières
RÉSUMÉ REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
L’école religieuse, un lieu de scolarisation « parallèle » ?
Les transformations du croire dans la modernité avancée
CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE
1. 1. Les écoles religieuses dans le débat éducatif
1.1.1. La peur de l’endoctrinement
1.1.2. La crainte de la division sociale
1.2. Vers un nouveau regard sur les écoles religieuses
1.3. Les écoles religieuses au Québec : un état des lieux
1.4. Les écoles religieuses au Canada, en France et au Royaume-‐Uni
1.5. La question préliminaire de recherche
1.6. Les minorités juive, musulmane et « anthroposophique » au Québec : un aperçu sociologique
1.6.1. La communauté juive
1.6.1.1. Les écoles ashkénazes
1.6.1.2. Les écoles sépharades
1.6.2. La communauté musulmane
1.6.2.1. Les écoles musulmanes
1.6.3. La communauté anthroposophique (Écoles Rudolph Steiner)
1.6.3.1. Quelques repères sur le projet éducatif des écoles Rudolph Steiner
1.7. École, religions et droits des parents : repères juridiques et normatifs
1.7.1. La propriété de l’école
1.7.1.1. L’école comme institution partagée entre les parents, l’État et l’intérêt de l’enfant
1.7.1.2. L’école comme prolongement de la famille
1.7.2. La portée du droit des parents dans la littérature juridique
1.7.2.1. Le droit des parents dans la sphère internationale
1.7.2.2. Les droits des parents dans le contexte canadien et québécois
CHAPITRE 2 LES ÉCOLES À PROJET RELIGIEUX OU SPIRITUEL
2.1. Les questions de recherche
2.2. Les indicateurs de la recherche empirique
2.2.1. Les interactions entre le curriculum « séculier » et une perspective religieuse ou spirituelle
2.2.1.1. Sur la notion de curriculum
2.2.1.2. Les curricula formel et réel dans la recherche empirique
2.2.1.3. Le curriculum informel dans la recherche empirique
2.2.2. La conception de l’autonomie dans la scolarisation
2.2.2.1. L’autonomie fondée sur la raison ou l’École républicaine
2.2.2.2. L’autonomie dans l’enracinement culturel ou l’École libérale
2.2.2.3. Le développement de l’autonomie dans la recherche empirique
2.2.3. La formation du citoyen et la perspective religieuse ou spirituelle
2.2.3.1. Deux conceptions du rôle de l’école dans la formation du citoyen
2.2.3.2. La formation du citoyen dans la recherche empirique
2.2.3.3. Les attitudes des élèves à l’égard de la diversité ambiante
2.2.4. La hiérarchisation des valeurs éducatives
2.2.5. Les écoles à vocation religieuse ou spirituelle: une communauté croyante?
2.2.5.1. Une continuité entre la socialisation primaire et secondaire
2.2.5.2. Des modèles « de » et des modèles « pour » la réalité
2.2.5.3. La « communauté » éducative
CHAPITRE 3 ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES
3.1. L’origine et les fondements épistémologiques de l’ethnographie en sociologie
3.2. L’ethnographie appliquée à l’étude des cultures scolaires
3.2.1. Le rituel scolaire au fondement de la culture de l’école
3.3. La démarche de collecte des données
3.3.1. Le regard du chercheur dans la perspective ethnographiqu
3.3.2. La question de l’objectivité et de l’implication personnelle du chercheur
3.3.3. La négociation de l’entrée et l’intégration sur le terrain
3.3.4. Les outils d’observation : la grille d’approche
3.3.5. Les méthodes de soutien à l’observation
3.3.5.1. Les conversations informelles
3.3.5.2. Les entrevues semi-‐dirigées
3.3.5.3. L’étude documentaire
3.3.6. Les traces écrites de l’observation
3.3.6.1. Le journal ethnographique
3.3.7. La démarche d’analyse
3.4. Les écueils potentiels et les limites de la perspective ethnographique
3.3.1. Le choix des sites de recherche
3.3.1.1. L’école juive
3.3.1.2. L’école musulmane
3.3.1.3. L’école Steiner
3.3.2. Les modalités de l’observation dans les écoles
3.3.3. Préambule à l’analyse des données
CHAPITRE 4 L’ÉCOLE STEINER, LA TRANSMISSION D’UNE NOUVELLE VISION DU MONDE?
4.1. Un matin à l’école Steiner
4.2. La face interne de la communauté éducative
4.2.1. La formation attendue
4.2.1.1. Les principes valorisés dans l’école
4.2.1.2. Les vecteurs de transmission de la pédagogie Steiner aux parents
4.2.1.3. Les raisons d’un choix chez les parents
4.2.1.4. Une exigence de cohérence entre la famille et l’école
4.2.1.5. La consolidation d’une « base » spirituelle
4.2.2. L’enseignement et le discours éducatif
4.2.2.1. Une imbrication des curricula formel et anthroposophique
4.2.2.2. Le curriculum réel et la perspective anthroposophique
4.2.2.3. Le curriculum informel
4.2.3. Les enseignants
4.2.3.1. Un « choc biographique » à l’entrée dans l’école
4.2.3.2. Une formation spécialisée
4.3. La face externe de la communauté éducative
4.3.1. La critique de la société actuelle
4.3.1.1. La rigidité du paradigme éducatif du MEL
4.3.1.2. Le règne du matérialisme
4.3.1.3. Le culte de l’instantanéité
4.3.1.4. Le mal de vivre
4.3.1.5. La création d’une « frontière » spirituelle?
4.3.2. La citoyenneté véhiculée à l’école
4.3.2.1. Une universalisation du spirituel?
4.3.2.2. Des qualités sociales
4.4. Conclusion : une utopie pratiquée dans l’école
CHAPITRE 5 L’ÉCOLE MUSULMANE, UN « PONT » ENTRE DEUX CONTEXTES DE SOCIALISATION?
5.1. Un matin à l’école musulmane
5.2. La face interne de la communauté éducative
5.2.1. La formation attendue
5.2.1.1. L’excellence valorisée dans l’école_
5.2.1.2. Le profil religieux différencié des parents
5.2.1.3. Les raisons d’un choix chez les parents
5.2.1.4. La consolidation d’une « base » musulmane
5.2.2. L’enseignement et le discours éducatif
5.2.2.1. Une juxtaposition des curricula formel et religieu
5.2.2.2. Le curriculum réel et la perspective religieuse
5.2.2.3. L’initiation des élèves à une réflexivité critique sur l’islam
5.2.2.4. Le curriculum informel
5.2.3. Les enseignants
5.2.3.1. Un tremplin professionnel?
5.3. La face externe de la communauté éducative
5.3.1. La perception de la société environnante
5.3.1.1. Une « frontière » morale?
5.3.1.2. Une « frontière » parfois ressentie
5.3.2. La citoyenneté véhiculée à l’école
5.3.2.1. Un vecteur d’acculturation
5.3.2.2. Un lieu d’apprentissage de stratégies identitaires
5.4. Conclusion : une utopie pratiquée dans l’école
CHAPITRE 6 L’ÉCOLE JUIVE, UN LIEU D’ENRACINEMENT D’UNE MINORITÉ DE LONGUE DATE?
6.1. Un matin à l’école juive
6.2. La face interne de communauté éducative
6.2.1. La formation attendue
6.2.1.1. L’excellence valorisée dans l’école
6.2.1.2. Les raisons d’un choix chez les parents
6.2.1. 3. La consolidation d’une « base » juive
6.2.1.4. Un choix marqué pour l’école secondaire non-‐juive
6.2.2. L’enseignement et le discours éducatif
6.2.2.1. Une juxtaposition des curricula formel et religieux
6.2.2.2. Le curriculum réel et la perspective religieuse
6.2.2.3. L’initiation des élèves à une réflexivité critique sur le judaïsme
6.2.2.4. Le curriculum informel
6.2.3. Les enseignants
6.2.3.1. La filiation avec la mémoire juive
6.3. La face externe de la communauté éducative
6.3.1. La perception de la société environnante
6.3.1.1. Une perception « asymétrique » des anglophones et des francophones?
6.3.2. La citoyenneté véhiculée à l’école
6.3.2.1. Une ouverture cognitive à la diversité
6.3.2.2. L’engagement dans des activités caritatives
6.3.2.3. Une intégration « communautaire » à la société québécoise?
6.4. Conclusion : l’absence d’utopie pratiquée dans l’école
CHAPITRE 7 LES ÉCOLES PRIVÉES À PROJET RELIGIEUX OU SPIRITUEL : COMPARAISON ET APPORTS DES EXPÉRIENCES ÉTUDIÉES
7.1. Un rappel des objectifs
7.2. La face interne des trois communautés éducatives
7.2.1. La formation attendue
7.2.1.1. De l’excellence… au développement « global » valorisé dans l’école
7.2.1.2. Une « base » religieuse ou spirituelle souhaitée par les parents
7.2.2. L’enseignement et le discours éducatif
7.2.2.1. Une autonomie à géométrie variable dans l’enseignement
7.2.2.3. Des lieux d’interactions entre les savoirs séculiers et religieux
7.2.2.4. Le rôle clé du curriculum informel
7.2.2.5. Une culture religieuse, spirituelle ou « identitaire »?
7.2.3. Les enseignants
7.3. La face externe des trois communautés éducatives
7.3.1. Regards sur la société environnante
7.3.2. La citoyenneté véhiculée
7.3.3. Communauté « d’esprit », « virtuelle » ou « conforme » à la tradition: les régimes de validation du croire
7.3.4. Une utopie pratiquée dans l’école?
7.3.4.1. La référence à un passé idéalisé
7.3.4.2. Un rapport ambivalent au présent
7.3.4.3. L’espoir d’un avenir plus reluisant
7.4. Discussion
7.4.1. Retombées théoriques
CONCLUSION GÉNÉRALE
8.1. Rappel de la problématique et des objectifs de recherche
8.2. Synthèse et constatations générales
8.3. Retombées empiriques et recommandations
8.4. Prospectives de recherche
BIBLIOGRAPHIE
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