Les eaux continentales : des sources de carbone et d’azote encore mal connues

L’effet de serre 

Le système climatique est constitué de différentes composantes interagissant entre elles, l’atmosphère, l’hydrosphère, la cryosphère, la biosphère et les surfaces continentales (IPCC, 2013). Ces interactions correspondent à des échanges de matière, notamment de carbone et d’azote, et d’énergie entre les différentes composantes, elles déterminent la composition de l’atmosphère et le bilan radiatif terrestre. Actuellement, l’énergie incidente au sommet de l’atmosphère est de 1 370 W pour une surface de 1 mètre carré perpendiculaire au rayonnement solaire. Pour l’ensemble de la planète ceci équivaut en moyenne à 342 W m−2 (Figure 1.1). Trente pourcents de cette énergie solaire incidente est réfléchie dans l’espace par l’atmosphère, c’est-à-dire par les nuages, les aérosols et les gaz, et par la surface terrestre. Les 70 % restants sont absorbés par la surface terrestre et l’atmosphère. La Terre émet de l’énergie via rayonnement infra-rouge, chaleur latente et évapotranspiration (Figure 1.1). La température de surface moyenne étant de 14 °C, et l’atmosphère ré-émettant 60 % du rayonnement infra-rouge de la surface terrestre, on estime alors que l’atmosphère ré-emet vers la Terre 324 W m−2 sous forme de rayonnement infra-rouge. Ce rayonnement est dû à l’effet de serre, il réchauffe la surface terrestre. Les principaux gaz à effet de serre (GES) sont la vapeur d’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O).

Le bilan radiatif terrestre peut cependant être modifié :
– par une diminution ou une augmentation de l’énergie solaire incidente, c’est-à-dire un changement de l’orbite terrestre ou du rayonnement solaire.
– par une modification de la quantité de rayonnement infra-rouge, émis vers l’espace par le système terrestre et son atmosphère, liée à une modification des concentrations en gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
– par une variation de l’albédo. L’albédo est la fraction de l’énergie solaire qui est réfléchie vers l’espace par une surface. Plus l’albédo est grand plus la surface est réfléchissante, par exemple la neige a une albédo d’environ 0,9. Une modification de la couverture nuageuse, des particules atmosphériques, de la végétation et des calottes polaires entraîne donc une variation de l’albédo terrestre.

Depuis l’industrialisation l’homme a modifié le bilan radiatif terrestre en agissant sur les deux derniers forçages radiatifs, à savoir les concentrations en gaz à effet de serre et l’albédo de surface. Il est possible que l’albédo de l’atmosphère ait aussi été modifié. L’augmentation de la population mondiale et l’augmentation du niveau de vie d’une partie de la population mondiale ont entraîné une augmentation de la demande en nourriture et en énergie. L’industrialisation et la production d’énergie, ainsi que les transports et l’agriculture, sont responsables d’une modification des concentrations en gaz à effet de serre dans l’atmosphère et donc du réchauffement climatique en cours. La réduction de la surface de la cryosphère et la modification de l’occupation des sols ont entraîné une diminution de l’albédo terrestre favorisant le réchauffement global. L’effet de l’albédo terrestre sur le forçage radiatif était estimé égal à -0,2 ± 0,2 W m−2 en 1750, en 2011 il était égal à -0,15 ± 0,1 W m−2 (IPCC, 2013).

Au cours du XIXème siècle, afin de continuer à répondre à la demande croissante en énergie, de nombreux barrages hydroélectriques ont été construits. Leur avantage, par rapport aux énergies fossiles, réside dans le caractère renouvelable de la source d’énergie (eau) ce qui réduisait le coût de production de l’énergie. Cependant, dans les années 90, des études ont remis en cause le caractère « propre » de cette énergie renouvelable (Rudd et al., 1993; Kelly et al., 1994; Fearnside, 1995; Galy Lacaux et al., 1997, 1999; St. Louis et al., 2000) et depuis lors, de nombreuses études alimentent le débat (Delmas et al., 2001; Huttunen et al., 2002; Soumis et al., 2004; Abril et al., 2005; Guérin et al., 2008a; Barros et al., 2011; DelSontro et al., 2011; Teodoru et al., 2012; IPCC, 2011; Deshmukh et al., 2014; Fearnside, 2015; Teodoru et al., 2015; Yang et al., 2015). La mise en place d’un barrage sur une rivière s’accompagne de la création d’un lac, or les lacs sont des sources de gaz à effet de serre (voir 1.2). Ainsi la création d’un lac de barrage modifie les flux de gaz à effet de serre (CO2, CH4 et N2O) vers l’atmosphère.

Les eaux continentales : des sources de carbone et d’azote encore mal connues

Les eaux continentales, c’est à dire les lacs, les rivières et les zones humides, sont des sources de CO2, de CH4 et de N2O . Dans le but de préciser leur importance dans le bilan global des émissions de gaz à effet de serre, de nombreuses études ont été réalisées afin de quantifier les différents flux de carbone et d’azote les parcourant.

Bilan de carbone des eaux continentales

Les échanges de CO2 dans les eaux continentales ont été estimés par différentes études (Cole et al., 2007; Tranvik et al., 2009; Raymond et al., 2013; Regnier et al., 2013; Lauerwald et al., 2015). Tranvik et al. (2009) estiment que les émissions globales annuelles de CO2 des eaux continentales vers l’atmosphère (1,4 Pg (C) an−1 ) sont du même ordre de grandeur que le pompage de CO2 par les océans (0,9 Pg (C) an−1 ). Regnier et al. (2013) ont revu à la baisse les émissions de CO2 par les eaux continentales (1,1 Pg (C) an−1 ). D’après ces auteurs le piégeage du carbone organique dans les sédiments des eaux continentales (0,6 Pg (C) an−1 ) serait supérieur à la séquestration du carbone organique au fond des océans (0,2 Pg (C) an−1 , IPCC (2013)).

Les différences observées entre les études mettent en évidence que les émissions de CO2 par les eaux continentales sont régulièrement actualisées. Par exemple Lauerwald et al. (2015) ont récemment revu à la baisse les émissions de CO2 par les rivières (0,65 Pg (C) an−1 ) estimées par Raymond et al. (2013) (1,8 Pg (C) an−1). Cette différence est principalement liée aux estimations « prudentes » réalisées au niveau des tropiques par Lauerwald et al. (2015) alors que cette zone correspond à 78 % des émissions totales de CO2 par les rivières d’après Raymond et al. (2013). Les résultats au niveau des tropiques de Raymond et al. (2013) ont d’ailleurs été validés par les travaux de Borges et al. (2015a) sur l’Amazone et le fleuve Congo. Les émissions de CO2 par les lacs sont aussi régulièrement actualisées, Raymond et al. (2013) ont en effet estimées que ces émissions (0,3 Pg (C) an−1 ) étaient environ deux fois plus faibles que celles estimées par Tranvik et al. (2009) et Aufdenkampe et al. (2011) (0,5 – 0,6 Pg (C) an−1 ).

Aux émissions de CO2 il faut ajouter les émissions de CH4 (Figure 1.2). D’après Bastviken et al. (2011), les émissions de CH4 par les eaux continentales (0,65 Pg (C-CO2eq) an−1 ) sont du même ordre de grandeur que le puits continental de carbone. En sommant les émissions de CH4 et de CO2 (Bastviken et al., 2011; Raymond et al., 2013), les eaux continentales contribuent à l’émission d’environ 2,7 Pg (C) an−1 dans l’atmosphère (Figure 1.2).

Les activités humaines ont perturbé les flux de carbone du continent à l’océan (Regnier et al., 2013) notamment via la construction de lacs de barrages stockant de grandes quantités de carbone dans leurs sédiments (Dean et Gorham, 1998; Mulholland et Elwood, 1982; Syvitski et al., 2005; Mendonça et al., 2012, 2014) et émettant des gaz à effet de serre (St. Louis et al., 2000; Barros et al., 2011). Les lacs de barrages sont en effet des écosystèmes importants dans les bilans de carbone aux échelles régionale et globale (Cole et al., 2007; Tranvik et al., 2009; Bastviken et al., 2011; Raymond et al., 2013; Regnier et al., 2013). Cependant peu d’études présentent des bilans de carbone complet : carbone entrant, carbone sortant, flux de CO2 et de CH4, et enfouissement du carbone pour les lacs naturels et les lacs de barrages, et elles concernent uniquement des lacs boréaux (Finlay et al., 2013) ou tempérés (Knoll et al., 2013; Lopez et al., 2013).

Bilan d’azote des eaux continentales

Les transferts d’azote au niveau des eaux continentales sont encore aujourd’hui mal connus. Le gaz à effet de serre azoté émis dans l’atmosphère par les eaux continentales est le N2O qui est principalement produit lors de la nitrification et de la dénitrification (cf 1.3.5.3). Cole et Caraco (2001) ont mis en évidence que l’agriculture avait augmenté les flux d’azote inorganique dissous (ammonium et nitrates) aux systèmes aquatiques et donc indirectement la production de N2O dans les eaux souterraines, les rivières, les estuaires et l’océan côtier. De plus, les eaux usées générées par les activités anthropiques sont elles aussi des sources d’azote réactif pour les rivières (Cebron et al., 2003; Cébron et al., 2005; Garnier et al., 2006; IPCC, 2007). Galloway et al. (2004) estiment que les rivières, naturelles et anthropisées confondues, apportent 11 Tg (N) an−1 aux eaux continentales (Figure 1.3). La quantité d’azote qui sédimente dans les eaux continentales n’est pas documentée à l’échelle du globe. Les rivières naturelles émettent 0,05 Tg (N) an−1 sous forme de N2O et celles perturbées par les activités anthropiques émettent 1,05 Tg (N) an−1 sous forme de N2O (Galloway et al., 2004). Beaulieu et al. (2011) ont récemment réévalué les émissions par les rivières polluées à 0,68 Tg (N) an−1 . Suivant les études, l’export vers l’océan est estimé à 35 Tg (N) an−1 (Green et al., 2004), 48 Tg (N) an−1 (Galloway et al., 2004; Boyer et al., 2006), 50 Tg (N) an−1 Nieder et Benbi (2008) ou encore 54 Tg (N) an−1 (Van Drecht et al., 2001). Ces différences sont dues à la qualité du jeu de données utilisé ainsi qu’à sa résolution. De plus ces valeurs ont été obtenues par des modèles utilisant différentes approches. Par exemple les études de Galloway et al. (2004), Boyer et al. (2006) et Green et al. (2004) considèrent bien toutes trois l’ensemble des fractions d’azote réactif dans leur calcul d’export d’azote réactif, cependant, Galloway et al. (2004) et Boyer et al. (2006) utilisent un modèle qui relie les apports nets d’azote aux exports par les rivières alors que Green et al. (2004) utilisent un modèle empirique qui relie les caractéristiques du bassin versant à l’export d’azote. De leur côté, Van Drecht et al. (2001) ont estimé l’export d’azote à partir d’un modèle de transport hydro-écologique et de transformation de l’azote.

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Table des matières

Introduction
1 État de l’art
1.1 L’effet de serre
1.2 Les eaux continentales : des sources de carbone et d’azote encore mal connues
1.2.1 Bilan de carbone des eaux continentales
1.2.2 Bilan d’azote des eaux continentales
1.3 Cycles du carbone et de l’azote dans les écosystèmes aquatiques
1.3.1 Définitions
1.3.2 Physique de la colonne d’eau des rivières et des lacs
1.3.3 Assimilation du carbone et de l’azote par le vivant
1.3.4 Dynamique de la matière organique (MO)
1.3.4.1 Dans la colonne d’eau
1.3.4.2 Dans les sédiments
1.3.5 Dynamique des gaz à effet de serre dans la colonne d’eau et les sédiments
1.3.5.1 Le dioxyde de carbone (CO2)
1.3.5.2 Le méthane (CH4)
1.3.5.3 Le protoxyde d’azote
1.3.6 Fractionnement isotopique des processus biologiques et signature isotopique de la matière organique
1.3.7 Émissions des gaz à effet de serre par les eaux continentales
1.3.7.1 La diffusion
1.3.7.2 L’ébullition
1.3.7.3 Le flux à travers les plantes
1.4 Les lacs de barrages hydroélectriques : Anthropisation des écosystèmes naturels
1.4.1 Les différents types de centrales hydroélectriques
1.4.2 Énergie hydroélectrique dans le monde
1.4.3 Modifications dues à la mise en place d’un barrage
1.4.3.1 Dynamique de la matière organique
1.4.3.2 Dynamique et émissions des gaz à effet de serre dans les lacs de barrage
1.4.3.3 Émissions en aval des barrages hydroélectriques
1.4.3.4 Modification des flux de carbone et d’azote aux sédiments et à l’océan
1.4.4 Émissions nettes et brutes
1.5 Conclusion
2 Site d’étude, le barrage hydroélectrique de Petit Saut en Guyane Française
2.1 Le barrage et le lac de Petit Saut et le fleuve Sinnamary en aval du barrage
2.2 Climatologie
2.3 Source de matière organique
2.4 Le système de Petit Saut depuis sa mise en eau
2.5 Définition du projet de thèse
3 Matériels et Méthodes
3.1 Stratégie d’échantillonnage
3.2 Méthodologie
3.2.1 Profils dans le lac
3.2.2 Paramètres de qualité et prélèvement de l’eau
3.2.3 Concentrations des gaz à effet de serre (CH4, CO2 et N2O)
3.2.4 Flux diffusifs
3.2.5 Flux ébullitif
3.2.6 Dégazage
3.2.7 Concentrations en ammonium (NH+4 ), nitrate (NO−3 ) et nitrite (NO−2 )
3.2.8 Carbone organique dissous (COD)
3.2.9 Matière organique en suspension (MES), carbone organique et azote particulaires (COP et NP), rapport C/N, teneur en carbone organique et en azote (CO et N), δ13C-COP, δ 15N-NP des matières en suspension et δ13C-CID
3.2.10 Sols
3.2.11 Carottes de sédiments
3.2.12 Pièges à particules
3.2.13 Incubations aérobies d’eau aval
3.2.14 Incubations anaérobies de sédiments
3.2.15 Incubations anaérobies de troncs d’arbres
3.2.16 Tests statistiques
4 Importance de la zone littorale de forêt inondée dans le bilan des émissions de CH4 et de CO2 à Petit Saut
4.1 Introduction
4.2 Résultats
4.2.1 Dynamique des paramètres de qualité des eaux et du carbone dans la colonne d’eau du lac de barrage de Petit Saut
4.2.1.1 Température et O2
4.2.1.2 Concentration en CH4
4.2.1.3 Concentration en CO2 et δ 13C-CID
4.2.1.4 Concentration en COD
4.2.1.5 Concentration en MES et COP, teneur en CO, rapport C/N et δ 13C-COP
4.2.2 Flux diffusifs en surface du lac
4.2.2.1 Flux diffusifs de CH4
4.2.2.2 Flux diffusifs de CO2
4.2.3 Ébullition dans le lac
4.2.3.1 Taux d’ébullition (VEB)
4.2.3.2 Ébullition du CO2
4.2.3.3 Ébullition du CH4
4.2.4 Variations spatiales et saisonnières de la qualité des eaux et des concentrations en carbone et de sa signature isotopique dans les turbines et les 40 premiers kilomètres du fleuve en aval du barrage
4.2.5 Évolution spatiale des concentrations des espèces carbonées des eaux du fleuve Sinnamary du barrage à l’estuaire
4.2.6 Production de CO2 et consommation de CH4 dans le fleuve Sinnamary à 0,8 km et 36,5 km en aval du barrage de Petit Saut
4.2.7 Dégazage et flux diffusifs de CH4 et de CO2 dans le fleuve en aval du barrage de Petit Saut
Conclusion

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