Séléty, village situé au sud ouest du Sénégal, dans le nord de la basse Casamance, appartient administrativement à la région de Ziguinchor, au département de Bignona, à l’arrondissement de Diouloulou et à la Communauté Rurale de Kataba1. Par sa position géographique, Séléty est un village frontalier et en même temps un carrefour pour la plupart des villages frontaliers. Le département de Bignona, étant la ville de la région de Ziguinchor la plus proche de notre zone d’étude, exerce une forte polarisation sur elle mais également sur les villages environnants. Cette polarisation repose sur la commercialisation des produits locaux, l’éducation scolaire (CEM et école primaire), les services sociaux, administratifs, etc. Ces services contribuent à l’orientation des flux migratoires issus du reste du département.
Séléty peut être classé dans la catégorie des petits et moyens villages du Sénégal. Il fait également partie de ceux qui ont vu le jour à la faveur de la dynamique d’urbanisation qui caractérise les pays de l’Afrique situé au sud du Sahara, surtout ceux d’Afrique de l’Ouest. Ces derniers, en effet, sont confrontés à une urbanisation due à leur position géographique de plus en plus attractive, qui se trouve à la confluence des nombreuses mutations qui sont survenues dans l’organisation de l’espace de ces pays.
Parmi ces nombreuses mutations, on peut noter le rôle accordé aux gros ou moyens villages qui se retrouvent à exercer des fonctions de plus en plus importantes en matière de développement économique et social. Séléty est aussi vu à travers l’intérêt affiché de l’Etat pour un village périphérique qui joue un rôle majeur de par sa situation géographique. En effet, il est un point névralgique dans les relations d’échanges entre le Sénégal et son voisin : la République de la Gambie. Il se singularise par la présence d’une activité frontalière très dynamique qui présage d’une économie locale frontalière forte. D’un autre point de vue, ce village dispose d’un avantage de position qui semble ici être le principal moteur de la dynamique urbaine de Kataba 1, du développement économique et de la croissance démographique. Ainsi, les populations de toutes la Casamance s’y trouvent dans ce village ou aux alentours.
La frontière est un espace catalyseur d’énergies multiples et surtout générateur de ressources qui sont convoitées, que se disputent ou se partagent plusieurs acteurs aux motivations et objectifs divers. La question qui se pose est alors la suivante : comment ce village s’organise-t- il pour s’accaparer et orienter les ressources en direction du développement local. Cette question se pose d’autant plus que la bonne gestion s’adosse lourdement sur les ressources, les potentialités des territoires, mais aussi sur le degré d’appropriation des territoires par les populations dont la participation favorise l’atteinte des objectifs qui lui sont fixés. Il est alors opportun de se poser la question des ressources locales et notamment des ressources qui proviennent des activités frontalières essentiellement constituées d’activités d’échanges locaux.
PROBLEMATIQUE
« Le monde semble depuis longtemps bien structuré, cloisonné et figé. Cependant, nombre de nouvelles frontières sont apparues durant les siècles précédents. Les frontières étatiques semblent également bien menacées par la multitude des flux transnationaux qui les perforent. En Afrique, elles ont survécu à la décolonisation et les Africains paraissent s’en accommoder, mieux même, ils s’en jouent. Afin de tenter de comprendre ces processus contradictoires, les auteurs proposent une réflexion sur le sens, les représentations fonctionnelles et identitaires des frontières et des espaces frontaliers, les temporalités qui les animent, ainsi que leurs mutations. Cette réflexion est illustrée par de nombreuses cartes mais aussi des grands textes classiques, des romans contemporains, des manuels scolaires du début du XXe siècle, des bandes dessinées, des tableaux et des films » . L’enjeu pour ces espaces transfrontaliers consiste à développer des échanges qui ne reposent pas simplement sur le différentiel entre les systèmes nationaux. Dans un contexte de frontières ouvertes et apaisées, les villes sont susceptibles d’exercer un rôle intégrateur. Cela suppose également une bonne connaissance du fonctionnement des systèmes territoriaux, voire un certain rapprochement dans leur fonctionnement de part et d’autre (correspondance entre maillages, entre systèmes culturels, etc.).
La frontière est considérée comme une ligne définie, marquant la séparation entre deux territoires relevant de juridictions différentes. La frontière est un objet juridique D’une part, elle est la configuration institutionnalisée de la partie d’espace où l’Etat exerce son autorité souveraine territoriale, son contrôle effectif et coercitif. Elle distingue des pouvoirs étatiques aux niveaux géographiques et politiques, « D’autre part elle est constituée en droit par plusieurs éléments cumulatifs et complémentaires. Les frontières sont des intentions politiques, traduites en dispositions juridiques, cartographiées sous la forme linéaire continue ou discontinue, produites d’un processus technique de détermination, inscrites matériellement et/ou projetées virtuellement dans le milieu naturel, aux fonctions juridiques de différenciation territoriale et étatique et dont les modalités d’application peuvent prendre des formes particulières de contrôle et d’assujettissement.
Toutefois, la notion de frontière précise et intangible, n’a pas toujours existé. Dans de nombreuses régions et à des époques diverses, les limites de frontières n’étaient pas définies avec précision. La notion de frontière au sens actuel, qui succède à celle de confins, est associée au développement de l’État moderne, tel qu’il s’est développé en Europe. L’idée de créer des limites précises, permettant de clarifier les situations juridiques s’impose progressivement dans les régions sous contrôle européen. Toutefois, dans les faits, la définition exacte de toutes les frontières nationales ne se fait que sur le temps long: de nombreux États n’avaient toujours pas déterminé avec précision les limites de leur territoire.
Si les frontières sont aujourd’hui garanties par le droit international, elles n’en sont pas moins, dans leur genèse et à titres divers, le produit de rapports de force. Elles sont en grande partie le produit de l’avancée des armées et des calculs stratégiques de la part des puissances politiques » . Dans son ouvrage Géographie des frontières (1938), le géographe Jacques Ancel définit ainsi la frontière comme « un « isobare politique » qui fixe, pour un temps, l’équilibre entre deux pressions ; équilibre de masses, équilibre de force ». Au XIXe siècle, Friedrich Ratzel, considéré comme le précurseur de la géopolitique, développait, et acceptait comme légitime, cette conception de la frontière. Pour lui, les États les plus dynamiques s’étendent aux dépens des plus faibles. Des lois naturelles analogues à celle de la biologie décident du développement des États : « L’État subit les mêmes influences que toute vie. Les bases de l’extension des hommes sur la terre déterminent l’extension de leurs États. […] Les frontières ne sont pas à concevoir autrement que comme l’expression d’un mouvement organique et inorganique. » .
La majorité des frontières mondiales ont été tracées sans demander l’avis des populations locales. Cependant, c’est à partir de la Révolution française essentiellement que naît l’idée de l’Étatnation, selon laquelle les limites étatiques doivent correspondre au territoire d’un peuple Les États mettent en œuvre différentes mesures de surveillance de la frontière et de restriction des mouvements frontaliers. Ils peuvent le faire de manière intense, on parle alors de frontières fermées, ou non, dans ce cas on parle de frontières ouvertes. Cependant, avec des changements technologiques tels que le transport aérien, la ligne frontière proprement dite n’est plus nécessairement le principal lieu où s’exercent les contrôles. Le mot frontière a une origine militaire, il est étymologiquement lié au mot front et désigne au départ un type particulier de limite : la limite fortifiée, protégée Les États ont souvent placé d’importantes forces militaires sur les frontières. Un mur peut être créé pour surveiller le passage ou protéger d’éventuelles attaques. Le but du contrôle douanier est de garantir un recensement et une taxation les plus complets possibles. Il ne porte que sur les marchandises. Le territoire douanier d’un pays n’est pas forcément le même que le territoire politique, il peut être plus étendu ou plus petit. Le contrôle des migrations a pris ces dernières décennies un rôle considérable. Ce sont parfois les sorties qui sont surveillées. Le plus souvent toutefois, c’est l’immigration qui est surveillée. Cela peut se faire par des contrôles d’identité à l’intérieur même du territoire national, mais la surveillance de la frontière garde souvent un rôle primordial Les taux d’imposition et les niveaux de développement économiques diffèrent souvent des deux côtés de la frontière. Certains acteurs économiques peuvent dès lors tirer profit de l’existence de ces contrastes. Les frontières sont également un lieu privilégié pour le trafic et la contrebande, certains lieux servant de plaque tournante aux commerces illicites les plus divers. La fraude est devenue dans cette communauté une activité phare car la plupart des populations ne consomment que des produits importés dans illégalité et provenant particulièrement de la Gambie.
Technique d’échantillonnage
Notre zone d’étude : Séléty est dans le département de Bignona qui est constitué de:
● trois communes (Bignona, Thionck-Essyl et Diouloulou) ;
● quatre arrondissements (Kataba1, Tendouck, Sindian, et Tenghory) ;
● Seize communautés rurales et ;
● De trois cent vingt-quatre villages, totalisant une population totale de 232637 habitants.
Dans ce département, nous avons ciblé le village de Séléty de la communauté rurale de Diouloulou composée de 42 villages Aïnoumane, Badioncoto, Bandjikaky, BaniIsraël, Barakesse, Bourome, Brikamanding, Coubanack, Coulandiang, Coulobory, Councoudiang, Courame, Dar Salam-Chérif, Daroukairy, Diénoucounda, Dimbaya, Diouloulou, Djibaly, Djibara, Djilacoumoune, Domboudir, Kabadio, Kataba I, Kataba II, Katack, Koba Séléty, Kodioubé, Koubanack, Koulandiang, Koulobory, Kounkoudiang, Macouda, Madina Birassou, Madina Daffé, Mahamouda II, Missirah, Niafrang, Poukène, Samboulandiang, Santhiaba, Séléty, Suzana, Tambakounda,Tambouille, Touba, Woniack . Dans ce village, les producteurs ont été choisis sur la base d’un taux de sondage d’au moins 10% des concessions. Nous avons visité 84 ménages comme base de sondage représentant ainsi la taille de l’échantillon. C’est-à-dire le nombre (n) de ménage à enquêter dans la zone. Il convient de préciser par là que la réalité sur le terrain ne permettait pas de respecter les techniques spécifiques d’échantillonnage (crise Casamançaise).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE
CHAPITRE I: LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES
CHAPITRE II : LES CARACTERISTIQUES HUMAINES DE LA COMMUNAUTE RURALE DE KATABA 1
CHAPITRE III: LES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES DE LA C.R DE KATABA1
DEUXIEME PARTIE : LES DYNAMIQUES TRANSFRONTALIERES FACE A LA CRISE CASAMANCAISE
CHAPITRE I : CAUSES ET EVOLUTION DU CONFLIT DANS LA REGION
CHAPITRE II : LES DYNAMIQUES TRANSFRONTALIERES
CHAPITRE III : LE RELENTISSEMENT DES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES
CONCLUSION GENERALE
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
ANNEXE
GLOSSAIRE DES MOTS ET NOMS USITES
TABLE DES MATIERES