Les douleurs chroniques oro-faciales

La douleur est à la genèse du soin et de la médecine. Elle initie toutes les démarches d’investigation et de prise en charge de l’homme souffrant. La signification de la douleur a varié avec l’évolution de la pensée philosophique, elle peut être négative à éviter pour les épicuriens, inévitable à supporter pour les stoïciens, une valeur morale purificatrice pour Saint Augustin, une finalité biologique depuis Descartes. (1) Mais, la volonté de comprendre la douleur aura permis de mieux connaitre l’homme et son environnement, et de stimuler la recherche et les connaissances médicales. La définition de la douleur diffère selon les croyances et les cultures. Actuellement, la plus souvent citée, est proposée par l’International Association for the Study of Pain (IASP) qui définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion». Cette définition révèle la nature subjective de la douleur et sa complexité. C’est une expérience subjective qui interfère autant avec le psychique et le social qu’avec les fonctions physiques. Le retentissement sur la vie quotidienne des personnes souffrantes et de leur famille est important, car la douleur aiguë ou chronique est source d’incapacité, de handicap, et elle affecte l’humeur, le sommeil, la qualité de vie et les rapports sociaux.

Les connaissances actuelles permettent de classifier, quantifier les douleurs par des échelles d’évaluation, et de les soulager grâce à des protocoles élaborés pour les plus rebelles, dans les centres antidouleurs. (1) Néanmoins, certaines douleurs restent difficiles à classifier, comprendre et soulager comme les douleurs chroniques oro-faciales. Le chirurgien-dentiste doit avoir une bonne connaissance des pathologies pouvant générer des symptômes crânio-cervico-faciaux. Face à une douleur oro-faciale, afin d’éviter tout sur traitement, tout passage à la chronicité, et toute ignorance d’un processus morbide grave, le praticien doit rechercher systématiquement une douleur non dentaire et non dysfonctionnelle des ATM.

Les pratiques médicales ont changé grâce aux avancées importantes de la neuroscience et de la pharmacologie. Toute nouveauté ou découverte médicale ne peut prendre sa place « dans les pratiques et connaissances actuelles de la médecine » qu’après avoir été légitimée par des preuves scientifiques. Ce pragmatisme a induit la confrontation de deux écoles: d’un côté la médecine traditionnelle ou académique, de l’autre les médecines dites parallèles. Ces dernières peu reconnues par l’autorité académique, et parfois discréditées par des « charlatans », ont pu malgré tout, s’infiltrer dans les pratiques, grâce aux résultats ressentis par les patients, mais aussi la résurgence de cultures ancestrales et l’effet de mode. Les patients soucieux de leur bien être recherchent une prise en charge optimale, et ont tendance à recourir à l’homéopathie, la phytothérapie, les médecines physiques comme l’ostéopathie ou la chiropraxie, l’hypnose, l’acupuncture… Il y a à la fois une volonté du patient à revenir à des pratiques plus naturelles, ancestrales, et aussi une volonté de se réapproprier sa santé.

Les douleurs chroniques oro-faciales 

La douleur crânio-cervico-faciale est un symptôme fréquent, et la compétence de l’odontostomatologiste et du chirurgien maxillo-facial s’arrête, stricto sensu, à la sphère oro-faciale, bien que le nerf trijumeau (V) par son sous-noyau caudal, ait une tendance à prendre en charge des douleurs dépassant largement sa sphère d’élection. (22) La douleur oro-faciale est un motif de consultation extrêmement fréquent, et elle relève de facteurs multiples dont l’étiologie est parfois difficile à identifier, d’autant plus qu’elle n’est pas corrélée de façon fiable à la gravité du processus anatomopathologique sous-jacent. (23) La démarche diagnostique repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique qui permet d’identifier certaines entités cliniques bien définies (névralgie faciale, neuropathie faciale, algie vasculaire), mais d’autres affections de la face (sinusite, odontalgie, dysfonctionnement temporomandibulaire) empruntent certains symptômes de ces grands tableaux expliquant les difficultés diagnostiques. (22) Leurs mécanismes restent imparfaitement connus, et les facteurs anatomo-physiologiques de la nociception faciale contribuent à la grande diversité des tableaux cliniques des algies oro faciales. Les facteurs psychogéniques, neuropathiques, et endocriniens ainsi que les mécanismes neuropathiques, vasculaires, et myo-articulaires peuvent s’intriquer expliquant les difficultés diagnostiques et thérapeutiques. L’existence de douleurs référées impose la nécessité d’une recherche approfondie avec l’éventualité de pathologies intercurrentes.

Spécificité de la nociception cranio-faciale 

Les pratiques odonto-stomatologiques et maxillo-faciales nécessitent une bonne connaissance de l’anatomie descriptive et fonctionnelle des nerfs, indispensable à la démarche diagnostique et thérapeutique. Les nerfs crâniens sont interconnectés, comme le montre le reflexe de déglutition qui implique l’intervention coordonnée de deux nerfs crâniens sensitifs (V et IX) et de quatre nerfs moteurs (V, IX, X, XII). La richesse des sensations somesthésiques varie avec la région du corps explorée. La face et surtout les régions buccales, péribuccales et pharyngées représentent les sources d’informations dominantes chez les mammifères où la représentation corticale sur l’aire SI (cortex somesthésique primaire) des structures buccales, et pharyngées occupe plus de place que le reste du corps, et elle est équivalente à celle de la main chez l’homme. (24) La densité des récepteurs de la lèvre, de la pointe de la langue ou des mains est comparable, comme les résultats des tests psychophysiologiques mesurant: le seuil absolu ou différentiel, la perception de l’écart minimal entre deux points, et la reconnaissance de la forme d’un objet (stéréognosie).

Les dents sont aussi une source d’information sensorielle importante et d’une grande finesse tant par la sensibilité tactile du parodonte que par la sensibilité douloureuse de la pulpe dentaire. Enfin, la cavité buccale possède toutes les modalités sensorielles du spectre somesthésique, et elle est aussi le lieu exclusif de la gustation.

Description de la chaine nociceptive

La nociception oro-faciale est assurée principalement par le nerf trijumeau. Les terminaisons nerveuses de la face les plus impliquées, c’est-a-dire la pulpe dentaire, la cornée, l’articulation temporo-mandibulaire (ATM), sont quasi exclusivement innervées par les nocicepteurs amyéliniques (fibre C) qui témoignent directement de la douleur ressentie par le patient. (26) Ainsi, l’approche thérapeutique odonto stomatologique s’en trouve considérablement gênée lors de la réalisation des actes quotidiens. Les fibres afférentes somatiques générales (fibre C, A alpha et delta) du nerf trijumeau rejoignent le complexe sensitif du trijumeau, premier relais du système nerveux central situé au tronc cérébral et se divisent en deux collatérales, l’une ascendante vers le noyau principal (relais de la sensibilité discriminative, fibre A alpha), l’autre descendante vers le noyau spinal (sous- noyaux oral, caudal et interpolaire) relais des informations nociceptives. (18) La particularité des neurones à convergence (détail du sous noyau caudal, annexe F) se trouve dans le fait qu’un unique neurone peut répondre à des stimuli nociceptifs appliqués à une dent ou à la peau du visage ou à l’articulation temporo-mandibulaire (ATM).Cette convergence implique la notion de champ récepteur cutané d’une douleur profonde qui explique les problèmes rencontrés en clinique lorsque le patient n’arrive pas à localiser précisément la dent causale ou même l’hémiarcade concernée. À partir du complexe sensitif trigéminal, les messages nociceptifs sont transmis, via le thalamus, les noyaux réticulaires du tronc cérébral, vers le cortex cérébral, vers l’amygdale ou l’hypothalamus. Les messages nociceptifs dépendent donc non seulement des afférences provenant de la sphère crânio-faciale, mais également des nombreux systèmes de contrôles infrathalamiques (substance grise périacqueducale, le locus coeruleus, les noyaux du raphé) et suprathalamiques (cortex préfrontaux et cingulaires impliqués dans les aspects attentionnels, émotionnels de l’expérience douloureuse). La modulation de chaque composante du réseau d’intégration du message douloureux trigéminal permet ainsi une réelle plasticité sensorielle. Le corps amygdaloïde (CA) est le principal composant sous-cortical du système limbique qui se développe plus vite que l’hippocampe chez l’enfant, et il est responsable des réponses physiques de type échappatoire chez l’adulte. Il est le principal responsable de l’émotion depuis l’appréhension jusqu’à la peur panique. Le rôle du CA dans « la peur du dentiste », surtout mémorisée pendant l’enfance, est bien établi à l’heure actuelle ainsi que dans toutes les diverses phobies et états anxieux.

Conséquences des interconnections des nerfs crâniens 

La douleur peut déborder le territoire strictement dévolu aux terminaisons faciales du nerf V par le fait que son tractus spinal reçoit des afférences émanant des autres nerfs crâniens comme la racine sensitive du nerf facial (VII), du nerf glosso-pharyngien (IX), du nerf vague (X) et des racines C2 et C3 du plexus cervical (annexe E. 1,2,3). Les autres nerfs sensitifs participant à la douleur oro-faciale sont : Le nerf glossopharyngien (IX) pour la paroi pharyngée, la langue, le palais postérieur, les amygdales, le tympan, Le rameau laryngé supérieur du nerf pneumogastrique (X) pour le larynx, Le plexus cervical superficiel pour l’occiput, le pavillon de l’oreille et le cou Le rameau sensitif du nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis) pour la conque.

Par ailleurs, les prolongements centraux des nerfs crâniens (VII, IX, X) pénètrent le tronc cérébral avec les nerfs correspondants, puis entrent dans la racine descendante du V et se projettent sur le complexe sensitif du V. Cette particularité associée à la contiguïté entre ce noyau principal du V et les cornes médullaires postérieures de C1–C3 explique la fréquence des douleurs projetées au niveau oro-facial et cervical.

Les différents systèmes trigéminaux

Les systèmes trigémino-vasculaire, trigémino-cervical et trigémino-vagal rendent compte d’un grand polymorphisme dans la transmission de la douleur du noyau spinal. (26) (Détail annexe G) Toute stimulation nociceptive ou processus lésionnel de l’un des rameaux induit une réponse trigéminale neuropathique (douleur et trouble de la sensibilité dans le territoire du rameau impliqué) mais également une réponse végétative vasomotrice et sécrétoire ortho ou parasympathique (troubles vasomoteurs, hyperémie conjonctivale, variation du diamètre pupillaire, larmoiement, rhinorrhée, hypersalivation) : c’est la réponse trigéminodysautonomique.

Classification des douleurs oro-faciales

Les mécanismes neuro-physiopathologiques complexes de la douleur chronique dont l’origine peut être inflammatoire, infectieuse, vasculaire, tumorale et mécanique/fonctionnelle permettent de distinguer 3 groupes étiologiques: musculaire, articulaire et neurologique d’où découle une classification des douleurs oro-faciales en 3 groupes (Woda – CDF 2004) (28): Les affections organiques : symptôme de maladies organiques telles les sinusites, les pulpites, desmodontites ou les otites qui évoluent peu souvent en pathologie chronique avec une bonne prise en charge. Les troubles neurologiques et neurovasculaires: symptôme principal d’un groupe d’entité évoluant sur un mode chronique ou récurrent, composé des migraines, des céphalées de tension et de l’algie vasculaire de la face, ou de la névralgie du trijumeau. Ces pathologies sont assez bien définies et souvent prises en charge par le généraliste ou le neurologue. Les douleurs oro-faciales idiopathiques: Leur tableau clinique et leur physiopathologie sont mal définis, et leur prise en charge difficile. Souvent invalidantes, elles constituent une source fréquente d’échec pour le praticien. (Woda 2004).

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Table des matières

I. INTRODUCTION
II. GENERALITES
A. LA DOULEUR CHRONIQUE
1. Définition, épidémiologie et classification
a. Définitions
b. Epidémiologie
c. Classification des mécanismes physiopathologiques
2. Neurophysiologie de la douleur
a. La sensibilisation périphérique ou hyperalgie primaire
b. La sensibilisation centrale ou hyperalgie secondaire
3. Les caractéristiques de la douleur chronique
a. L’aspect biopsychosocial (BPS)
b. Les différents facteurs et leurs associations
i. Facteurs psychologiques et émotions
ii. Facteurs cognitifs
iii. Facteurs environnementaux
c. Stratégies cognitives d’adaptation
4. Identification et Evaluation
B. LES DOULEURS CHRONIQUES ORO-FACIALES
1. Spécificité de la nociception cranio-faciale
a. Description de la chaine nociceptive
b. Conséquences des interconnections des nerfs crâniens
c. Les différents systèmes trigéminaux
2. Classification des douleurs oro-faciales
a. Les algies faciales organiques symptomatiques
b. Les algies faciales neuropathiques
c. Les algies neurovasculaires et céphalées trigéminodysautonomiques
d. Les algies atypiques ou algies ora-faciales idiopathiques
3. Le Dysfonctionnement temporomandibulaire (DTM)
III. LA MEDECINE ALTERNATIVE ET COMPLEMENTAIRE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHRONIQUE ORO-FACIALE
A. INTRODUCTION
1. Définition
2. Législation et réglementation
a. L’ostéopathie
b. L’hypnose
c. Acupuncture
3. Epidémiologie
B. L’OSTEOPATHIE
1. Concept et philosophie ostéopathique
a. Les préceptes
b. Le mouvement respiratoire primaire (MRP)
c. Physiopathologie ostéopathique
d. Principes et techniques thérapeutiques
2. L’approche biospychosociale
3. Applications cliniques sur les douleurs chroniques oro-faciales
a. Etiologies ostéopathiques
i. Pathologies descendantes
ii. Pathologies ascendantes
b. Analyse de la littérature sur leur efficacité
c. Action sur les facteurs biopsychosociaux de la douleur chronique oro-faciale
C. HYPNOSE
1. Concept et philosophie de l’hypnose
a. Les principes
b. L’état hypnotique
i. Neurophysiologie de l’état hypnotique
ii. L’état hypnotique sur la douleur
iii. Les manifestations
c. Techniques utilisées
2. L’approche biopsychosociale
3. Application clinique dans les douleurs chroniques oro-faciales
a. Analyse de la littérature sur leur efficacité
b. Action sur les facteurs biopsychosociaux de la douleur chronique oro-faciale
c. Exemple d’ utilisation dans une étude sur la douleur idiopathique persistante
D. ACUPUNCTURE
1. Concept et philosophie de l’acupuncture
a. Théorie des méridiens
i. Constitution du système
ii. Bases scientifiques occidentales
iii. Bases physiologiques de l’analgésie
b. Techniques utilisées
2. L’approche biopsychosoaciale
3. Application clinique dans les douleurs chroniques oro-faciales
a. Analyse de la littérature sur leur efficacité
b. Action sur les facteurs biopsychosociaux
c. Exemple pratique dans une étude pour les DTM
IV. DISCUSSION
1. Les études sur l’effet placebo des MAC
2. L’attente des patients
3. L’influence des pouvoirs publics
V. CONCLUSION

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