Les données radar au service d’études en écologie

Utilisation du radar en aéroécologie et dans le cas particulier de la pêche thonière

De l’observation d’ « étrangetés » atmosphériques à l’étude de l’aérosphère

Le radar (pour « RAdio Detection And Ranging ») est un sytème d’émission réception d’ondes électromagnétiques destiné à détecter des obstacles (cibles), pour tout ou partie aériens, lesquels réfléchissent les ondes émises sous la forme d’échos. Théoriquement, les ondes électromagnétiques se déplacent en ligne droite et à une vitesse proche de celle de la lumière (3.10⁹ m/s), bien que leur propagation dans l’espace puisse être altérée par les conditions atmosphériques. Les ondes électromagnétiques non visibles sont mises en évidence à la fin du XIXeme ` siècle, par Heinrich Rudolf Hertz. Rapidement après la découverte que ces ondes sont réfléchies par des éléments métalliques, l’ancêtre du radar, le « Telemobiloscope » (Christian Hülsmeyer), fait son apparition. L’utilisation des ondes électromagnétiques pour le repérage d’obstacles (éviter les collisions en mer par exemple) se développe dès les années 1920. Cependant, le véritable essor de cette technologie intervient à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, avec la mise au point d’un système d’émission et de réception d’impulsions électromagnétiques, permettant dès lors de déterminer la position de l’objet détecté.

En l’absence d’une explication physique du phénomène, les premières observations d’oiseaux au radar sont interprétées comme des hétérogénéités atmosphériques. Dans le cadre de l’utilisation militaire du radar, de telles détections sont à l’origine de nombreuses inquiétudes, allant d’une perplexité certaine devant l’observation de cibles entrant en collision à une vitesse de quelques dizaines de kilomètres par heure, jusqu’à la crainte d’une attaque aérienne et le déclenchement de fausses alertes en conséquence (Buss, 1946). Les premiers communiqués officialisant la possibilité d’observer des oiseaux au radar apparaissent à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, lorsque le secret technologique (et militaire) est partiellement levé. Brooks (1945) défend l’idée que l’électronique permet désormais d’étudier, avec bien plus de détails qu’auparavant, les caractéristiques de vol (vitesse, altitude) des oiseaux migrateurs. Lack and Varley (1945) annoncent l’enregistrement des plus longues trajectoires d’oiseaux enregistrées jusqu’alors (40 et 99 min pour un vol d’oies à bec court, Anser brachyrhynchus). Par la suite, les observations d’oiseaux migrateurs s’accumulent, que ce soit à terre (Mascher et al., 1962) ou en mer (Casement, 1966). Les « détournements » d’observations radar puis l’appropriation de systèmes radar par les scientifiques ouvrent un nouveau champ de recherche en aéroécologie, en partie orienté vers des problématiques de conservation (Gauthreaux and Belser, 2003). Ces dernières s’adressent notamment à la description de flux migratoires d’oiseaux, la compréhension de leurs stratégies de vol en fonction des structures atmosphériques, ou encore l’estimation de l’impact de structures construites par l’Homme (modification de route migratoire, collision des oiseaux sur la structure, etc. ; Desholm et al., 2006). Les données radar, quelle que soit leur provenance, offrent la possibilité d’observer un écosystème encore méconnu comprenant les basses couches de l’atmosphère : l’aérosphère (Chilson et al., 2011, 2012). L’aéroécologie apparaît alors comme un vaste champ de recherche, sollicitant trois principales disciplines : les sciences de l’atmosphère, l’informatique et l’écologie (Chilson et al., 2011).

La distinction entre types de radar peut se décliner selon différents critères. Les radars sont plus communément classés selon leur utilisation et leur mode de fonctionnement. Dans le cadre d’études en aéroécologie, les questions posées ont privilégié l’utilisation de radars de poursuite (« tracking radars »), de radars Doppler, ainsi que de radars de surveillance (ou de veille). Bien que la nécessité de développer des radars dédiés à la détection d’oiseaux ait été relevée (Desholm et al., 2005), ceux utilisés à présent pour des études ornithologiques, tout comme pour les études chiroptérologiques ou entomologiques, sont des radars destinés premièrement à la détection d’autres objets, dont les réglages ont été modifiés pour permettre l’observation d’oiseaux, et respectivement de chauves-souris ou d’insectes. Les réglages sont alors « optimisés » pour l’observation de l’objet d’étude, mais leur détection est non exclusive (échos parasites).

Brièvement, les radars de poursuite, initialement développés à des fins militaires, ont la capacité de suivre précisément une cible pour en décrire les mouvements en trois dimensions, dont orientation et vitesse (Able, 1977; Larkin and Frase, 1988; Alerstam et al., 1993), ou encore le rythme de battement d’ailes (chez les oiseaux terrestres et marins ; Renevey, 1981; Bruderer et al., 2010 ; chez les chauves-souris, Bruderer and Popa-Lisseanu, 2005). La signature radar d’une cible peut renseigner l’espèce suivie (Williams and Williams, 1980). Les radars Doppler génèrent eux aussi des informations concernant la vitesse de cibles, grâce à la détection de leurs changements de position entre émissions consécutives. Les radars Doppler sont utilisés depuis la très fine (radars de contrôle routier) à la très large échelle (radars météorologiques). Un réseau de radars Doppler très connu est le réseau NEXRAD (NEXt generation RADar) de 159 radars WSR-88D (Weather Surveillance Radar 1988 Doppler), utilisé en appui des prévisions météorologiques aux États-Unis (Crum et al., 1993). Ce réseau de radars a été rapidement mis au profit d’études documentant les grands flux migratoires d’oiseaux, comprenant notamment l’identification de sites servant d’étapes, la description des mouvements journaliers et des réponses comportementales en fonction de l’habitat survolé (Gauthreaux and Belser, 1998; Russell and Gauthreaux, 1999; Diehl et al., 2003; Farnsworth et al., 2014). Les échos liés à la présence d’oiseaux peuvent être discriminés de ceux liés à la présence d’insectes (Martin et al., 2007; Gauthreaux et al., 2008). Respectivement, en Europe (voir par exemple Koistinen, 2000), l’entreprise d’études à grande échelle serait possible grâce au programme OPERA (Operational Program for Exchange of weather RAdar Information, Huuskonen et al., 2013) : le réseau de radars européen est très dense, mais la difficulté réside en la coordination d’études à grande échelle (partage de données standardisées, d’algorithmes de traitements, …). Encore récemment, un tel potentiel de recherche a été promu avec enthousiasme par les chercheurs du groupe ENRAM (The European Network for the Radar survaillance of Animal Movement, Shamoun-Baranes et al., 2014). Enfin, les radars de surveillance (maritime, aérienne, météorologique) sont très largement utilisés, notamment pour estimer les risques de collisions d’oiseaux avec les éoliennes (Harmata et al., 1999; Desholm et al., 2006; Krijgsveld et al., 2009) et les lignes de haute tension (Cooper and Day, 1998; Deng and Frederick, 2001), les effets d’évitement et de barrage potentiellement engendrés par ces constructions, ainsi que l’attraction des oiseaux nocturnes par des sources de lumière artificielles (Gineste, 2016). En particulier, les radars de navigation sont très répandus, et facilement utilisables pour l’observation d’oiseaux en vol, que ce soit en mer (Williams, 1984) ou à terre (Cooper et al., 1991). Les différents réglages possibles (réduction du bruit de mer, élargissement des échos, affichage de leurs précédentes positions, etc.) sont facilement manipulables et offrent de multiples possibilités de visualisation. Par conséquent, outre les études d’impact, les radars de surveillance alimentent divers sujets de recherche (tableau 1.1). L’identification des espèces est possible lorsque le radar est utilisé à petite portée (< 2 km), et obligatoirement après une phase d’apprentissage durant laquelle les données radar sont étudiées conjointement avec des données visuelles ou acoustiques (Reynolds et al., 1997).

Les radars à oiseaux embarqués : cas particulier de la pêche thonière tropicale

La pêcherie thonière à la senne apparaît en zone tropicale dans les années 40 (Est Pacifique), 60 (centre-Est de l’océan Atlantique) et 80 (Ouest de l’océan Indien, tout d’abord en Zone Économique Exclusive seychelloise). Les thoniers senneurs sont de grands bateaux (atteignant 70-80 m de long) spécialisés dans la capture de bancs de thons à la senne (grand filet pélagique). En 2011, le nombre de thoniers senneurs enregistrés, c’est-à-dire autorisés à pêcher du thon, atteint 1664 navires au niveau mondial. Parmi ceux-là, 678 sont qualifiés de grands thoniers tropicaux, capables d’exploiter les thons pélagiques en zone tropicale durant plusieurs semaines, avec une grande capacité de charge (Restrepo and Forrestal, 2012). À bord d’un thonier, le temps est principalement dédié à la recherche d’indices (ou « apparences ») signalant la présence de bancs de thons en surface, notamment aux jumelles depuis un promontoire appelé nid-de-pie. Lorsqu’un banc est repéré, le patron pêcheur estime sa probabilité de capture (en fonction du courant, de la vitesse de déplacement du banc, etc.) et décide ou non de l’approcher. Lors d’une manoeuvre de pêche, une embarcation annexe embarquée à l’arrière du senneur, le skiff, est larguée à l’eau, entraînant avec elle une extrémité de la senne. Le senneur entame alors une grande rotation qui permet d’encercler le banc de thons à pêcher. Depuis le larguage jusqu’à ce que le skiff soit rejoint, une quinzaine de minutes s’écoule. Pendant les 30 minutes suivantes, se déroule l’opération de fermeture du fond du filet (« virage de la coulisse »). La senne est ensuite partiellement remontée à bord jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une poche à l’eau à babord du senneur. Dès lors, est entamée l’opération de salabardage, qui consiste à remonter le poisson à bord à l’aide d’une large épuisette (la salabarde, 3 m de diamètre). Le poisson est versé dans un collecteur, trié, et le thon est congelé (voir détails de la manoeuvre dans Stequert and Marsac, 1991). Le devenir des prises accessoires (captures non désirées) est variable : consommées à bord, rejetées vivantes ou mortes à la mer, mises en cuve, partiellement conservées, etc.

Si l’on s’intéresse à l’historique des captures de thons dans le cadre de la pêcherie thonière tropicale française, l’on remarque que malgré un effort de pêche diminuant faiblement au cours des années 1986-1987, les prises sont alors en augmentation : les « radars à oiseaux » font en effet leur apparition à bord des thoniers senneurs, de même qu’un nouveau modèle de sonar (Hallier, 1988). Le radar à oiseaux, spécialement dédié à l’observation des groupes d’oiseaux à grande distance du navire (4 milles nautiques dans un premier temps (voir Le Roux, 2012 en Annexe A), puis jusqu’à plus de 16 milles nautiques), constitue depuis un outil essentiel à la recherche de bancs libres de thons. En phase de recherche, ils permettent au patron pêcheur de juger indirectement de la présence de thons en chasse proches de la surface -donc accessibles- en observant les oiseaux et en déterminant (par leurs mouvements et leur vitesse) si ceux-ci sont en phase de nourrissage, fort probablement associés à des thons. Il s’agit donc d’une phase précédant l’approche vers la zone d’intérêt, où seront effectués une validation visuelle (jumelles) et potentiellement un coup de pêche (Gaertner and Pallares, 2002). Ainsi, les additions technologiques à bord des senneurs (courantomètres, cartes satellites de température de surface, …), ainsi que le renouvellement des radars à oiseaux et sonars pour des modèles plus performants, ont permis un accroissement des captures de thons en banc libres dans les années 2000 (information synthétisée en Atlantique par Torres-Irineo et al., 2014).

Cependant, c’est l’introduction de dispositifs de concentration de poisson dérivants (DCPs), au début des années 90, qui représente l’avancée technologique majeure dans le secteur de la pêcherie thonière tropicale (Miyake, 2005). Ces DCPs, d’origine naturelle (amas de paille, troncs d’arbres, …) ou artificielle (filets, radeaux, débris,…), sont des objets flottants qui, par un processus encore peu compris, favorisent la concentration de diverses espèces dans la colonne d’eau sous-jacente (Castro et al., 2002). Les DCPs sont très tôt utilisés au profit de la pêche, et, dans le cas des pêcheries thonières tropicales, sont peu à peu équipés de balises-radio, puis de balises-satellite permettant de connaître leur position. Ceci contribue à l’optimisation des déplacements des senneurs lors de leur visite des DCPs, destinée à des opérations d’entretien ou à l’exécution de coups de pêche (Torres-Irineo et al., 2014). En effet, l’information de position réduit considérablement le temps de recherche des bancs agrégés sous DCPs (Itano, 2003), et modifie les stratégies de pêche auparavant employées, en les diversifiant vers de nouvelles aires d’exploitation ou en déconstruisant des habitudes saisonnières.

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Table des matières

Introduction
1 Les données radar au service d’études en écologie
1.1 Utilisation du radar en aéroécologie et dans le cas particulier de la pêche thonière
1.1.1 De l’observation d’ « étrangetés » atmosphériques à l’étude de l’aérosphère
1.1.2 Les radars à oiseaux embarqués : cas particulier de la pêche thonière tropicale
1.2 Données utilisées lors de la thèse
1.2.1 Principe de fonctionnement du radar
1.2.2 Acquisition des données radar
1.2.3 Traitement des données
1.2.4 Commentaires méthodologiques
2 Résultats préliminaires : exploration et description des données
2.1 Qualité des images radar
2.2 Analyse des champs
2.3 Caractéristiques des échos suivis
2.3.1 Propriétés intrinsèques
2.3.2 Distribution spatiale
2.4 Trajectoires des échos-oiseaux
2.4.1 Caractéristiques générales des trajectoires de groupes d’oiseaux
2.4.2 Présentation de différents comportements observés
3 Distribution et dynamique des groupes d’oiseaux à sub-méso-échelle
3.1 Structure de la distribution des groupes d’oiseaux marins en milieu pélagique
3.2 Coordination de groupes d’oiseaux
4 Interactions oiseaux-senneur
4.1 Influence du thonier senneur sur le comportement des oiseaux observés au radar
4.1.1 Réponse de la communauté d’oiseaux aux activités du senneur
4.1.1.1 Activités du senneur
4.1.1.2 Article en préparation
4.1.1.3 Commentaires sur le choix des fonctions de pondérations (distance et direction)
4.1.2 Observations ponctuelles de réactions d’attraction puis évitement du senneur par les oiseaux
4.2 Utilisation de « l’information oiseaux » par le patron pêcheur
Discussion générale
Conclusion

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