Les diverses formes de la différenciation
La différenciation de structure
Différencier les structures est, selon Przesmycki (1991), un dispositif nécessaire, mais insuffisant pour parler de pédagogie différenciée. Il s’agit principalement de répartir les élèves en plusieurs groupes, dans des structures différentes de la classe, mais aussi de varier l’horaire, gérer le temps, organiser l’espace de sa classe. « On ne peut différencier les processus et les contenus sans répartir les élèves en sous-groupes » (Przesmycki, 1991, p. 16). De nouvelles interactions sociales vont voir le jour, les élèves vont collaborer entre eux ou avec d’autres personnes que l’enseignant et une intervention au niveau des structures aura lieu. Aussi, quatre paramètres sont à considérer : les élèves, les animateurs, les lieux et le temps.
Lorsqu’un enseignant décide de former des groupes d’élèves, deux modes de répartition s’offrent à lui. Les groupes homogènes peuvent être rassurants, mais il faut prendre garde à ne pas utiliser ce mode trop fréquemment, car il peut tendre vers la création de filières, et donc à des écarts de performance entre les élèves (Meirieu, 2004). Les groupes hétérogènes sont, quant à eux, plus constructifs. Ils permettent les effets optimaux de la différenciation pédagogique (Przesmycki, 1991). En outre, l’enseignant doit s’interroger sur la manière dont il va répartir ses élèves, que ce soit selon leurs besoins, leurs niveaux, leurs styles cognitifs, leurs affinités ou encore leurs préférences. De ce fait, la différenciation des contenus vient s’ajouter à celle de structure. Ce dispositif est également mis en valeur par la variation des formes de travail. En effet, la formation des groupes diffère lorsqu’on est dans une phase d’institutionnalisation, de mise en commun, dans un travail en atelier par sous-groupes classe, dans un projet pluridisciplinaire avec d’autres classes ou lors d’un décloisonnement.
Selon Perrenoud (2012), « la différenciation doit être pensée et mise en œuvre en équipe, pour confronter plusieurs regards sur les élèves, diviser le travail, gérer plusieurs groupements, travailler les objectifs et les outils ensemble » (p. 27). D’après Przesmycki (1991), il est alors intéressant de considérer les personnes (internes ou externes à l’établissement) qui pourraient, potentiellement, y prendre part et le rôle qu’elles auraient à jouer. Être au clair sur ce genre d’informations aide l’enseignant titulaire dans ses prises de décision. Les intervenants externes tels que les enseignants spécialisés, les thérapeuthes, etc. font donc également partie d’une différenciation des structures. En effet, qu’ils interviennent au sein de la classe ou qu’ils s’occupent d’un ou plusieurs élèves dans une autre salle, la structure va se modifier.
Les lieux dans lesquels les élèves développent leurs connaissances et compétences peuvent être multiples. La salle de classe est sans doute l’endroit le plus pratique et le plus utilisé, mais d’autres lieux tels qu’une bibliothèque, une salle d’informatique, les salles libres d’accès, les extérieurs d’un établissement ou le domicile des élèves devraient être davantage intégrés aux séquences d’enseignement-apprentissage.
L’utilisation de structures variées peut apporter aux élèves une nouvelle forme de motivation.
La structuration du temps est un élément inévitable à la différenciation pédagogique. La durée des séances et des séquences peuvent varier selon les visées pédagogiques.
Elles peuvent être courtes avec un rythme segmenté ou au contraire plus lent. Certains élèves ont le même rapport au temps et d’autres pas. La cause de ces différences de rythmes est à prendre en considération (Zakhartchouk, 2001). Perrenoud (2012) prétend qu’ « il ne s’agit pas d’apprendre à son rythme, plutôt d’apprendre à un rythme relativement standard, mais soutenu de façon différenciée par les enseignants » (p. 27).
Le temps nécessaire aux enfants pour les apprentissages n’est pas fixe et ne correspond donc pas à un minutage strict des leçons.
La différenciation de production
Tout comme Paré et Trépanier (2015), Tardif (2005) parle d’un quatrième dispositif ; la différenciation des productions. Ces dernières sont un moyen qu’a l’élève pour démontrer ses compétences ou les notions acquises. Selon le degré de maîtrise des élèves, leurs centres d’intérêt ou leurs profils d’apprentissage, l’enseignant va adapter son enseignement, ses demandes. Sans cesse, il tente de comprendre les besoins de chaque élève et propose différentes méthodes, afin de parvenir à apprendre de la meilleure des manières (Tardif, 2005). De ce fait, divers outils d’expression s’offrent aux élèves. Si l’enseignant leur demande de présenter un récit d’aventure, ils pourraient par exemple, créer une bande dessinée, une pièce de théâtre ou écrire un texte. Ainsi, chacun peut choisir la forme lui correspondant le mieux pour la démonstration de l’acquisition de ses connaissances. Il est néanmoins primordial que les élèves s’approprient aussi d’autres stratégies d’apprentissages entraînant des stratégies de production différentes que celles avec lesquelles ils sont à l’aise (Feyfant, 2016).
Gillig (1999) parle de différenciation par les situations d’apprentissage. Celle-ci permet aux apprenants d’évoluer selon leur propre développement intellectuel et cognitif, mais aussi leurs aptitudes ou leurs goûts. L’essentiel selon Perrenoud (2005, cité dans Perrenoud, 2012), est que les élèves soient aussi régulièrement que possible dans des situations pédagogiques les plus fécondes pour eux. Vygotsky (1978, cité dans Bee & Boyd, 2011) appelle ceci plus communément « la zone proximale de développement ».
Une combinaison des quatre dispositifs que nous venons d’expliciter en détails permet d’amener les élèves au meilleur de leurs capacités et de les conduire vers le succès scolaire (Przesmycki, 1991).
Les dispositifs de différenciation mentionnés par Przesmycki (1991), Tardif (2005) ou Paré et Trépanier (2015) ne sont pas à considérer séparément. En effet, il y a une complémentarité entre ces derniers et le continuum allant de la variation à l’adaptation de Guay et al. (2006). La différenciation des structures, par exemple, peut se trouver au niveau de la variation lorsqu’il s’agit de travailler en sous-groupes dans la classe, mais peut également tendre vers l’adaptation dès que l’on considère le soutien d’un enseignant spécialisé ou les adaptations proposées par l’enseignant titulaire à l’élève à besoins particuliers.
La différenciation existant autour des situations pédagogiques peut être mise en place de différentes manières. Nous reprendrons cela dans le chapitre suivant.
Pour conclure, chaque élève est différent et a des besoins particuliers, qu’il soit en difficulté ou non. Le rôle des enseignants dans la différenciation pédagogique est de bien connaître ses élèves. Pour ce faire, l’évaluation formative ou diagnostique permet de faire le point à un moment précis dans les apprentissages. L’enseignant utilisera les résultats de ces dernières afin de faire un choix entre les dispositifs. De plus, étudier les parcours d’apprentissage des élèves permet une meilleure mise en place de la différenciation des processus et des productions (Przesmycki, 1991 ; Zakhartchouk, 2001).
En résumé, la différenciation pédagogique peut être mise en œuvre de différentes façons. Chacune des pratiques peut être décrite selon les dispositifs suivants ; les contenus d’apprentissage, les processus, les structures et les productions des élèves.
De plus, on peut préciser la nature de ces actions en les situant sur un continuum allant de la variation à l’adaptation.
Caractéristiques de la différenciation
La différenciation pédagogique présente diverses caractéristiques résumées par Leroux et Paré (2016). Nous avons choisi de ne commenter que celles qui nous semblent les plus pertinentes, c’est-à-dire la différenciation intuitive ou spontanée, la planifiée, la successive et la simultanée.
La différenciation intuitive consiste à faire preuve de spontanéité, par exemple en prenant à l’écart un élève qui n’aurait pas compris la consigne d’un exercice. Ce n’est pas prévu ou planifié par l’enseignant, comme pourrait l’être, au contraire, la différenciation planifiée qui se base sur l’observation des élèves en amont du travail à effectuer et sur leurs propres besoins.
La différenciation successive ou alternative est également une des caractéristiques possibles. Gillig (1999) la décrit comme étant une alternance de situations d’apprentissage différentes menées en classe lors d’une séance commune.
L’enseignant alterne aussi les démarches qui correspondent aux apprenants. Leroux et Paré (2016) mentionnent que c’est « une succession de ressources, de moyens ou de structures qui permettent de tenir compte des caractéristiques des élèves » (p. 113).
Comme le démontre la figure 2, elle nécessite de la flexibilité car les objectifs sont communs, mais les parcours pour les atteindre nombreux.
Pour terminer, la différenciation la plus complexe est la simultanée. Leroux et Paré (2016) résument celle-ci comme étant une « différenciation où les élèves sont appelés à effectuer des tâches différentes au même moment » (p. 113). La figure 3 rend compte des différents objectifs traités au même moment, par des activités différentes. Ces activités sont définies selon les ressources et besoins de chaque individu. Gillig (1999) précise qu’il faut évaluer les besoins des élèves préalablement, par exemple, par des évaluations diagnostiques, afin de cibler réellement les objectifs pédagogiques utiles aux élèves. De plus, Meirieu (2004) insiste sur le fait que cette méthode demande une grande organisation et « un changement d’attitude de l’enseignant » (p. 138). Le mode de fonctionnement ressemble à ce que Freinet ou Dottrens proposaient à l’époque. En effet, l’autonomie est privilégiée.
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Table des matières
Remerciements
Résumé
Table des matières
1. Introduction
2. Contexte théorique
2.1. Historique
2.2. Définitions
2.3. Mise en œuvre
2.3.1. Axes de la différenciation
2.3.2. Les diverses formes de la différenciation
2.3.3. Caractéristiques de la différenciation
2.4. Les limites
2.5. Questions de recherche
3. Méthode
3.1. Les sujets
3.2. Le déroulement
4. Présentation des résultats
4.1. Avis général sur la différenciation
4.2. Contenu
4.3. Processus
4.4. Production
4.5. Structure
4.6. Les ressentis des élèves face à une situation d’enseignement différenciée
4.7. Les buts de la différenciation
5. Interprétation et discussion des résultats
5.1. Les limites
5.2. Discussion
6. Conclusion
7. Références
Table des illustrations
8. Annexes
Annexe 1 : Schéma heuristique de la théorie
Annexe 2 : Modèle de la situation pédagogique (Guay et al., 2006)
Annexe 3 : Triangle pédagogique (Houssaye, 1988)
Annexe 4 : Continuum de variation à adaptation (Guay et al., 2006)
Annexe 5 : Guide d’entretien
Annexe 6 : Codage des données
Annexe 7 : Retranscriptions des entretiens
Déclaration sur l’honneur
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