Les distinctions dans le droit de la filiation

LES DISTINCTIONS EN RELATION AVEC LA QUALITE DE Lโ€™AUTEUR

Parce que lโ€™asymรฉtrie des corps ne gรฉnรจre aucune รฉgalitรฉ naturelle entre la femme qui accouche et lโ€™homme qui nโ€™accouche pas, on est obligรฉ de distinguer la filiation maternelle de la filiation paternelle dans leurs modes dโ€™รฉtablissement. Une construction cohรฉrente du droit de la filiation ne saurait ignorer ce fait de la nature, si lโ€™on considรจre que le but poursuivi par les rรจgles dโ€™attribution originelle dโ€™une filiation est dโ€™approcher au plus prรจs de la rรฉalitรฉ de lโ€™engendrement. Pour autant, il ne sโ€™agit pas de tomber sous le diktat de la vรฉritรฉ biologique, dโ€™oรน la place rรฉservรฉe par les textes ร  la volontรฉ de ceux qui seront officiellement reconnus comme les pรจre et mรจre dโ€™un enfant.

La paternitรฉ ne peut sโ€™induire de la naissance, fait public, visible, mais exige de remonter ร  la conception, laquelle permet de dรฉterminer le gรฉniteur. Or, la conception, dans sa dimension traditionnelle, est un fait essentiellement intime qui relรจve de ce que lโ€™on appelle les ยซ secrets dโ€™alcรดve ยป. Ce caractรจre intime exclut toute preuve directe de la paternitรฉ (en dehors de lโ€™expertise biologique). Dรจs lors, le droit institue des prรฉsomptions. La prรฉsomption est une technique de preuve qui consiste, aux termes de lโ€™article 1349 du Code civil, ร  partir dโ€™un fait connu pour รฉtablir un fait inconnu. Tel fait รฉtant prouvรฉ, ici la naissance de lโ€™enfant ร  telle date, on en tire, par un raisonnement inductif, la rรฉalitรฉ des faits connexes, en lโ€™espรจce lโ€™รฉpoque de la conception, laquelle, ร  son tour, permettra bien souvent de prรฉsumer lโ€™identitรฉ de lโ€™auteur de lโ€™enfant. Tout ceci en se fondant sur la vraisemblance et la probabilitรฉ : ยซ praesumptio sumitur de eo quod plerumque fit ยป, la prรฉsomption se tire de ce qui arrive le plus souvent. Ecartant le doute qui affecte un fait, la prรฉsomption lรฉgale รฉrige le vraisemblable en vrai . Il nโ€™est nullement question ici dโ€™entrer en conflit avec la rรฉalitรฉ des รฉvรฉnements : grรขce ร  certains indices, dont le mariage constitue un รฉlรฉment privilรฉgiรฉ, on va pouvoir faciliter le rapport de la preuve. Sans prรฉtendre ร  une vรฉritรฉ absolue, on atteindra une forte probabilitรฉ.

On prรฉsume ainsi que celui qui sโ€™est engagรฉ dans les liens du mariage avec la mรจre et qui est dรฉsignรฉ en tant que pรจre dans lโ€™acte de naissance de lโ€™enfant, en est vรฉritablement le gรฉniteur. De la mรชme maniรจre, le lรฉgislateur dรฉduit de la volontรฉ dโ€™assumer lโ€™enfant, exprimรฉe dans un acte de reconnaissance, la paternitรฉ dโ€™un homme non mariรฉ avec la mรจre. Il ne sโ€™agit lร  que de prรฉsomptions simples susceptibles dโ€™รชtre renversรฉes par la preuve contraire : que le pรจre lรฉgal nโ€™est pas le gรฉniteur de lโ€™enfant.

Lโ€™EPOUX DISTINCT DU COMPAGNON DANS Lโ€™ETABLISSEMENT VOLONTAIRE DE LA PATERNITE

Lโ€™identitรฉ du gรฉniteur a toujours รฉtรฉ, et demeure encore, incertaine au premier abord, en cela quโ€™elle nโ€™est pas visible. Cependant, nous disposons aujourdโ€™hui de moyens scientifiques permettant de parvenir ร  la quasi-certitude, voire ร  la certitude, quโ€™un tel est celui qui a conรงu tel enfant. Pourquoi, dรจs lors, ne pas instituer lโ€™expertise biologique en tant que mode dโ€™รฉtablissement lรฉgal et non contentieux de la filiation paternelle ? Cet examen, qui serait pratiquรฉ le plus tรดt possible, prรฉsenterait en effet de nombreux avantages. Premiรจrement, plus aucun doute ne planerait sur la vรฉritรฉ gรฉnรฉtique du lien paternel ; ce qui, dans le mรชme temps, garantirait la stabilitรฉ de lโ€™รฉtat de lโ€™enfant. Enfin, les modes lรฉgaux dโ€™รฉtablissement de la paternitรฉ, que celle-ci se situe ou non dans le mariage, seraient identiques.

Mais ce serait oublier que la filiation ne se rรฉsume pas ร  un lien biologique et que lโ€™institution du tout biologique nโ€™est nullement opportune dans un domaine du droit oรน la considรฉration affective est loin dโ€™รชtre nรฉgligeable. Conscients des enjeux de la filiation, les rรฉdacteurs ont prรฉfรฉrรฉ rejeter le diktat de la vรฉritรฉ des gรจnes, pour choisir dโ€™autres modes dโ€™รฉtablissement du lien paternel. Pour autant, il ne faudrait pas conclure ร  une totale dรฉconnection entre le lien lรฉgalement รฉtabli et la rรฉalitรฉ biologique de ce lien, cette vรฉritรฉ รฉtant seulement relativisรฉe au regard dโ€™autres รฉlรฉments plus abstraits.

Dรฉsirant unifier, dans leurs modes dโ€™รฉtablissement, la paternitรฉ en mariage et la paternitรฉ hors mariage, tout en mettant ร  lโ€™รฉcart lโ€™expertise mรฉdicale, certains auteurs proposent soit de supprimer la prรฉsomption de paternitรฉ existant au profit de lโ€™รฉpoux, soit dโ€™รฉtendre celle-ci, sinon ร  lโ€™รฉgard de tout homme non uni maritalement ร  la mรจre de lโ€™enfant, du moins au concubin. Le problรจme est que lโ€™on ne peut envisager lโ€™รฉlargissement que si lโ€™on institue dans le mรชme temps une preuve juridique des relations entre la mรจre et le prรฉsumรฉ pรจre, ce qui aurait pour effet de transformer le concubinage โ€“ qui actuellement se prouve librement et par tous moyens โ€“ en ยซ mariage sans formes ยป. Or le mariage nโ€™est pas le concubinage : chaque couple doit avoir le choix. On ne saurait tirer de lโ€™รฉgalisation des consรฉquences de lโ€™รฉtablissement des liens de filiation (nom de famille, successions, autoritรฉ parentale), ni de ce que les unions hors mariage sont de nos jours particuliรจrement stables tandis que celles sโ€™inscrivant dans la conjugalitรฉ sont affectรฉes dโ€™un risque important de divorce, des prรฉtextes ร  lโ€™assimilation de rรฉalitรฉs qui ne sont pas de mรชme nature. La nature des choses invite ร  une distinction entre le pรจre maritalement uni ร  la mรจre et celui qui ne lโ€™est pas ; le droit reconnaissant par lร  mรชme un pluralisme des familles juridiquement constituรฉes ร  partir de situations de fait et de droit diffรฉrentes.

La prรฉsomption de paternitรฉ du mariย 

ยซ Le pรจre est celui que les noces dรฉsignent ยป . Le droit du ยซ paterfamilias ยป dโ€™accepter ou de refuser un nouveau-nรฉ ayant engendrรฉ de nombreux abandons dโ€™enfant, lโ€™empereur TRAJAN dรฉcida, au IIรจme siรจcle aprรจs Jรฉsus-Christ, dโ€™imposer la paternitรฉ au mari de la mรจre en lโ€™absence de contestation dans les conditions lรฉgales. Dโ€™oรน lโ€™apparition de la cรฉlรจbre formule ยซ Pater is est quem nuptiae dรฉmonstrant ยป.

Ce vieil adage, hรฉritรฉ du droit romain, a parcouru les siรจcles et rรฉgit encore actuellement lโ€™รฉtablissement volontaire de la paternitรฉ du mari de la mรจre, malgrรฉ les nombreuses rรฉformes qui ont pu se succรฉder depuis sa consรฉcration dans le Code Napolรฉon. Il figure ร  lโ€™article 312 du Code civil, quoique son intitulรฉ classique ait รฉtรฉ quelque peu modifiรฉ par lโ€™ordonnance du 4 juillet 2005, puisquโ€™il est aujourdโ€™hui รฉnoncรฉ que ยซ lโ€™enfant conรงu ou nรฉ pendant le mariage a pour pรจre le mari ยป.

La question du fondement de cette expression latine est ร  lโ€™origine de lโ€™รฉlaboration de nombreuses thรฉories, les unes pouvant se complรฉter, les autres se contrariant. Il sโ€™agit lร  de lโ€™une des plus grandes controverses de notre droit. Etudiant le domaine et lโ€™autoritรฉ de la prรฉsomption de paternitรฉ, nous allons dรฉcouvrir que ceux-ci ont รฉvoluรฉ et que le fondement essentiel quโ€™il est permis dโ€™attribuer ร  la prรฉsomption, du moins de nos jours, est celui de la probabilitรฉ que le pรจre prรฉsumรฉ soit le vรฉritable gรฉniteur de lโ€™enfant. Nous prรฉcisons ยซ de nos jours ยป, car il nโ€™est pas exclu de considรฉrer que ce fondement ait pu รชtre diffรฉrent ร  une รฉpoque antรฉrieure, lorsque la science ne permettait pas encore dโ€™รฉtablir des certitudes. En cela, la thรฉorie dโ€™Ambroise COLIN , selon laquelle lโ€™รฉtablissement de la filiation paternelle rรฉsulterait de la volontรฉ de lโ€™homme, est intรฉressante, et son analyse ne saurait รชtre superflue, dโ€™autant que la volontรฉ conserve encore une place dans lโ€™application de la prรฉsomption de paternitรฉ.

Une large majoritรฉ se dรฉgage dรฉsormais en faveur de ce que lโ€™on dรฉsigne sous lโ€™expression ยซ plerumque fit ยป, lequel justifie en grande partie le maintien de la rรจgle ยซ Pater is est ยป en tant que commoditรฉ de preuve. Comme lโ€™observe Pierre MURAT, la prรฉsomption de paternitรฉ ยซ reste fondรฉe sur une loi statistique et psychologique qui milite vigoureusement en sa faveur : lโ€™immense majoritรฉ des enfants de femmes mariรฉes ont pour pรจre le mari ยป .

Elle constitue une ยซ simplification de preuve profondรฉment enracinรฉe dans les habitudes ยป , qui correspond ร  la ยซ probabilitรฉ dominante ยป (ยง I) et qui ne peut concerner que lโ€™homme uni maritalement ร  la mรจre (ยง II).

Le rapport de stage ou le pfe est un document dโ€™analyse, de synthรจse et dโ€™รฉvaluation de votre apprentissage, cโ€™est pour cela chatpfe.com propose le tรฉlรฉchargement des modรจles complet de projet de fin dโ€™รฉtude, rapport de stage, mรฉmoire, pfe, thรจse, pour connaรฎtre la mรฉthodologie ร  avoir et savoir comment construire les parties dโ€™un projet de fin dโ€™รฉtude.

Table des matiรจres

Introduction gรฉnรฉrale
Premiรจre partie : La filiation paisible
Titre I : Les distinctions en relation avec la qualitรฉ de lโ€™auteur
Chapitre I : Lโ€™รฉpoux distinct du compagnon dans lโ€™รฉtablissement volontaire de la
paternitรฉ
Chapitre II : La maternitรฉ distincte de la paternitรฉ dans les modes dโ€™รฉtablissement
volontaire
Titre II : Les distinctions dans la complรฉmentaritรฉ des liens de filiation
Chapitre I : Lโ€™รฉtablissement interdit du double lien de filiation
Chapitre II : Lโ€™accรจs conditionnรฉ ร  la parentalitรฉ commune
Deuxiรจme partie : La filiation contestรฉe
Titre I : Les distinctions dans lโ€™รฉtablissement de la filiation : la supรฉrioritรฉ de la femme
qui accouche
Chapitre I : La possibilitรฉ dโ€™imposer ร  lโ€™auteur sa paternitรฉ
Chapitre II : La possibilitรฉ de faire obstacle ร  lโ€™รฉtablissement des liens de filiation
Titre II : Les distinctions dans la force du lien de filiation : la supรฉrioritรฉ de la filiation par greffe
Chapitre I : La filiation charnelle : une action en contestation limitรฉe
Chapitre II : La filiation รฉlective : lโ€™exclusion dโ€™une remise en cause
Conclusion gรฉnรฉraleย 

Rapport PFE, mรฉmoire et thรจse PDFTรฉlรฉcharger le rapport complet

Tรฉlรฉcharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiรฉe. Les champs obligatoires sont indiquรฉs avec *