LES DISPOSITIFS DE PROTECTION DE LA QUALITE DE L’EAU
La notion de dispositif englobe un concept large qu’il convient de définir préalablement.Au sein de notre étude, nous nous limiterons aux dispositifs de politique publique c’est-à-dire émanant de l’Europe, de l’Etat, de ces services ou encore des collectivités. Cette notion s’intègre dans le domaine de l’instrumentation de l’action publique qui englobe « l’ensemble des problèmes posés par le choix et l’usage des outils (des techniques, des moyens d’opérer, des dispositifs) qui permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action gouvernementale (…) Un instrument d’action publique constitue un dispositif à la fois technique et social qui organise les rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur » . Ainsi, différents types de dispositifs ou instruments sont utilisés par les pouvoirs publics. Suite aux recherches effectuées dans le cadre de notre étude, trois thèmes ont émergé :
– Les réglementations, issues de l’application directe d’un cadre législatif.
– Les instruments économiques, qu’ils soient de type incitatif ou conventionnel, intègrant des mécanismes financiers.
– L’accompagnement des agriculteurs, informatif et communicationnel.
Assimilé en sciences de la gestion aux termes « outil » et « instrument », le dispositif se constitue à la fois d’un substrat technique, d’une représentation schématique et d’une organisation gestionnaire.
Réflexion portant sur la cohérence des dispositifs
Globalement, le fait que les deux zones étudiées possèdent de forts enjeux vis-à-vis de la ressource en eau, ne conduit pas à davantage de dispositifs agri-environnementaux que sur le reste du territoire. A l’heure actuelle, il n’y a que très peu de dispositifs spécifiques à ces zones malgré l’existence antérieure de bassins versants prioritaires. Par ailleurs, leur mise en œuvre reste dans certains cas relativement contestables.
Des objectifs ambitieux pour les prochaines années
Le Plan national santé-environnement, rédigé en 2004, donne pour objectif la protection par la mise en place de périmètres sur la totalité des captages au niveau national avant la fin de l’année 2010. L’objectif semble ambitieux car les mairies font face à différentes difficultés, notamment au niveau de la lourdeur de la procédure qui dure en moyenne sept ans et de l’aspect financier des ouvrages de captages. De surcroit, les collectivités n’ont généralement pas les moyens humains pour la mise en application des servitudes. Certes, elles assurent un contrôle de l’urbanisation autour des captages et freinent les activités humaines par la mise en place de panneaux signalétiques, mais il demeure une anthropisation relativement importante dans les différents périmètres (baignades, décharges, activités nautiques…).
Un manque avéré de moyens et de communication
FARRE tente depuis plusieurs années de travailler prioritairement sur trois bassinsversants de l’île, dont celui intégrant le BAC de Saint-Benoît. En 2008, un des techniciens de FARRE et deux techniciens de la chambre d’agriculture travaillent en coopération sur un projet de sensibilisation renforcée auprès des agriculteurs. Ils souhaitent également la mise en place d’un cahier de suivi des fertilisations et pratiques agricoles pour chaque exploitation de la zone. Le projet a finalement été laissé de côté du fait de la réduction d’effectif de FARRE passant de quatre à deux salariés pour une charge de travail équivalente, et par la restructuration de la chambre modifiant les emplois de chacun.Suite à la restructuration de la CA fin 2009, les techniciens plus ou moins spécialisés dans un domaine agricole particulier ont évolué vers emploi qui se veut généraliste, chaque conseiller œuvrant dans une zone délimitée afin d’augmenter la proximité avec l’agriculteur.
Aujourd’hui, au sein de la Chambre d’Agriculture, le conseiller de secteur est donc le référent technique de proximité pour l’ensemble des agriculteurs de la zone concernée. Cependant, la structure antérieure reste relativement ancrée dans le mécanisme actuel dans le sens où lorsqu’un conseiller de secteur se retrouve face à un problème auquel il n’était pas confronté par le passé, il sollicite un collègue spécialisé dans le domaine. Plus généralement, il semble que la majorité des services de la Chambre d’Agriculture cherche encore leur place dans cette nouvelle organisation. Avant la restructuration, c’est le chargé Environnement qui informait les techniciens de l’évolution des MAE. Il se déplaçait sur le terrain dans les différents locaux de la Chambres d’agriculture afin d’y effectuer des réunions, il envoyait également régulièrement de l’information aux techniciens via Internet. Depuis la réorganisation, ce lien a été coupé.
Certains conseillers se disent en marge de l’actualité relative aux MAE, occupés prioritairement à l’instruction des dossiers de PGE. Il subsiste une réunion annuelle assuré par la DAF, qui fait un bilan de l’année passée et informe des perspectives mais tous les conseillers de secteurs ne semblent pas en être bien informés, certains ignorant son existence.
Le guide des bonnes pratiques agricoles
Du fait de l’intégration de la dimension environnementale au sein des politiques publiques depuis quelques années et également de la généralisation des interventions des techniciens, et, ces derniers se doivent de mettre à jour leurs connaissances des dispositifs réglementaires intervenant dans les différents domaines agricoles. C’est la volonté affiché du guide des bonnes pratiques agricoles, destiné à l’ensemble des techniciens agricoles de l’île, qui a pour objectif de rappeler le plancher réglementaire en matière de qualité de l’eau et d’y ajouter un ensemble de préconisations pour que le technicien ou l’agriculteur qui décide de protéger la ressource possède un itinéraire technique sur les choix à effectuer. Par ailleurs, il a pour vocation de dresser un annuaire des organismes à consulter en cas de problèmes particuliers.
Le décret n°93-1038 du 27 aout 1993 vient compléter la directive européenne du 12 décembre 1991 dite « Directive Nitrate » en instaurant le code national des bonnes pratiques agricoles. Ce dernier vise à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole par une maîtrise de la fertilisation azotée. Comme toutes les autres mesures issues de la directive Nitrate, il s’applique aux zones dites « vulnérables» qui connaissent une augmentation des teneurs en nitrates du fait des activités agricoles. Cependant, La Réunion ne possède pas de zones vulnérables définies. De ce fait, le code des bonnes pratiques ne s’applique pas sur l’île, bien qu’il soit mentionné dans le SDAGE. Par ailleurs, le code n’est pas compatible avec les cultures tropicales. Afin de pallier ce manque, un guide des bonnes pratiques agricoles est en cours de rédaction. Contrairement au code des bonnes pratiques, le guide ne possède pas de valeur juridique, il n’est pas opposable au tiers. Il est destiné à l’ensemble des techniciens agricoles de l’île. Une vingtaine d’organismes participent à la rédaction du guide à travers 43 auteurs. Le projet a débuté en janvier 2010 par les ateliers thématiques à raison de cinq réunions par semaine réunissant 10 à 15 personnes à chaque fois.
Le projet est piloté par la DAF qui réceptionne et coordonne la rédaction du guide. La maquette devrait être finalisée en septembre 2010 et publié dès le mois d’octobre.
La place des MAE au sein des dispositifs étudiés
L’objectif principal de l’agriculture est la fourniture de biens primaires afin de nourrir la population. Cette fonction essentielle assure à l’agriculture une forte légitimité, qui est aujourd’hui quelque peu remise en question du fait des effets négatifs engendrés par les systèmes de productions agricoles.L’agriculture constitue un secteur où l’intervention publique est importante avec un grand nombre de lois, réglementations et politiques incitatives inscrite dans le code rural. Actuellement, un certain nombre de ces politiques vise à limiter les effets néfastes de ces systèmes de production en incitant à la production de SE. Les MAE sont généralement qualifié de l’exemple le plus probant de dispositifs agrienvironnementaux de type incitatif. Cependant, cette affirmation reste à modérer puisqu’elle ne fait pas l’unanimité dans le milieu agricole. Globalement, suite aux entretiens effectués, différents points de vue émergent sur ce dispositif et de la façon à travers laquelle la dimension environnementale est appréhendée :
– Contrairement aux Contrats d’Agriculture Durable (CAD) qui les ont précédés et qui possédaient une réelle efficacité, les MAE ne constituent plus une mesure incitative.En effet, les enveloppes allouées par l’Etat et l’Europe pour la mise en place de ces mesures semblent avoir été réduites et ne permettent plus à l’agriculteur d’être réellement récompensé des bonnes pratiques effectuées. La subvention finance seulement la perte de revenu engendrée par le respect du cahier des charges. En somme, il semblerait que la plupart des agriculteurs qui souscrivent aux MAE sont des agriculteurs qui ont déjà intériorisé les règles à respecter et pour qui le respect du cahier des charges n’entraine pas de changement de pratique.
– Les MAE sont des mesures louables qui prennent réellement en compte la dimension environnementale et permettrait de préserver la ressource en eau en limitant les pollutions des cours d’eau et nappes phréatiques. Cependant, du fait que la mesure demeure basée sur le volontariat, sa répartition reste limitée, voire incohérente pour certains lorsque : « Un agriculteur MAE » en aval du bassin fait des efforts pour respecter le cahier des charges et préserver son environnement, alors qu’en amont un agriculteur « non MAE » utilise des produits et participe à la pollution de la ravine ».
Des moyens plus forts devraient être déployés sur les zones dans lesquelles des enjeux forts ont été décelés pour avoir un impact homogène sur l’objectif recherché.
– Pour d’autres, dans une certaine logique, les MAE ne devraient faire l’objet d’aucune rémunération mais s’imposer d’elles-mêmes et être assimilées par chacun. « Le particulier n’est pas payé pour trier ses déchets quotidiens, pourquoi l’agriculteur le serait ? ». Si l’on souhaite réellement obtenir un impact sur l’environnement, il faut avant toute chose sensibiliser et informer les agriculteurs mais également toute la population pour qu’il y ait une prise de conscience collective et que les agriculteurs voient un intérêt à changer certaines pratiques. « La prise en compte de l’environnement devrait se faire de façon automatique et il ne devrait pas y avoir de mécanismes financier derrière cela ».
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I – CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE
I.1. Le contexte géographique de l’île
I.2. L’agriculture à La Réunion
I.3. Le secteur institutionnel de l’agriculture
I.3.1. La déclinaison de la PAC à l’échelle régionale
I.3.2. Les acteurs au contact des agriculteurs
I.4. L’enjeu « eau »
I.5. Présentation du terrain d’étude
I.5.1 Le BAC de Saint-Benoît
I.5.2 Le BAC de Saint-Paul
PARTIE II – LES DISPOSITIFS DE PROTECTION DE LA QUALITE DE L’EAU
II.1. La réglementation
II.1.2. Les périmètres de protection des captages d’eau potable
II.1.3. La réglementation « sanitaire et environnementales »
II.2. Les instruments économiques
II.2.1. Les Mesures Agri-Environnementales
II.2.2. L’investissement en matière de maîtrise des pollutions dues aux effluents
II.3.1. La certification Agriculture Raisonnée
II.3.2. Les formations de la chambre d’agriculture
PARTIE III – INTERACTIONS DES DISPOSITIFS ET PERSPECTIVES
III.1. Réflexion portant sur la cohérence des dispositifs
III.1.1. Des objectifs ambitieux pour les prochaines années
III.1.2. Un manque avéré de moyens et de communication
III.1.3. Le guide des bonnes pratiques agricoles
III.2. La place des MAE au sein des dispositifs étudiés
III.3. Perspectives d’évolution
III.3.1 Les actions sur les BAC
III.3.2. Plan EcophytoDOM
CONCLUSION
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