La dynamique des transformations et les recompositions territoriales en cours dans la ville de Mbour requièrent une analyse de la trame générale pour saisir les enjeux et les lignes de forces en présence qui participent à cette évolution d’ensemble. Pour saisir la complexité de la trame urbaine, il faut nécessairement intégrer des explications du fait urbain qui prennent en compte la dimension historique et les modalités du changement de la structure spatiale, ses imbrications et ramifications dans le temps.
La ville de Mbour, de par sa situation géographique bénéficie d’atouts importants physiques et naturels : son ouverture sur l’océan lui permet de disposer d’une bande côtière ou les fonctions motrices sont la pêche et le tourisme. Ce dynamisme débordant sur la frange littorale, à la fois fragile et très convoité constitue le fond de permanence du littoral ou un important tonnage de produits halieutiques est débarqué pour approvisionner les marchés de la ville, la grande métropole Dakar, les centres urbains de l’intérieur mais aussi les pays de la sous-région. Le littoral est aussi un haut lieu d’échanges et de commerces qui fait face à un dilemme ou se mêle d’une part, le développement d’activités économiques et d’autre part, la production intense de déchets solides.
Le rythme de la croissance urbaine à Mbour amène à mettre l’accent sur les préoccupations liées à la question de l’environnement qui prend ici une importance considérable du fait que les villes en général, surtout dans les pays en développement sont confrontées à toutes sortes de nuisances : pollution atmosphérique, encombrement du trafic, production intense de déchets, d’où la nécessité de se pencher davantage sur le cadre de vie dans la gouvernance urbaine.
PROBLEMATIQUE
La mosaïque socio-spatiale dans la ville de Mbour laisse transparaitre une diversité de situations dans la structuration de l’espace. Une présentation des courants profonds permet de mettre en évidence les changements, les tensions et contradictions, bref une réelle dynamique de la réalité socio-économique de la ville en tant qu’univers inachevé, mobile, perturbé en outre par les bouleversements spontanés ou concertés. La progression continue du front d’urbanisation est un processus qui engendre l’apparition de nouveaux quartiers, dont la résultante est le développement de conditions foncières et immobilières. Il s’en suit des problèmes d’adductions d’eau potable, d’assainissement, de ramassage des déchets, un ensemble de tâches qui sont au cœur de l’activité municipale (certaines opérations de lotissement sont autorisées par l’Etat) qui fait du lotissement le principal instrument urbain de conquête et contrôle de la rente foncière.
La maitrise de l’espace passe par la mise en place d’infrastructures et d’équipements pour assurer la fourniture des biens et services, mais aussi appuyer l’activité productive, on parle dans ce cas de fonction urbaine qui est « une activité que des citadins exercent au bénéfice des habitants de la ville elle-même et de ce qui lui est extérieur, notamment de sa région…, les aires d’influences correspondant à chaque fonction ne coïncident pas nécessairement. Elles sont alors commentées séparément ou elles font l’objet d’une tentative de synthèse –souvent par superposition cartographique- visant à déterminer une aire d’influence globale, ce qui ne va pas sans problèmes en raison des approximations dans les recouvrements ». Mbour principal centre urbain de la petite côte, a une aire d’influence qu’elle exerce sur son pourtour immédiat, mais aussi sur les territoires de la même zone.
Etudier la dynamique urbaine de la ville de Mbour et ses recompositions dans le temps et dans l’espace, revient en effet à mettre l’accent sur sa trajectoire ou sur son l’historicité qui se confond en règle générale avec celle du pays faite de continuités, de ruptures et de rebondissements. Un certain nombre de facteurs permettent de saisir les fondements hérités et la trajectoire de cette ville:
1- les facteurs géographiques (le plus déterminant ayant été sans doute, la situation par rapport à la mer, les régions proches sont plus favorisées que l’intérieur profond, car plus ouvertes à la vie de relations, aux activités commerciales) ; les deux (2) espaces sont en effet différenciés non parce qu’ils sont inégalement doués, mais parce que leur potentiel de richesses a été depuis un siècle inégalement valorisé. Ces distorsions qui ont pris racine à cause d’un siècle d’économie coloniale dont la prospérité reposait sur l’exportation d’un unique produit et sur la situation relativement privilégiée faite à ses points d’appui (ports d’exportations, villes-relais de sa collecte et de sa commercialisation, ont tôt crée, sur le territoire dominée des inégalités profondes. Le Sénégal est composé de deux (2) ensembles régionaux inégalement peuplés, inégalement urbanisés, inégalement équipés et développés : le centre occidental et les régions « périphériques » .
2- L’interventionnisme étatique consistait à la prise en charge directe de la production et de l’échange en tant que forme d’intervention en s’appuyant sur la multiplication de sociétés d’Etat, d’offices nationaux et d’entreprises parapubliques, dont l’apogée fût atteint à la fin des années soixante-dix . La croissance de la production exportable à partir de l’adoption de modèles techniques étrangers destinés avant tout à l’accroissement de la production exportable était à la base de « l’encadrement étatique ». En effet, selon l’analyse de Dubresson et Raison (1997), la production agricole exportée…, repose avant tout sur les exploitations paysannes dont la dynamique est fondée sur l’extension continue des surfaces cultivées avec une faible productivité. Par ailleurs, pour drainer la production, l’administration coloniale a décidé de mettre en place un certains nombres d’équipements pour désenclaver les zones de production à travers : l’existence de pistes de productions, de routes, d’infrastructures de collecte, de stockage et d’évacuation. Ces courroies de transmissions crées, avait comme point de rupture de charge les villes côtières « qui étaient reliés des localités de l’intérieur par le chemin de fer : lignes Dakar- Saint Louis, (1883- 1886) ; Dakar- Bamako (1923), elles étaient jalonnées d’escales, de points de traite qui constitueront avec les villes côtières l’embryon du réseau urbain du Sénégal ».
Voilà deux (2) facteurs hérités de la colonisation. Pour Bayart (1979), citant Gouellain R., la colonisation a donné naissance à trois (3) « structures » distinctes : -structure de la colonisation mercantile avant l’établissement du protectorat, structure de la colonisation productive qui représente la période de colonisation sur place, enfin, de nos jours, structure de la colonisation par le contrôle du développement . Les disparités sont toujours le fondement d’une mobilité accrue, la crise du monde rurale, les difficultés du secteur privé, l’hypertrophie du secteur public laissent une sensation d’étouffement et d’asphyxie . Dans ces conditions, « les villes ne sont plus que des fourmilières sans capacité d’intégration, ce sont plutôt des centres de consommations qui prolongent le marché international ».
La prise en compte de la dimension spatiale dans l’analyse des structures anciennes laisse apparaître des complexes politico-sociales reposant sur des techniques d’encadrement qui à partir d’un ensemble de procédés et de moyens techniques assurant la vie des hommes en société et la cohésion de celle-ci, permettant notamment aux groupes sociaux de se reproduire sur la longue durée et en même temps de garantir un contrôle efficace de l’espace, donc d’y accumuler un capital démographique, d’accroître leur maitrise de l’espace, de modeler et de faire évoluer leurs paysages. Ce faisant, on constate une certaine coïncidence entre société et espace. Les diverses formes que prennent aujourd’hui les échanges commerciaux enchâssent leur réalité dans la longue durée ; ce qui fait dire à Bayart et Bertrand (2006) que « la provenance des systèmes d’inégalités et de domination contemporains parait irréfutable, encore que non exclusive, dans la plupart des cas. L’économie politique des temps présents procède des configurations impériales des 19e et 20e siècles, ce qui n’exclut nullement l’éventualité de vraies ruptures, parfois de type révolutionnaire. Les imaginaires du gouvernement découlent eux-mêmes, pour nombre d’entre eux, du moment colonial. Cela est tout d’abord vrai de la notion exemplaire de développement, celle-ci reformule les problématiques de la – mise en valeur, et de la – mission civilisatrice . ». Donc la prise en compte de l’historicité dans l’analyse des sociétés africaines permet d’avoir une vision panoramique et instructive des difficultés actuelles et de sa reproduction dans la durée.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
CONTEXTE ET JUSTIFICATION
A- Contexte
B- Justification
CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
1- Discussion conceptuelle
2- Question de recherche
3- Objectifs et Hypothèses
METHODOLOGIE
1- Revue documentaire
2- Outil de recherche et l’exploitation des données
Première partie : ORGANISATION DE L’ESPACE
Chapitre I- Croissance urbaine et dynamique spatiale
1. La distribution spatiale de la population
2. Les mutations foncières urbaines
3. L’attraction suscitée par la ville
Chapitre II : Les activités socio-économiques
1- Le tourisme
2- La pêche
3- Le commerce et l’artisanat
Deuxième partie : LA PROBLEMATIQUE DE LA GESTION URBAINE
Chapitre III- Le défi de l’intégration urbaine et du développement local
1- Les insuffisances de la municipalité dans la gouvernance locale
2- Les difficultés liées à l’amélioration du cadre de vie
Troisième partie : ETUDE DE LA VIE DE RELATIONS
Chapitre IV – Les facteurs de la polarisation
1- Les équipements et services collectifs et leur sphère d’influence
2- Les flux et circuits commerciaux
3- Le fonctionnement des marchés urbains
Chapitre V : RESILIENCE ET COMPETITIVITE TERRITORIALE
1- L’impact de l’érosion côtière
2- Territorialisation gestion urbaine dans la ville de Mbour
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE