PRESENTATION GENERALE DE LA TRISOMIE 21
Il a paru pertinent de développer au préalable une étude globale de la trisomie 21 (Diamandopoulos et Green, 2018), afin d’inscrire les difficultés d’allaitement dans un contexte plus général. Cet article a été choisi pour sa date récente de publication et son contenu riche et précis.
Une anomalie génétique
La trisomie 21 est l’une des maladies génétiques la plus commune, qui affecte le développement du fœtus. C’est une maladie chromosomique dans laquelle l’individu a une troisième copie du chromosome 21, ce qui a donné le nom de trisomie 21. Cette copie anormale se produit lors de la méiose (processus de double division cellulaire qui aboutit à la production des gamètes). La cause de l’apparition de la trisomie 21 ou le nombre de facteurs impliqués sont encore inconnus. Toutes les cellules humaines, exceptées les gamètes, contiennent normalement 46 chromosomes, c’est-à-dire, une paire de chromosomes sexuels et 22 paires d’autosomes (tous les autres chromosomes non sexuels). Les chromosomes sontconstitués de gènes qui détermineront la croissance du fœtus et du bébé après la naissance, ainsi que les caractéristiques physiques, telles que la couleur des yeux ou des cheveux et la probabilité de développer une maladie dans le futur.
Les difficultés d’allaitement chez l’enfant porteur de trisomie 21
La déglutition
En 2019, Anil et al (Anil et al., 2019) ont publié un article identifiant les difficultés d’alimentation et de déglutition chez les enfants porteurs de trisomie 21. Les objectifs de cette étude sont d’évaluer les difficultés d’alimentation lors des trois temps de la déglutition (phase orale, phase pharyngée, phase œsophagienne). Un questionnaire a été proposé à deux groupes de parents : l’un constitué de 17 parents d’enfants trisomiques et l’autre constitué de 47 parents d’enfants tout-venants. Les enfants étaient âgés de 2 à 7 ans. Les résultats montrent des différences significatives entres les deux groupes, pour chacun des trois temps de la déglutition.
Chez les enfants trisomiques, la phase orale est caractérisée par une déglutition primaire persistant dans le temps : mastication immature entraînant la fuite du bolus alimentaire, morceaux mal mâchés, maintien plus long du bolus en bouche, faible fermeture des lèvres, mauvaise mobilité de la langue, des mâchoires et des lèvres, entraînant un mauvais transit du bolus vers l’arrière de la bouche. On note également un manque de conscience des résidus alimentaires post-déglutition. La phase pharyngée est caractérisée par la présence de résidus buccaux après la mastication, un retard de déclenchement des mouvements oro-pharyngés de la déglutition, et des fausses routes aux solides et aux liquides. Et enfin la phase œsophagienne est caractérisée par des vomissements dus à une obstruction pharyngée (morceaux mal mastiqués en phase orale), un reflux gastro-œsophagien et une hypotonie (bavage). De manière plus générale, les difficultés sont plus marquées sur les solides que sur les liquides, sur les trois temps de la déglutition. Les difficultés sont plus marquées au temps oral de la déglutition.
Les auteurs suggèrent que ces difficultés pourraient être en lien avec une hypo-sensibilité orale (faible conscience des aliments en bouche), ainsi qu’avec le manque de tonus des muscles digestifs et oro-faciaux. D’un point de vue plus qualitatif, les auteurs relèvent une acceptation réduite des goûts, des températures, des odeurs et une sélectivité alimentaire, chezun grand nombre d’enfants trisomiques, ce qui pourrait être apparenté à un trouble de l’oralité. A cela s’ajoute l’aspect moteur plus global : la maladresse motrice nécessite de la vaisselle adaptée, et exige des postures spécifiques lors des repas. Autant de facteurs qui engendrent des troubles du comportement, d’où la nécessité d’une prise en charge la plus précoce possible, afin d’éviter au maximum la manifestation de ces difficultés ou du moins afin de proposer des conseils et des adaptations. Les auteurs relèvent que ces difficultés oromotrices sont bien plus marquées dans le groupe d’enfants trisomiques que dans le groupe contrôle. En conclusion, les difficultés d’alimentation et de déglutition sont présentes sur les trois temps de la déglutition, et sont majorées sur les aliments solides. Elles ont des répercussions sur les domaines physiques, fonctionnels et émotionnels de l’alimentation. Les auteurs encouragent l’évaluation protocolisée afin d’établir des objectifs précis dans la prise en charge de ces troubles. Cette étude ne porte pas spécifiquement sur l’allaitement des nourrissons mais elle apporte des données intéressantes sur les difficultés d’alimentation globale que peuvent rencontrer les personnes trisomiques, et montre l’intérêt d’une prise en charge et d’un accompagnement précoces de ces familles.
L’étude de Stanley et al (Stanley et al., 2019) cherche à identifier les difficultés d’alimentation présentes chez les enfants trisomiques et d’établir des corrélations anatomocliniques. Ils ont constitué un échantillon de 174 bébés trisomiques, âgés entre 0 et 6 mois. Ils ont observé les critères suivants : faible croissance, refus ou lenteur d’alimentation, toux ou étouffement, problèmes respiratoires chroniques, tachypnée ou respiration bruyante, désaturation ou cyanose. Dans cette étude, 100/174 enfants (57%) ont justifié un examen de la déglutition par vidéofluoroscopie. 96/174 enfants (55%) ont présenté une dysphagie orale (succion faible et/ou inefficace) et pharyngée (fausses routes). 39% de l’échantillon ont présenté une dysphagie sévère, impliquant un changement de texture du lait maternel ou infantile, ou même une alimentation artificielle. Les auteurs établissent une relation entre la désaturation lors de l’alimentation, les troubles respiratoires, la prématurité, les petits poids de naissance et le risque significativement plus élevé de dysphagie. En revanche, il n’y a pas de relation significative entre les malformations cardiaques et les risques de dysphagie. Cette étude permet de porter une attention toute particulière aux enfants qui sont plus à risque d’avoir une dysphagie, et par conséquent, des difficultés d’alimentation et donc d’allaitement.
Les professionnels de santé peuvent donc s’appuyer sur les résultats de cette étude pour identifier les enfants à plus haut risque de dysphagie, afin de prévenir au maximum ces difficultés lors de l’allaitement.
La succion
Aumonier et Cunningham (Aumonier & Cunningham, 1983) proposent pour la première fois une étude sur l’allaitement des enfants porteurs de trisomie 21. Une visite à domicile de 59 mères d’enfants trisomiques est effectuée toutes les six semaines, de la naissance à deux ans.
L’étude se base sur les réponses apportées par les mères à un questionnaire.
La première question porte sur le choix d’allaiter ou non, avant la naissance : 59% (29/59) souhaitent allaiter, 35% ne souhaitent pas allaiter et 11% sont indécises.
La deuxième question porte sur le mode d’alimentation finalement choisi après la naissance : 48% ont finalement allaité, ou du moins essayé d’allaiter. Tous les autres bébés ont finalement été nourris au lait artificiel.
La troisième question porte sur le succès de l’allaitement : 45% des mères souhaitant allaiter en anténatal (13/29) n’ont pas réussi. Les causes décrites par les auteurs sont les suivantes : maladie et/ou découragement de la mère, et durée de l’allaitement inférieure à une semaine en raison d’un manque de lait. Parmi ces 13 mères, 4 identifient une lenteur à téter chez leur nourrisson. Aucune mère n’a cependant évoqué la trisomie 21 comme un obstacle direct à l’allaitement.
La quatrième question porte sur la capacité de succion du nourrisson : sur les 59 mères interrogées, 31 ne relèvent pas de difficultés de succion chez leur bébé ; 16 enfants sur 59 ont bénéficié d’une sonde naso-gastrique et les autres mères rapportent une alimentation satisfaisante au bout de la première semaine.
La cinquième question porte sur la jaunisse : une plus forte incidence de jaunisse est reportée chez les enfants trisomiques que chez les enfants tout-venants. Une donnée intéressante est à noter : 15/28 des nourrissons ayant une faible succion, ont développé une jaunisse en période néonatale.
La sixième question interroge sur les pathologies cardiaques : 47% des nourrissons de l’échantillon présentent des anomalies cardiaques (du souffle cardiaque léger à de graves anomalies cardiaques). Une relation significative a été établie entre les malformationscardiaques et les problèmes de succion.
La septième question concerne les petits poids de naissance, c’est-à-dire ayant un poids inférieur à 2,6 kilogrammes. L’échantillon relève 17% de petits poids de naissance (10/59).
Parmi eux, 7 enfants présentent des lenteurs lors de la tétée.
La huitième question récapitule les problèmes de santé rencontrés. Il est à noter que 18/59 des nourrissons ont présenté des problèmes de santé, et parmi eux, 11 ont présenté des difficultés à téter.
Le manque de soutien des professionnels de santé
Plusieurs auteurs s’accordent à dire que l’implication des professionnels de santé est indispensable. En effet, ils jouent un rôle primordial dans la mise en place et le maintien de l’allaitement. Leur rôle est d’autant plus important en cas de difficultés, notamment avec les nourrissons trisomiques.
La revue de littérature de Barros da Silva de 2018 (Barros da Silva et al., 2018) présente les expériences d’allaitement de mères d’enfants trisomiques. Malgré certaines caractéristiques décrites précédemment, susceptibles d’entraver l’allaitement, de nombreux enfants trisomiques peuvent être allaités avec succès. Au-delà des recommandations de l’OMS, le lait maternel paraît fortement indiqué pour ces enfants à plus haut risque d’infections respiratoires et ORL notamment. D’un point de vue psychologique, l’allaitement permet de renforcer le lien mère-enfant souvent altéré après l’annonce du diagnostic ou face aux difficultés de leur enfant (Sooben, 2012).
Les auteurs de cette revue de littérature ont synthétisé les données apportées par 10 mères d’enfants trisomiques, âgés de 2 mois à 10 ans. La durée moyenne de l’allaitement des enfants de l’échantillon est de 74,7 jours, ce qui concorde avec les résultats de l’étude de Pisacane et al (Pisacane et al., 2003) qui conclut que les enfants trisomiques ont une durée d’allaitementsignificativement inférieure à la norme. Une analyse plus qualitative a été fournie grâce aux questionnaires composés de trois parties : leur expérience de l’allaitement, le soutien des professionnels de santé, leur connaissance de la trisomie 21. En ce qui concerne leur expérience d’allaitement, plusieurs mères n’ont pas pu mettre leur enfant au sein dès la naissance, en raison d’une hospitalisation en unité néonatale ou du refus des soignants de proposer l’allaitement à un bébé trisomique. La plupart des mères de l’étude ont conscience des bienfaits du lait maternel et de l’allaitement, et particulièrement dans le cas d’enfants trisomiques. Les mères signalent l’importance primordiale du soutien et de l’accompagnement des professionnels de santé pour les aider à surpasser les émotions négatives et à maintenir l’allaitement. Les difficultés rencontrées sont en partie comparables à celles des autres femmes : crevasses, engorgement des seins, difficultés pour tirer le lait, douleurs. D’autres difficultés plus spécifiques ont été identifiées : hypotonie, somnolence, succion. En ce qui concerne le soutien des professionnels de santé, les mères rapportent qu’elles ont reçu des conseils pré et postnataux des infirmières. Après la naissance, certaines d’entre elles ont bénéficié d’une intervention précoce d’un orthophoniste. Les mères déplorent l’absence de centres spécifiques à proximité de leur domicile et affirment que les échanges avec les professionnels n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes : elles auraient souhaité des informations plus précises après la naissance et un meilleur encouragement. La moitié des mères interrogées notent même de la malveillance des professionnels quant à leur choix de garder leur bébé après avoir eu leur diagnostic anténatal. En ce qui concerne leur connaissance sur la trisomie 21, la plupart des mères ont préféré chercher des informations sur internet plutôt que de se renseigner auprès des professionnels de santé, surtout quand elles avaient fait l’expérience d’un manque de considération de leur part. Le partage d’expériences avec d’autres parents d’enfants trisomiques leur a paru le meilleur moyen de se renseigner.
Les mères appellent les professionnels à mettre à jour leurs connaissances. Elles énoncent également l’importance d’une prise en charge psychologique pour favoriser le lien mèreenfant. En conclusion, seulement 3/10 mères ont pu allaiter exclusivement leur enfant jusqu’à 6 mois. Les mères indiquent l’importance du suivi des professionnels de santé. Ce suivi ne devrait pas se limiter à la maternité ou à l’hôpital, mais devrait se poursuivre au retour à la maison. Cette étude qualitative met en avant le lien entre le soutien des professionnels de santé (pluridisciplinarité) et la réussite de l’allaitement.
Le rôle des orthophonistes
En 2004, Lewis et al (Lewis & Kritzinger, 2004) proposent de s’intéresser au regard des parents sur les difficultés alimentaires de leurs enfants porteurs de trisomie 21. Les auteurs de cet article abordent également l’importance de la prise en charge précoce en orthophonie. Un questionnaire a été proposé aux parents de 20 enfants trisomiques, âgés de 12 à 48 mois. Le questionnaire porte sur l’histoire médicale de l’enfant et sur les difficultés d’alimentation rencontrées ainsi que sur les émotions ressenties par les parents face à ces difficultés.
D’importantes données sont à prendre en considération. Tout d’abord, il est à noter que les difficultés d’alimentation évoluent au fur et à mesure du développement de l’enfant, mais qu’elles restent un défi pour les parents et les orthophonistes. Les difficultés d’alimentation sont décrites dans le tableau ci-après. Les principales difficultés rencontrées sont les suivantes : étouffement, vomissement, toux, reflux par le nez, réflexes de succion déglutitionrespiration non coordonné, difficultés de positionnement, crampes, fatigue avant la fin de la prise alimentaire, succion lente, déglutition lente, défaut d’initiation de la succion, fausses routes, petits poids (cf figure 7). Ces difficultés sont majeures les trois premiers mois et s’atténuent au fil du temps. Ces résultats concordent avec les études précédemment détaillées : la fatigabilité, et la succion sont les deux principaux obstacles à une bonne prisealimentaire.
Avantages sur la santé de l’enfant
Les articles détaillés ci-dessous ont été sélectionnés pour leur lien avec les atteintes présentes ou possibles de la trisomie 21.
Rôle sur le système immunitaire
L’article de Palmeira (Palmeira et al., 2016) expose tous les bénéfices du lait maternel sur la santé immunitaire du bébé. Le système immunitaire du nouveau-né est immature, particulièrement les membranes muqueuses. Le colostrum et le lait maternel permettent de fournir au bébé des composantes bioactives (anti-inflammatoires). Pendant la période néonatale, le bébé est exposé à un grand nombre de micro-organismes pouvant provoquer des otites, des infections respiratoires, des gastroentérites, des septicémies, et des méningites.
Pour compenser cette immaturité immunologique fœtale et néonatale, la nature a développé des mécanismes protecteurs : le transfert transplacentaire d’anticorps, des facteurs de résistance dans le liquide amniotique, le lait maternel et le colostrum dans la vie extra-utérine.
Le colostrum est une riche source en nutriments avec une concentration élevée de facteurs protecteurs anti-inflammatoires : enzymes, immunoglobines, cytokines, leucocytes, oligosaccharides, nucléotides, hormones, lipides. Tous ces facteurs sont en interaction avec les membranes muqueuses des tubes digestifs et respiratoires. Ces facteurs antimicrobiens du colostrum et du lait maternel offrent une résistance à la dégradation des enzymes digestives, une protection des surfaces muqueuses et une élimination des bactéries. Les anticorps IgA sont anti-inflammatoires, ne consomment pas d’énergie et sont essentiels dans la défense des membranes muqueuses.
Certaines hormones (insuline, stéroïde, prolactine) ont un effet direct sur le sein et la production de lait, et d’autres peuvent contribuer à la croissance dermique et nerveuse et au développement du tube gastro-intestinal. Les cytokines et les chemokines ont un effet immuno-stimulant et immuno-modulateur, avec une action dans la prévention des allergies et de l’hypersensibilité. En plus de leur avantage nutritionnel, les lipides ont une activité antimicrobienne dans l’intestin des nourrissons et jouent un rôle dans la protection passive du lait maternel. Les acides nucléiques favorisent l’absorption du fer par l’organisme. Les facteurs antioxydants limitent les dommages causés par le stress oxydatif. Les données épidémiologiques indiquent que les enfants nourris exclusivement au sein sont mieux protégés contre un grand nombre de maladies infectieuses (Wright, Bauer, Naylor, Sutcliffe, & Clark, 1998) et aussi contre la maladie coeliaque infantile (Ivarsson, Hernell, Stenlund, & Persson, 2002) ainsi que contre les allergies et l’asthme (Oddy et al., 1999). On sait que le risque de décès par diarrhée peut être réduit de 14 à 24 fois chez les nourrissons allaités et que la fréquence des diarrhées augmente lors de l’arrêt de l’allaitement (Victora et al., 1987). En conclusion, l’allaitement maternel fournit non seulement une composition nutritionnelle idéale pour le nouveau-né, mais représente également une extraordinaire capacité immunologique entre la mère et l’enfant.
Effets sur l’intelligence
En 2006, Der et al (Der et al., 2006) ont proposé une méta-analyse regroupant des données provenant des continents ou pays suivants : Etats-Unis, Europe, Australie, Nouvelle-Zélande.
L’objectif de cette étude est d’évaluer le lien entre l’allaitement et l’intelligence, en identifiant les facteurs de confusion, c’est-à-dire les biais statistiques qui faussent la relation causale. Il s’agit d’une étude longitudinale, la première de cette revue de littérature. Elle comprend 5475 mères et 3161 enfants, ce qui constitue une cohorte statistiquement fiable et valide. Le groupe « enfants » comprenait des fratries, ce qui est une plus-value par rapport aux études antérieures, car il est intéressant de mesurer le quotient intellectuel de frères et sœurs ayant le même patrimoine génétique et le même environnement. La méthode de comparaison des frères et sœurs est adaptée pour évaluer les liens entre l’allaitement et le développement de l’intelligence. En effet, elle contrôle tous les facteurs de confusion qui sont souvent les mêmes pour les frères et sœurs d’une même fratrie.
Depuis 1929 de nombreuses études (Der et al., 2006) ont étudié le lien entre l’allaitement et l’intelligence et la plupart ont révélé des scores de quotient intellectuel plus élevés chez les enfants allaités. Les auteurs de l’article (Der et al., 2006) supposent que les résultats de ces études antérieures peuvent être biaisés par les facteurs confusionnels, c’est-à-dire des facteurs intervenant sur la cause. Par exemple, un lien peut être établi entre les buveurs de café et le risque de cancer du poumon. Mais parmi les amateurs de café, il y a de nombreux fumeurs. Le tabac constitue donc un facteur de confusion. Il en est de même dans l’étude présenté : selon les données antérieures, les enfants allaités auraient 4 points de quotient intellectuel de plus que les enfants non allaités. L’étude de Der et al, cherche donc à identifier les facteurs pouvant biaiser ce résultat. Ils établissent que les données suivantes sont à prendre en compte dans l’analyse statistique : la durée de l’allaitement, le sexe de l’enfant, le tabagisme de la mère, l’âge de la mère, le quotient intellectuel de la mère, le niveau d’éducation de la mère, le niveau d’études de la mère, le niveau d’études du père, le niveau socio-économique des parents, la taille de la famille, l’ordre de naissance, le poids de naissance, l’âge gestationnel, et les stimulations apportées à l’enfant par l’environnement. Les résultats concordent avec les études antérieures, si on ne prend pas en compte les facteurs énoncés précédemment dans l’analyse statistique. En revanche, la nouveauté et l’intérêt de l’article sont l’analyse des facteurs de confusion, qui change totalement l’interprétation des résultats, notamment pour les facteurs suivants : l’éducation maternelle, le niveau socio-économique, le poids de naissance, et les stimulations de l’environnement. Les auteurs concluent que l’allaitement a peu ou pas d’effet sur le développement intellectuel des enfants, en raison des facteurs de confusion nombreux qui interfèrent dans l’interprétation des données.
Prévention de l’obésité
En 2015, Marseglia et al (Marseglia et al., 2015) ont proposé une revue de littérature étudiant le lien entre l’allaitement et le risque d’obésité. Les auteurs commencent par rappeler qu’il existe de nombreux facteurs de confusion, pouvant rendre les résultats non significatifs. En 2001, Dietz et al (Dietz, 2001) signalent une association positive entre l’allaitement et la prévention de l’obésité. En 2005, Owen et al (Owen, Martin, Whincup, Smith, & Cook, 2005) ont examiné 28 études, regroupant 299 000 personnes et concluent sur un effet protecteur de l’allaitement sur l’obésité. En 2007, Horta et al (Horta, Bahl, Martinés, Victora, & Organization, 2007) ont proposé une méta-analyse pour l’Organisation Mondiale de la Santé.
Ils concluent que l’allaitement est associé à une réduction de 22% du risque d’obésité plus tard dans la vie. En 2013, une étude (Yamakawa, Yorifuji, Inoue, Kato, & Doi, 2013) a confirmé que l’allaitement exclusif jusqu’à 6-7 mois était en lien avec un moindre risque de surpoids en comparaison avec l’alimentation par lait artificiel. En revanche, en 2005, Burke et al (Burke et al., 2005) ont proposé une analyse longitudinale qui a mené aux conclusions suivantes : un allaitement de plus de 12 mois était corrélé à un indice de masse corporelle plus faible à 1 an mais pas à 8 ; un allaitement inférieur à 4 mois est corrélé à un risque plus élevé de surpoids entre 1 et 8 ans.
Les auteurs ne s’accordent donc pas tous sur l’association pouvant être établie entre l’allaitement et la prévention de l’obésité. Les auteurs de l’article (Marseglia et al., 2015) ont cherché les facteurs de confusion, pouvant biaiser l’interprétation des résultats : l’âge maternel, le niveau de scolarité de la mère, le tabagisme, la sédentarité, l’indice de masse corporelle, la parité, le type de naissance, et les complications périnatales. Le surpoids maternel a été identifié comme le principal facteur de confusion. En effet, il y a, dans le lait maternel des femmes souffrant d’obésité, des taux réduits de prolactine, d’insuline, et de lipides pouvant entraîner une hyperphagie et des dépôts de graisse plus importants. La concentration plus élevée d’acides gras rend la digestion plus difficile. Et enfin, les enfants de mères obèses ont une prédisposition génétique au surpoids et/ou à l’obésité. Un autre facteur important est la durée de l’allaitement, qui peut influencer directement le bébé à réguler luimême sa consommation de lait. Une durée plus courte est souvent associée à une introduction précoce d’aliments solides, contenant plus de protéines que le lait maternel. Cette introduction précoce est elle-même corrélée à une diminution de la détection de l’appétit, qui induit un plus grand nombre de repas. Ces apports de la littérature sur le lien entre l’allaitement et l’obésité expliquent bien qu’il ne faut pas seulement prendre en compte la composition du lait maternel, mais également toute une cascade de facteurs, telle que la durée de l’allaitement, et le poids maternel, notamment. Les auteurs concluent que l’allaitement est un facteur possible de protection contre l’obésité durant l’enfance. Cependant, les résultats des différentes études sur le sujet, sont difficiles à comparer, car les critères d’inclusion et d’exclusion ne sont pas les mêmes. De nouvelles recherches permettraient d’améliorer les connaissances sur le lienentre l’allaitement maternel et l’obésité.
Prévention de la maladie cœliaque
En 2006, Akobeng et al (Akobeng et al., 2006) ont proposé une revue systémique sur les effets de l’allaitement sur les risques de développer une maladie cœliaque. La maladie cœliaque, également connue sous le nom d’entéropathie sensible au gluten se manifeste par une intolérance permanente au gluten. C’est une maladie qui affecte le muqueuse de l’intestin grêle, et qui est fréquente chez les enfants porteurs de trisomie 21 (Book et al., 2001). Cette maladie est caractérisée par une malabsorption intestinale. Les causes de cette maladie sont multifactorielles : les facteurs génétiques et environnementaux sont les principaux. Les modes d’alimentation précoce du nourrisson peuvent être des risques importants de développement de la maladie cœliaque. Les auteurs de l’article, ont sélectionné six études de cas témoins, publiées entre 1966 et 2004. Toutes les études comparent le lien entre la durée de l’allaitement et le risque de développer une maladie cœliaque.
La première, celle de Greco et al (Greco, Auricchio, Mayer, & Grimaldi, 1988) conclut que les enfants allaités moins de 90 jours présentent cinq fois plus de risques de développer unemaladie cœliaque que ceux qui ont été allaités plus de 90 jours.
Peters et al (Peters, Schneeweiss, Trautwein, & Erbersdobler, 2001) ont objectivé dans leur étude que les enfants souffrant de la maladie cœliaque ont été moins longtemps allaités que ceux du groupe témoins. Le risque de développer une maladie cœliaque a diminué de 63% chez les enfants allaités plus de deux mois.
Falth-Magnusson et al (Fälth-Magnusson, Franzén, Jansson, Laurin, & Stenhammar, 1996) ont remarqué que dans leur cohorte les enfants atteints de maladie cœliaque avaient bénéficié d’un allaitement plus court (2,5 mois) que ceux du groupe témoin (4 mois). Ivarsson et al (Ivarsson et al., 2002) ont une nouvelle fois relevé que les enfants atteints de maladie cœliaque étaient moins longtemps allaités que les enfants du groupe témoins (5 mois versus 7 mois), mais ils ont conclu que cette différence n’était pas significative.
Auricchio et al (Auricchio et al., 1983) ont objectivé que les nourrissons allaités moins de trente jours présentaient quatre fois plus de risque de développer la maladie cœliaque.
Et enfin, Ascher et al (Ascher, Krantz, Rydberg, Nordin, & Kristiansson, 1997) n’ont pas relevé de différences significatives entre le groupe d’enfants atteints de maladie cœliaque et le groupe d’enfants sains.
Les résultats de cette revue systémique montrent que l’allaitement peut offrir une protection contre le développement de la maladie cœliaque, notamment s’il a lieu en même temps que l’introduction du gluten. On ne connaît pas spécifiquement le rôle préventif du lait maternel sur le développement de la maladie cœliaque. Le fait de maintenir l’allaitement au moment de l’introduction du gluten permettrait de limiter la quantité de gluten ingérée et donc les risques de développer les symptômes de la maladie cœliaque. Le lait maternel permet également de prévenir les infections gastro-intestinales, qui peuvent entraîner une plus grande perméabilité de la muqueuse intestinale et augmenter le passage du gluten. De plus, l’action des anticorpsIgA, permet de diminuer la réponse immunitaire au gluten et empêcher ainsi son absorption.
Cette étude montre un lien significatif entre l’allaitement et le risque de développer une maladie cœliaque. Le risque est corrélé à la durée de l’allaitement maternel et par conséquent à la présence de lait maternel au moment de l’introduction du gluten. L’étude ne permet pas de déterminer si l’allaitement retarde l’apparition des symptômes ou offre une protection contre la maladie. Des études de cohortes, à long terme, sont nécessaires afin de préciser lesconnaissances sur le sujet.
Développement du langage
En 2007, Dee et al (Dee et al., 2007) ont étudié le lien entre l’initiation de l’allaitement et sa durée avec le développement du langage et des habiletés motrices, chez un échantillon d’enfants âgés de 10 à 71 mois. Les données de 25 611 enfants, avec une moyenne d’âge de 2,79 ans, issues d’études transversales ont été analysées. Un questionnaire a été soumis aux mères afin d’identifier leur niveau d’inquiétude (beaucoup, un peu, pas du tout) face au niveau de langage en expression et en compréhension et au niveau de motricité fine et globale de leur enfant. Une analyse multi-variée a révélé que les mères ayant commencé à allaiter sontmoins susceptibles de s’inquiéter sur le développement du langage (en expression et en réception) et sur le développement de la motricité fine et globale que les mères n’ayant jamaisallaité. Ces résultats suggèrent que l’allaitement maternel peut protéger contre les retards dans le développement du langage et des habiletés motrices des jeunes enfants. Les résultats concordent avec ceux de plusieurs études antérieures : l’allaitement peut protéger des retards de développement, avec cependant des effets limités chez les enfants ayant été sevrés à 3 mois. Les auteurs émettent l’hypothèse du rôle des influences environnementales et psychosociales de l’allaitement (interaction mère-enfant, liens affectifs) sur le développementde ces compétences. Un autre facteur d’explication serait la présence d’acide docosahexaénoïque dans le lait maternel, qui pourrait influencer le développement de l’acuité visuelle et des voies neuronales associées au développement du langage chez les nourrissons nés à terme. Une relation significative entre l’initiation de l’allaitement et la réduction des inquiétudes maternelles sur le développement du langage et des habiletés motrices a été établie par les auteurs. En conclusion, cette étude démontre, selon les auteurs, l’existence d’un lien entre l’allaitement et un meilleur développement du langage et des habiletés motrices. Toutefois, il semble essentiel de temporiser les résultats car ils sont basés sur des analyses subjectives des mères. Whitehouse et al (Whitehouse et al., 2011) ont proposé une étude longitudinale, publiée en 2011 sur le lien entre la durée de l’allaitement maternel et le développement du langage dans la jeune enfance. Les auteurs rappellent le manque de consensus entre les différentes études sur le sujet. Dans la présente étude, 2 868 sujets ont été recrutés à 18 semaines de gestation.
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Table des matières
Introduction
Méthode
Préambule
PRESENTATION GENERALE DE L’ALLAITEMENT
PRESENTATION GENERALE DE LA TRISOMIE 21
1) Les difficultés d’allaitement chez l’enfant porteur de trisomie 21
1.1 La déglutition
1.2 La succion
1.3 Le manque de soutien des professionnels de santé
1.3.1 Le rôle des orthophonistes
1.4 Une question culturelle
2) Bénéfices de l’allaitement
2.1 Avantages sur la santé de la mère
2.2 Lien d’attachement
2.3 Avantages sur la santé de l’enfant
2.3.1 Rôle sur le système immunitaire
2.3.2 Effets sur l’intelligence
2.3.3 Prévention de l’obésité
2.3.4 Prévention de la maladie cœliaque
2.3.5 Développement du langage
2.3.5 Développement oro-moteur
3) Pistes thérapeutiques
3.1 Informer, évaluer, accompagner
3.2 Aides au positionnement
3.3 Différents moyens d’expression du lait
3.4 Perspectives orthophoniques
Discussion
Conclusion
Bibliographie