En 2017, le secteur de la restauration commerciale comptait plus de 203 000 entreprises et 624 000 salariés. (1) Ce secteur regroupe différents type d’activités :
– la restauration collective,
– la restauration traditionnelle,
– la restauration rapide.
Dans ces activités, il existe de nombreuses unités de travail (production, service en salle, stockage, plonge,…) entrainant la coexistence de nombreux métiers (cuisinier, commis, serveurs, plongeurs,..) et de nombreux risques professionnels.
0% des entreprises du secteur de la restauration sont des TPE (1), ce qui entraine des difficultés pour les services de santé au travail. En effet, un nombre important d’entreprises entrainent des besoins nombreux d’actions en milieu de travail pour identifier les risques professionnels spécifiques à chaque entreprise puis pour sensibiliser les employeurs et les salariés aux risques professionnels (2). Aucun diplôme n’est généralement requis dans la restauration, ce qui fait des restaurants une source d’emploi aux travailleurs qui n’ont pas eu la possibilité de suivre une formation. L’emploi dans les restaurants constitue ainsi un point d’entrée important sur le marché du travail (3). Le turn-over important parmi les salariés (23% ont moins d’un an d’ancienneté et 56 % ont moins de 5 ans d’ancienneté) (4) entraine également des difficultés notamment de formation au poste des salariés et un risque accru d’accident du travail (2/3 des victimes d’accidents du travail ont moins d’un an d’ancienneté dans le poste de travail) .
Les différents types de restauration
La restauration traditionnelle
La restauration traditionnelle concerne tout établissement servant des repas à consommer exclusivement sur place contre rémunération (8). Elle regroupe, sous le code NAF 5610A, les restaurants avec service à table, les restaurants fonctionnant en libre-service type cafétéria, la restauration ferroviaire, la restauration maritime, les restaurants à thème et les cafés-restaurants (9). En 2018 en France, la restauration traditionnelle comptait 110.000 entreprises et 360.000 salariés (4). 92% des entreprises sont des TPE (10). 59% des salariés sont des hommes. 68% des salariés travaillent à temps plein. L’âge moyen est de 34,6 ans .
La restauration collective
La restauration collective est définie par la préparation et la distribution de repas et de boissons à des personnes ayant un lien entre elles (11). Elle comprend :
– Les restaurants d’entreprise et d’administration
– Les restaurants des secteurs médicaux et sociaux
– Les restaurants scolaires et universitaires
– Les restaurants d’autres collectivités (armée, prisons…).
Il existe également des cuisines centrales de préparation de repas destinés à plusieurs collectivités. Elle représente 50% des repas pris hors du domicile (12). En 2018 en France, la restauration collective comportait 14.200 établissements et 110.300 salariés. 83% des entreprises sont des TPE (4). 52% des salariés sont des femmes. 14% des salariés ont 29 ans ou moins, 55% ont entre 30 et 49 ans et 32 % ont plus de 50 ans .
La restauration rapide
La restauration rapide possède trois spécificités : paiement avant consommation, utilisation de vaisselles et de conditionnements jetables et possibilité de consommer sur place, d’emporter ou de se faire livrer (13). On retrouve environ 30 catégories différentes (14) : pates, bagels, pizza, smoothies, hamburgers, sushi, salades, soupes, crêpes, glaces,… La majorité des produits vendus sont des sandwichs et des hamburgers.
En 2013, on dénombrait 26.700 entreprises de restauration rapide pour 154 000 salariés. 90% sont des très petites entreprises de moins de 10 salariés .
La profession est mixte (50% de femmes et 50% d’hommes). 80% des salariés sont en CDI mais seuls 29% ont des contrats à temps plein. 80% des salariés travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés dont 40% dans des TPE (15). Les salariés sont plutôt jeunes : 74% ont moins de 30 ans (15). On estime que 3% des travailleurs commencent leur vie professionnelle en restauration rapide.
Les postes de travail
Il y a 3 principaux types d’unité de travail dans la restauration :
– Les postes en cuisine : cuisinier, commis, plongeur,… qui assurent la préparation des repas, le nettoyage de la vaisselle et de la cuisine
– Les postes en salle : serveur, chef de rang, barman, garçon de café, sommelier,… qui assurent le service à table, au comptoir ou au buffet et l’entretien de la salle
– Les services supports regroupant les postes administratifs et managériaux : directeur, comptable, secrétaire,…
Les postes de travail sont très variables d’une entreprise à l’autre. Dans certaines entreprises, les employés sont polyvalents et sont amenés à effectuer tous les postes de travail alors qu’à contrario, dans certaines entreprises, les postes sont très « définis » comme par exemple le poste de plonge, où le salarié effectue principalement de la plonge « manuelle » et du chargementdéchargement de lave vaisselle.
Les risques professionnels en restauration
L’INRS et l’assurance maladie ont créé des fiches de bonnes pratiques de prévention des risques professionnels pour les 3 types de restauration : collective (11), traditionnelle (16) et rapide (17). Ces fiches permettent de cibler la plupart des risques professionnels même si elles ne sauraient être exhaustives en raison de la particularité de chaque entreprise (unités de travail, postes de travail, organisation,…) .
Les addictions
Le risque d’addiction est particulièrement important dans ce secteur : il est le 3e secteur le plus consommateur avec l’hôtellerie pour toutes les substances après le secteur de la construction et le secteur des arts et spectacles .
Aux Etats-Unis, 12,0% des travailleurs de la restauration consomment au moins une fois par semaine cinq verres ou plus, contre 8,8% de la totalité des travailleurs (19). Une autre étude, plus ancienne, montre qu’ils sont 15% (contre 7,5% des travailleurs en industrie) à consommer 5 verres ou plus par jour sur au moins 5 des 30 derniers jours (20). En France, dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, sur l’année, 39,7% des hommes déclaraient avoir eu une alcoolisation ponctuelle intense (taux le plus important de tous les secteurs), 36,7% déclaraient avoir eu une ivresse, 42,8% consomment quotidiennement du tabac, 17,6% avait consommé du cannabis, 15,6% ont expérimenté la cocaïne et 3,9% ont expérimenté les amphétamines (21). La consommation d’alcool en lien avec le travail est également plus importante en restauration (22) : comparativement aux professions considérées comme à faible risque (toutes professions à l’exclusion des cadres, les arts/spectacles/sports/médias, les travaux d’entretien, les métiers de la vente, les professions de la construction, les activités de transport et de déménagement), les probabilités de consommation d’alcool étaient plus élevées chez les travailleurs de la restauration durant le travail (OR = 3,80 [1.90-7.58]), avant le travail (OR= 5,90 (1.69-20.59]) ainsi que la probabilité de travail sous l’influence de l’alcool (OR = 8,75 [2.58-29.61]). Par ailleurs, cette étude démontrait également que, comparativement aux travailleurs à la journée, ceux qui travaillent en horaires atypiques comportant des heures de travail irrégulières ou flexibles (comme c’est souvent le cas dans la restauration) étaient plus susceptibles de déclarer boire avant de venir au travail (OR = 3,82 [1.59-9.17]) et pendant la journée de travail (OR = 1,98 [1.24-3.17]). Concernant la dépendance ou l’abus d’alcool, on perd même l’effet travailleur sain chez les serveurs puisque le diagnostic de dépendance ou d’abus d’alcool est plus fréquent chez les serveurs employés (OR = 4,5) que chez les chômeurs (OR = 1,3) .
Les troubles musculosquelettiques
La manutention manuelle de charges est un risque important dans la restauration que l’on retrouve dans toutes les unités de travail (11) (16) (17) (24) (25) à l’exception des services dits supports :
– Manutention des cartons et/ou palettes à la réception et au stockage des matières premières
– Manutention de denrées et/ou de matériel en cuisine
– Manutention de vaisselle en salle et à la plonge .
43,2% d’un échantillon de travailleurs des hôtels et restaurants ont indiqué être exposés aux manutentions manuelles de charges dans leur emploi (26). Les ports de charges maximum observés sont des plateaux allant jusqu’à 9,6 kg et des bacs de vaisselles sales allant jusqu’à 14,8 kg, un seau à glace de 17,6 kg (27) et des futs de 72kg .
Les postures contraignantes sont fréquentes dans cette branche d’activité : on retrouve la posture penchée en avant en cuisine lors de la production et à la plonge, la station debout prolongée pour tous les postes opérationnels, la marche prolongée avec piétinement pour les serveurs et les gestes répétitifs en cuisine lors de la production. Les postures contraignantes pour les épaules sont également fréquentes (24). Les salariés sont également exposés aux gestes répétitifs notamment en production en cuisine (épluchage des fruits et légumes par exemple) (24). Ces risques ont des répercussions sur la santé des salariés : parmi les travailleurs des restaurants, 84 % ont déclaré avoir eu des troubles musculosquelettiques liés au travail dans le mois précédent. La majorité d’entre eux avaient des douleurs à l’épaule (58%), mais les lombalgies étaient les douleurs les plus intenses. 12% des salariés déclarant avoir des troubles musculosquelettiques considéraient que ces douleurs avaient un retentissement sur leur vie privée ou professionnelle. Mais seuls 5% d’entre eux avaient bénéficié d’un traitement médical .
Parmi la population spécifique des serveurs, 42% ont déclaré avoir eu des douleurs au cours de la dernière année : 18% ont eu des lombalgies basses, 11% des douleurs d’épaules, 9% des douleurs de cuisses/genoux, 7% des douleurs de chevilles/pieds et 5% des douleurs aux poignets (27). Les résultats sont très variables d’une étude à l’autre : par exemple, le nombre de salariés présentant des troubles musculosquelettique peut varier de 25% (30) à 87% (31). La variabilité de ces résultats peut être due à des conditions de travail différentes, dans des types de restaurations différentes et à la définition même des troubles musculosquelettiques.
Le risque chimique
Les salariés en plonge et ceux qui s’occupent du nettoyage en cuisine et en salle sont exposés à des produits irritants, corrosifs, toxiques,… présents dans les produits détergents, désinfectants et dégraissants en fonction des produits mis à disposition par l’employeur (11) (16) (17). Cette exposition entraine des risques d’allergies cutanées et/ou respiratoires et des risques d’irritation. Tous les salariés sont susceptibles d’être exposés puisqu’il est fréquent que les cuisiniers et commis nettoient la cuisine en fin de service et que les serveurs et barmans nettoient la salle.
La manipulation des denrées alimentaires expose les salariés au risque d’allergie alimentaire (farine, fruits à coques,…), reconnu aux tableaux n°65 (32) et n°66 (33) du régime général. En cuisine, les salariés sont exposés aux fumées de cuisson. La dégradation du sucre, la pyrolyse des protéines et des acides aminés et la dégradation des graisses peut entrainer la formation d’aldéhydes comme le formaldéhyde, l’acétaldéhyde et l’acroléine (34) lorsque la température est supérieure à 180° (35). Ces produits peuvent entrainer une irritation des voies respiratoires par voie inhalée. Cette exposition peut expliquer la prévalence de symptômes pulmonaires plus élevée chez les salariés travaillant en cuisine que dans la population générale (36). Le formaldéhyde est également classé comme « substance cancérogène avérée pour l’Homme », groupe 1 de la classification du CIRC pour le nasopharynx (37). L’acétaldéhyde est classé « possiblement cancérogène pour l’homme » (CIRC 2B) pour les voies respiratoires (38). Les salariés sont également exposés à l’acrylamide lorsque la température de cuisson dépasse les 120° pour les fritures et les aliments d’origine végétale riche en glucides et faible en protéines. L’acrylamide est classée « probablement cancérogène pour l’homme » (CIRC 2A) (39). Les salariés sont également exposés au monoxyde d’azote, au dioxyde d’azote, et au monoxyde de carbone, plus fréquent dans les cuisines à gaz que dans les cuisines électriques. Chez les salariés travaillant dans les cuisines au gaz, les symptômes pulmonaires sont plus fréquents et leur fonction pulmonaire moins bonne que chez ceux travaillant avec des cuisinières électriques .
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Table des matières
I. Introduction
A. Les différents types de restauration
1. La restauration traditionnelle
2. La restauration collective
3. La restauration rapide
B. Les postes de travail
C. Les risques professionnels en restauration
1. Les addictions
2. Les troubles musculosquelettiques
3. Le risque chimique
4. Le risque biologique
5. Le risque physique
6. Les risques psychosociaux
7. Les accidents
D. Sinistralité
1. Accidents du travail
2. Maladies professionnelles
E. Contexte de l’étude
F. Objectifs
II. Matériels et Méthodes
A. Le dispositif Evrest
B. Le questionnaire personnalisé
C. Type d’étude
D. Critères d’inclusion
E. Analyse statistique
F. Ethique
III. Résultats
A. Description de la population de l’étude
1. Caractéristiques de l’échantillon
a) Données sociodémographiques
(1) Sexe
(2) Age
b) Catégories socioprofessionnelles
c) Postes et contrats de travail
2. Données de l’entreprise
a) Secteur privé/public
b) Code NAF
c) Taille de l’entreprise
B. Résultats de l’enquête et comparaison des résultats selon les différents types de restauration
1. Carrière professionnelle
a) Formation
b) Diplôme
c) Ancienneté
d) Orientation future
2. Les risques professionnels
a) Les addictions
b) Les troubles musculo squelettiques
(1) Postures contraignantes
(2) Effort, port de charges lourdes
(3) Gestes répétitifs
(4) Importants déplacements à pied
(5) Station debout prolongée
c) Le risque chimique
d) Le risque biologique
e) Les risques physiques
(1) Rayonnements ionisants
(2) Vibrations
(3) Bruit
(4) Contrainte visuelle
(5) Ambiance thermique
f) Les risques psychosociaux
(1) Intensité et temps de travail
(a) Contraintes de rythme
(i) Horaires et temps de travail
(ii) Pression temporelle
(iii) Conciliation vie privée – vie professionnelle
(b) Interruption de tâches
(2) Exigences émotionnelles
(3) Autonomie
(4) Rapports sociaux au travail
(5) Conflits de valeur
(6) Insécurité de la situation de travail
g) Le risque d’accidents prépondérants
3. La santé des salariés
a) Mode de vie
b) Etat de santé
(1) Indice de masse corporelle
(2) Appareil cardiorespiratoire
(3) Troubles neuropsychiques
(4) Appareil digestif
(5) Appareil ostéo-articulaire
(a) Membres supérieurs
(b) Membres inférieurs
(c) Le rachis
(6) Dermatologie
(7) Audition
IV. Discussion
A. Objectifs, intérêts et limites de l’étude
1. Objectifs de l’étude
2. Intérêts de l’étude
3. Limites de l’étude
B. Discussion des résultats
1. Discussion de la représentativité
2. Carrière professionnelle
3. Risques professionnels
a) Les addictions
b) Les troubles musculosquelettiques
c) Le risque chimique
d) Le risque biologique
e) Les risques physiques
(1) Rayonnements ionisants
(2) Vibrations
(3) Bruit
(4) Contrainte visuelle
(5) Ambiance thermique
f) Les risques psychosociaux
(1) Intensité et temps de travail
(2) Exigences émotionnelles
(3) Autonomie
(4) Rapports sociaux au travail
(5) Conflit de valeurs
(6) Insécurité de l’emploi
(7) Risques psychosociaux et état de santé
g) Le risque d’accidents
C. Difficultés liées au secteur
V. Conclusion
VI. Bibliographie
Annexes