Etude bibliographique
Les différents types de polymères électroactifs fonctionnant en capteur
Les EAP ioniques fonctionnant à l’air présentent une configuration tricouche comprenant (i) une membrane polymère centrale contenant un électrolyte et (ii) deux électrodes conductrices (métal, nanotubes de carbones, graphène) ou électroactives (polymère conducteur électronique). Ces matériaux sont non seulement capables de détecter des déformations , mais également une courbure , un taux d’humidité , ou d’autres paramètres ambiants.
Parmi ces matériaux, les composites métal-polymère ionique (IPMC) ont été très décrits. Les IPMC sont des matériaux tricouches composés d’un polymère support d’électrolyte (de type Nafion) dont la surface a été métallisée par de l’or, du platine ou un autre métal. Ces IPMC peuvent être utilisés en configuration capteur de déformation. Il existe deux méthodes permettant de mesurer et quantifier cette déformation. La première méthode consiste à mesurer indépendamment les résistances électriques de chacune des couches métalliques .
Lorsque le capteur n’est pas sollicité, les couches métalliques présentent pour chaque face des résistances R1 et R2 équivalentes. En revanche, si l’échantillon est déformé, la résistance R’1 de l’électrode étirée va augmenter significativement tandis que celle de la face contractée R’2 va diminuer légèrement. A.Punning et al ont mesuré la variation de résistance d’une électrode métallique de Pt en fonction de son rayon de courbure .
Une asymétrie de variation de résistance est observée selon la déformation, avec une forte augmentation de la résistance de l’électrode en expansion. La couche conductrice métallique étant inextensible, elle perd une partie de sa continuité, et une augmentation de la résistance est alors mesurée (de 5 à 22 Ω). En mesurant la résistance de chaque face, il est alors possible d’estimer la position du capteur. Cependant, les mesures de résistances in-situ nécessitent la présence de contacts électriques aux deux extrémités du matériau (Figure 16-C), rendant leur élaboration et leur utilisation complexes. De plus, pour de trop grandes déformations, la perte de continuité de l’électrode peut être irréversible car des craquelures peuvent apparaitre sur les électrodes métalliques. Les valeurs de résistance et l’estimation de la position peuvent alors être faussées. La seconde méthode utilisée pour caractériser la déformation d’un IPMC consiste à mesurer une différence de potentiel en circuit ouvert entre les deux électrodes métalliques . En effet, il a été mis en évidence qu’une déformation de ces matériaux, gonflés d’électrolyte, entrainait l’apparition d’une ddp de l’ordre d’une dizaine de mV mesurable entre les deux électrodes du matériau. L’amplitude de la ddp est proportionnelle à l’amplitude de la déformation et son signe dépend de la direction de la déformation.
Depuis quelques années, certains auteurs ont remplacé les électrodes métalliques par des formes allotropiques du carbone et ont mis en évidence le même type de comportement que les IPMC. La structure tricouche de ces matériaux est similaire à celle des IPMC à l’exception que la conductivité électronique des électrodes provient des particules de carbone. La composition des électrodes joue alors sur leur résistance et la sensibilité de la détection. La déformation de ces capteurs a pu être détectée en mesurant soit une différence de résistance, soit une différence de potentiel en circuit ouvert entre les électrodes. Concernant la détection de la variation de résistance, le mécanisme est le même que pour les IPMC. Etant donné que très peu d’études se sont intéressées à l’emploi de ces électrodes à base de carbone dans des dispositifs de capteur de déformation, le mécanisme à l’origine de la variation du potentiel en circuit ouvert n’a pour le moment pas été étudié.
Enfin, le cas des capteurs à base de PCE est particulier en raison de la nature chargée et électroactive des électrodes. Il a été démontré en 1997 par Takashima et al qu’une électrode de PCE présentait à elle seule des propriétés de capteur mécanique. En effet, les auteurs ont stimulé mécaniquement un film autosupporté de PANI (10 × 2 × 0,03 mm) immergé dans un électrolyte aqueux et connecté à un montage à 3 électrodes. Dans cet exemple, une réponse électrique sous la forme d’un courant de 3 µA a été mesurée pour une élongation de 2% (200 µm) du film (Figure 19). En revanche, malgré une déformation maintenue, le courant chute rapidement jusqu’à la valeur initiale. La détection d’une variation de position plutôt que de position elle-même peut potentiellement poser problème dans de nombreuses applications. Néanmoins, cette particularité peut être intéressante pour des applications en lien avec le « biomimétisme ». En effet, beaucoup de sens du corps humain, tels que le toucher ou l’odorat, détecte davantage des variations de grandeur que la grandeur elle-même.
En 2007, un tricouche composé d’une membrane PVdF et d’électrodes électroactives de PPy a été testé en tant que capteur de déformation à l’air par Wu et al . La déformation de quelques millimètres du tricouche PPy/PVdF/PPy a entrainé une différence de potentiel en circuit ouvert mesurable entre les deux électrodes de PPy de l’ordre du dixième de mV. Les auteurs ont mis en évidence l’effet de différents paramètres influençant la détection tels que la nature du contre-ion, le degré d’oxydation du PPy, l’intensité de la déformation mais aussi la concentration de l’électrolyte. Quel que soit l’état d’oxydation du polymère conducteur, la Figure 20 A montre une ddp négative lorsque le contre-ion est volumineux (anion DBSA, acide dodecylbenzenesulphonique), et positive lorsqu’il est petit (anion ClO4- ). La dépendance de la ddp à la concentration de l’électrolyte est montrée pour une déformation constante sur la Figure 20-B. Le ratio entre le liquide ionique BMIPF6 et le carbonate de propylène joue sur la réponse du capteur. Une ddp de -0,08 mV est mesurée pour un liquide ionique dilué (1 :10) et à +0.04 mV lorsqu’il est concentré (10 :1). Les auteurs ont observé un changement le signe du potentiel en circuit ouvert intervenant autour du ratio 1 :1. Pour cette valeur précise, le tricouche n’est en effet plus capable de détecter des déformations.
A partir de cette étude, N. Festin a étudié pour la première fois (2012) la possibilité d’utiliser les RIP conducteurs comme capteur de déformation . Il a ainsi démontré que l’application d’une sollicitation mécanique en flexion à un échantillon PEO-NBR-PEDOT-EMITFSI conduisait également à une variation du potentiel de circuit ouvert de l’ordre du dixième de mV entre les deux électrodes de PEDOT (Figure 21). Ces systèmes permettent donc de détecter et de quantifier une déformation mécanique qui leur est imposée.
Alors que les propriétés en actionnement sont dépendantes de la quantité de PCE dans les électrodes, l’étude menée par N. Festin a également montré qu’au-dessus d’une valeur seuil, le signal était indépendant du taux de PEDOT dans le matériau et que les comportements d’actionneur et de capteur semblaient donc gouvernés par des mécanismes différents. Ces travaux ont également mis en évidence que la présence d’un électrolyte était indispensable à l’obtention de cette propriété et que le signal dépendait linéairement de la quantité d’électrolyte incorporé (Figure 22). En effet, un matériau sec ou gonflé uniquement de solvant ne présente aucune réponse électrique lors de sollicitations mécaniques. Par ailleurs, l’utilisation d’électrolytes présentant des mobilités principalement cationiques (liquide ionique EMITFSI) ou anioniques (LiClO4-1M dans le carbonate de propylène) a conduit à des variations de potentiel de signes opposés .
Actionneur-capteur
La proprioception est une caractéristique que possèdent les muscles naturels et qui leur permettent de connaitre instantanément et de façon permanente leurs propres états ou positions. Dans la littérature, très peu de matériaux électroactifs fonctionnant simultanément en actionneur et en capteur ont été étudiés afin de déterminer leurs propriétés de proprioception. La difficulté est en partie liée à un problème de « patterning » des électrodes, le matériau devant en effet comporter une partie actionnante et l’autre destinée à capter les déformations. K.Kruusamae et al ont étudié des architectures particulières d’IPMC permettant d’utiliser les deux fonctions parallèlement. Les trois architectures présentées sont basées sur la séparation des électrodes conductrices des zones actionneur et capteur .
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1 : Etude Bibliographique
1 Introduction
2 Polymères conducteurs électroniques (PCE)
2.1 Généralités sur les PCE
2.2 Structure et dopage des polymères conducteurs électroniques
2.3 Synthèse des polymères conducteurs électroniques
2.4 Etat d’oxydation et variation de volume des PCE
3 Etat de l’art des actionneurs à base de PCE
3.1 Actionneurs à base de PCE fonctionnant immergé en solution électrolytique
3.2 Actionneurs tricouche à base de PCE fonctionnant à l’air
3.2.1 Evolution des membranes polymères supports d’électrolyte
3.2.2 Actionneurs à base de RIP conducteur
4 Actionneurs à base de PCE dans des systèmes originaux
4.1 Dispositifs fonctionnant en flexion
4.2 Dispositifs à géométrie et/ou actionnement particuliers
5 Conclusion
Chapitre 2 : Capteur à base de réseaux semi-interpénétré PEO-NBR-PEDOT
1 Introduction
2 Etude bibliographique
2.1 Les différents types de polymères électroactifs fonctionnant en capteur
2.2 Actionneur-capteur
2.3 Mécanismes proposés
2.4 Conclusion
3 Résultats
3.1 Capteur de déformation dynamique
3.1.1 Etude préliminaire
3.1.2 Amplitude de la déformation dynamique
3.1.3 Fréquence de sollicitation
3.1.4 Conclusion
3.2 Réponse du capteur à une déformation maintenue
3.3 Composition du capteur
3.4 Influence de l’électrolyte
3.4.1 Nature de l’électrolyte
3.4.2 Influence de la concentration en EMITFSI-CP
3.5 Géométrie de l’échantillon
3.6 Conclusion et discussion
3.6.1 Récapitulatif des résultats
3.6.2 Confrontation des résultats aux mécanismes de la littérature
4 Conclusion
Chapitre 3 : Synthèse et caractérisation de Réseaux semi-Interpénétrés PEO-NBR-PS-PEDOT
1 Introduction bibliographique
1.1 Modélisation mécanique
1.2 Amélioration des forces par modification de la géométrie
1.3 Modulation des propriétés mécaniques du PCE
1.4 Modulation des propriétés mécaniques de la membrane PSE
1.5 Conclusion
2 Stratégie d’approche
3 Synthèse et caractérisation des RIP PEO-NBR-PS
3.1 Synthèse de réseaux interpénétrés de 3 polymères : tri-RIP
3.1.1 Choix et synthèse du RIP hôte
3.1.2 Synthèse du RIP PEO-NBR-PS
3.1.2.1 Etude cinétique de la formation du réseau PS
3.1.2.2 Contrôle du taux de PS dans le RIP
3.1.2.3 Extraction solide-liquide et taux de greffage
3.1.3 Conclusion de la partie synthèse
3.2 Caractérisations morphologiques des RIP PEO-NBR-PS
3.2.1 Gonflement des réseaux simples et du RIP PEO-NBR en monomère styrénique
3.2.2 Etudes thermomécaniques
3.2.2.1 Matrice hôte PEO-NBR et réseau simple de PS
3.2.2.2 RIP PEO-NBR-PS
3.2.2.3 Vérification de la morphologie par modélisation
3.2.3 Analyses par microscopie électronique en transmission
3.2.4 Analyses des tri-RIP par microscopie à force atomique
3.2.5 Etude de la morphologie par incorporation d’un sel de Lithium
3.2.5.1 Incorporation du sel de Lithium
3.2.5.2 Conductivité ionique en présence de sel de Lithium
3.2.5.3 Etude des paramètres VTF
3.3 Propriétés de conduction ionique des RIP gonflés d’EMITFSI
3.4 Caractérisations mécaniques des RIP PEO-NBR-PS
3.4.1 Tri-RIP non gonflés et gonflés de liquide ionique EMITFSI
3.4.2 Influence de la nature de l’électrolyte
3.5 Etude complémentaire : incorporation sélective du PS
3.6 Conclusion et choix de la proportion de PS optimale
4 Synthèse et caractérisations des semi-RIP PEO-NBR-PS-PEDOT
4.1 Synthèse des semi-RIP PEO-NBR-PS-PEDOT
4.2 Caractérisations des semi-RIP PEO-NBR-PS-PEDOT
4.2.1 Répartition du PEDOT dans le RIP : MEB-EDX
4.2.2 Propriétés mécaniques des semi-RIP PEO-NBR-PS-PEDOT
4.2.2.1 Modules d’Young des semi-RIP conducteurs non gonflés et gonflés
4.2.2.2 Modules d’Young des électrodes de PEDOT non gonflées et gonflées
4.3 Caractérisations électromécaniques des semi-RIP PEO-NBR-PS-PEDOT
4.3.1 La déformation libre des actionneurs différents électrolytes
4.3.2 Force bloquante dans différents électrolytes et comparaison au modèle
4.4 Conclusion
5 Conclusion
Chapitre 4 : Cathéters Electrocontrôlables, Mise en forme et Caractérisation
1 Introduction et état de l’art
1.1 Historique, applications courantes et contexte
1.2 Cathéter actif
1.2.1 Cathéters motorisés contrôlables
1.2.2 Cathéters contrôlables à base de polymère électroactif
1.2.3 Cathéters contrôlables à base de polymère conducteur
1.3 Conclusion
2 Stratégie d’approche
3 Etude préliminaire
4 Mise en forme du cathéter
4.1 Choix de la solution et du support
4.2 Mise en forme par photopolymérisation
4.2.1 Influence de la photopolymérisation sur les propriétés du RIP
4.2.2 Mise en forme du tube
4.3 Conclusion
5 Incorporation du PS
5.1 Incorporation d’un gradient de PS sur film PEO-NBR
5.2 Incorporation d’un gradient de PS sur tube PEO-NBR
5.3 Conclusion
6 Cathéter électroactif
6.1 Film PEO-NBR-PS-PEDOT avec gradient de PS
6.2 Tube PEO-NBR-PS-PEDOT avec gradient de PS
7 Conclusion
Conclusion Générale