Les métaparadigmes infirmiers
Fawcett (1984) considère que la discipline infirmière est composée de quatre concepts centraux (la personne, l’environnement, la santé et le soin infirmier), qu’il nomme métaparadigmes (Comte 2013). Ces concepts sont en interaction dans un processus de vie afin d’atteindre le bien-être et un fonctionnement optimal des êtres humains malades ou en bonne santé. (Debout (2008; dans Lecocq & Jouteau-Neves, 2015). Les auteurs rajoutent qu’à travers l’interaction des métaparadigmes, ce sont les interventions infirmières qui affecteront positivement la santé de la personne. La personne : La personne a été définie par Florence Nightingale (1859 ; dans Pépin, Kérouac & Ducharme, 2010) comme un être, malade ou en santé, possédant des composantes physiques, intellectuelles, émotionnelles, sociales et spirituelles. Dans ce travail de recherche en lien avec la maltraitance, la personne sur laquelle nous nous sommes focalisées est la personne âgée. Comme nous l’expliquons plus en détails dans « le choix de la population étudiée », il s’agit d’une population particulièrement vulnérable, et très présente dans les institutions de santé suisses. Une récente étude fait remarquer que plus une personne âgée présente des facteurs de vulnérabilité, tels que le handicap, l’isolement, ou encore la dépendance, plus elle est sujette à la violence (Escard & al., 2010). Nous pouvons en conclure que plus une personne est âgée et vulnérable, plus elle risque de subir de mauvais traitements. Ces actes malintentionnés entraînent une augmentation non négligeable de la mortalité. (Lachs, Williams, O’Brien, Pillemer, & Charlson, 1998). Nous pouvons affirmer que la maltraitance affecte profondément le métaparadigme de la personne, non seulement dans sa dignité et son estime d’elle-même, mais aussi dans sa santé physique et dans son espérance de vie.
L’environnement : L’environnement sélectionné dans le cadre de cette revue sera l’EMS, soit l’abréviation d’« établissement médico-sociaux », nous voulons parler en ces termes des établissements de soins gériatriques. Nous avons choisi cet environnement pour diverses raisons. Premièrement, en ces lieux, les cas de maltraitance sont provoqués essentielement par des soignants. Deuxièmement, les personnes en institutions de soins sont d’avantage sujettes aux mauvais traitements. En effet, les personnes placées sont fragiles, leur autonomie, leur dignité, et leur intégrité sont menacées de part leur vieillesse et leurs handicaps (Monod & Sautebin, 2009). L’environnement est étroitement lié au concept de la maltraitance : nous constatons que l’institution a le rôle de protéger les personnes âgées vulnérables. Cependant elle peut elle-même être la cause de maltraitance institutionnelle si elle manque de ressources ou ne s’adapte pas aux rythmes des résidents par exemple (Boissières-Dubourg, 2011). D’après l’étude américaine Statutes to Combat Elder Abuse in Nursing Homes, trop souvent les maisons de retraite n’offrent pas la sécurité qu’elles sont censées apporter (Weinmeyer, 2014). Dans les EMS, mêmes si les personnes sont admises pour un trouble physique, les statistiques montrent que la plupart des résidents souffrent également de troubles neurologiques, de troubles du comportement, et/ou de troubles psychiques. Wettstein (2011 ; dans CURAVIVA, 2010), exprime que souvent, ce sont les aînés atteints de troubles neuropsychiatriques qui subissent des maltraitances. Ceci implique que les soignants doivent faire face à des exigences élevées.
Ces exigences élevées seraient un facteur de risque supplémentaire de maltraitance en EMS ? La santé : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 2016). Les aînés ont souvent un état de santé altéré dû aux processus dégénératifs. Un acte de maltraitance peut ainsi donner lieu à de graves conséquences : « sur le plan psychologique (idées suicidaires, détresse émotionnelle, perte de confiance en soi, dépression, etc.) autant que sur le plan physique (blessures multiples, fractures, hématomes, risque de présenter un moins bon niveau de santé général, etc.) » (Alter Ego, 2015). Les conséquences de la maltraitance peuvent être particulièrement graves du fait que leurs os sont plus fragiles et que la convalescence durera plus longtemps. Même un traumatisme relativement bénin peut laisser des séquelles graves et définitives, voire entraîner la mort. Une étude de suivi sur 13 ans a établi que les victimes de maltraitance ont un risque de mourir deux fois plus élevé que les personnes âgées ne signalant pas de mauvais traitements. (OMS, 2015)
La revue exploratoire de la littérature
Dans le point suivant, nous allons relever certaines données existantes, afin d’étayer le sujet de la maltraitance. Smith et al. (2015), mentionnent que les premiers articles médicaux abordant les sujets ont été publiées en 1975 et depuis lors, leur nombre ne cesse d’augmenter. « La suisse a commencé à s’intéresser à la maltraitance des personnes âgées au début des années 90 suite à des témoignages des proches des victimes et des soignants rapportés par la presse » (Tritten-Helbing, p.16, 2013). Roulet Schwab (2011), nous indique que ce n’est qu’à partir de 2002 que la maltraitance est reconnue comme problème prioritaire de santé publique d’après l’OMS. Bien que le nombre de personnes âgées touchées par la maltraitance soit important, surtout dans les maisons de soins, peu de rapports sont disponibles sur ce sujet. Ceci pourrait être expliqué par le fait que ces incidents sont très peu rapportés par les personnes âgées ou les soignants. (Ahmad & Lachs (2002 ; dans OMS, 2002)). Cependant, nous avons observé qu’il existe des associations qui se consacrent ou participent à ce sujet, notamment Alter-Ego, Pro-senectute, OMS, Curaviva, ALMA. Nous avons également pu mobiliser plusieurs ouvrages qui ciblaient le thème de la maltraitance chez les personnes âgées de manière plus générale. De plus, suite à nos recherches sur les bases de données, nous avons principalement trouvé des articles axés sur les types de maltraitance, les facteurs de risque et la prévention. Un docteur en médecine légale nous a fait part de son avis en lien avec la prévention de la maltraitance. Selon elle, la prévention de manière générale est un travail continu, ne serait-ce que par le fait du renouvellement des équipes.
Il nous paraît important de préciser que la thématique de la maltraitance contient de nombreux enjeux sociaux. « La maltraitance des personnes âgées est un problème de santé publique et un problème des droit de l’Homme qui traverse les catégories sociodémographiques et socioéconomiques » (Dong, p.1214, 2015). Twomey et Weber (2014), nous indiquent que pour répondre à la maltraitance des personnes âgées, une approche interdisciplinaire est cruciale. Cela nous démontre que diverses professions sont inclues dans la maltraitance des aînés. Selon De Saussure (1999), la maltraitance est présente dans tous les milieux sociaux, dans toutes les ethnies et est indépendante des diverses croyances religieuses. Ceci nous démontre bien que c’est un enjeu d’une grande envergure et très présent dans le monde. Afin d’illustrer les enjeux de cette problématique, nous allons exposer des données statistiques probantes. Selon l’office fédérale de la statistique suisse (OFS), (2016), durant l’année 2012, le nombre de personnes de 65 ans et plus s’élève à 1,398 millions, soit 17,4% de la population. Un recensement fédéral de l’an 2000 a mis en évidence que : « En l’an 2000, les personnes de 65 ans à 79 ans constituaient 11% de la population contre 5% en 1900 » (OFS, 2010). L’OMS (2015) indique que le nombre de personnes de plus de 60 ans devrait doubler. Le nombre de personne âgées passera de 900 millions en 2015 à 2 milliards en 2055.
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Table des matières
1. Introduction
2. Problématique
2.1 Le questionnement initial
2.2 La pertinence en lien avec les savoirs infirmiers
2.2.1 Les métapardigmes infirmiers
2.2.1.1 La personne
2.2.1.2 L’environnement
2.2.1.3 La santé
2.2.1.4 Les soins infirmiers
2.2.2 Les modes de savoirs
2.2.2.1 Le savoir esthétique
2.2.2.2 Le savoir empirique
2.2.2.3 Le savoir éthique
2.2.2.4 Le savoir personnel
2.3 La revue exploratoire de la littérature
2.4 Les différents concepts
2.5 Les perspectives/propositions pour la pratique en lien avec cette problématique
3. Concepts et champs disciplinaires infirmiers
3.1 Le choix de la population étudiée
3.2 La maltraitance
3.2.1 L’historique
3.2.2 Les différents types de maltraitance
3.2.3 Les indicateurs de la maltraitance
3.2.4 Les facteurs de risque de la maltraitance
3.2.4.1 Les facteurs de risque spécifiques au soignant
3.2.4.2 Les facteurs de risque spécifiques à la personne soignée
3.3 La prévention
3.3.1 La prévention liée au personnel soignant
3.3.2 La prévention liée à l’institution
3.3.3 La prévention liée à la société
3.3.4 La prévention liée à la personne âgée
3.4 La bientraitance
3.5 Le cadre théorique
4. Méthode
4.1 La question de recherche
4.2 Les bases de données utilisées
4.3 Les critères d’inclusion
4.4 Les critères d’exclusion
4.5 L’explicitation des articles sélectionnés
5. Synthèse des résultats/discussion
5.1 Les résultats liés à la question PICOT
5.2 L’approfondissement des résultats
5.2.1 La formation
5.2.2 La dénonciation
5.2.3 Le dépistage
5.2.4 L’équipe soignante
5.2.5 La pluridisciplinarité
5.2.6 Le positionnement du personnel
5.2.7 Le facteurs préventifs liés au résident
5.2.8 La qualité des soins
5.2.9 La communication
5.2.10 Le système politique et législatif
5.3 Les recommandations pour la pratique
6. Conclusion
6.1 Les apports du travail de Bachelor
6.2 Les limites
6.3 Les recherches futures
7. Références
8. Annexes
8.1 Explicatifs des outils développés dans les résultats
8.2 Tableau des recherches
8.3 Grilles adaptées du Fortin (2010)
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