La lutte biologique
La lutte biologique est un concept qui rassemble plusieurs disciplines dont l’écologie, l’entomologie, la phytopathologie, la malherbologie et la microbiologie (Eilenberg et al., 2001). La lutte biologique, précisément par utilisation de micro-organismes entomopathogènes est une alternative très prometteuse pour assurer une protection phytosanitaire performante de par l’ubiquité naturelle des agents microbiologiques dans les écosystèmes, leur grande variété, leur dissémination facile, leur spécificité d’action et aussi leur persistance dans l’environnement (Kouassi, 2001).
Les différents types de luttes biologiques
Il existe trois types de luttes biologiques à savoir : la lutte biologique classique ou par importation, la lutte biologique par conservation et la lutte biologique par augmentation (inoculation et inondation) (Van Lenteren, 2000).
● La lutte biologique classique ou par importation, consiste en une introduction intentionnelle d’espèces exotiques pour lutter contre des ravageurs. Cette stratégie est utilisée lorsqu’il s’agit d’un ravageur exotique que les ennemis autochtones n’arrivent pas à contrôler (Eilenberg et al., 2001). C’est le cas de l’espèce invasive B. dorsalis, qui est devenue le principal ravageur de mangues en Afrique de l’Ouest après son introduction sur le continent (Vayssières et al., 2014).
● La lutte biologique par conservation, consiste à modifier l’environnement ou les pratiques en vue de protéger ou d’augmenter les populations des ennemis naturels d’un ravageur cible afin de réduire sa population (Eilenberg et al., 2001). Van Mele et al (2007) et Diamé et al (2015) suggèrent des moyens comme l’apport de nourriture pour conserver la fourmi prédatrice généraliste (Oecophilla. Longinoda) dans les vergers pour lutter contre les mouches des fruits.
● La lutte biologique par augmentation, est une méthode de lutte dans laquelle des ennemis naturels produits en masse sont commercialisés et introduits périodiquement sur des surfaces de cultures pour réduire les populations de ravageurs cibles (Lenteren, 2000). Il existe deux formes de lutte biologique par augmentation : la méthode inondative et les lâchers saisonniers inoculatifs (Lenteren, 2000). La méthode inoculative consiste en la libération d’agents de lutte biologique avec l’objectif qu’ils se multiplieront afin de contrôler le ravageur pendant une période bien définie, mais pas de manière permanente (Eilenberg et al., 2001). Par exemple, l’utilisation d’ennemis naturels tels que le parasitoïde Encarsia formosa (Gahan)(Hymenoptera, Aphelinidae) de la mouche blanche et le prédateur acarien Phytoseiulus persimilis (Athias-Henriot) (Arachnida, Mesostigmata, Phytoseiidae) (Lenteren, 2000) se font par cette approche.
La méthode inondative consiste en l’utilisation d’organismes vivants comme bioinsecticides en quantité importante afin de réduire considérablement la population de ravageurs cibles de manière ponctuelle (Eilenberg et al., 2001). Comme exemples, on peut citer l’utilisation de Trichogramma spp. (Hymenoptera, Trichogrammatidae) contre la pyrale du maïs en Europe (Lenteren, 2000) et l’utilisation de Metarhizium anisopliae (Metschn).Sorokin var. acridum pour lutter contre les sauterelles dans le sahel (Eilenberg et al., 2001).
A l’échelle d’une zone de production, la lutte autocide (lâchers des mâles stériles) peut être très efficace permettant d’aller jusqu’à l’éradication des populations d’une espèce dans une région donnée (HANNE, 2006).
Les entomopathogènes utilisés en lutte biologique
Les micro-organismes entomopathogènes utilisés en lutte biologique appartiennent à plusieurs taxons à savoir les virus, les bactéries, les nématodes, les protozoaires et les microchampignons (Kouassi 2001).
Les bactéries
Selon Starnes et al (1993), plus d’une centaine de bactéries ont été identifiées comme ayant un potentiel d’utilisation en lutte biologique. Ces bactéries entomopathogènes appartiennent surtout à trois grandes familles qui sont les Bacillaceae, Enterobacteriaceae et Pseudomonaceae (Greathead et al., 1994). À l’heure actuelle, Bacillus thuringiensis Berliner et B. sphaericus sont les espèces les plus utilisées en lutte contre les ravageurs.
Les Virus
Les virus entomopathogènes se divisent généralement en deux grands groupes distincts, d’une part, ceux possédant des corps d’inclusion paracristallin et ceux sans corps d’inclusion. On les regroupe en sept familles. Ce sont, les Baculoviridae, Reoviridae, Poxviridae (à corps d’inclusion); les Iridoviridae, Parvoviridae, Picornoviridae et les Rhabdoviridae (sans corps d’inclusion) (Faulkner et Boucias, 1985; Arata et al., 1978). Ces familles renferment la plupart des 650 espèces de virus entomopathogènes connues (Khachatourians, 1986). Ce sont les Baculoviridae, les Reoviridae (Miller et al., 1983) et les virus entomopox (poxviridae) qui sont les plus utilisés en lutte biologique, car ils sont bénins pour les vertébrés, les corps d’inclusion ne pouvant se développer que chez les insectes (Paynes, 1982).
Les champignons
Parmi les micro-organismes utilisés en lutte biologique, plus de 700 espèces de microchampignons sont entomopathogènes (Starnes et al., 1993) et jouent un rôle important dans la régulation naturelle des populations d’insectes (Wraight et Roberts, 1987; Ferron, 1978). Ils appartiennent au sous-taxon des Mastigiomycotina, Zygomycotina, Ascomycotina et Deuteuromycotina. Le plus grand nombre de pathogènes se trouvent dans la classe des Zygomycètes, mais les plus utilisés en lutte biologique proviennent des Deuteromycètes (Fungi imperfecti). Les espèces des genres Beauveria, Metharizium, Verticillium, Erynia, Hirsutella, Entomophtora et Entomophaga sont les plus utilisées en lutte biologique (Wraight et Roberts, 1987; Goettel, 1992) .
Les maladies fongiques chez les insectes sont fréquentes et répandues. Elles déciment souvent les populations d’insectes (Hajek et St leger, 1994).
Intérêt et utilisation des champignons entomopathogènes
Les champignons entomopathogènes sont des agents de lutte très intéressants. (Carruthers et Soper, 1987). Ils peuvent être produits en masse à moindre coût et peuvent être appliqués avec les méthodes conventionnelles (Kouassi, 2001). Leur intérêt agronomique est considérable dans la lutte biologique contre les ravageurs de cultures et ils sont donc l’objet d’études de plus en plus poussées. Les espèces de Metarhizium sont pathogènes d’une large gamme d’arthropodes. En Suisse, des produits commercialisés à base de Metarhizium anisopliae sont confectionnés sur des grains d’orges contre les vers blanc du hanneton de la St. Jean (Metapro, Metarhizium Schweizer et GranMet GR) et les otiorrhynques sillonnés ou otiorrhynques de la vigne (Bio 1020 et Met52 granular). Dans le monde, des espèces particulières de Metarhizium sont utilisées pour lutter contre de nombreux prédateurs des cultures comme : Adoryphorus couloni (Coleoptera : Scarabaeidae) en Australie, le criquet (Acrididae) en Afrique (produit commercial sous le nom de « Green muscle »), Cleonus punctiventris (Coleoptera : Scarabaeidae) et Anisoplia austriaca (Coleoptera : Curculionidae) en Amérique. Certaines souches sont également exploitées pour lutter contre les moustiques dans les régions à fort taux de paludisme (Lefort, 2018).
Pathogénicité et virulence des champignons entomopathogènes
Les termes pathogénicité et virulence sont utilisés dans de nombreuses disciplines scientifiques dont la médecine, l’épidémiologie, l’écologie évolutive, la microbiologie et la pathologie des plantes et des insectes. Les définitions de ces termes varient d’une discipline à l’autre et au sein d’une même discipline. La plupart des pathologistes définissent la pathogénicité comme étant la capacité d’un agent microbien à provoquer une maladie et la virulence est considérée comme la gravité de la manifestation d’une maladie qui ne peut être mesurée que chez les individus infectés (Casadevall et Pirofski, 1999). La pathogénicité peut être considérée comme un terme qualitatif alors que la virulence est une notion quantitative. On peut dire qu’un organisme est pathogène ou non dans un contexte particulier, mais pas « plus pathogène » qu’un autre. Ainsi pour un même pouvoir pathogène, il peut y avoir des souches plus ou moins virulentes (Lacey, 1997). En écologie, la virulence est mesurée par la diminution de valeur sélective (survie et/ou reproduction) de l’hôte due à l’infection. Des tests biologiques dose-réponse sont effectués pour estimer la DL50 ou la CL50 (dose ou concentration nécessaire pour tuer 50 % des hôtes exposés). Une autre estimation courante des essais biologiques est la TL50 (temps nécessaire pour tuer 50 % des hôtes exposés), qui est une mesure de la virulence (Thomas et Elkinton, 2004). L’effet des agents pathogènes fongiques sur les insectes hôtes peut varier d’une espèce à l’autre. La pathogénécité de l’inoculum sporal et la spécificité de l’hôte sont deux paramètres importants dans le choix de l’isolat fongique en lutte biologique (Dimbi, 2009). Ekesi et al. (1998) ont montré que les souches Beauveria bassiana et M. anisopliae ont causé respectivement des mortalités de 29 à 100 % et 54 à 100 % avec des TL50 de 2,7 et 2,4 jours chez le thrips des fleurs de légumineuses, Megaluruthrips sjostedti. Espin et al (1989) ont observé une mortalité de 69Ŕ78% chez les adultes de Ceratitis capitata atteints de M. anisopliae.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : SYNYHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. La lutte biologique
1.1.1. Les différents types de luttes biologiques
1.2. Les entomopathogènes utilisés en lutte biologique
1.2.1. Les bactéries
1.2.2. Les Virus
1.2.3. Les champignons
1.2.3.1. Intérêt et utilisation des champignons entomopathogènes
1.2.3.2. Pathogénicité et virulence des champignons entomopathogènes
1.2.3.3. Facteurs affectant l’efficacité des champignons entomopathogènes
1.2.3.4. Modes d’application des champignons entomopathogènes
1.3. La technique d’enrobage appliquée aux entomopathogènes
1.4. Les modèles biologiques
1.4.1. Bactrocera dorsalis
1.4.1.1. Répartition géographique
1.4.1.2. Position taxonomique de Bactrocera dorsalis
1.4.1.3. Description des stades de développement
1.4.1.3.1. Œuf
1.4.1.3.2. Larve
1.4.1.3.3. Pupe
1.4.1.3.4. Adulte
1.4.1.4 Bioécologie
1.4.1.5. Plantes hôtes
1.4.1.6. Méthodes de lutte aux champs contre B. dorsalis
1.4.1.6.1. La lutte préventive (prophylactique)
1.4.1.6.2. Lutte biologique
1.4.1.6.3. Lutte Chimique
1.4.2. Metarhizium anisopliea ssp
1.4.2.1. Origine
1.4.2.2. Systématique
1.4.2.3. Description morphologique
1.4.2.4. Mode d’infection et d’action
CHAPITRE 2 : MATERIEL ET METHODES
2.1. Matériel biologique
2.1.1. Le champignon entomopathogène Metarhizium anisopliae
2.1.1.1. Metarhizium anisopliae en spores libres
2.1.1.2. L’enrobage des spores
2.1.2. La mouche des fruits Bactrocera dorsalis
2.2. Méthodologie
2.2.1. Tests Préliminaires
2.2.1.1. Metarhizium anisopliae en spores libres
2.2.1.1.1. Évaluation du taux de germination des souches
2.2.1.1.2. Évaluation du nombre de spores par gramme de poudre de formulation sèches
2.2.1.1.3. Caractérisation de l’impact de la durée de vortexage sur le nombre de spores comptées sur les mouches contaminées
2.2.1.1.4. Caractérisation de l’impact de la taille du dispositif de contamination sur la charge en spores de la mouche
2.2.1.2. Metarhizium anisopliae en spores enrobées
2.2.1.2.1. Test de dissolution de l’enrobage
2.2.1.2.2. Caractérisation de la taille des capsules d’enrobage par rapport aux spores non enrobées
2.2.1.2.3. Évaluation du taux de germination des spores enrobées
2.2.2. Test de virulence
2.2.2.1. Metarhizium anisopliae en spores libres
2.2.2.2. Metarhizium anisopliae en spores enrobées
2.2.3. Dose minimale infectante et dose saturante
2.2.4. Pathogénicité sur larves et pupes
2.2.5. Analyses statistiques
CHAPITRE 3 : RESULTATS ET DISCUSSION
3.1. Résultats
3.1.1. Tests préliminaires
3.1.1.1. Metarhizium anisopliae en spores libres
3.1.1.1.1. Évaluation du taux de germination des souches
3.1.1.1.2. Évaluation du nombre de spores par gramme de poudre de formulation sèches
3.1.1.1.3. Estimation de la taille des spores pour chaque formulation sèche
3.1.1.1.4. Caractérisation de l’impact de la durée de vortexage des mouches contaminées
3.1.1.1.5. Caractérisation de l’impact de la taille du dispositif de contamination sur la charge en spores
3.1.1.2. Metarhizium anisopliae en spores enrobées
3.1.1.2.1. Test de dissolution de l’enrobage
3.1.1.2.2. Caractérisation de la taille des capsules d’enrobage par rapport aux spores non enrobées
3.1.1.2.3. Évaluation du taux de germination des spores enrobées
3.1.1.2.4. Évaluation du nombre de spores par gramme de poudre de formulation enrobée
3.1.2. Test de virulence
3.1.2.1. Metarhizium anisopliae en spores libres
3.1.2.2. Metarhizium anisopliae en spores enrobées
3.1.3. Dose minimale infectante et dose saturante
3.1.4. Pathogénicité sur larves et pupes
3.1.4.1. Contact avec du sable contaminé au stade larvaire
3.1.4.2. Contact avec du sable contaminé au stade pupes
3.2. Discussion
CONCLUSION