La thérapie cellulaire consiste en l’administration de cellules vivantes à un individu afin de restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe. Elle implique des produits et des procédés utilisés pour trier, sélectionner ou modifier les cellules afin de leur conférer un effet thérapeutique. Parmi les nombreux types cellulaires potentiellement utilisables, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) constituent la forme de thérapie cellulaire la plus utilisée. En 2015, plus de 50 ans après les premiers essais cliniques, plus de 5 000 greffes de CSH ont ainsi été recensées en France par l’Agence de la Biomédecine, principalement dans le cadre du traitement de pathologies onco-hématologiques.
L’essor des thérapies cellulaires relève de nombreux enjeux en raison de leur nature biologique. Contrairement aux médicaments classiques, issus de produits de synthèse et dont les procédés nécessaires à leur fabrication sont capables d’un haut degré de reproductibilité, l’ensemble des étapes nécessaires à la mise à disposition d’un produit de thérapie cellulaire est soumis à de nombreux facteurs de variabilité pouvant largement compromettre l’efficacité, la sécurité et la qualité du produit final. Parmi ces étapes, le prélèvement du produit biologique constitue un élément critique et primordial. De la capacité à prélever les cellules d’intérêt va dépendre la composition du greffon et, in fine, l’efficacité du produit administré au patient. Dans le cas de la greffe de CSH, les cellules sont principalement collectées au niveau périphérique grâce à un procédé de séparation des composants du sang appelé cytaphérèse. La qualité du prélèvement par cytaphérèse peut être évaluée par l’étude d’un paramètre appelé « efficacité de collecte ». Il correspond à la capacité du séparateur à collecter les cellules thérapeutiques d’intérêt contenues dans le compartiment sanguin.
Les différents types de greffes de cellules souches hématopoïétiques
Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont des cellules multipotentes présentes dans la moelle osseuse chez l’Homme adulte. Ces cellules ont la possibilité de se différencier et de donner naissance à l’ensemble des éléments figurés du sang (hématies, leucocytes et plaquettes). Les greffes de CSH sont utilisées pour des patients dont la moelle osseuse est détruite, endommagée ou dysfonctionnelle. Après transplantation par voie périphérique, les cellules progénitrices peuvent regagner le compartiment médullaire par leur capacité de « homing » et participer à la reconstitution hématologique du patient. Les premiers succès thérapeutiques ont été rapportés, chez l’Homme, à la fin des années 1950. Après irradiation corporelle totale, Thomas et al ont démontré que la transplantation de CSH prélevées chez un jumeau homozygote permettait de reconstituer le système hématologique du patient et, in fine, de prolonger sa durée de vie . En 1958, Georges Mathé réalise les premières greffes non apparentées de moelle osseuse chez des physiciens victimes d’un accident nucléaire en Yougoslavie; sur 6 patients greffés, 4 survivront .
En 2015, soit plus de quarante ans après les premiers essais cliniques, l’Agence de la biomédecine a recensé près de 5 000 greffes de CSH en France, principalement dans le cadre de pathologies onco-hématologiques . Deux types de greffes sont distingués en fonction de la nature du donneur :
– les greffes autologues (le patient reçoit ses propres CSH) ;
– les greffes allogéniques (le patient reçoit des CSH d’un individu différent appelé donneur). Selon ce même rapport, 61% des greffes étaient de nature autologue contre 39% de greffes allogéniques .
Les greffes de cellules souches hématopoïétiques autologues
On parle de greffe autologue ou autogreffe lorsque les tissus ou cellules proviennent du « soi » ; le patient est donc son propre donneur. L’indication principale des autogreffes est la reconstitution hématologique du patient suite à l’administration de chimiothérapie(s) à haute dose (ou intensification thérapeutique). Ces chimiothérapies utilisent un ou une combinaison d’agents cytotoxiques, tels que les alkylants (cyclophophamide, alkéran, busulfan, thiotépa…), dont la principale toxicité est hématologique (myélotoxicité). Effet indésirable redouté de ces traitements intensifs, la destruction prolongée de la moelle osseuse est à l’origine d’un risque infectieux, anémique et hémorragique. En vue de palier à ce risque d’aplasie et à la forte morbi-mortalité qui lui est associée, les traitements de chimiothérapie haute dose sont associés à une autogreffe de CSH ; la greffe joue alors le rôle de support de l’hématopoïèse. Concrètement, chez un patient où une intensification thérapeutique est envisagée, les CSH sont prélevées en amont du traitement, au moment où la pathologie est la moins active, puis conservées par cryopréservation . En aval de la chimiothérapie haute dose, d’usage après un délai de 48 heures, les CSH sont décongelées, lavées et administrées au patient. Les autogreffes de CSH sont principalement indiquées en onco-hématologie. En 2015, en France, 93,6% des autogreffes ont été réalisées pour des hémopathies malignes, les myélomes et les lymphomes représentant respectivement 52,4% et 41,9% des indications (Figure 1). L’utilisation des autogreffes dans le cadre des tumeurs solides reste marginale (6,1% des autogreffes totales). Le neuroblastome, les autres tumeurs du système nerveux et les tumeurs germinales (ovaires et testicules) en sont les principales indications chez l’adulte. Enfin, une part minime des autogreffes (0,3%) est réalisée dans le cadre des maladies auto-immunes (MAI) telle que la sclérose en plaque, la sclérodermie systémique ou encore la maladie de Crohn. Chez l’enfant, ce sont les tumeurs solides telles que le neuroblastome, le néphroblastome ou les tumeurs osseuses (sarcome d’Ewing) qui constituent les indications principales des autogreffes.
Les greffes autologues constituent les greffes de CSH les plus utilisées en France. La morbi-mortalité associée est faible ; peu d’effets indésirables imputables à l’autogreffe sont recensés et la mortalité est inférieure à 5% . Les cellules provenant du patient lui-même, le risque de réaction immunologique ou de rejet de greffe est nul. Une des principales complications est le risque de rechute post greffe lié à la présence des cellules tumorales résiduelles chez le patient en dépit d’un traitement de chimiothérapie adéquat.
Les greffes de cellules souches hématopoïétiques allogéniques
Les greffes allogéniques désignent des greffes pour lesquelles le donneur et le receveur sont des personnes différentes. On parle de greffes apparentées lorsque le donneur et le receveur sont issus de la même famille et de greffes non apparentées dans le cas contraire. Le donneur est alors un donneur volontaire, extra-familial, enregistré sur les fichiers nationaux qui sont interconnectés afin de permettre la recherche d’un donneur international lorsque cela est nécessaire. Les greffes allogéniques sont basées sur un principe de compatibilité immunologique entre donneur et receveur en ce qui concerne les molécules du CMH (Complexe Majeur d’Histocompatibilité ou HLA pour Human Leukocyte Antigen) :
c’est l’histocompatibilité. Ces molécules sont exprimées à la surface des cellules nucléées (CMH de classe I) ou des cellules présentatrices d’antigène (CMH de classe II) et participent à l’activation du système immunitaire . Elles ont un rôle unique dans la reconnaissance du « soi », du « non soi » et dans l’initiation de la réponse immune, par présentation de peptides aux lymphocytes T.
Le système HLA, constitué de plus de 200 gènes et de 14 000 allèles portés au niveau du bras court du chromosome 6, est très polymorphe . L’histocompatibilité des greffes allogéniques est basée sur l’étude de 5 gènes : HLA-A, B, C pour le CMH de classe I, DQ et DR pour le CMH de classe II. Pour chaque gène, un individu possède deux allèles exprimés en codominance ou haplotype. Lorsque les deux allèles de chaque gène sont identiques, on parle de compatibilité 10/10. On distingue ainsi trois types de greffes allogéniques, classées ci-dessous par ordre d’intention :
– les greffes géno-identiques : ce sont des greffes intrafamiliales (10/10 ou 9/10). La transmission du CMH est mendélienne ; chaque enfant hérite d’un haplotype maternel et d’un haplotype paternel. Il en advient que parents et enfants ne peuvent être géno-identiques et que la probabilité de compatibilité entre un patient et sa fratrie est systématiquement de 25%. Dans le cas particulier des jumeaux homozygotes, on parle de greffe syngénique qui s’apparente alors à une autogreffe.
– les greffes phéno-identiques : elles sont réalisées en l’absence de donneur intrafamilial. Un donneur est alors recherché parmi les 200 000 donneurs recensés sur les registres nationaux et près de 14 millions dans les registres internationaux. Il est à noter que bien que le système HLA soit très polymorphe et que chaque individu possède un système qui lui est propre, la fréquence des gènes HLA est dépendante de l’origine géographique de l’individu . Prendre en compte l’origine ethnique du patient et de la personne prélevée permet ainsi d’accroitre la probabilité de trouver un donneur compatible .
– les greffes haplo-identiques : ce sont des greffes intrafamiliales pour lesquelles il existe une compatibilité pour un seul haplotype (greffe 5/10). Chaque membre de la famille a 50% de chance de partager un haplotype avec le patient. Les parents, les enfants, les frères et sœurs non géno-identiques mais également les cousins germains deviennent alors des donneurs potentiels.
En règle générale, la stratégie thérapeutique d’allogreffe de CSH repose sur un arbre décisionnel qui place le donneur HLA compatible comme tout premier choix. Ce n’est que s’il ne peut disposer d’un tel donneur, que le clinicien s’oriente vers une source alternative (Figure 2). Ces standards évoluent aujourd’hui en particulier avec le repositionnement des greffes haplo-identiques. Elles sont de plus en plus utilisées compte-tenu :
– d’une réponse réelle en terme de recherche de donneur ;
– de la généralisation de cette pratique par administration de cyclophosphamide (ENDOXAN®) post-greffe ;
– de nombreuses preuves cliniques de leur tolérance et leur efficacité.
En France en 2015, 53,2% des allogreffes réalisées étaient des greffes non apparentées, 32,2% des greffes géno-identiques, et 14,3% des greffes haploidentiques (0,3% des greffes n’étant pas renseignées).
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Table des matières
INTRODUCTION
1 PROCESSUS DE PRODUCTION D’UN PRODUIT DE THÉRAPIE CELLULAIRE : LA GREFFE DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOIETIQUES
1.1 Les différents types de greffes de cellules souches hématopoïétiques
1.1.1 Les greffes de cellules souches hématopoïétiques autologues
1.1.2 Les greffes de cellules souches hématopoïétiques allogéniques
1.2 Collecte des cellules souches hématopoïétiques dans le sang périphérique : le principe de cytaphérèse
1.2.1 Les greffons d’origine périphérique constituent la source majoritairement utilisée
1.2.2 La mobilisation des CSH dans le sang périphérique, un prérequis indispensable au prélèvement sanguin
1.2.3 Le principe de la cytaphèrèse : la séparation des composants du sang
1.3 La composition du produit cellulaire prélevé a des conséquences sur les étapes ultérieures du processus
1.3.1 Composition en cellules CD34 positives et prise de greffe
1.3.2 Cellules immunocompétentes du greffon
1.3.3 Excès de PNN et Toxicité
1.3.4 Erythrocytes et incompatibilité ABO
2 CONTEXTE DE L’ETUDE
3 MATERIELS ET METHODES
3.1 L’étude
3.2 Collecte des données
3.3 Personnes prélevées
3.4 Procédures d’aphérèse
3.5 Détermination du nombre de cellules CD34+
3.6 Collection Efficiency
3.7 Analyse statistique
4 RESULTATS
4.1 La valeur médiane du CE et sa dispersion sont différentes en fonction du type de greffe
4.2 Le type de séparation et l’opérateur n’ont pas d’impact sur la valeur du CE
4.3 De nombreuses variables biologiques ont un effet sur la valeur du CE (résultats de l’analyse univariée)
4.3.1 Etude de la population générale
4.3.2 Etude des sous-populations « Allogénique » et « Autologue »
4.4 Les analyses multivariées confirment l’importance des paramètres biologiques comme principaux facteurs prédictifs de la valeur du CE
4.4.1 Le type de greffe n’est pas un facteur prédictif de la valeur du CE dans la population générale
4.4.2 Analyses en sous-groupes
4.5 Etude des prélèvements dont la valeur du CE est inférieure à 30%
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES