L’évaluation à l’ère de l’écriture par compétences
Les compétences de l’écrit
Depuis l’arrivée des programmes de 2016, on évalue au collège des compétences, basées sur des connaissances relevant des différents domaines d’enseignement, que l’élève doit maîtriser au sein d’un socle commun à toutes les disciplines en fin de cycle 3 et au cycle 4 concernant le collège. Ce système est une transposition de celui qui existait déjà dans le primaire et se fait dans l’esprit d’une liaison école collège plus prégnante.
Pour poursuivre notre réflexion sur l’évaluation des écritures créatives, nous devrons donc nous appuyer sur le référentiel des compétences du socle commun et voir comment les préoccupations liées à l’écriture de l’élève peuvent être construites sous formes de compétences de l’écrit.
Dans le socle commun de compétences, nous pouvons distinguer quatre grandes compétences de l’écrit :
– Exploiter les principales fonctions de l’écrit : Comprendre le rôle de l’écriture.
– Adopter des stratégies et des procédures d’écriture efficaces.
– Pratiquer l’écriture d’invention.
– Passer du recours intuitif à l’argumentation à un usage plus maîtrisé.
Concernant le sujet de notre recherche, l’une de ces compétences du socle commun ne peut que nous interpeller : Pratiquer l’écriture d’invention. L’intitulé de la compétence, formule on ne peut plus laconique, montre bien évidemment combien l’écrit d’invention est un champ à explorer dans notre discipline mais la définir comme étant une compétence pose réellement question et nous pouvons nous demander s’il ne serait pas plus judicieux de la décomposer en sous compétences, plus accessibles et mobilisatrices pour un groupe d’élèves. Au sujet de cette compétence, le programme la définit comme le fait que l’élève puisse, en réponse à une consigne, produire un écrit d’invention s’inscrivant dans un genre littéraire du programme en s’assurant de sa cohérence et en respectant les principales normes de la langue écrite . Cet énoncé du programme pointe de lui même les différentes sous-compétences que l’on pourrait distinguer dans ce type d’exercice : le respect de la consigne, d’un genre littéraire, la cohérence du texte et le respect des normes de la langue écrite . L’exploitation de lectures pour enrichir l’écriture est également soulignée dans le référentiel de compétences du socle.
Cette première compétence, malgré le fait qu’elle soit complètement en phase avec notre sujet, nous amène inévitablement à nous tourner vers les autres compétences de l’écrit qu’il est également important de prendre en compte pour identifier précisément ce que nous souhaitons évaluer dans l’écrit de l’élève. Pour commencer, nous allons nous intéresser à la première citée dans le référentiel : « Exploiter les principales fonctions de l’écrit » : « Comprendre le rôle de l’écriture ».
Derrière ce terme de compréhension du rôle de l’écriture, c’est un large terrain qui s’ouvre à l’enseignant de la discipline car il recouvre des champs aussi variés que l’Histoire, les fonctions dans la vie sociale, culturelle, scolaire mais aussi les potentialités et les usages de nouveaux supports d’écriture (papier ou numérique).
Il s’agit pour l’élève de pouvoir communiquer par écrit pour exprimer différent s types de discours en fonction du type de destinataire et du cadre donné. L’écrit est alors défini comme un outil d’apprentissage qui permet à l’élève de développer sa pensée que ce soit à partir de prises de notes ou d’écrits préparatoires. L’écrit préparatoire est mentionné par le référentiel comme élément clé dans le développement de cette compétence et nous avons également vu combien ces écrits préparatoires pouvaient avoir de la valeur si nous nous inscrivions dans le modèle du sujet écrivant énoncé successivement par Catherine Tauveron et Dominique Bucheton. Indéniablement, cette compétence demandant d’exploiter les fonctions de l’écrit est intimement liée à la pratique de l’écrit d’invention puisque, par exemple, sans la maîtrise des codes pour écrire une lettre adressée à un auteur, l’élève serait complètement désemparé et ne respecterait que la moitié de la consigne, ce qui engendrerait la frustration et le blocage que nous avions évoqué s dans les dangers de l’évaluation des écritures créatives.
Toujours dans le cadre du modèle de l’élève comme sujet écrivant, une autre compétence de l’écrit se distingue : « Adopter des stratégies et des procédures d’écriture efficaces ». D’une certaine manière, il s’agit ici de l’une des compétences centrales pour notre sujet puisqu’elle recouvre un grand nombre de sous compétences.
Différentes compétences mises en œuvre dans l’écriture
Bien entendu, tout le volet de compétences correspondant à la maîtrise de la langue est inévitable quand on en vient à l’écriture car tout écrit se doit de respecter la langue française scolaire afin d’être compris par un lecteu r. Dans ce champ qui est celui de la langue, les compétences à entrer en jeu sont nombreuses et peuvent toutes être liées à la production d’un écrit :
– Connaître les aspects fondamentaux du fonctionnement syntaxique.
– Connaître les différences entre l’écrit et l’oral.
– Maîtriser la forme des mots en lien avec la syntaxe.
– Maîtriser le fonctionnement du verbe et son orthographe.
– Maîtriser le sens, la structure et l’orthographe des mots.
– Construire les notions permettant l’analyse et la production des textes et des discours.
Nous n’irons pas en détail pour chacune de ces compétences mais il semble évident que la production d’écrit linguistiquement correct entend une certaine maîtrise de la langue afin d’être comprise par un lecteur qui est l’enseignant dans la plupart des cas mais dont la correction devient nécessaire à partir du moment où nous poussons le jeune auteur qu’est l’élève à élargir son cercle de lecteurs à la classe voire à l’établissement dans certains projets d’écriture. C’est évidemment à partir de cette perspective liée à l’apprentissage de la langue que l’on repense la réécriture comme un temps de correction, même si ce serait nier à la réécriture le fait qu’elle peut constituer également un temps pour travailler sur la structure de l’écrit comme sur son contenu.
Dans la perspective de la formation de la personne et du citoyen, d’autres compétences posent réellement question concernant leur évaluation. Dans la perspective d’une évaluation lors d’une écriture créative, ce sont plus particulièrement ces compétences qui retiendront notre attention toujours en reprenant la terminologie du référentiel de compétences du socle :
– Développer sa sensibilité.
– Développer le jugement.
Ces deux compétences sont intéressantes du fait qu’elles désignent des réalités qui ne sont pas évidentes à évaluer, étant donné que le développement de la sensibilité autant que du jugement ne peut s’apprécier qu’à la qualité de l’expression de cette sensibilité et de ce jugement. En effet, toute évaluation se doit d’être basée sur des données claires et précises pour l’enseignant afin de les expliciter à l’élève et de le placer dans une dynamique de progression où l’évaluation fait sens. Le fait de parler de degrés de maîtrise d’une compétence évite, en tout cas, le problème de la n ote chiffrée abstraite même si l’évaluation par compétences, du fait de sa nouveauté, se retrouve bien souvent subordonnée à une traduction en note chiffrée.
La question de l’expression de la sensibilité devient intéressante dans le cadre de l’écriture d’invention car du fait du recours à la créativité, l’élève va non seulement faire des choix d’écriture inspirés des procédés qu’il a déjà croisé s mais va également exprimer sa sensibilité de sujet lecteur et de sujet écrivant pour créer son propre texte dans le but de respecter une consigne , voire de jouer avec, dans l’intention précise de produire un effet chez le lecteur. Cette expression de la sensibilité dans l’écriture d’invention est une donnée difficilement évaluable au sein d’une grille critériée mais s’évalue très facilement par la mobilisation de l’élève dans l’activité : elle peut devenir un plaisir pour l’élève et non une tâche paralysante dans laquelle il ne se mobilisera pas, justement, de crainte d’être évalué.
La question du jugement est plus difficile à traiter dans le domaine de l’écriture d’invention mais n’est pas moins intéressante que celle de la sensibilité. En effet, elle peut entrer en jeu si nous mettons en place un modèle d’évaluation comme celui pensé par Catherine Tauveron avec des écrits intermédiaires sur lequel l’élève peut travailler pour penser une réécriture. Nous pouvons également penser à ouvrir un espace d’échanges sur les textes des élèves dans lequel chaque élève pourra exprimer son jugement, endossant ainsi un costume de critique littéraire en plus de celui de jeune écrivain en herbe.
Indéniablement, ces compétences mettant en jeu la sensibilité et le jugement de l’élève sont des témoins de sa mobilisation dans l’activité d’écriture qu’il est important de garder à l’esprit afin de développer ces compétences et de pousser les élèves à exprimer et leur sensibilité et leur jugement, ce qui en fera une donnée évaluable pour l’enseignant dans laquelle chaque élève pourra également se reconnaître.
La démarche de recherche
Pour mener cette recherche, nous avons fait très régulièrement des activités d’écriture créative dans l’espace des classes en variant les modèles d’évaluation : évaluation par compétences, évaluation par les pairs, auto-évaluation, etc. Nous avons également mis en place le modèle du sujet écrivant dans le cadre d’une écriture longue, afin de constater en quoi les écrits intermédiaires peuvent aider l’élève à construire un écrit final abouti et satisfaisant, pour l’élève comme pour tout lecteur confronté à la production. Pour le recueil de données, nous relèverons bien entendu des productions d’élève mais aussi des grilles d’évaluation, des appréciations mises en regard de leurs productions et des outils d’évaluation utilisés autant par l’enseignant que par les élèves. Un questionnaire sera également fourni aux élèves, au cours de la recherche, pour les interroger sur leur rapport à l’écriture et potentiellement sur l’évolution de ce rapport à l’écriture.
Intégrer l’écriture dans une évaluation
Comme nous avons pu le constater précédemment, il est difficile de concevoir qu’une écriture créative puisse avoir sa place dans le cadre d’une évaluation sommative, mais nous allons néanmoins laisser de côté cet a priori pour interroger cette problématique de manière plus approfondie. L’écriture fait partie des grandes compétences à évaluer dans le socle commun et tout indique que cette compétence doit également être mobilisée de manière sommative.
Néanmoins, le recours à l’évaluation sommative exige que la compétence évaluée ait été un minimum travaillée durant la séquence à travers d’autres activités, qu’elles soient complètement similaires ou non. Le but d’une évaluation sommative étant d’évaluer des acquis apportés par la séquence, il n’est donc pas concevable de sortir d’un chapeau une activité d’écriture qui serait totalement inédite et qui demanderait donc à l’élève de réaliser une tâche qui ne lui aurait pas été demandée jusqu’à maintenant.
Nous prendrons pour exemple une évaluation sommative placée en fin de séquence sur la poésie lyrique pour des élèves de quatrième . La première partie de
l’évaluation portant sur la lecture interprétative du poème « A une passante » de Charles Baudelaire, la deuxième partie est une activité créative ayant la consigne suivante : « Tu es la passante à laquelle s’adresse Charles Baudelaire dans son poème. Tu lis le poème et tu décides d’écrire une lettre à ce poète qui te chante son amour. Dans cette lettre de quinze lignes minimum adressée à Charles Baudelaire, tu lui diras ce que tu penses de son poème et de sa démarche. »
Le fait d’exprimer sa sensibilité est l’un des critères principaux pour réussir cette activité et cela n’est pas une nouveauté pour les élèves de quatrième qui ont lu un grand nombre d’autres poèmes traitant du même thème, leur donnant ainsi tout le vocabulaire nécessaire pour parler de ce genre de texte. De plus, la forme de la lettre est un exercice classique et simple en termes de forme , qui permet de vérifier si l’élève maîtrise les codes de la lettre adressée à un destinataire. La forme de la lettre a seulement été rappelée, car déjà connue par les élèves pour la plupart, mais là où l’attention a été retenue, c’est sur la maîtrise des formules d’adresse et de politesse lorsque l’on écrit une lettre, formules qui n’étaient pas maîtrisées par tous les élèves. Le fait d’utiliser ce genre de formules a donc été valorisé dans l’évaluation, car ce sont des critères facilement vérifiables qui montrent combien l’élève maîtrise les codes de la lettre adressée en plus du fait de motiver des choix personnels dans ces formules. Par exemple, vaut-il mieux se contenter d’un simple « cordialement » alors que la lettre est fortement liée au thème de l’amour ? Lorsque j’ai interrogé une élève sur ses choix de ne pas mettre ce genre de formule, elle m’a justifié ce choix par le fait que les formules ont un côté « sec » selon elle, dans le sens d’artificiel.
Le problème de l’écriture dans l’évaluation sommative réside dans ce besoin de critères objectifs pour évaluer mais du point de vue de l’expression de la sensibilité, cela pose inévitablement problème. A partir de là, peut -on considérer l’écart à la norme comme recevable en tant que signe de la sensibilité de l’élève lorsque nous évaluons à partir d’une grille critériée ? Indubitablement, la légitimité des normes peut toujours être questionnée et comme le montre l’exemple cité en annexe, l’écart à la norme peut amener à la production de textes à valoriser. Cet écart à la norme, comme le justifiait l’élève plus haut, est justement la manière d’exprimer sa sensibilité de sujet. L’évaluation sommative est problématique du fait qu’elle verrouille selon des critères objectifs mais y a-t-il une place pour la sensibilité dans ce cadre ? C’est à l’enseignant de revoir sa copie lors des corrections lorsque ce genre de situation se présente.
Le cas des écritures collaboratives
Pour éviter d’exposer les élèves qui investissent leur imaginaire, est-il possible de penser une écriture à plusieurs mains ? L’écriture, acte solitaire par excellence pour l’écrivain, peut-elle devenir une activité partagée, voire une expérience sociale partagée par les élèves ?
Certaines formes d’écritures créatives encouragent de fait l’écriture à plusieurs mains, que ce soit les contraintes oulipiennes comme l’avait souligné Claudette Oriol-Boyer, ou encore les jeux littéraires des surréalistes tels que le cadavre exquis, qui est plutôt aisé à mettre en œuvre dans l’espace d’une classe.
En classe de cinquième, l’exercice du cadavre exquis a été un succès total du fait de la dimension ludique portée par cette forme d’écriture : lors de la phase d’échanges par groupes, cela a provoqué de nombreuses réactions enthousiastes autour de l’exercice, amenant même certains élèves à s’approprier ce jeu et à faire d’autres cadavres exquis de leur propre initiative. Cet exemple est l’un de ceux qu’il est bon de retenir, étant donné qu’il accomplit cette mission principale qui est de donner aux élèves l’envie d’écrire sans avoir besoin de consignes ni d’enseignant.
L’écriture à plusieurs mains ne pose pas vraiment de questions dans ce genre d’écrit pensé spécifiquement pour l’écriture à plusieurs, mais pouvons-nous penser une écriture en groupes pour des écrits plus longs ? Les projets d’écriture longue, traversant une séquence entière en termes de temporalité, forment le terreau idéal pour répondre à cette question. Nous prendrons l’exemple d’un projet d’écriture longue sur la nouvelle fantastique, en quatrième.
La séquence dans laquelle s’insère le projet d’écriture longue porte sur la lecture intégrale d’une nouvelle fantastique de Dino Buzzati intitulée Le Veston ensorcelé.
Le but des élèves, en début de séquence, est de se servir de cette lecture et d’autres lectures cursives de nouvelles fantastiques pour écrire à deux ou trois leur propre nouvelle fantastique. Le choix de l’écriture en binôme a été motivé par le fait que non seulement la classe comptait un nombre important d’élèves en termes de correction, mais que ce choix permettait aussi d’organiser de vrais temps de débat sur l’écriture dans les groupes ainsi qu’une répartition des rôles. Le projet de nouvelle était construit selon un schéma narratif distribué en début de séquence aux élèves, permettant de découper l’écriture de la nouvelle en plusieurs étapes correspondant à chaque partie du schéma narratif. J’ai également mis en place des activités préparatoires dans le but de développer la recherche de vocabulaire sur la peur avec les élèves, mais aussi de chercher l’objet de peur que chaque groupe mettrait en scène dans sa nouvelle.
L’observation constituait réellement la pierre angulaire du travail de l’enseignant dans ce cas précis, car ce choix permettait d’évaluer des compétences du socle commun relatives au travail en groupe. En effet, l’autonomie et la capacité à coopérer pour atteindre des objectifs précis permettaient, à l’aide d’une grille critériée , d’évaluer la progression de chaque groupe et de faire de cette grille un élément de l’évaluation sur laquelle dialoguer avec les élèves.
Analyse des résultats
Le désir d’écrire et de montrer aux autres : L’élève comme écrivain en herbe
L’objectif principal des écritures créatives est de susciter le désir d’écrire chez l’élève, lui permettant ainsi de devenir lui-même un auteur en herbe. Les espaces de liberté proposés par l’enseignant sont autant d’espaces que l’élève peut remplir avec sa subjectivité comme nous l’avons vu précédemment. L’évocation du sujet écrivant et de l’adoption d’une posture d’auteur nous ramène aux préoccupations de Catherine Tauveron se demandant comment construire une posture d’auteur à l’école.
J’ai pu constater que de nombreux élèves, au sortir d’une activité d’écriture, souhaitaient faire une mise en commun sous forme de lecture de leur production aux autres élèves de la classe. L’élève, en plus de vouloir satisfaire les attentes de l’enseignant, va vouloir forger sa légitimité en tant qu’auteur dans l’espace de la classe et c’est pour cela qu’il va partir à la recherche d’autres lecteurs dans la classe en la personne de ses camarades de classe. De plus, j’ai pu constater que l’insistance sur cette légitimité de jeune auteur a pu faire prendre confiance à des élèves qui, de prime abord, ne voulaient absolument rien partager avec la classe de peur d’être jugé. Bien entendu, cette légitimité règle beaucoup de problèmes de confiance chez les élèves mais n’est pas une solution miracle pour ce type de problèmes. Néanmoins, nous pouvons conclure qu’accorder cette posture d’auteur est une attitude véritablement sécurisante et positive à avoir. En partant d’une évaluation-conseil formative, il devient plus aisé de faire prendre confiance à l’élève et lui permettre de craindre le moins possible une évaluation qui se retrouvera dans les grilles de compétences du bulletin et qui sera traduite, le cas échéant, par une note chiffrée.
Il n’est pas étonnant à partir de là de voir combien la satisfaction d’un élève par rapport à ses écrits peut être grande au point de vouloir partager son texte en dehors du cadre scolaire ou de continuer l’écriture à la maison. J’ai pu observer ce cas chez certains élèves de quatrième qui se sont ensuite amusés à faire tourner leur nouvelle fantastique dans d’autres classe, me faisant ainsi regretter de ne pas avoir poussé le projet plus loin en réalisant un recueil de nouvelles fantastiques accessible pour tout le collège.
Les tentatives de dépassement de l’élève : Que faire de cette créativité ?
Face à un exercice de type écriture créative, il existe deux profils d’élèves une fois confrontés à une consigne. Le premier profil est celui de l’élève scolaire qui aura plutôt tendance à suivre la consigne sans faire le moindre écart par rapport à celle-ci. Cela s’applique à des élèves très sérieux du point de vue scolaire mais aussi aux élèves qui ne voient tout simplement pas l’intérêt de la créativité et qui, du coup, vont uniquement se raccrocher à la consigne. Le deuxième profil est celui d’un élève créatif avant même qu’on ne lui donne une consigne mais qui risque de se faire remarquer par un excès de zèle, interrogeant régulièrement l’enseignant pour avoir l’autorisation de s’écarter de la consigne plus ou moins légèrement. Pour ce deuxième profil d’élève, la consigne peut être vécue comme une bride à sa créativité alors que pour le premier, la consigne est la bouée à laquelle se raccrocher pour ne pas être perdu.
Comme nous l’avons vu dans le travail de Claudette Oriol-Boyer, la contrainte est néanmoins un moteur de créativité dans ce que l’on appelle l’écriture à contraintes.
Paradoxalement, l’écriture à contraintes permet à l’imagination de l’élève de s’exprimer sans inquiétude et avec envie car elle protège l’élève en tant que sujet tout en laissant l’écriture revêtir une dimension ludique indéniable. Elle permet donc de donner à la fois l’envie et les moyens pour écrire tout en permettant à l’élève de porter un regard critique et métatextuel sur l’activité d’écriture. La contrainte protège l’individu sur le plan personnel puisque le sujet écrivant peut se dissimuler derrière le respect pur et simple de la contrainte. Elle constitue le point de départ idéal à l’écriture de l’élève puisqu’elle la guide pour créer tout en respectant des attentes scolaires.
Dans le respect de la contrainte, il y a déjà une importance donnée à la manière de l’envisager et de l’analyser pour permettre ainsi d’évaluer un texte au regard de la contrainte tout en envisageant sa possible réécriture. La contrainte dans ce cadre précis peut constituer l’un des critères d’évaluation essentiels, permettant de ne pas tomber dans le piège d’un jugement subjectif du texte produit par un élève. De plus, le respect de la contrainte constitue le terrain de dialogues constructifs pour une mise en commun avec les élèves qui peuvent, eux aussi, faire partie du processus de réécriture d’un texte par leurs suggestions.
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Table des matières
Sommaire
Introduction
1. Volet théorique : comment évaluer l’écriture de l’élève ?
1.1. L’écriture créative : atouts et difficultés
1.1.1. De la nécessité de faire de l’élève un sujet écrivant
1.1.2. Les dangers de l’évaluation de l’écriture créative
1.1.3. Les différents modèles pour guider et évaluer l’écriture
1.2. L’écriture à l’ère de l’évaluation par compétences
1.2.1. Les compétences de l’écrit
1.2.2. Différentes compétences mises en œuvre dans l’écriture
1.2.3. La démarche de recherche
2. Penser des dispositifs d’écriture et d’évaluation adaptés
2.1. Des mises en œuvre dans l’espace de la classe
2.1.1. Appeler la subjectivité de l’élève dans l’activité d’écriture
2.1.2. Intégrer l’écriture dans une évaluation
2.1.3. Le cas des écritures collaboratives
2.2. Analyse des résultats
2.2.1. Le désir d’écrire et de montrer aux autres : l’élève comme écrivain en herbe.
2.2.2. Les tentatives de dépassement de l’élève : que faire de cette créativité ?
2.2.3. L’appropriation des modalités d’évaluation par l’élève : L’élève comme scripteur et critique
3. Quelles conclusions tirer ?
3.1. Quels modèles privilégier ?
3.1.1. Penser une évaluation par compétences
3.1.2. L’écriture intégrée dans une évaluation formative
3.2. Quelle posture adopter en tant qu’enseignant ? Comment évaluer ?
3.2.1. Evaluer les progrès des élèves
3.2.2. Accompagner les élèves dans leur expression en tant que sujet
3.2.3. Susciter une envie d’écrire qui va au-delà de la salle de classe
Conclusion
Bibliographie
Annexes
4 ème de couverture
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