Les différents espaces selon Guy Brousseau

L’ESPACE VECU DES ELEVES

Dans le cadre de mon Master2 1er degré, cursus adapté, j’ai effectué un stage filé en classe de grande section dans le 11ème arrondissement de Paris. Pendant 3mois, chaque jeudi nous étions avec une autre étudiante en stage de pratique accompagnée avec une MAT. Ce stage a été l’occasion de mettre en place une séquence portant sur la structuration de l’espace. L’objectif final de celle-ci était la réalisation d’un plan de la classe avec les élèves. Cette première partie du mémoire est dédiée à une définition de l’ « espace vécu » et aux représentations initiales des élèves sur l’espace classe.

L’espace vécu

Il existe plusieurs définitions possibles dans tous les domaines pour qualifier la notion d’« espace ». Dans cette première partie de l’analyse, nous nous définirons « l’espace géographique » avant de nous focaliser sur ce qui définit « l’espace vécu ». Pour Denise Pumain, « l’espace comme concept géographique, ce n’est pas une zone, ni un lieu, ni une région du monde, ni un « territoire ». Il se définit par la forme (type et structure des « distances », organisation des espacements, valeur des liens) que prennent les relations entre les lieux pour un individu, pour un groupe, ou pour une entité géographique à différentes échelles.» . En ce sens, en géographie, nous parlerons d’espace à partir du moment où un individu sera capable d’y percevoir un agencement d’objets, la présence de liens entre eux, mais aussi l’existence d’un rapport entre ces objets et lui-même. A cette première définition de l’espace géographique, nous devons y ajouter une dimension sociale. En effet, il est important d’associer la collectivité à cet espace géographique. Ainsi, l’enjeu pour un individu est de percevoir un espace en fonction des autres et de leurs perceptions. Pour l’enfant, il faut qu’il soit capable de traduire l’expression « c’est mon immeuble » par « c’est l’immeuble dans lequel se trouve ma maison et il y a d’autres personnes qui y vivent ».

Pour faire prendre conscience à l’enfant de cette notion d’espace, au cycle 1, il faut développer ses capacités à se repérer dans un espace qui lui est familier ; nous parlerons donc d’« espace vécu ». Le concept d’ « espace vécu » s’est développé grâce au géographe Armand Frémont. Dans un premier temps, son raisonnement tend à démontrer que dans l’espace, l’homme n’est pas un objet faisant partie du décor. L’homme y est sujet, c’est-à-dire qu’il y est acteur et agit donc sur cet espace en se l’appropriant. En ce sens, il écrit :

Les hommes vivant en société construisent leur propre territoire, les espace géographiques, chacun pour ce qui le concerne mais aussi collectivement. Ils ne se comportent pas comme de simples objets qui n’auraient comme motivations que des besoins économiques de subsistance ou l’adaptation au milieu, ainsi que de nombreux géographes ont pu longtemps le croire. Ils ont leur espace, qu’ils approprient, avec leurs parcours, leurs perceptions, leurs représentations, leurs pulsions et leurs passions, tout ce qui fait de l’homme un sujet dans toute son épaisseur d’homme.

Concernant l’espace vécu, ou les espaces vécus, Armand Frémont insiste sur le fait que « cette notion, souvent oubliée ou mal définie a réintroduit ou même introduit, dès le début des années 1970, le sujet et la subjectivité dans l’espace de la géographie » . Il entend par là que l’espace vécu définit ainsi un espace perçu et représenté par l’homme, un espace qui lui est propre et dans lequel il agit et se déplace. L’extrait ci-dessous écrit par Armand Frémont nous montre tout l’intérêt d’amener l’enfant à se repérer dans un espace proche, qui pourrait être la maison, la classe, l’école, le quartier. En effet, il explique que pour aller vers l’espace lointain, l’enfant devra s’approprier dans un premier temps l’espace proche, vécu et familier.

La réflexion sur l’espace vécu tient dans l’opposition et la complémentarité entre deux pulsions fondamentales, et par voie de conséquence de géographie. L’une l’attache aux lieux connus, protégés et protecteurs, l’autre demande d’aller toujours plus loin, de regarder ailleurs, de se dépasser soi-même ainsi que les horizons habituels. Entre enracinement et mobilité, entre habitant et voyageur, tous les fondements de géographie se trouvent peut-être là.

Ainsi, nous avons pu voir que l’espace se définit comme étant propre à l’homme car il en est l’acteur principal car il se l’approprie par l’organisation c’est-à-dire en s’y déplaçant et en déplaçant les objets qui s’y trouvent. Il semble judicieux de partir de l’espace vécu, c’est-àdire d’un espace proche et familier, pour inculquer à l’enfant les bases du repérage spatial car il s’agit d’un endroit qu’il pense connaitre et qu’il va pouvoir exploiter pour une redécouverte en construisant son espace.

L’espace classe

Nous avons décidé de travailler sur l’espace classe pour deux raisons. D’une part, il s’agit d’un espace commun à tous les élèves. D’autre part, il s’agit d’un espace familier à chaque élève. Lorsque nous qualifions l’espace classe de « familier », nous entendons que les élèves le vivent au quotidien en s’y déplaçant et en y manipulant divers objets. Ils y sont alors acteurs. Dans ce cas, l’espace de la maison est également un espace familier, mais plus que celui de la classe. En effet, la nuance entre ces deux espaces se doit au rapport que l’enfant entretient avec eux. Dans le cas de la maison, l’espace est plus familier car l’enfant y retrouve des objets personnels et des repères qui lui sont propres et qui relèvent de l’affectif. A la maison, le rapport à autrui et aux règles ne sera pas le même et influe sur le rapport de l’enfant à l’espace. Ainsi, les enfants y ont plus de droits et de libertés qui leur permettent de modifier, se déplacer, déplacer, observer et de renouveler ses diverses opérations sans temps limité. Par exemple, en jouant à cache-cache, l’enfant va développer plusieurs repères personnels. Dans la classe, les enfants font partie du groupe « élève » et forment une certaine communauté. Les repères que l’enfant aura dans la classe seront les mêmes pour les autres. C’est une familiarisation voulue, comme l’indique la hauteur des tables, des chaises, du tableau, et qui est menée par l’enseignant grâce à plusieurs inducteurs liés à l’organisation spatiale de la classe, aux actions et à leur durée. Par exemple, le coin regroupement est un lieu où les élèves passent beaucoup de temps, soit pour les rituels, les consignes, les mises en commun, la relaxation ou les lectures d’album. Ainsi, ce coin si particulier devient un repère commun à toute la classe.

Nous avons à faire à des espaces que les enfants fréquentent la plupart du temps. Certes la classe et la maison sont des espaces familiers pour les enfants, mais l’expérience de l’espace qu’ils y font n’est pas la même. C’est le lien avec l’affectif et la répétition des expériences qui font que la maison reste un espace plus familier, plus personnel, que la classe qui est un espace commun.

Représentation de l’espace vécu par les élèves

La transposition graphique de l’espace classe, et donc d’un lieu familier pour les élèves, exprime non seulement un aspect particulier de la connaissance de cet espace mais elle nous informe aussi sur leur perception de la classe et des éléments qui la composent. Ainsi, Liliane Lurçat, psychologue française et collaboratrice d’Henri Wallon, nous indique :

La difficulté n’est pas technique. Elle est aussi en rapport avec la capacité qu’ont les enfants de se représenter les lieux. Mais il est difficile de faire la part de ce qui est strictement lié à la représentation de l’espace. Le dessin n’est pas un témoin littéral de la représentation, il est un moyen indirect d’apprécier ce que l’enfant peut isoler par la vue : objets, formes, portions d’espace, et la capacité qu’il a de transposer dans l’espace graphique, en rendant un certain nombre de rapport : plus près, plus loin, plus haut, plus bas, plus grand, plus petit, à côté, dedans, etc.

Le stage a été effectué dans une classe de grande section comptant 21 élèves. Afin de connaitre quelles étaient les représentations initiales des élèves concernant l’espace proche et familier deux activités ont été réalisées. Dans un premier temps, les élèves ont dû dessiner l’espace classe au cours d’une évaluation diagnostique. Dans un deuxième temps, ils devaient dessiner l’espace du petit préau.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. L’ESPACE VECU DES ELEVES
1. L’espace vécu
2. L’espace classe
3. Représentation de l’espace vécu par les élèves
3.1. Le dessin de la classe
3.2. Le dessin du petit préau
3.3. Conclusions
II. DE L’ESPACE VECU A L’ESPACE REPRESENTE
1. Structuration de l’espace vécu
1.1. Selon Piaget et Lurçat
1.2. Situations d’apprentissage
1.3. Conclusions
2. Structuration de l’espace perçu
2.1. Les différents espaces selon Guy Brousseau
2.2. Situations d’apprentissage
2.3. Conclusions
3. Structuration de l’espace conçu
3.1. Qu’est-ce qu’un plan ?
3.2. Situations d’apprentissage
3.3. Conclusions
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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