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L’organisation sociale
Selon la nature, tout être humain est condamné à vi vre dans un monde hiérarchisé. Avec l’installation du royaume « andrevola » au XVII ème siècle, les Masikoro vivent selon un système hiérarchique au sommet duquel se trouvent les Andrevola (mpanjaka) puis les (Vohitse), hommes libres composés des clans qui ne sont ni princiers, mpanjaka ni esclaves, andevo, ni guignards, voampatsy. Les Andevo esclaves sont souvent constitués par les captifs des razzias, et en bas de l’échelle sociale, se trouvent les Voampatsy (parias) ou guignards.
Les Andrevola (Les rois)
Par leur dynamisme, les Andrevola ont établi leur domination et tout un ensemble de règles. D’abord, à leur arrivée, ils ont abrogé le système longtemps exercé par les autochtones, c’est-à-dire le pouvoir basé sur le droit d’aînesse. Chaque clan était indépendant, alors des conflits claniques ou lignagers étaient inévitables. Suite à l’installation des Andrevola dans le Fihereña, le droit d’aînesse fut transformé en droit de Raza.
Alors commence la mainmise andrevola dans le Fihereña. Les traditionnistes nous parlent des privilèges qui marquent leur rang social par rapport aux autres clans et ethnies. Il s’agit particulièrement de privilèges cérémoniaux : lors des funérailles, seul le roi avait droit à l’utilisation du bois de palissandre », mañarypour la confection du cercueil, à l’usage, sur le cercueil, de « cornes », tandro-kanka16, d’un tissu rouge, symbole royal, mais aussi l’attribution du nom posthume terminé par « -arivo », signe de supériorité. L’immolation d’un nombre considérable de bœufs lors d’une cérémonie quelconque, l’invocation royale est conditionnée par des termes spéciaux pour désigner chaque élément et chaque fait tout au long de la cérémonie. Aucun Vohitse n’a droit aux « jiny » constitués d’o ssements humains. A cela, s’ajoute d’autres privilèges, entre autres, le fait que tous les bœufs qui ne portent pas de marques d’oreille sont considérés comme bien royal. Les clans inférieurs fournissaient à la classe royale de la nourriture et également des travaux non rémunérés…
Par ailleurs, les Masikoro du Bas-Fihereña, par rapport à ceux du Bas-Mangoky, quant ils ont donné une fille à un prince, sont anoblis à titre individuel. Quant à ceux du bas Mangoky, c’est plutôt le groupe ou le clan tout entier qui est anobli. LAVONDES.H., -1950, partage cette idée : «Quand il déclare ; le principe est en effet que, orsqu’unl groupe a fourni une femme au mpanjaka, son père et les autres descendants de celui-ci ont droit aux fatifaty, et à autres privilèges cérémoniels. Le droit n’est acquis que lorsqu’un enfant est né de l’union. On dit alors que le groupe est tany niboahan’ampanjaka, la terre d’où sont sortis les Mpanjaka17.
16 Tandro-kankà (de hankà : genre de hibou ayant des oreilles rappelant des cornes d’où le mot tandroke qui veut donc dire cornes.)
De plus, les clans qui ont accompagné les Andrevola dans leur migration jusqu’au Fihereña jouissent de privilèges particuliers qui leur ont permis d’occuper le deuxième rang de l’échelle sociale. Il s’agit entre autre des Tsongory, des Ntsatsake…etc.
Les Vohitse (Hommes libres)
Par rapport au groupe princier, les Vohitse, hommes libres, se distinguent des autres groupes ethniques grâce aux privilèges qui l eur ont été donnés par les Andrevola. De ce fait, au sein des hommes libres, certains clans jouissaient de privilèges considérables, à savoir les Marofoty, qui sont les conseillers militaires du roi, les Tsivoto, les Maromainty qui se chargent des funérailles royales. Par contre, d’autres ne jouissaient que de leur statut de Vohitse. Par conséquent, on est en présence de clans qui se disent nobles par rapport à d’autres clans dépourvus de privilèges royaux. Par ailleurs, dans l’exercice du pouvoir royal, seuls les Vohitse étaient les fidèles du roi. Ils s’occupaient de la cour royale, exécutaient les ordres donnés par celui-ci. Le travail de la terre était sous leur contrôle. Ils disposaient de droits fonciers. Des informateurs nous affirment avoir eu des terres offertes par le roi. Cette tâche qui à été donnée à certains clans leur permettait d’exercer des fonctions religieuses, comme l’accomplissement des rites funéraires. Par exemple, les Maromainty et les Tsivòto s’occupaient de la dépouille royale du début jusqu’à la fin de l’enterrement. Ceux-ci étaient très respectés par le roi car, ils s’occupaient non seulement de la dépouille mais aussi de l’invocation des ancêtres. Ils étaient aussi les serviteurs du royaume. En effet, ces prestiges donnés à certains clans Vohitse leur permettaient de les utiliser dans des circonstances importantes, mais ils n’étaient pas identiques à ceux des clans royaux. Ainsi, le groupe qui donne une femme aux Mpanjaka ou quelqu’un qui fournit des cadeaux au roi, effectue des travaux pour lui était anobli. De même, ceux qui s’occupent de l’exercice du pouvoir royal, de la dépouille mortelle ont été anoblis. Ils ont droit au nom posthume terminé par « -arivo », aux tandro-kankà , à l’utilisation de la conque marine (antsiva),… m ais avec des limites. De ce fait, on assiste à une hiérarchie au sein des Vohitse eux-mêmes. A cela, s’ajoute que jadis dans le Bas-Fiher eña le mariage entre princesse et Vohitse était interdit. Seuls les princes avaient droit à un tel mariage.
Au XIXème siècle, l’installation des troupes coloniales dans le Fihereña a eu comme conséquence la disparition du royaume Andrevola. En effet, aujourd’hui, avec la disparition de la royauté, des clans Vohitse se disent Mpanjaka et surtout les clans qui auraient donné leurs filles aux princes, et qui, étaient considérés comme des mpanjakabe. D’après les informations recueillies il paraît qu’ils se sont appropriés toutes les prérogatives royales, à savoir la possession de « jiny ».
Les andevo ou ondevo (esclaves)
Dans la zone d’étude, parler de classe andevo ou d’esclaves nous semble un peu délicat. Souvent, si on essaie de poser des questions sur les Andevo, les informateurs répondent qu’il n’existe pas de groupe andevo. Toutefois, ils nous parlent de leur existence qui diffère des autres. Dans la cour royale, bien que les Vohitse se chargeaient de tous les travaux, il y avait aussi les esclaves qui travaillaient pour le Roi. Ces esclaves étaient soit des gens de l’extérieur ; c’est-à-dire du Sud-est de Madagascar, qui se déplacent vers l’Ouest à la recherche des terres agricoles, soit des captifs de clans différents ou d’ethnies, voire de royaumes différents ou des gens déportés par les Européens orsl du trafic de l’or noir, ainsi que les fils d’esclaves. Tous ces phénomènes constituen la source d’être esclaves. Ces esclaves sont connus sous le nom de « Andevo » pour ceux qui sont des Malgaches, et de « Makoa » pour ceux qui venaient du continen t africain, particulièrement du Mozambique. Voici, à ce propos, ce que déclare LAVONDES.H., -1950 : « Des Indiens (sic) abordaient avec de pleins boutres de Makoa qu’ils cherchaient à écouler parmi la population. Ils ne pouvaient procéder à la vente qu’après avoir fait don de deux esclaves au mpanjaka. » .
On constate qu’au moment de la guerre entre Sakalava et Merina, de nombreux esclaves étaient venus en masse dans le Sud-ouest car les Sakalava les ont pris comme alliés dans la lutte contre les Merina au XIXème siècle.
Jadis, les esclaves ne disposaient pas de hazomanga (poteau rituel), de Jiny ; ils n’appartenaient pas à un clan ou à un lignage spécifique. Ils n’avaient pas de tombeaux propres à eux. Ils étaient enterrés n’importe où, souvent au pied de leurs maîtres. Entre 1870-1880 l’installation des missionaires chrétiens à Tuléar qui prêchent l’égalité parmi tous les hommes, a permis un bouleversement dans le statut social établi par les classes « nobles ». En effet, les classes qui, depuis longtemps, sont assimilées aux groupes vohitse, se sont vues peu à peu libérées de leur lourde condition de vie. Certaines d’entre elles réclament leur droit d’appartenance au clan ou au lignage de leur maître.
Changement socio-politique
Au XVIIIème siècle et tout au long du XIXème siècle, le royaume du Fihereña a connu un bouleversement sociopolitique. Après la mort de Mitraha (1800-1833), son demi-frère a pris le pouvoir par la force. L’héritier légitime, Lahimiriza, fut obligé de se réfugier chez les Bara Imamono en attendant le moment propice pour revendiquer ses droits au trône de son père. Au temps de Marentoetse (1833-1849), le Fihereña a affronté plusieurs guerres.
– Au Nord avec les Maroseranana du Menabe.
– Au Sud avec les Maroseranana du Mahafale.
– A l’Est avec les Zafimanely (BARA).
– A l’Ouest avec les expéditions Merina.
En 1845, le roi entreprit une négociation avec les missionnaires qui arrivèrent à Tuléar. En effet à sa mort survenue en1849 Marentoetse laisse trois fils. Cette situation fut une aubaine pour Lahimiriza qui depuis longtemps, revendiquait ses Droits. Toutefois, les trois fils de Marentoetse se disputèrent le pouvoir au point de provoquer une guerre fratricide. D’abord, le partage du royaume entre les deux premiers fils de Marentoetse : l’aîné Somongae reçut la partie la plus pauvre du royaume (Nord) et le Sud fut mis entre les mains de Manintsiro. Alors la guerre éclata entre le fils aîné Somongae et le cadet Mantsiro, puis entre Manintsiro et Lahimiriza. Une fois vaincu, son grand frère se réfugia vers le Nord et Manintsiro se considéra comme l’héritier légitime du Fihereña. Malheureusement pour lui, après cette guerre avec Lahimiriza, il fut vaincu. Les Bara s’étaient rangés du côté de Lahimiriza.
Après cette guerre, le royaume du Fihereña fut divisé en trois petits royaumes, à savoir :
– Au Sud, la province la plus riche du Fihereña où régnait Lahimiriza.
– Le Nord appelé Volirano revenait à Ndramananga (1858-1900).
– Le bassin de Befandriana Sud appelé Maromahia (1856-1929) était aux mains du roi Retivoke, (1856-1929) fils de Manintsiro.
Les Français ont profité de cette situation pour occuper l’Imamono, Nosy-ve et Saint Augustin. Par la suite, le royaume du Fihereña en général conaîtra un déclin considérable. En Avril 1899, la mort de Tompoemana marque la fin de la dynastie Andrevola. Les Français prennent le contrôle du Fihereña. L’effondrement de la classe royale a permis aux autres classes de revendiquer leurs droits. Chaque clan cumule des pouvoirs politico-religieux.
Par ailleurs, en 1938, on a construit le barrage d’Andoharano qui favorise l’agriculture. La construction de ce barrage a permis aux immigrants de s’installer dans le Fihereña. Ainsi, se développent les relations entre les Masikoro et les autres groupes (Mahafale, Vezo, Antandroy, Betsileo, Merina). On voit des Masikoro qui épousent des femmes tanala et celles d’autres clans. Autrefois, dans la société masikoro, cette pratique était contestée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Un vohitsé peut prendre comme épouse une descendante de mpanjaka. De même un descendant d’ancien esclave peut demander en mariage une vohitse, ou une femme d’un statut social plus élevé. Néanmoins, tout dépend du clan, car certaines familles surtout royales par exemple s’interdisent de prendre une épouse d’origine esclave. Et quand on leur demande les raisons de ces refus, elles ne disent rien.
De ce fait, lors du mariage entre Masikoro et Vezo, il y a une certaine réticence, (tu vas te marier avec celle là ?) de mê me entre Masikoro et Tanala, on pense directement aux disputes. Chaque clan a des considérations vis-à-vis des autres.
L’avènement du christianisme dans le Bas-Fihereña a apporté son lot de changement au niveau du funéraire. Autrefois, les Masikoro christianisés étaient quelquefois écartés. On’ hésite bien souvent à les enterrer dans les tombeaux familiaux.
En effet certains clans Masikoro n’admettent pas que la veillée soit célébrée à la façon chrétienne. Ils cherchent tous les moyens pour introduire leur façon traditionnelle de veiller avant l’enterrement. Mais aujourd’hui de moins en moins on l’interdit. On la célèbre selon la religion du défunt. Quand les chrétiens meurent, on les enterre avec une petite croix érigée sur leur tombe. Seulement, certaines personnes reprochent aux chrétiens leur façon d’enterrer : un cercueil pour un mort et on ne peut plus y introduire un autre. Les chrétiens masikoro sont enterrés de la sorte. Il existe une certaine lassitude des traditionalistes envers les chrétiens.
En plus, on constate que chez les jeunes d’aujourd’hui, ce n’est plus une priorité d’être enterré dans le tombeau familial. La conséquence est grave, car on note une désolidarisation ou un dessaisissement au sein de la famille. On sait que le tombeau est le ciment de la cohésion sociale. Le fait de ne pas être enterré dans le tombeau est le pire des malheurs pour un Malgache. Car, à partir du moment ou on accepte de mourir n’importe où, où n’importe commen t, et d’être enterré n’importe où, ou n’importe comment, l’attachement au tombeau familial diminue sensiblement. En effet, un autre phénomène mérite d’être signalé : Un Masikoro qui côtoie un Tanala, un Mahafale, un Tandroy… ou qui se marie avec une fille non masikoro adopte la culture de l’autre. De ce fait, la culture Masikoro reste de nos jours ouverte aux autres cultures. Cette adoption se constate au niveau des rites funéraires. A titre d’exemple : sur la colline de Befanamy, là où se situe la nécropole du clan Tsingory, on trouve à côté un tombeau du clan appelé Masikoro Somotse. Ce dernier a eu des relations lointaines avec un des clans Antandroy. Aujourd’hui, un syncrétisme s’installe entre la culture masikoro et antandroy. On voit des murs érigés en forme de carré et sur ces murs, sont peints et sculptés comme des sépultures Antandroy d’aujourd’hui.
LA CROYANCE TRADITIONNELLE ET LE CHRISTIANISME
Depuis la découverte de Madagascar baptisée « île saint Laurent » par Diego Diaz le 10 août 1500, celle-ci connut un changement sociopolitique, économique et religieux. L’arrivée de Radama I (1810 – 1828) au trône qui, avec sa politique d’ouverture sur le monde extérieur, a eu comme conséquence l’installation des missionnaires chrétiens ballottés depuis longtemps par la politique interne et externe malgache. Les missionnaires ont considéré Madagascar comme un point stratégique non seulement pour la propagation du christianisme, mais aussi pour évangéliser l’Inde et les autres pays d’Asie du sud. Le 3 décembre 1820, a été créée la première école chrétienne à Madagascar, plus particulièremen à Antananarivo avec trois élèves. Puis l’éducation s’est propagée dans toute la grande île. L’éducation occidentale facilite la pénétration chrétienne. C’est ainsi qu’au XIXème siècle des Missionnaires luthériens, Norvégiens ont entamé unepolitique d’évangélisation dans la zone du Fihereña. Toutefois, avant le XIXème siècle des Missionnaires lazaristes ont tenté de faire pénétrer le christianisme à Madagascar, mais tout a été voué à l’échec. Ainsi, depuis la proclamation de Madagascar comme colonie française le 6 août 1896, le christianisme a pris une dimension co nsidérable. Dans le Sud-ouest, les lazaristes étaient déjà à Manombo-Sud. Ils ont continué l’évangélisation du Fihereña.
En effet, la vision chrétienne, surtout catholique, admet tout ce qui est tradition, n’allant pas contre des dogmes de la religion, surtout ceux qui ne portent pas atteinte à la vie humaine physiologiquement et psychologiquement.
Jadis, quand les missionnaires arrivèrent à Madagascar, il existait un ensemble de croyances qui portait atteinte à la vie humaine. A titre d’exemple : l’enfant né un jour fady, néfaste, avant l’occupation française, était mis à mort. Siune femme accouche de jumeaux l’un des deux est mis à mort ou bien on les sépare.
Tous ces actes sont considérés par la religion chrétienne comme contre nature. Toutefois, le christianisme admet le culte des ancêtres. Le fait que le diable peut posséder un être humain, bannit et nie le fait que les âmes des ancêtres défunts se réincarnent chez les vivants. Pour le christianisme, les âmes des défunts ont leur destination selon le mode de vie de chacun de son vivant. Le christianisme indexe toujours les actes dits sans valeurs et admet les valeurs. Lors de l’implantation chrétienne, les Malgaches en général et le Masikoro en particulier, croyaient à un ensemble de croyances que les Européens considèrent comme du fétichisme. Cette pensée spirituelle du mal ou du mauvais est au centre de la croyance malgache. Les Masikoro pensent que tout ce qui est de la nature est Dieu. Par conséquent, cette vision masikoro conduit à vénérer tout objet de la nature car il pense qu’il existe une force surnaturelle dans ces objets. Cela a permis aux chrétiens de faire comprendre aux Malgaches que leur religion est archaïque et sil sont là pour leur faire comprendre la vraie religion.
On peut dire d’un côté que le christianisme a joué un rôle capital dans la société malgache. Il a fait pénétrer l’éducation, al technologie, surtout à faire comprendre aux Malgaches que tout ce qui est antivaleur porte atteinte à la vie humaine.
D’un autre côté, l’évangélisation des Malgaches ou des Africains est agressive. Les évangélisés voient d’un mauvais œil le christianisme. A leur arrivée dans la région, les Français ont construit des bâtiments pour s’en servir. Par peur de représailles, ils ont obligé la population locale à venir les y rejoindre. C’est ainsi que se sont apparus les litiges entre autochtones et colons. Ses autochtones considèrent les Français comme porteurs de malheurs. Ils s’approprient leur terre « tanindrazana » qui est l’un des facteurs de leur cohésion. De plus, l’évangélisation forcée des Masikoro, population jadis, en partie dépourvue d’un niveau intellectuel, considère celle-ci comme le non respect de leur religion fondée sur le culte des ancêtres. Le traditionnaliste masi koro qui donne trop d’importance aux cultes des ancêtres juge mal le christianisme.e t nombreux sont ceux qui disent qu’avant la christianisation, les jeunes masikoro respectaient bien l’éducation traditionnelle. L’installation française dans le Sud-ouest a bouleversé les habitudes sociopolitiques. Le culte des ancêtres reste de nos jours victime du non respect ; on assiste à un amalgame entre la religion ancestrale et la religion importée, un jeune lettré masikoro s’adonne beaucoup plus au christianisme et juge certaines lois ancestrales comme mauvaises et dépassées.
Aujourd’hui, on constate dans n’importe quelle cérémonie un changement dû au christianisme. Les jeunes masikoro lettrés occupent de places très importantes dans l’administration et par conséquent, ils ne disposent d’aucun moment pour assister à une cérémonie quelconque. La cohésion sociale est bafouée. Seuls ceux qui n’ont pas eu la chance d’être des intellectuels s’adonnent à la religion des ancêtres. Mais l’introduction des micro-églises ou sectes dans leur environnement les influent. Au lieu de se sentir chez soi, un Masikoro policé, en arrivant dans son village natal, est vu comme un(e) étranger (e). Cette considération vis à vis des chrétiens est générale à Madagascar. Tel a été l’avis de la reine Ranavalona Ière lors de son kabary le 1 Mars 1835 quand elle a promulgué : « Je vous le déclare formellement, ô mon peuple, je ne veux point adresser des prières aux ancêtres des Européens, je ne veuxprier que dieu et mes ancêtres. Chaque nation a ses divinités et ses ancêtres. Les nôtres ont fait régner les douze rois, et m’ont donné le pouvoir. Si parmi mes sujets, il en est qui suivent la religion des Vazaha, je les mettrai à mort car, c’est à moi seule que les douze Rois ont légué ce royaume. »29.
Cette ordonnance nous fait bien comprendre que le christianisme était mal vu par les Malgaches en général. Aux yeux de certains dirigeants, elle est une religion qui porte atteinte à la société.
On pourrait dire que les Africains avec la nostalgie du passé royal ne font que revivre une histoire vécue, ainsi, on constate un certain refus de tout ce qui est de la modernité, la science, la technologie, la médecine… Dans notre zone d’étude, j’ai visité des malades qui refusent de se faire soigner à l’hôpital. Ils ne pensent qu’à la médecine traditionnelle et aux devins guérisseurs « ombiasa ». Cette vision est générale à Madagascar, surtout aux fanatiques traditionnels. Ils trouvent tous moyens de ne faire que revivre le passé. De ce fait, on remarque un certain recul vers le passé. Or, ceci submerge des primitivités.
Toutefois, il existe depuis toujours, un lien étroit entre la religion traditionnelle et les religions révélées. Aujourd’hui, les égliseschrétiennes comptent plus de la moitié de la population ; non seulement ils ont compris que le Dieu de « Vazaha » est le même que leur « Ndranahare ». Mes pressentiments , celui qui va à l’église est considéré civilisé. Le père Rémi RALIBERA -1970, souligne : « Il est rare que les Malgaches qui ont été christianisés aient complètement abandonné leur Hazomanga. Celui qui le ferait couperait son lien avec la famille, le clan et n’aurait plus à être enterré dans le tombeau familial. C ‘est la pire des sanctions chez eux »30.
L’EXTRACTION DES PIERRES
Pour construire un tombeau, il faut trouver des pierres. Alors les Masikoro connaissant les endroits où on peut trouver y vont directement. Lors de l’extraction des pierres pour la construction du tombeau, un notable est choisi parmi les gens chargés d’extraire les pierres pour demander la bénédiction des ancêtres. Il les invoque pour que les travailleurs ne soient pas piqués par les scorpions, pour qu’ils ne tombent pas malade pendant la durée du travail. Il dit : « Tahio rahay razako mba tsy hanahy » « Bénissez nous, ô les ancêtres, pour que rien n’arrive» .
Cela fait, on offre une libation de rhum à la terre, puis on égorge un bœuf.
Le sang de l’animal est recueilli car, il servira à asperger l’emplacement du tombeau et le cercueil contenant le mort. La viande du zébu sacrifié servira de nourritures aux travailleurs.
Une fois qu’on a suffisamment des pierres, on va les transporter à l’endroit où sera construit le tombeau. Pendant cette opération, chacun veille à ne pas être blessé, ni perdre l’équilibre en cours de route.
Il arrive souvent que le lieu où l’on extrait les p ierres soit proche du tombeau. Dans ce cas, cela ne pose pas aucun problème. Dans le cas contraire, l’extraction des pierres sera une rude affaire. Dans ces conditions, les préparatifs seront nombreux. Les travailleurs quittent donc le village deux jours avant l’enterrement. Ils passeront la nuit à l’endroit où l’on doit extraire les pierres. Le lendemain matin, on commence à extraire et à amasser les pierres. Le deuxième jour, pendant que l’extraction continue, un groupe de jeunes gens constitués par les jeunes de la famille, des ziva, et des fatidrà transportent les pierres jusqu’au lieu de l’enterrement. Ce type de travail est la concrétisation des rapports de bon voisinage et d’amitié. En effet, à l’occasion de ce travail, les jeunes invitent leurs camarades à les aider. D’où l’adage qui dit : « ovy hitiry tsy tambato » « les pierres n’empêchent pas les ignames de pousser.» 39. Effectivement c’est en de telles occasions que l’on vit la fraternité, fihavanana. Malgré les rancunes, les discordes sociales, les relations amicales sont tellement bien enracinées, qu’on n’oublie tout et qu’on collabore pour que le mort soit bien enterré. Pour la construction d’un tombeau, on a besoin d’une grosse pierre plate appelée vatolahy, d’une hauteur d’un mettre sur cinquante centimètres de large. C’est sur celle-ci que seront gravés, le nom du défunt, sa datte de naissance et du décès. Deux hommes seront choisis pour diriger les travaux d’extraction du vatolahy et de son transport sur le site de l’enterrement. Cette pratique est courante dans le Sud-ouest de Madagascar. On la retrouve aussi aux Comores, dans les îles qui ont subi l’influence occidentale. En effet, les tombes comoriennes n’ont pas de cénotaphe. Mais depuis l’indépendance (le 6 juillet 1975), et même bien avant, l’art funéraire a connu une évolution qualifiée de « Haram » par la loi musulmane. Imiter ces pratiques occidentales, c’est commettre une faute grave. On voit aujourd’hui apparaître sur les tombes musulmanes dites modernes, le nom, la date de naissance, de la mort et du décès ainsi que des sourates du « Coran ».
Typologie des tombeaux
Actuellement l’architecture des tombeaux masikoro se caractérise par un ensemble de formes architecturales, qui n’était pas le cas dans l’ancien temps. Les gens utilisent des matériaux spécifiques pour satisfaire les ancêtres. La concurrence entre les jeunes riches se voit dans la création d’un tombeau. Chacun veut s’offrir un tombeau qui, aux yeux de la population, donne l’image de sa richesse.
De ce fait, les matériaux utilisés dans l’art funéraire, nous offrent des formes et des motifs qui nous permettent de dégager une distinction dans le temps et dans l’espace. L’évolution architecturale des tombeaux masikoro du Bas-Fihereña exprime la différence entre : les tombeaux très anciens, les tombeaux en pierres et les tombeaux en dur (ciment).
Anciens tombeaux
Depuis une époque très reculée, les premiers conquérants de la région menaient une vie « nomade ». Ils vivaient en petits groupes. C’étaient des éleveurs nomades. Ils se déplaçaient d’un endroit à un autre. Ils ne possédaient pas de culte spécifique pour leurs ancêtres. Les traditions oral es nous expliquent comment ils enterraient leurs morts. Comme ils étaient en déplacement constant, l’enterrement se faisait dans les grottes. Une fois qu’un des leurs décédait, ils l’emmenaient pour le déposer dans une grotte. Ils l’abandonnaient par la suite en cet endroit. On en ignore la raison. Ces genres de sépulture se retrouvent sur les montagnes. Ce groupe conduit par des chefs ne pensait pas à honorer ses morts.
Vers le XVème et le XVIème siècle, avec l’augmentation en nombre, l’arrivée des groupes venant de l’extérieur, … l’art funéraire a subi une évolution. Ces peuples qu’aujourd’hui les traditionnistes qualifient d’anciens Masikoro non policés, ont vu leurs habitudes changer. Selon les traditions orales, il existait deux types d’enterrements.
Les anciens Andrevola jetaient leurs morts à la mer. Selon nos informateurs le clan royal, préparait ses morts puis, les enterrait à la mer à la marée basse.
Quant aux clans (vohitse) ils enterraient les morts dans des larges surfaces, soit sur les montagnes, soit loin de leurs villages. Les vestiges de ces types de tombeaux nous permettent d’apporter des explications sur leur forme architecturale. Jusqu’à nos jours, il n’y a pas eu de recherches archéologiques qui nous donnent des éclaircissements. Nos arguments se basent sur les témoignages de nos informateurs, également sur nos analyses d’après certains vestiges. Ces types de tombeaux se retrouvent aujourd’hui éloignés les unsdes autres. Il parait qu’autrefois, les gens enterraient n’importe où ou bien n’importe comment.
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Table des matières
PREMIERE PARTIE : HISTOIRE DU PEUPLEMENT
CHAPITRE I : LE PEUPLEMENT
I. LE MILIEU GEOGRAPHIQUE
I.1. Le Fihereña
I.2. Le milieu physique
I.3. Le climat
I.4. Les types de sols
II. LA POPULATION MASIKORO
II.1 L’organisation sociale
a. Les Andrevola (Les rois)
b. Les Vohitse (Hommes libres)
c. Les andevo ou ondevo (esclaves)
d. Les voampatsy (parias)
II.2. Changement socio-politique
CHAPITRE II : II LA CROYANCE EN DIEU CHEZ LES MASIKORO
I. LA CROYANCE EN DIEU UNIQUE
II. ANCETRES ET DIEU
III. AUTRES CROYANCES
IV. LA CROYANCE TRADITIONNELLE ET LE CHRISTIANISME
DEUXIEME PARTIE : LES DIFFERENTES PHASES DES FUNERAILLES ET LES STRUCTURES DES TOMBEAUX
CHAPITRE III : LES FUNERAILLES
I. GENERALITES
II. LES TYPES D’ENTERREMENTS
a- L’enterrement d’un roi
b- L’enterrement des autres groupes
III. PHASE FINALE DE L’ENTERREMENT
CHAPITRE IV : ARCHITECTURE DES TOMBEAUX
I. L’EXTRACTION DES PIERRES
II. LES TOMBEAUX
II.1. Présentation générale
II.2. Typologie des tombeaux
a. Anciens tombeaux
b. Les tombeaux en pierres sans cercueil
c. Les tombeaux en pierres avec cercueil
c.a. L’architecture
c.b. Description du tombeau
III. LES TOMBES EN CIMENT
III.1. Généralités :
III.2. Les tombeaux en dur :
IV. SCULPTURE ET PEINTURE
IV.1. La sculpture
IV.2. La peinture
TROISIEME PARTIE : ANALYSES DE LA CULTURE ET DE L’ARCHITECTURE DES TOMBEAUX
CHAPITRE V : CHANGEMENTS DUS AUX FAITS SOCIAUX
I. LA VISION DES MASIKORO SUR LES TOMBEAUX EN DUR.
II. CHANGEMENT INDUIT PAR LE VOL D’OSSEMENTS
III. LA STRUCTURE ACTUELLE DES TOMBEAUX
III. 1. La structure externe du caveau
III.2. La structure interne du caveau
CHAPITRE VI : LES OBSERVATIONS
I. OBSERVATION PAR RAPPORT AUX DEPENSES DES FUNERAILLES
II. SUGGESTION PAR RAPPORT AU PHENOMENE DE DETACHEMENT DU TOMBEAU CLANIQUE
III. PERSPECTIVES D’AVENIR SUR LES STRUCTURES DES TOMBEAUX ET DE L’EVOLUTION DE LA SOCIETE MASIKORO
III. 1. Syncrétisme de la tradition et de la chrétienté
III. 2. Syncrétisme de la tradition et de la science
IV. PERSPECTIVE D’AVENIR SUR LA STRUCTURE DES TOMBEAUX
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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