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Facteurs de risque locaux
Le biofilm bactérien:
La présence de biofilm péri-implantaire est liée à un défaut d’hygiène qui peut être dû à :
– Une impossibilité de nettoyer (prothèse mal adaptée ou mal réalisée).
– Une dextérité réduite.
– Une absence de motivation/compliance du patient.
– Une absence de maintenance professionnelle.
Il est aujourd’hui acquis que la présence de ce biofilm est à l’origine des maladies péri-implantaires, en effet, cette accumulation bactérienne créée un déséquilibre avec les défenses de l’hôte entraînant la maladie.
Fürst et coll. ont montré dans leur étude que des patients ne présentant pas de parodontite active, traités pour un édentement unitaire par une chirurgie implantaire respectant des règles d’hygiènes strictes, l’implant (Straumann, Tissue Level) est contaminé 30 min après sa mise en place par les bactéries présentent en bouche. (69)
Dans une étude parue en 2017, Schwarz et coll. ont montré la corrélation entre un mauvais contrôle de plaque et les maladies péri-implantaires : un échantillon de 238 patients et 512 implants a été étudié, ces patients suivaient une maintenance régulière avant l’étude. Les résultats montrent entre autres que l’incidence des mucosites et des péri-implantites est corrélée avec un score de plaque de plus de 33%. (70)
Ferreira et coll. réalisent en 2006 une étude sur 212 patients implantés au Brésil, parmi eux 64,6% présentent une mucosite et 8,9% une péri-implantite :
– Un bon contrôle de plaque est associé dans 41,9% des cas à une bonne santé péri-implantaire, 55,8% des cas une mucosite et seulement 2,3% des cas une péri-implantite.
– Un mauvais contrôle de plaque est associé à 25,2% de bonne santé péri-implantaire, 66,7% de mucosite et 8,1% de péri-implantites.
– Un très mauvais contrôle de plaque est lui associé à 15,3% de bonne santé péri-implantaire, 67,4% de mucosite et 17,3% de péri-implantites. (62).
Alberto Monje et coll. ont, en 2016, réalisé une étude pour évaluer l’influence de la compliance du patient sur la prévalence des maladies péri-implantaires. Un total de 115 patients et 206 implants ont été inclus, les patients ont été classé en 3 catégories : très compliants (RC), moyennement compliants (EC) et peu compliants (NC) :
– Dans le groupe RC, on observe 73% d’implant sain et 4,5% de péri-implantites.
– Dans les groupes EC et NC, on observe seulement 54% d’implant sain contre 24% de péri-implantites.
Pour la mucosite il n’observe pas de différences significatives entre les groupes. (71)
Chez l’animal, le lien entre biofilm et l’apparition d’une maladie péri-implantaire a été montré à plusieurs reprises sur des chiens beagle ou des singes. (72) (73)
De ces études découle la corrélation positive entre la présence excessive de biofilm et l’apparition de maladies péri-implantaires et plus particulièrement de péri-implantite.
D’autres études nous permettent d’associer la population bactérienne présente autour des implants aux maladies péri-implantaires.
En 1987, Mombelli et coll montrent que la population bactérienne au niveau d’implants sains ou atteints de péri-implantites est significativement différente avec une majorité de bactéries de type coccus sur les sites sains alors que des spirochètes, des bactéries fusiformes motiles ont été observées sur les sites présentant une péri-implantite.
Ils observent également une plus grande quantité de complexes bactériens et de bactéries anaérobies (plus de 50%) dans les sites atteints en comparaison avec les sites sains, avec en particulier la présence de Prevotella intermedia et de Fusobactérium. (74)
Les études utilisant la culture bactérienne ont également permis de mettre en évidence au sein du biofilm péri-implantaire la bactérie Staphylococcus aureus. Dans un site atteint de péri-implantite on la trouve en quantité importante alors qu’un implant sain n’en a qu’un nombre limité. Des bactéries entériques (Enterobacter, Klebsiella) ont été retrouvées en plus grand nombre autour des implants présentant une péri-implantite.
Plus récemment, l’utilisation du séquençage à très haut débit a permis l’identification d’un plus grand nombre de bactéries et de nombreuses nouvelles espèces dans les poches péri-implantaires. Il a alors été mis en évidence une population bactérienne plus diversifiée et plus complexe dans le cadre d’une péri-implantite par rapport à un implant sain. (75)
En utilisant ce séquençage à très haut débit, Lu et coll comparent en 2019 les microbiotes d’implants sains ou atteints de péri-implantites ainsi que ceux de parodontes sains ou atteints de parodontite.
Au niveau implantaire, ils ont montré que 19 espèces bactériennes étaient significativement plus présentes dans les sites atteints de péri-implantites, parmi elles plusieurs Prevotella : P. denticola, P. multoformis, P. fusca.
Il ressort également de cette étude qu’au niveau des sites pathologiques (atteints de parodontites ou de péri-implantites) le nombre streptocoques est réduit tandis que les bactéries dites parodontopathogènes telles que les Porphyromonas, Tannerella, Treponema sont plus abondantes. Certaines bactéries telles que Fillifactor alocis ou Treponema vont former des réseaux mieux organisé et plus nombreux dans les sites pathologiques. (76)
Facteurs iatrogènes
Conception prothétique:
Deux éléments vont nous intéresser dans la conception prothétique :
– Type de prothèse : scellée ou vissée / unitaire, plurale ou totale
– Design prothétique.
Après avoir réalisé la chirurgie implantaire et patienté le temps de la cicatrisation, il nous faut choisir le type de prothèse que nous allons réaliser, soit scellée, soit vissée.
On sait que la prothèse vissée facilite notre traitement en évitant les fusées de ciment comme cela sera développé plus loin mais, elle nous permet également de supprimer le joint présent entre le faux moignon et la coiffe qui peut être source d’un pompage bactérien.
En 2016, Renata Dalago et coll. mettent en lien le type de prothèse (scellées ou vissées, partielles ou totales) et la susceptibilité à la péri-implantite.
Les résultats montrent une susceptibilité plus importante à la péri-implantite pour les prothèses scellées par rapport aux prothèses vissées et pour les réhabilitation complètes par rapport aux réhabilitations unitaires ou plurales. (105)
Le consensus de 2018 ne rapporte pas de différence dans la prévalence des péri-implantites en prothèse scellée par rapport à la prothèse vissée. Pour autant, une plus grande rigueur sera nécessaire pour les prothèses scellées. (36)
En conclusion, il vaut mieux réaliser de la prothèse vissée dès que cela est possible et être particulièrement attentif à la maintenance et au design prothétique des réhabilitations complètes.
Le design prothétique a une influence sur l’accès à l’hygiène par le patient, sur la rétention de plaque et de bactéries et donc finalement sur le biofilm bactérien qui se formera autour de l’implant.
Prothèse scellée et vissée confondues, la prothèse doit présenter des embrasures compatibles avec le passage de matériel d’hygiène tel que les brossettes inter-dentaires, cela doit être vérifié au laboratoire et en bouche cliniquement et radiographiquement. La position du point de contact avec la dent adjacente doit donc se situer à distance de la gencive pour répondre aux exigences d’hygiène, cependant, afin de respecter les impératifs esthétiques, ce point de contact ne doit pas être trop coronaire pour éviter l’apparition de trous noirs. (106)
Le point de contact inter-proximal doit être systématiquement contrôlé car il a été montré dans une étude une perte de celui-ci dans 24,3% des cas 1 an après la mise en bouche de la prothèse. Les causes de cette modification ne sont pas clairement établies et seraient lié à la dérive mésiale des dents ou à une usure du point de contact. (107)
La morphologie dentaire doit également permettre un brassage efficace du bol alimentaire.
Le profil d’émergence de la prothèse est aussi un élément important à prendre en compte. La première émergence, sous-gingivale, ne doit pas présenter de sur-contour par rapport à l’implant au risque de perturber le sondage péri-implantaire. En supra gingival, les sur-contours et sous-contours excessifs doivent être évités pour la même raison. (106)
Toujours en rapport avec ce profil d’émergence, Katafuchi et coll. ont réalisé une étude évaluant son influence et celle de l’angle d’émergence de la restauration prothétique sur l’apparition d’une péri-implantite.
Pour les implants tissue-level, aucune différence significative n’a été observée quel que soit l’angle d’émergence de la prothèse (> ou < à 30°) ou son profil d’émergence (concave, droit ou convexe). Pour les implants bone-level, la prévalence des péri-implantites est plus importante lorsque l’angle d’émergence est supérieur à 30° (31,3% contre 15,1%) et on observe un effet synergique entre un angle d’émergence >30° et un profil convexe par rapport à un profil concave ou droit. En revanche il n’y a pas de différence significative entre les différents profils d’émergence analysés seuls.
Ces caractéristiques prothétiques vont influencer la capacité du patient à nettoyer ce qui explique les résultats obtenus notamment pour les implants tissue-level où la partie trans-gingivale du pilier permet d’optimiser l’accès à l’hygiène. (108)
De plus, il faudra apporter une attention particulière aux prothèses présentant une fausse gencive dans les édentements complets par exemple. Celle-ci doit permettre un passage des brossettes sans contrainte et assurer un bon accès à l’hygiène pour le patient.
Figure 15 : Espace permettant le passage efficace de la brossettes inter-dentaire en présence de fausse gencive prothétique (courtoisie Dr. Brincat).
Les connexions implants-piliers nous intéressent également puisqu’elles sont de plusieurs types et peuvent influencer les maladies péri-implantaires.
Sasada et Cochran étudient les conséquences de ces différentes connexions dans une revue de la littérature. Ils vont comparer les connexions à hexagone externe (matching-platform), les connexions à hexagones internes (switching-platform) en rapport avec les implants bone-level et les connexions avec des implants tissue-level (direct implant).
Lorsqu’ils s’intéressent à la péri-implantite, ils concluent d’un risque réduit pour les connexions avec des implants tissue-level et accru avec des matching-platform du fait de la colonisation bactérienne présente au niveau de ces connectiques externes. (109)
Pour la prothèse scellée trois points devront être respectés au niveau du design prothétique :
– Réalisation de piliers anatomiques et non standardisés qui seront adaptés à la morphologie gingivale.
– Absence de sur ou de sous-contours sur la prothèse.
– Adaptation marginale parfaite.
Excès de ciment de scellement:
La prothèse implanto-portée peut être de deux natures différentes :
– Transvissée.
– Scellée.
Dans le cadre de la prothèse scellée, la prothèse se divise en 2 parties, un faux moignon transvissé à l’implant et une couronne que l’on vient scellée par-dessus avec un ciment.
Des excès de ciment sont inévitables au niveau du sulcus péri-implantaire et il est nécessaire de les éliminer efficacement afin d’éviter toute réaction inflammatoire face à ce corps étranger.
Figure 16 : Excès de ciment de scellement sur des implants présentant une péri-implantite(a) et immédiatement après le scellement (b) (courtoisie Dr.Brincat)
En 2019, Staubli et coll. ont réalisé une revue systématique de la littérature pour analyser les causes et les conséquences d’excès de ciment de scellement dans le sulcus péri-implantaire.
Au total, 26 publications ont été considérées, parmi elles, seulement 3 n’ont pas associé excès de ciment et inflammation péri-implantaire. Il ressort également que l’excès de ciment est associé à l’apparition de maladies péri-implantaires dans 33% à 100% des cas selon les études.
En conclusion, il est recommandé d’éviter les limites prothétiques sous-gingivales et de prolonger le temps de cicatrisation muqueux pour prévenir l’apparition de ces excès et leurs complications, en revanche, les différents types de ciments utilisés dans l’étude n’ont pas influencé les résultats. (110)
Il est recommandé d’utiliser des ciments provisoires qui permettront l’élimination plus aisée des excès au moment du scellement.
Parmi ces études, celle menée par Wilson Jr et coll. compile 39 patients sélectionnés sur une période de 5 ans et un total de 62 implants avec des prothèse scellées.
Des excès de ciment sont retrouvé sur 80,5% des implants atteints de péri-implantite alors qu’aucun n’est retrouvé sur les sites sains.
Après dépose de ces excès, 25 des 42 implants atteints ne présentent plus aucuns signes cliniques. Au moment du scellement, il est donc indispensable d’éliminer les excès immédiatement présents dans le sulcus péri-implantaire. (111)
Si ces excès de ciment sont repérés dans le cadre de visite de contrôle à l’examen clinique ou radiographique avec l’apparition d’un phénomène inflammatoire au niveau des tissus péri-implantaires, il faudra impérativement les éliminer pour espérer une résolution de la situation. (112)
Ces excès seront potentiellement visibles à la radiographie rétro-alvéolaire mais pourront s’ils sont situés en vestibulaire ou en lingual se superposer à la surface implantaire et donc ne plus l’être. Un ciment non radio-opaque sera également difficilement identifiable. (113)
Pour contrôler la fusée du ciment, une technique simple a été décrite. Elle consiste en la réalisation d’une réplique du pilier implantaire en silicone ou en plâtre sur laquelle on disposera les coiffes chargées en ciment de scellement, on pourra alors éliminer ces excès en extra-buccal puis replacer la prothèse sur les piliers en bouches. (114)
Biologique
Dans le but de compléter et préciser notre diagnostic clinique et radiographique, un examen microbiologique peut être réalisé à l’aide de sonde à ADN et de cultures bactériennes.
Celui-ci nous permettra de mieux identifier les mécanismes d’action et le potentiel pathogène de ces lésions.
Au niveau biologique, comme décrit précédemment, la péri-implantite va être le fruit d’une interaction complexe entre le biofilm et les défenses de l’hôte. Elle est considérée comme une infection poly-microbienne avec son biofilm spécifique.
Ce biofilm est plus complexe et hétérogène par rapport à celui présent autour des implants sains ou dans les parodontites.
On retrouvera principalement :
– Bactéries gram négative anaérobie obligatoire (T. forsythia, F. nucleatum, T. denticola, P. intermedia et P. gingivalis)
– Bâtonnets gram positifs anaérobies assacharolytiques
– Autres bactéries telles que Campylobacter rectus, Dialister invisus, Parvimonas micra et Staphylococcus epidermidis
– Champignons tels que Candida Albicans
– Virus tels que Epstein-Barr Virus et le Cytomégalovirus humain.
Certaines bactéries sont présentes dans les parodontites, notamment les bactéries gram négatives anaérobies obligatoires, mais le biofilm est complété par d’autres micro-organismes qui le rendent plus complexe. (129)
La quantification des médiateurs pro-inflammatoires et du remodelage osseux est également intéressante puisque dans les sites atteints de péri-implantites, on retrouve spécifiquement de nombreuses cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1β, l’IL-17, l’IL-6, le TNFα et d’autres médiateurs de l’inflammation tels que RANKL, MMP-2, MMP-9 ou encore la cathepsine-K qui agiront sur l’os. (129)
La péri-implantite est associée à l’accroissement des marqueurs de l’inflammation IL1β, IL6 et IL10 dans la salive. Ces interleukines ont d’ailleurs été considérées dans plusieurs études comme des marqueurs de la maladie péri-implantaire et du diagnostic précoce de celle-ci.
Les interleukines 8 et 12 sont également présentes en quantité supérieure chez un patient atteint d’une péri-implantite par rapport à une mucosite. Tout comme le TNFα qui s’accroit au cours de la maladie péri-implantaire.
La quantification de ces marqueurs par l’obtention d’un échantillon salivaire du patient permet le dépistage précoce de la péri-implantite et se présente comme une arme de plus à l’arsenal à notre disposition dans le diagnostic de la maladie péri-implantaire. (130)
Thérapeutique étiologique
L’objectif du traitement non-chirurgical des maladies péri-implantaires est le contrôle de l’infection et la création de conditions péri-implantaires saines et durables afin de réduire l’inflammation. (24) La thérapeutique étiologique est réalisée en 2 étapes : – Modification des facteurs de risque, – Thérapeutique étiologique locale. V.1.1. Modification des facteurs de risque Comme pour un traitement parodontal, la première étape du traitement non chirurgical sera l’identification des facteurs de risques généraux et locaux du patient. Après avoir identifié ces facteurs de risques, il faudra les modifier pour placer le patient dans un contexte propice à la bonne santé péri-implantaire. (24) (131) Les facteurs de risques généraux sur lesquels nous allons pouvoir agir sont le tabac, le diabète et l’alcool. Pour le tabac, il est indispensable d’accompagner le patient dans un processus d’arrêt de sa consommation en le motivant par l’explication des effets indésirables locaux et généraux qu’il peut entraîner notamment sur l’inflammation et la cicatrisation et en l’orientant chez un tabacologue pour un suivi professionnel. Pour l’alcool, le processus sera sensiblement le même que pour le tabac en motivant le patient à réduire sa consommation si celle-ci est excessive et en l’orientant vers un addictologue. Pour le diabète, il faut évaluer son équilibre par l’analyse du taux d’hémoglobine glyquée : inférieur à 7% lors des derniers examens datant de moins de 2 mois. Si ce n’est pas le cas il faut réorienter le patient chez son diabétologue. Les facteurs de risques locaux sont plus propices à être améliorer. On peut agir sur le biofilm, les problèmes de conceptions et d’assemblages prothétiques, la surcharge occlusale ou encore sur une parodontite active. En concomitance avec le traitement de la péri-implantite, nous pouvons également agir sur les tissus mous péri-implantaires et en particulier sur le tissu kératinisé. Notre premier rôle sera d’améliorer le contrôle du biofilm au travers d’une motivation à l’hygiène bucco-dentaire et d’un enseignement aux techniques de nettoyage péri-implantaires avec le fil dentaire et/ou les brossettes inter-dentaires. Plusieurs techniques d’hygiène et protocoles de maintenance ont été explorées dans la littérature, il en découle qu’un contrôle mécanique du biofilm par l’utilisation de brosses à dents manuelles ou électriques en association avec des antiseptiques comme la chlorhexidine ou des dentifrices spécifiques a un effet bénéfique sur le saignement au sondage et donc sur l’inflammation des tissus péri-implantaires. Une revue de la littérature de 2015 s’est intéressée aux performances des matériels d’hygiène et conclue qu’un brossage avec une brosse à dent électrique est plus efficace sur les prothèses implantaires fixes par rapport à la brosse à dent manuelle. (132) (133) Les brossettes inter-dentaires et le fil dentaire sont des éléments incontournables de l’hygiène péri-implantaire, le patient utilisera l’un ou l’autre en fonction de la dimension des espaces inter-proximaux. Les brossettes doivent être calibrées à chaque rendez-vous de contrôle pour s’assurer de leur efficacité. Dans certains cas, le mauvais contrôle du biofilm n’est pas lié qu’au patient mais est en rapport avec une mauvaise conception prothétique. Il faut dans ce cas, en plus de la motivation à l’hygiène du patient, modifier cette prothèse en amont pour permettre la bonne mise en oeuvre des mesures d’hygiènes. On retrouve notamment des fausses gencives débordantes ne permettant pas un passage efficace des brossettes.
Thérapeutique étiologique locale
Après modification des facteurs de risques, les conditions d’inflammation tissulaire sont déjà améliorées. Dans ce contexte-là, le débridement non-chirurgical de la surface implantaire est réalisé. Ce débridement a pour objectif de désorganiser le biofilm supra-gingival mais surtout sous-gingival que le patient ne peut atteindre par ses procédures d’hygiènes. Il nous permet d’évaluer le niveau de résolution de l’inflammation, la réponse des tissus aux différents protocoles que nous mettrons en place lors de la phase chirurgicale mais également la compliance du patient, élément clé de la réussite du traitement. (24) Le traitement non-chirurgical local va s’articuler en 2 grandes étapes, d’abord le débridement mécanique entrepris selon divers protocoles utilisant des inserts, des curettes, des aéro-polisseurs et/ou des lasers puis, ce débridement est complété par une désinfection locale grâce à des agents chimiques antiseptiques et/ou des antibiotiques locaux ou systémiques. (131) Débridement mécanique Une instrumentation spécifique est nécessaire : – Les curettes et inserts utilisées sont en titane, en plastique, en téflon ou en fibre de carbone pour préserver l’état de surface implantaire. En effet, les inserts et les curettes de surfaçage classiques en acier peuvent léser la surface implantaire et potentiellement créer des aspérités et libérer des particules de titanes dans la poche péri-implantaire. De plus, des inserts aux formes spécifiques, très fins vont nous permettre de nettoyer entre les spires de l’implant. (121) – Les aéro-polisseurs sont utilisés avec des buses spécifiques et une poudre de glycine (moins abrasive que le bicarbonate), ils permettent de nettoyer la surface implantaire sous-gingivale sans léser les tissus mous péri-implantaires et risquer l’emphysème. (134) – Les lasers sont utilisés sur une pièce à main avec une extrémité conique et des pointes spécifiques pouvant pénétrer à l’intérieur des poches sans risques pour les tissus environnants. Le débridement mécanique peut associer ces différents outils afin d’obtenir un nettoyage optimal de la surface implantaire. Les inserts ultrasoniques et les curettes en titane ont été plusieurs fois étudiés dans la littérature, aucune différence n’a été mise en évidence entre ces deux instruments mais leur action permet une amélioration des paramètres cliniques tels que le saignement au sondage ou le score de plaque. (135) (136) L’aéro-polissage est réalisé avec une buse spécifique qui permet de progresser plus loin dans la poche parodontale. Cette buse présente des orifices de projections horizontaux et unilatéraux permettant de prévenir le risque d’emphysème et de lésions des tissus environnants. Il est recommandé de l’utiliser pendant 15 secondes au maximum sur chaque face (mésial, lingual, distal et vestibulaire) en suivant un mouvement circulaire. En 2015, John et coll. comparent un traitement non chirurgical avec un aéro-polissage à la poudre de glycine avec un débridement utilisant des curettes en fibres de carbone. Les résultats sont comparables mais on note un score de saignement plus faible dans le groupe ayant bénéficié de l’aéro-polissage. (137) Le laser est également une alternative intéressante aux techniques plus « classiques » vues ci-dessus. En effet il présente l’avantage de pouvoir à la fois décontaminer les surfaces implantaires et amorcer une cicatrisation sur les tissus adjacents.
Plusieurs types de lasers ont été étudiés dans la littérature : laser Er :YAG, le laser à CO2 ou le laser Tr :YAG par exemple. Schwarz et coll. ont comparé dans 2 études l’efficacité du laser Er :YAG par rapport à un débridement avec les curettes en fibre de carbone associé à l’utilisation d’un antiseptique local. Les résultats sont plus favorables pour le saignement au sondage avec le laser au cours des 3 premiers mois mais, les valeurs s’équilibrent ensuite. (138) (139) Renvert et coll. ont, eux, confronté le laser Er :YAG avec l’aéro-polissage à la poudre de glycine. Aucune différence significative n’a été mise en évidence que ce soit pour le saignement au sondage ou la profondeur de poche. (140) Le laser ne va donc pas nous apporter un véritable plus par rapport aux autres thérapeutiques mais c’est une alternative lorsqu’il est disponible. (131) (133) On note finalement peu de différences d’efficacité entre les instruments dans le traitement non-chirurgical. Le débridement mécanique est réalisé avec ces techniques qui peuvent être associées, le but étant d’obtenir la surface implantaire la plus propre et la plus intacte possible. Désinfection chimique En association avec le débridement mécanique, une désinfection chimique s’avère intéressante pour réduire plus considérablement la charge bactérienne. Les produits antiseptiques sont une première alternative. Il existe à notre disposition de nombreux agents chimiques tels que la Chlorhexidine, le povidione iodée, l’eau oxygénée, etc. Ces produits antiseptiques peuvent être utilisés en per-opératoire (injection directement dans la poche), à intervalles réguliers avant et après le traitement ou prescrit au patient sous forme de bain de bouches à réaliser pendant une période donnée de cicatrisation. On peut évidemment combiner ces différentes applications. Machtei et coll. étudient en 2012 l’action de l’injection de Chlorhexidine suite à un débridement mécanique combinant curettes et aéro-polissage par rapport à l’injection d’un placebo. Ils n’observent pas de différences dans le score de saignement mais une réduction de la profondeur de poche et une attache clinique significativement supérieures dans le groupe ayant reçu la Chlorhexidine à intervalles réguliers. (141) En 2020, Liu et coll étudient la littérature au travers d’une méta-analyse évaluant l’effet de l’utilisation de chlorhexidine dans le traitement non chirurgical des péri-implantites et des mucosites. Ils ne démontrent aucune amélioration dans le traitement des mucosites et ne parviennent pas à statuer sur un éventuel effet dans le traitement des péri-implantites. Ils en concluent qu’il existe un manque d’études randomisées sur ce sujet pouvant justifier une utilisation basée sur des preuves scientifiques. (142) Les produits antibiotiques peuvent être utilisés par voie locale ou par voie systémique. (131) (133) Par voie locale, la minocycline ou la doxycycline peuvent être administrées en per-opératoire seulement ou suivi d’autres applications à intervalles réguliers. En 2008, Renvert et coll. comparent dans une étude randomisée l’utilisation de Chlorhexidine ou de microsphère de minocycline à j0, j30 et j90 après un débridement mécanique. Les résultats sont significativement plus favorables pour la minocycline en termes de profondeur de poche et de saignement au sondage, en revanche la population bactérienne est sensiblement identique entre les 2 groupes. Ils en concluent que l’utilisation répétée de minocycline peut être intéressante en complément du débridement mécanique. (143) Par voie systémique, plusieurs associations ont été utilisées comme l’azythromycine ou l’amoxicilline/métronidazole pendant 7 jours mais les auteurs s’accordent à dire que la littérature sur le sujet ne permet pas de tirer de réelles conclusions sur leurs intérêts. (131) (133)
Réévaluation : critères de succès de la thérapeutique étiologique
Dans le cadre du traitement de la mucosite, la thérapeutique étiologique associant le contrôle des facteurs de risques et la thérapeutique non-chirurgicale locale est pour la plupart des cas suffisante. En revanche, pour la péri-implantite, la thérapeutique étiologique est une étape préalable indispensable au traitement chirurgical mais, seule, elle ne permet pas dans la majorité des cas une résolution de la maladie. En effet, le potentiel de cicatrisation des tissus autour de l’implant est moindre par rapport aux tissus parodontaux du fait de la faible vascularisation péri-implantaire et de l’état de surface rugueux des implants. (24) Elle permet la réduction de l’inflammation et de la bactériémie afin d’intervenir chirurgicalement dans les meilleures conditions. (144) Le succès de la thérapeutique étiologique va d’abord se caractériser par la pérennisation des changements comportementaux chez le patient : – Procédures d’hygiène renforcée et maintenue suite au traitement et aux éventuelles modifications prothétiques (score de plaque inférieur à 20%) – Arrêt ou réduction de la consommation de tabac et d’alcool – Équilibration du diabète (HbA1c<7%). Il est également défini par l’amélioration des paramètres cliniques : – Amélioration de l’aspect gingival avec une réduction de l’inflammation – Réduction du saignement au sondage (de 20 à 50%) qui devra être inférieur à 10% – Réduction légère de la profondeur de poche (<1 mm) essentiellement par récession tissulaire. (24) Cette analyse nous permettra d’objectiver le contrôle de l’infection et de l’inflammation suite au traitement non chirurgical. La réévaluation va s’articuler en plusieurs séances de contrôle qui suivront notre traitement local de débridement mécanique et de désinfection chimique. Ces séances ont pour objectif d’évaluer l’évolution des tissus péri-implantaires et la compliance du patient à nos recommandations. Le moment où est réalisée la réévaluation n’est pas clairement défini dans la littérature : pour Schwarz et coll. 2 semaines, pour Froum et coll. 1 mois, pour Matarasso et coll. 2 mois et 2 semaines, pour Khoury et coll. 6 mois après le traitement non-chirurgical. (145) (146) (147) (148). Cela s’explique par le fait que la thérapeutique étiologique et la désinfection non-chirurgicale ne suffisent pas à soigner la maladie et sera toujours suivie d’une approche chirurgicale. Les paramètres essentiels qui permettent de passer à la phase chirurgicale sur lesquels la plupart des études s’accordent sont : le score de plaque inferieur à 20% et le score de saignement au sondage inférieur à 10%. Leur quantification permet d’évaluer la compliance du patient et l’état inflammatoire péri-implantaire. Dans notre protocole nous prévoyons de convoquer les patients pour la réévaluation 4 semaines après le traitement non chirurgical. Si les valeurs de score de plaque et de saignement au sondage sont inférieures à 20% et 10% respectivement, la chirurgie peut être planifiée.
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Table des matières
I. Les tissus péri-implantaires
I.1. Les tissus mous péri-implantaire : notion d’espace biologique péri-implantaire
I.1.1. Attache épithéliale
I.1.2. Attache conjonctive
I.1.3. Sondage péri-implantaire
I.1.4. Rôle de l’espace biologique
I.2. L’os péri-implantaire
I.3. Vascularisation, innervation
II.L’ostéo-intégration
III.La muco-intégration
IV.La péri-implantite
IV.1. Définition
IV.1. Facteurs de risques et leurs niveaux de preuves
IV.1.1. Facteurs de risque généraux
IV.1.2. Facteurs de risque locaux
IV.1.3. Facteurs iatrogènes
IV.2. Les éléments du diagnostic
IV.2.1. Clinique
IV.2.2. Radiologique
IV.2.3. Biologique
V. Prise en charge thérapeutique
V.1.Thérapeutique étiologique
V.1.1. Modification des facteurs de risques
V.1.2. Thérapeutique étiologique locale
V.2. Réévaluation : critères de succès de la thérapeutique étiologique
V.3. Les traitements chirurgicaux
V.3.1. Les différentes méthodes de décontamination mécanique et chimique
V.3.2. Critères de choix de la technique chirurgicale
V.3.3. Description des protocoles
V.3.3.1. Approche résectrice
V.3.3.2. Approche régénératrice
V.3.3.2.1. Substitut osseux seul
V.3.3.2.2. Régénération osseuse guidée
V.3.3.2.3. Matériaux biologiquement actifs
VI.Proposition d’un protocole de traitement selon les données acquises de lascience
Conclusion
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