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Définition de la période d’étude : le vernis dans la facture européenne occidentale jusqu’au 18e siècle
Il n’est pas possible de déterminer quand a débuté la pratique de vernir les instruments de musique. Il est probable que les premiers instruments de musique vernis aient été ceux en bois, en particuliers en bois peu denses et poreux, car plus faciles à travailler.
Des instruments de musique, dont des flûtes en bambou, ont été découvertes dans une tombe chinoise datant du 7e siècle avant J.-C. Ces instruments sont décorés de laque rouge et noire [Rault 2000]. Des traces d’une substance résineuse ont été relevées sur la caisse d’un luth copte du 3e siècle de notre ère et pourraient être considérées comme les vestiges d’un vernis apposé sur l’instrument [Le Hô 2009].
En Europe, il semblerait que les instruments à cordes pincées et frottées soient les plus anciens instruments vernis.
Des instruments de la famille du luth, datant du début du 16e siècle, recouverts de vernis ancien sinon original, sont conservés dans des collections muséales.
Les experts de la lutherie ancienne considèrent généralement que la tradition germano-italienne de lutherie a contribué à faire apparaître et évoluer une catégorie particulière de vernis. Cette évolution aurait atteint son apogée avec les vernis des instruments faits à Crémone, en particulier par Antonio Stradivari et Giuseppe Giovanni Guarneri ‘del Gesù’ [Schmitt 2006]. Même si des exemples remarquables de vernis peuvent encore être trouvés recouvrant des instruments de Guadagnini, Bergonzi et Landolfi, les experts semblent s’accorder sur le déclin de la qualité et de la beauté des vernis à partir du milieu du 18e siècle. (Cf. Première Partie 3.4).
Limites historiques et géographiques de l’étude
Notre étude est consacrée aux vernis de la lutherie européenne, des plus anciens vestiges potentiels datés du début du 16e siècle (instruments de Laux Maler,…) à des spécimens de l’apogée/la « période d’or » de la facture du violon, au milieu du 18e siècle.
Les vernis recouvrant les instruments des familles du luth, du violon, de la viole, du cistre, fabriqués en Europe (actuelles Allemagne, Autriche, France, Italie, Royaume-Uni, Espagne principalement) sont pris en compte.
Quelle représentativité ?
D’une manière générale, on n’a pas conservé de lutherie courante. Les instruments qui nous sont parvenus sont principalement ceux de facture de qualité (voir par exemple [Alain 1939]), ce qui représente une fraction minime des instruments fabriqués. La représentativité de l’étude matérielle des vernis sera de fait altérée par ce phénomène de sélection des instruments conservés. Cette étude est donc précédée d’une étude historique des vernis, afin d’approcher une compréhension la plus complète possible des techniques de vernissage anciennes.
Un autre facteur important est le corpus des instruments accessibles, et disponibles pour l’étude. Il s’appuie principalement sur la collection d’instruments de musique du Musée de la musique (Paris), et, pour quelques instruments ou études in situ, sur celles de la Galleria dell’Academia (Florence), de l’Academia Santa Cecilia (Rome), de la Royal Academy of Music (Londres) et de propriétaires privés.
Les sources historiques
Pour étudier les pratiques du vernissage potentiellement appliquées aux instruments de notre corpus d’étude, nous considérerons en premier lieu les sources historiques qui sont contemporaines aux époques de fabrication de ces instruments, à savoir avant 1800.
Les recettes de vernis14
Parmi les recherches antérieures menées sur les recettes de vernis figure le célèbre traité de lutherie d’Auguste Tolbecque [Tolbecque 1903], s’appuyant sur les travaux d’Eugène Mailand [Mailand 1859] relatifs aux vernis. Ce traité énumère les ingrédients cités dans quelques recettes de vernis issus de traités anciens afin de les expérimenter et de les commenter. Dans une démarche systématique, l’ouvrage de Mary Merrifield [Merrifield 1849] réunit des traités de peinture italiens, français et belges du Moyen Âge à la Renaissance en citant le texte original de chacun d’eux accompagné d’une traduction anglaise. Plus près de nous, en 1995, Vincenzo Gheroldi [Gheroldi 1995] a fait paraître une étude sur le traité de Filippo Bonanni [Bonanni 1720] où il analyse le contenu des recettes, démontrant que ce traité est un témoignage des techniques artisanales de l’époque. Diverses publications ont fait état de recettes anciennes pour instruments de musique [Pollens 1987, Meyer 1992, 1995, Fontana 1999].
Nous distinguerons les recettes spécifiquement dédiées à la fabrication de vernis destinés à des instruments de musique, des autres recettes, plus générales.
Les recettes spécifiques aux instruments de musique
Il existe une multitude de recettes de vernis que l’on trouve dans la littérature d’avant 1780. Seules sept de ces recettes sont spécifiquement dédiées aux instruments de musique. Elles sont présentées, en texte intégral, en Annexe.
Les sept recettes présentent de nombreuses différences. Le petit nombre de ces recettes ne peut autoriser à interpréter ces différences comme des reflets de variations des pratiques de vernissage au cours du temps ou en fonction des régions de facture instrumentale.
Parmi ces recettes, on compte des vernis à l’huile et des vernis à l’esprit-de-vin (alcool). Certaines ne consistent à incorporer qu’une résine à de l’huile, alors que certaines recettes à l’esprit-de-vin peuvent compter jusqu’à sept résines à incorporer.
Les huiles mentionnées (huile de lin, huile de noix) sont les plus siccatives et sont des produits communs. Elles sont aussi les plus utilisées pour la peinture de chevalet à l’huile.
Parmi les résines mentionnées, outre les matières filmogènes bien connues comme la colophane, la sandaraque, la térébenthine, le mastic, la gomme-laque, l’élémi, figurent aussi des résines ou gommes-résines colorées : sang-dragon, gomme-gutte, aloès, et d’autres matières colorantes (rocou, curcuma). La coloration d’un vernis était donc une démarche intentionnelle.
La provenance de ces recettes n’est que rarement mentionnée. Il n’est donc pas certain que ces recettes aient été réellement mises en œuvre par des luthiers pour vernir des instruments. Ce sont, au mieux, des témoignages indirects de pratiques ayant (eu) cours. Il semble néanmoins, comme nous le traiterons plus loin, que certains luthiers aient établi, à des fins diverses, des recettes de leurs vernis (Cf. 2.2.1). Ces recettes ne témoignent peut être pas des pratiques réelles d’ateliers. Les documents rassemblant des recettes de vernis (manuscrits, traités, recueils, livres de secrets) sont souvent l’œuvre d’érudits n’étant probablement pas en prise directe avec les pratiques d’ateliers. En fait, à la fin du 16e et au début du 17e siècle, les expérimentations sur les vernis étaient une mode, un passe-temps de dillettantes cultivés [Gheroldi 1995 p.16-17]. Ainsi, le « Trattato sopra la vernice » du père Bonnani est destiné, d’après l’auteur, à un usage non-professionnel ; « virtuoso divertimento », pour les « Artefici, Pittori, Dame, e Cavalieri » [Bonnani 1720].
Etant donné le nombre limité de recettes de vernis (et plus généralement de sources historiques) spécifiques aux instruments de musique, il est nécessaire d’élargir l’étude à l’ensemble technique du vernissage dans le contexte historique et géographique de notre étude. Les connaissances pratiques de vernissage sont en effet probablement partagées par un grand nombre de métiers et de corporations (en particulier les ébénistes, les vernisseurs, les peintres décorateurs, les peintres de chevalet).
D’autres recettes de vernis
Nous avons consulté et dépouillé les sources bibliographiques anciennes contenant des recettes de vernis afin de proposer une vue d’ensemble des types de vernis connus. Le recensement des recettes a été organisé sous la forme d’une base de données. Il permet de réaliser des recherches et des statistiques.
Sources exploitées
Les sources bibliographiques anciennes et originales sont nombreuses. Bien souvent, ces recettes sont rassemblées dans des traités, compilations de « tours de main ».
Les sources écrites recensées ont été éditées principalement en France et en Italie entre le 16e et le 18e siècle. 368 recettes issues de dix-huit sources ont été répertoriées (Cf. Tableau 1). Si une source a fait l’objet d’une traduction et est devenue, à ce titre, une référence, alors considérée comme une source à part entière, elle est exploitée comme telle. C’est le cas de la traduction vers le français, publiée en 1723, du « Trattato sopra le vernice » de Filippo Bonanni…
Parmi toutes les recettes de vernis contenues dans ces sources, certaines n’ont pas été incorporées à la base de données :
– Les recettes pour vernis noirs : Ces vernis étaient dédiés à décorer les meubles « à la façon de la Chine ». Opaques, ils ne permettent plus de voir les motifs du bois sous-jacent.
– Les recettes pour vernis de gravure.
Méthodologie de traitement
Chaque fiche de la base de données correspond à une recette dans laquelle sont indiquées les informations bibliographiques, le traitement par familles d’ingrédients et la citation dans sa langue originale. Les informations bibliographiques détaillent le titre, l’auteur, le lieu et la date d’édition, les sources citées par l’auteur ainsi que la localisation de la source. Le traitement par familles d’ingrédients permet de classer chaque ingrédient cité dans la recette parmi les catégories suivantes : alcool, huile, résines et gommes, autres composés organiques. Les recettes sont restituées dans leur langue originale afin d’éviter toutes les imprécisions et confusions éventuellement occasionnées par les traductions.
Le traitement des recettes repose sur trois étapes : identifier les ingrédients, déterminer leurs origines botaniques et/ou chimiques et les répartir par familles d’ingrédients. Les problèmes d’identification sont liés à la différence de dénominations selon les langues, les zones géographiques et les époques. Un ingrédient peut porter plusieurs noms et un même nom peut désigner plusieurs produits. Ainsi, la sandaraque, résine diterpénique produite par Tetraclinis Articulata (thuya d’Algérie), souvent désignée par sandaracca et formes voisines, peut toutefois l’être, dans certaines recettes, par mastice persiana ou ambra orientale [Gheroldi 1995]. Il semble en revanche que la détermination des familles d’ingrédients soit moins problématique. Dans un premier temps, dans le cadre de cette thèse, il a donc été choisi de privilégier une catégorisation par famille d’ingrédients à une catégorisation par ingrédient, certes plus précise, mais source de difficultés terminologiques et de risques de donner un sens erroné.
Résultats et discussion
Représentativité – limites de l’étude
Le nombre de recettes publiées augmente avec le temps (Cf. Figure 1). Outre l’effet naturel de raréfaction par destruction des documents les plus anciens et de l’accroissement du nombre de publications au cours des siècles, cette augmentation peut aussi témoigner de l’intérêt croissant pour la connaissance des vernis.
La grande majorité des sources exploitées vient d’Italie et de France. Il est très probable que de nombreuses recettes restent à découvrir, notamment dans la littérature germanique, et pourront être exploitées dans le futur.
Types de vernis
On distingue trois types de vernis [Lacombe 1789] :
– les vernis clairs ou à l’esprit de vin,
– les vernis gras ou à l’huile,
– les vernis à l’essence.
L’exploitation systématique des recettes montre qu’au moins deux de ces trois liquides (esprit de vin, essence, huile) interviennent dans la réalisation d’un quart environ des recettes exploitées. Parmi les recettes restantes, on constate une nette augmentation des recettes à l’esprit de vin et à l’essence à partir du 16e siècle, alors que les recettes de vernis gras dominaient jusqu’alors (Cf. Figure 3).
On peut expliquer cette tendance par le développement des techniques de distillation et donc de production des solvants. L’essence (de térébenthine) est le produit de distillation des résines de pin. L’esprit de vin est le produit de distillation du vin enrichie en éthanol. Cependant, il doit être suffisamment riche en éthanol (et proportionnellement pauvre en eau) pour être capable de solubiliser les résines végétales filmogènes. Le traité de distillation de Déjean, paru pour la première fois en 1753, montre que la maîtrise de ces procédés de purification sont atteints au milieu du 18e siècle [Hornot 1778]. A la fin du 18e siècle, des sources historiques provenant de la région de Dresde montrent que l’alcool de grain jouait un rôle essentiel pour les luthiers allemands (et donc que ceux-ci appliquaient des vernis clairs) [Meyer 2006].
Vernis à l’ambre ou vernis d’ambre ?
Le terme « ambre » est souvent rencontré dans les recettes exploitées (une recette sur cinq). Bonnani consacre un part importante de son traité à décrire ses expérimentations pour préparer un Vernice di Ambra.
L’ambre jaune (ou succin, ou carabé, aussi appelée de nos jours « ambre de la Baltique ») est une oléorésine fossilisée sécrétée par des conifères il y a plusieurs millions d’années. Elle ne doit pas être confondue avec l’ambre gris, substance produite par les cachalots. Par ailleurs, on appelle ambre blanc le spermaceti, substance produite par les grands mammifères marins.
Il n’existe pas de solvant connu pour dissoudre l’ambre fossile. Sa dissolution à chaud dans une huile siccative n’est pas avérée. Pourtant, les sources semblent faire grand cas de cet ingrédient. De plus, des expérimentateurs des 19e et 20e siècles ont pensé trouver en l’ambre l’ingrédient mythique et secret des anciens vernis italiens (Cf. 3.3).
On a pu aussi dénommer « ambre » ou « carabé » certaines formes de copals, des résines dures et semi-fossiles. Une description d’un matériau appelé « Charabe » dans le manuscrit de Turquet de Mayerne pourrait correspondre à une telle confusion [De Mayerne ca. 1620 p. 147-148] :
Il se trouve une gomme ou résine à Marseille qui vient des Indes en lopins ronds comme noisettes, et noix, comme la gomme Arabique parmy lesquels il fault choisir ceux qui sont les plus blancs, et transparents comme Chrystal. Ils sont couverts d’une peau jaunalstre, (qui est la partie extérieure à l’air) mais le dedans est aussi transparent que le verre de Venise. On l’appelle Charabre, ou Charabe.
Par ailleurs, le terme « ambre », (ou « d’ambre ») peut qualifier une couleur, un aspect visuel. Il semble que cette dernière notion soit clairement définie dans certaines recettes anciennes.
Ainsi, Bonnani [Bonnani 1720 p.94-95] écrit que : la Vernice d’Ambra, la quale altro non è, che oglio di lino, e pece greca assieme bolliti (le vernis d’ambre, lequel n’est autre que de l’huile de lin et de la poix grecque bouillies ensemble)
Ce vernis qu’on appelle communément d’ambre, encore que dans sa composition n’entre ni ambre, ni carabé, ce qui est la même chose ; mais il vient des Turcs qui le dénomment ainsi pour son éclat, qui ressemble à l’ambre, et est encore appelé Vernis Turc pour le grand usage qu’ils en font. Celui-ci est composé d’une grande partie d’huile cuite et de trois de poix grecque, et si on le fait bouillir à feu lent, à la fin il a perdu toute l’onctuosité ; et qui se voit retenir seulement sa viscosité. Quand ce stade est atteint, le vernis est fait.)
Il semble donc que le vernis d’ambre ne contienne en fait pas d’ambre fossile, mais soit l’appellation d’un vernis fabriqué à partir d’huile de lin et de poix grecque, c’est-à-dire de la résine de sapin [Gheroldi 1995]. Ce vernis est donc de composition simple, à partir d’ingrédients courants.
La coloration des vernis
La plupart des recettes exploitées ne mentionnent pas la couleur. Il semble au contraire qu’elles décrivent la fabrication de vernis les plus clairs et incolores possibles.
Parmi les 368 recettes étudiées, seules 38 contiennent des matières colorantes. Ce sont souvent des recettes pour faire des vernis dorés, imitant l’or (les matières colorantes jaunes sont nombreuses) ou quelquefois des vernis rouges ou noirs. Les matières colorantes peuvent être soit des résines ou gommes-résines intrinsèquement colorées (aloès, sang dragon, gomme gutte), des colorants (curcuma, safran, rocou, lacca, extraits végétaux rouges) ou même des pigments minéraux (noir de fumée, noir d’ivoire, cinabre, terre d’ombre).
Siccativité des vernis gras
Les huiles utilisées pour faire des vernis gras (principalement huiles de lin, de noix) sont siccatives, et donc filmogènes. Cependant, leur temps de séchage peut être très long, et dépend des conditions climatiques, des charges minérales et résines qui y sont incorporées. Ce temps de séchage long est un inconvénient majeur pour l’usage des vernis à l’huile. Depuis la Renaissance au moins, on connaît deux méthodes pour augmenter la siccativité des huiles : l’ajout d’un composé au plomb, souvent la litharge, et la pré-cuisson de l’huile avant son incorporation dans un vernis. Ces deux techniques se retrouvent dans les recettes de vernis gras exploitées.
Sur 130 recettes contenant de l’huile siccative, 13 contiennent aussi de la litharge. La plupart de celles-ci décrivent en fait la pré-cuisson d’huile avec la litharge, avant de l’utiliser comme ingrédient, sous le nom d’huile cuite, dans la préparation du vernis.
Par ailleurs, trois recettes sans huile contiennent de la litharge.
Autres sources bibliographiques pour le vernissage
Autres sources bibliographiques au sujet du vernis de lutherie
Il ne subsiste que de très rares documents émanant de luthiers ou de témoins directs de leur travail qui décrivent la fabrication et la mise en œuvre des vernis pour les instruments de musique [Gétreau 2001], à l’époque de la Renaissance.
Les premiers témoignages datent du 16e siècle. Ainsi, la Figure 4 montre que le texte accompagnant la fameuse gravure sur bois Der Lautenmacher (le fabricant le luths), datée de 1568, mentionne que le luthier a Gefürnist Kragen/Bodn und Stern.
L’ensemble de gravures dans l’ouvrage d’Amman et Sachs [Amman 1568] peut être considéré comme un témoignage relativement fidèle des pratiques de l’artisanat au 16e siècle [Gétreau 2001]. Ici, le texte indique que c’est bien le luthier qui vernit l’instrument qu’il vient d’assembler, mais qu’il ne vernit spécifiquement que certaines parties, à l’exclusion par exemple, de la table d’harmonie.
En février 1580, d’après deux documents15 conservés aux Archives de Venise et publié par Polato, Moisè Tieffenbrucker, fabricant de luths, affirme avoir inventé deux nouveaux vernis pour luths, un vernis rouge et un vernis vert :
[…] una nuova forma, e modo di vernice di color cremise e di verde per liuti […]
Cette demande de privilège lui est accordée cinq jours plus tard, considérant que l’invention de ces vernis est bien nouvelle :
[…] Percio opinione nostra è che essendo tal invenzione di vernice colorata, cosa nuova né ad altri concessa detta supplica sia degna di grazia ch’egli domanda. [Polato 1985]
([…] C’est pourquoi notre opinion est que la dite invention de vernis coloré est chose nouvelle non reconnue chez les autres, [et que] le dit privilège demandé mérite d’être accordé.)
Moisè Tieffenbrucker élaborait donc lui-même ses vernis. Il ne les achetait pas déjà préparés. Mieux, il développait de nouveaux vernis, dont les colorations sont les attributs principaux et distinctifs. Le vernis, pour cet artisan, n’a donc pas seulement un rôle de protection du bois. Il a une grande influence sur l’esthétique visuelle de l’instrument de musique en tant qu’objet (aspect décoratif ?). Il le colore intentionnellement. Or, les couleurs les plus prisées à Venise pour les meubles de toutes sortes durant la Renaissance étaient le rouge et le vert [Matthew 2008]. Le fait de demander un privilège, et donc une reconnaissance de propriété intellectuelle sur ces innovations indique aussi qu’elles sont réalisées afin de mieux répondre aux attentes de la clientèle, de les devancer ou afin de se démarquer de la concurrence des autres facteurs.
Le comte Valdrighi rapporte avoir trouvé aux Archives de Modène, un document montrant que le duc de Ferrare voulait connaître la recette du vernis utilisé par les luthiers vénitiens [Valdrighi 1884, Hill 1902]. Le duc écrivit à un certain Jacopo de li Tibaldi, qui répondit le 20 janvier 1526 : Le célèbre facteur de luths Sigismond Maler a promis de me donner par écrit lundi prochain la recette du vernis qu’il utilise, ainsi que la manière de l’appliquer sur les luths. Le maître me dit aussi qu’il a deux sortes de vernis et que ce sont ses assistants, et non pas lui-même, qui le font.
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Table des matières
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
1.1 Objectifs de l’étude
1.2 La spécificité des vernis d’instrument de musique
1.3 Terminologie
1.3.1 De la peinture de chevalet à l’instrument de musique : vernis, liants, et couleurs
1.3.2 Conclusion
1.4 L’histoire matérielle des vernis d’instruments de musique
1.4.1 Le « vernis original »
1.4.2 Les transformations naturelles et anthropiques du vernis au cours du temps
1.4.3 Instruments abandonnés ou pas ?
1.5 La prise en compte du vernis dans les valeurs patrimoniales de l’instrument de musique
1.5.1 Valeur d’ancienneté
1.5.2 Valeur historique
1.5.3 Valeur d’association
1.5.4 Valeur d’usage
1.5.5 Valeur esthétique
1.5.6 Valeur de recherche et d’éducation technique
1.5.7 Conclusions
ETUDE HISTORIQUE 1> CONTEXTE HISTORIQUE DE LA FACTURE INSTRUMENTALE, DEFINITION DE LA PERIODE D’ETUDE
1.1 Une brève histoire de la lutherie occidentale
1.1.1 Les facteurs d’instruments de musique
1.1.2 Evolution des techniques de fabrication et émergence du violon
1.1.3 Evolutions et disparitions
1.2 Définition de la période d’étude : le vernis dans la facture européenne occidentale jusqu’au 18e siècle
1.2.1 Limites historiques et géographiques de l’étude
1.2.2 Quelle représentativité ?
2> LES SOURCES HISTORIQUES
2.1 Les recettes de vernis
2.1.1 Les recettes spécifiques aux instruments de musique
2.1.2 D’autres recettes de vernis
2.1.3 Résultats et discussion
2.2 Autres sources bibliographiques pour le vernissage
2.2.1 Autres sources bibliographiques au sujet du vernis de lutherie
2.2.2 Autres sources bibliographiques au sujet du vernis
2.3 Sources iconographiques
2.3.1 Iconographie des facteurs d’instruments
2.3.2 Iconographie musicale
3> LES DIFFERENTES HYPOTHESES SUR LES VERNIS ANCIENS DEPUIS LE 19E SIECLE
3.1 De la couleur
3.2 De la sonorité
3.3 Des ingrédients et des procédés de vernissage
3.4 Du « secret » et des causes de la « décadence »
4> CONCLUSION DE L’ETUDE HISTORIQUE METHODOLOGIE ANALYTIQUE ET RESULTATS
1> ÉTAT DE L’ART
1.1 Introduction
1.2 Proposition d’un modèle de vernis d’instrument de musique
1.3 Revue des publications relatant des analyses de revêtements d’instruments de musique
1.3.1 Vernis
1.3.2 Les bois
1.4 Synthèse de ce qu’on sait et ce qu’on ignore encore…
1.4.1 Méthodes analytiques choisies dans les travaux précédemment publiés
1.4.2 Types, origines et dates de fabrication des instruments de musique étudiés
1.4.3 Synthèse
2> METHODES ET METHODOLOGIE
2.1 Proposition d’un schéma analytique pour la caractérisation des vernis d’instruments de musique
2.1.1 Objectifs
2.1.2 Principe
2.2 Démarches préliminaires
2.3 Observations et analyses in situ
2.3.1 Observation / Photographie sous fluorescence UV
2.3.2 Microscopie et épifluorescence in situ
2.3.3 Spectrométrie de fluorescence X in situ
2.3.4 Spectrofluorimétrie in situ
2.4 Stratégie et protocole de prélèvement
2.5 Observations et analyses non destructives ou semi destructives pour le prélèvement
2.5.1 Microscopie optique et en épifluorescence
2.5.2 Micro-spectrométrie IRTF
2.5.3 Micro-spectrométrie Raman
2.5.4 Diffraction des rayons X
2.5.5 Microscopie électronique à balayage / EDX
2.6 Analyses destructives pour l’échantillon
2.6.1 CPG/SM
2.6.2 Py-CPG/SM
2.7 Exploration de nouvelles approches analytiques et d’observation
2.7.1 Techniques optiques
2.7.2 Techniques fluorimétriques
2.7.3 Spectrométrie IRTF in situ
Vers une méthodologie optimisée ?
3> RESULTATS
3.1 Corpus étudié
3.1.1 Répartition par famille d’instruments
3.1.2 Répartition par période de fabrication
3.1.3 Répartition par lieu de fabrication
3.1.4 Répartition par collection
3.2 Structure stratigraphique
3.3 Composition de la strate sous-jacente
3.4 Composition de la strate de surface
3.4.1 Identification de siccatifs
3.5 Mises en évidence de modifications du vernis
3.5.1 Retouches locales
3.5.2 « Tamponnages » ou revernissages
3.5.3 Influence du jeu musical et des manipulations sur la composition du vernis et du bois
4> CONCLUSION DE L’ETUDE PHYSICO-CHIMIQUE CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES
Techniques d’analyse
Organisations
RECETTES ANCIENNES DE VERNIS D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Recette du Manuscrit « Marciana »
Les deux recettes du manuscrit de Théodore Turquet de Mayerne
Recette de Kunckel
Deux recettes dans la Kunst- und Werck-schul
La recette de Watin
CONDITIONS EXPERIMENTALES MISES EN ŒUVRE
Observation / Photographie sous fluorescence UV
Microscopie et épifluorescence in situ
Spectrométrie de fluorescence X in situ
Spectrofluorimétrie in situ
Protocole de prélèvement et microtomie
Microscopie optique et en épifluorescence
Micro-spectrométrie IRTF
Micro-spectrométrie Raman
Diffraction des rayons X
Microscopie électronique à balayage / EDX
CPG/SM
Py-CPG/SM
Tomographie en Cohérence Optique
Mesures de la BRDF
Micro-profilométrie
Techniques fluorimétriques
Spectrométrie IRTF in situ
INSTRUMENTS ETUDIES
TECHNIQUES D’ANALYSES EMPLOYEES PAR INSTRUMENT ETUDIE
RESULTATS OBTENUS PAR INSTRUMENT ETUDIE
LISTE DES PUBLICATIONS ASSOCIEES A CETTE THESE
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