LES DIFFERENTES HYPOTHESES SUR LES VERNIS ANCIENS DEPUIS LE 19E SIECLE

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Dรฉfinition de la pรฉriode dโ€™รฉtude : le vernis dans la facture europรฉenne occidentale jusquโ€™au 18e siรจcle

Il nโ€™est pas possible de dรฉterminer quand a dรฉbutรฉ la pratique de vernir les instruments de musique. Il est probable que les premiers instruments de musique vernis aient รฉtรฉ ceux en bois, en particuliers en bois peu denses et poreux, car plus faciles ร  travailler.
Des instruments de musique, dont des flรปtes en bambou, ont รฉtรฉ dรฉcouvertes dans une tombe chinoise datant du 7e siรจcle avant J.-C. Ces instruments sont dรฉcorรฉs de laque rouge et noire [Rault 2000]. Des traces d’une substance rรฉsineuse ont รฉtรฉ relevรฉes sur la caisse d’un luth copte du 3e siรจcle de notre รจre et pourraient รชtre considรฉrรฉes comme les vestiges d’un vernis apposรฉ sur l’instrument [Le Hรด 2009].
En Europe, il semblerait que les instruments ร  cordes pincรฉes et frottรฉes soient les plus anciens instruments vernis.
Des instruments de la famille du luth, datant du dรฉbut du 16e siรจcle, recouverts de vernis ancien sinon original, sont conservรฉs dans des collections musรฉales.
Les experts de la lutherie ancienne considรจrent gรฉnรฉralement que la tradition germano-italienne de lutherie a contribuรฉ ร  faire apparaรฎtre et รฉvoluer une catรฉgorie particuliรจre de vernis. Cette รฉvolution aurait atteint son apogรฉe avec les vernis des instruments faits ร  Crรฉmone, en particulier par Antonio Stradivari et Giuseppe Giovanni Guarneri โ€˜del Gesรนโ€™ [Schmitt 2006]. Mรชme si des exemples remarquables de vernis peuvent encore รชtre trouvรฉs recouvrant des instruments de Guadagnini, Bergonzi et Landolfi, les experts semblent s’accorder sur le dรฉclin de la qualitรฉ et de la beautรฉ des vernis ร  partir du milieu du 18e siรจcle. (Cf. Premiรจre Partie 3.4).

Limites historiques et gรฉographiques de l’รฉtude

Notre รฉtude est consacrรฉe aux vernis de la lutherie europรฉenne, des plus anciens vestiges potentiels datรฉs du dรฉbut du 16e siรจcle (instruments de Laux Maler,โ€ฆ) ร  des spรฉcimens de l’apogรฉe/la ยซย pรฉriode d’orย ยป de la facture du violon, au milieu du 18e siรจcle.
Les vernis recouvrant les instruments des familles du luth, du violon, de la viole, du cistre, fabriquรฉs en Europe (actuelles Allemagne, Autriche, France, Italie, Royaume-Uni, Espagne principalement) sont pris en compte.

Quelle reprรฉsentativitรฉ ?

Dโ€™une maniรจre gรฉnรฉrale, on nโ€™a pas conservรฉ de lutherie courante. Les instruments qui nous sont parvenus sont principalement ceux de facture de qualitรฉ (voir par exemple [Alain 1939]), ce qui reprรฉsente une fraction minime des instruments fabriquรฉs. La reprรฉsentativitรฉ de l’รฉtude matรฉrielle des vernis sera de fait altรฉrรฉe par ce phรฉnomรจne de sรฉlection des instruments conservรฉs. Cette รฉtude est donc prรฉcรฉdรฉe d’une รฉtude historique des vernis, afin d’approcher une comprรฉhension la plus complรจte possible des techniques de vernissage anciennes.
Un autre facteur important est le corpus des instruments accessibles, et disponibles pour l’รฉtude. Il s’appuie principalement sur la collection d’instruments de musique du Musรฉe de la musique (Paris), et, pour quelques instruments ou รฉtudes in situ, sur celles de la Galleria dell’Academia (Florence), de l’Academia Santa Cecilia (Rome), de la Royal Academy of Music (Londres) et de propriรฉtaires privรฉs.

Les sources historiques

Pour รฉtudier les pratiques du vernissage potentiellement appliquรฉes aux instruments de notre corpus dโ€™รฉtude, nous considรฉrerons en premier lieu les sources historiques qui sont contemporaines aux รฉpoques de fabrication de ces instruments, ร  savoir avant 1800.

Les recettes de vernis14

Parmi les recherches antรฉrieures menรฉes sur les recettes de vernis figure le cรฉlรจbre traitรฉ de lutherie d’Auguste Tolbecque [Tolbecque 1903], s’appuyant sur les travaux d’Eugรจne Mailand [Mailand 1859] relatifs aux vernis. Ce traitรฉ รฉnumรจre les ingrรฉdients citรฉs dans quelques recettes de vernis issus de traitรฉs anciens afin de les expรฉrimenter et de les commenter. Dans une dรฉmarche systรฉmatique, l’ouvrage de Mary Merrifield [Merrifield 1849] rรฉunit des traitรฉs de peinture italiens, franรงais et belges du Moyen ร‚ge ร  la Renaissance en citant le texte original de chacun dโ€™eux accompagnรฉ dโ€™une traduction anglaise. Plus prรจs de nous, en 1995, Vincenzo Gheroldi [Gheroldi 1995] a fait paraรฎtre une รฉtude sur le traitรฉ de Filippo Bonanni [Bonanni 1720] oรน il analyse le contenu des recettes, dรฉmontrant que ce traitรฉ est un tรฉmoignage des techniques artisanales de lโ€™รฉpoque. Diverses publications ont fait รฉtat de recettes anciennes pour instruments de musique [Pollens 1987, Meyer 1992, 1995, Fontana 1999].
Nous distinguerons les recettes spรฉcifiquement dรฉdiรฉes ร  la fabrication de vernis destinรฉs ร  des instruments de musique, des autres recettes, plus gรฉnรฉrales.

Les recettes spรฉcifiques aux instruments de musique

Il existe une multitude de recettes de vernis que lโ€™on trouve dans la littรฉrature dโ€™avant 1780. Seules sept de ces recettes sont spรฉcifiquement dรฉdiรฉes aux instruments de musique. Elles sont prรฉsentรฉes, en texte intรฉgral, en Annexe.
Les sept recettes prรฉsentent de nombreuses diffรฉrences. Le petit nombre de ces recettes ne peut autoriser ร  interprรฉter ces diffรฉrences comme des reflets de variations des pratiques de vernissage au cours du temps ou en fonction des rรฉgions de facture instrumentale.
Parmi ces recettes, on compte des vernis ร  lโ€™huile et des vernis ร  lโ€™esprit-de-vin (alcool). Certaines ne consistent ร  incorporer quโ€™une rรฉsine ร  de lโ€™huile, alors que certaines recettes ร  lโ€™esprit-de-vin peuvent compter jusquโ€™ร  sept rรฉsines ร  incorporer.
Les huiles mentionnรฉes (huile de lin, huile de noix) sont les plus siccatives et sont des produits communs. Elles sont aussi les plus utilisรฉes pour la peinture de chevalet ร  lโ€™huile.
Parmi les rรฉsines mentionnรฉes, outre les matiรจres filmogรจnes bien connues comme la colophane, la sandaraque, la tรฉrรฉbenthine, le mastic, la gomme-laque, l’รฉlรฉmi, figurent aussi des rรฉsines ou gommes-rรฉsines colorรฉes : sang-dragon, gomme-gutte, aloรจs, et dโ€™autres matiรจres colorantes (rocou, curcuma). La coloration d’un vernis รฉtait donc une dรฉmarche intentionnelle.
La provenance de ces recettes nโ€™est que rarement mentionnรฉe. Il nโ€™est donc pas certain que ces recettes aient รฉtรฉ rรฉellement mises en ล“uvre par des luthiers pour vernir des instruments. Ce sont, au mieux, des tรฉmoignages indirects de pratiques ayant (eu) cours. Il semble nรฉanmoins, comme nous le traiterons plus loin, que certains luthiers aient รฉtabli, ร  des fins diverses, des recettes de leurs vernis (Cf. 2.2.1). Ces recettes ne tรฉmoignent peut รชtre pas des pratiques rรฉelles dโ€™ateliers. Les documents rassemblant des recettes de vernis (manuscrits, traitรฉs, recueils, livres de secrets) sont souvent lโ€™ล“uvre dโ€™รฉrudits nโ€™รฉtant probablement pas en prise directe avec les pratiques dโ€™ateliers. En fait, ร  la fin du 16e et au dรฉbut du 17e siรจcle, les expรฉrimentations sur les vernis รฉtaient une mode, un passe-temps de dillettantes cultivรฉs [Gheroldi 1995 p.16-17]. Ainsi, le ยซย Trattato sopra la verniceย ยป du pรจre Bonnani est destinรฉ, dโ€™aprรจs lโ€™auteur, ร  un usage non-professionnel ; ยซย virtuoso divertimentoย ยป, pour les ยซย Artefici, Pittori, Dame, e Cavalieriย ยป [Bonnani 1720].
Etant donnรฉ le nombre limitรฉ de recettes de vernis (et plus gรฉnรฉralement de sources historiques) spรฉcifiques aux instruments de musique, il est nรฉcessaire d’รฉlargir l’รฉtude ร  l’ensemble technique du vernissage dans le contexte historique et gรฉographique de notre รฉtude. Les connaissances pratiques de vernissage sont en effet probablement partagรฉes par un grand nombre de mรฉtiers et de corporations (en particulier les รฉbรฉnistes, les vernisseurs, les peintres dรฉcorateurs, les peintres de chevalet).

Dโ€™autres recettes de vernis

Nous avons consultรฉ et dรฉpouillรฉ les sources bibliographiques anciennes contenant des recettes de vernis afin de proposer une vue d’ensemble des types de vernis connus. Le recensement des recettes a รฉtรฉ organisรฉ sous la forme dโ€™une base de donnรฉes. Il permet de rรฉaliser des recherches et des statistiques.

Sources exploitรฉes

Les sources bibliographiques anciennes et originales sont nombreuses. Bien souvent, ces recettes sont rassemblรฉes dans des traitรฉs, compilations de ยซย tours de mainย ยป.
Les sources รฉcrites recensรฉes ont รฉtรฉ รฉditรฉes principalement en France et en Italie entre le 16e et le 18e siรจcle. 368 recettes issues de dix-huit sources ont รฉtรฉ rรฉpertoriรฉes (Cf. Tableau 1). Si une source a fait lโ€™objet dโ€™une traduction et est devenue, ร  ce titre, une rรฉfรฉrence, alors considรฉrรฉe comme une source ร  part entiรจre, elle est exploitรฉe comme telle. C’est le cas de la traduction vers le franรงais, publiรฉe en 1723, du ยซย Trattato sopra le verniceย ยป de Filippo Bonanniโ€ฆ
Parmi toutes les recettes de vernis contenues dans ces sources, certaines nโ€™ont pas รฉtรฉ incorporรฉes ร  la base de donnรฉes :
– Les recettes pour vernis noirs : Ces vernis รฉtaient dรฉdiรฉs ร  dรฉcorer les meubles ยซย ร  la faรงon de la Chineย ยป. Opaques, ils ne permettent plus de voir les motifs du bois sous-jacent.
– Les recettes pour vernis de gravure.

Mรฉthodologie de traitement

Chaque fiche de la base de donnรฉes correspond ร  une recette dans laquelle sont indiquรฉes les informations bibliographiques, le traitement par familles dโ€™ingrรฉdients et la citation dans sa langue originale. Les informations bibliographiques dรฉtaillent le titre, lโ€™auteur, le lieu et la date dโ€™รฉdition, les sources citรฉes par lโ€™auteur ainsi que la localisation de la source. Le traitement par familles dโ€™ingrรฉdients permet de classer chaque ingrรฉdient citรฉ dans la recette parmi les catรฉgories suivantes : alcool, huile, rรฉsines et gommes, autres composรฉs organiques. Les recettes sont restituรฉes dans leur langue originale afin dโ€™รฉviter toutes les imprรฉcisions et confusions รฉventuellement occasionnรฉes par les traductions.
Le traitement des recettes repose sur trois รฉtapes : identifier les ingrรฉdients, dรฉterminer leurs origines botaniques et/ou chimiques et les rรฉpartir par familles dโ€™ingrรฉdients. Les problรจmes dโ€™identification sont liรฉs ร  la diffรฉrence de dรฉnominations selon les langues, les zones gรฉographiques et les รฉpoques. Un ingrรฉdient peut porter plusieurs noms et un mรชme nom peut dรฉsigner plusieurs produits. Ainsi, la sandaraque, rรฉsine diterpรฉnique produite par Tetraclinis Articulata (thuya d’Algรฉrie), souvent dรฉsignรฉe par sandaracca et formes voisines, peut toutefois l’รชtre, dans certaines recettes, par mastice persiana ou ambra orientale [Gheroldi 1995]. Il semble en revanche que la dรฉtermination des familles dโ€™ingrรฉdients soit moins problรฉmatique. Dans un premier temps, dans le cadre de cette thรจse, il a donc รฉtรฉ choisi de privilรฉgier une catรฉgorisation par famille dโ€™ingrรฉdients ร  une catรฉgorisation par ingrรฉdient, certes plus prรฉcise, mais source de difficultรฉs terminologiques et de risques de donner un sens erronรฉ.

Rรฉsultats et discussion

Reprรฉsentativitรฉ โ€“ limites de l’รฉtude

Le nombre de recettes publiรฉes augmente avec le temps (Cf. Figure 1). Outre l’effet naturel de rarรฉfaction par destruction des documents les plus anciens et de l’accroissement du nombre de publications au cours des siรจcles, cette augmentation peut aussi tรฉmoigner de l’intรฉrรชt croissant pour la connaissance des vernis.
La grande majoritรฉ des sources exploitรฉes vient d’Italie et de France. Il est trรจs probable que de nombreuses recettes restent ร  dรฉcouvrir, notamment dans la littรฉrature germanique, et pourront รชtre exploitรฉes dans le futur.

Types de vernis

On distingue trois types de vernis [Lacombe 1789] :
– les vernis clairs ou ร  l’esprit de vin,
– les vernis gras ou ร  l’huile,
– les vernis ร  l’essence.
L’exploitation systรฉmatique des recettes montre qu’au moins deux de ces trois liquides (esprit de vin, essence, huile) interviennent dans la rรฉalisation d’un quart environ des recettes exploitรฉes. Parmi les recettes restantes, on constate une nette augmentation des recettes ร  l’esprit de vin et ร  l’essence ร  partir du 16e siรจcle, alors que les recettes de vernis gras dominaient jusqu’alors (Cf. Figure 3).
On peut expliquer cette tendance par le dรฉveloppement des techniques de distillation et donc de production des solvants. L’essence (de tรฉrรฉbenthine) est le produit de distillation des rรฉsines de pin. L’esprit de vin est le produit de distillation du vin enrichie en รฉthanol. Cependant, il doit รชtre suffisamment riche en รฉthanol (et proportionnellement pauvre en eau) pour รชtre capable de solubiliser les rรฉsines vรฉgรฉtales filmogรจnes. Le traitรฉ de distillation de Dรฉjean, paru pour la premiรจre fois en 1753, montre que la maรฎtrise de ces procรฉdรฉs de purification sont atteints au milieu du 18e siรจcle [Hornot 1778]. A la fin du 18e siรจcle, des sources historiques provenant de la rรฉgion de Dresde montrent que l’alcool de grain jouait un rรดle essentiel pour les luthiers allemands (et donc que ceux-ci appliquaient des vernis clairs) [Meyer 2006].

Vernis ร  l’ambre ou vernis d’ambre ?

Le terme ยซย ambreย ยป est souvent rencontrรฉ dans les recettes exploitรฉes (une recette sur cinq). Bonnani consacre un part importante de son traitรฉ ร  dรฉcrire ses expรฉrimentations pour prรฉparer un Vernice di Ambra.
L’ambre jaune (ou succin, ou carabรฉ, aussi appelรฉe de nos jours ยซย ambre de la Baltiqueย ยป) est une olรฉorรฉsine fossilisรฉe sรฉcrรฉtรฉe par des conifรจres il y a plusieurs millions d’annรฉes. Elle ne doit pas รชtre confondue avec l’ambre gris, substance produite par les cachalots. Par ailleurs, on appelle ambre blanc le spermaceti, substance produite par les grands mammifรจres marins.
Il n’existe pas de solvant connu pour dissoudre l’ambre fossile. Sa dissolution ร  chaud dans une huile siccative n’est pas avรฉrรฉe. Pourtant, les sources semblent faire grand cas de cet ingrรฉdient. De plus, des expรฉrimentateurs des 19e et 20e siรจcles ont pensรฉ trouver en l’ambre l’ingrรฉdient mythique et secret des anciens vernis italiens (Cf. 3.3).
On a pu aussi dรฉnommer ยซย ambreย ยป ou ยซย carabรฉย ยป certaines formes de copals, des rรฉsines dures et semi-fossiles. Une description d’un matรฉriau appelรฉ ยซย Charabeย ยป dans le manuscrit de Turquet de Mayerne pourrait correspondre ร  une telle confusion [De Mayerne ca. 1620 p. 147-148] :
Il se trouve une gomme ou rรฉsine ร  Marseille qui vient des Indes en lopins ronds comme noisettes, et noix, comme la gomme Arabique parmy lesquels il fault choisir ceux qui sont les plus blancs, et transparents comme Chrystal. Ils sont couverts d’une peau jaunalstre, (qui est la partie extรฉrieure ร  l’air) mais le dedans est aussi transparent que le verre de Venise. On l’appelle Charabre, ou Charabe.
Par ailleurs, le terme ยซย ambreย ยป, (ou ยซย d’ambreย ยป) peut qualifier une couleur, un aspect visuel. Il semble que cette derniรจre notion soit clairement dรฉfinie dans certaines recettes anciennes.
Ainsi, Bonnani [Bonnani 1720 p.94-95] รฉcrit que : la Vernice d’Ambra, la quale altro non รจ, che oglio di lino, e pece greca assieme bolliti (le vernis d’ambre, lequel n’est autre que de l’huile de lin et de la poix grecque bouillies ensemble)
Ce vernis qu’on appelle communรฉment d’ambre, encore que dans sa composition n’entre ni ambre, ni carabรฉ, ce qui est la mรชme chose ; mais il vient des Turcs qui le dรฉnomment ainsi pour son รฉclat, qui ressemble ร  l’ambre, et est encore appelรฉ Vernis Turc pour le grand usage qu’ils en font. Celui-ci est composรฉ d’une grande partie d’huile cuite et de trois de poix grecque, et si on le fait bouillir ร  feu lent, ร  la fin il a perdu toute l’onctuositรฉ ; et qui se voit retenir seulement sa viscositรฉ. Quand ce stade est atteint, le vernis est fait.)
Il semble donc que le vernis d’ambre ne contienne en fait pas d’ambre fossile, mais soit l’appellation d’un vernis fabriquรฉ ร  partir d’huile de lin et de poix grecque, c’est-ร -dire de la rรฉsine de sapin [Gheroldi 1995]. Ce vernis est donc de composition simple, ร  partir d’ingrรฉdients courants.

La coloration des vernis

La plupart des recettes exploitรฉes ne mentionnent pas la couleur. Il semble au contraire qu’elles dรฉcrivent la fabrication de vernis les plus clairs et incolores possibles.
Parmi les 368 recettes รฉtudiรฉes, seules 38 contiennent des matiรจres colorantes. Ce sont souvent des recettes pour faire des vernis dorรฉs, imitant l’or (les matiรจres colorantes jaunes sont nombreuses) ou quelquefois des vernis rouges ou noirs. Les matiรจres colorantes peuvent รชtre soit des rรฉsines ou gommes-rรฉsines intrinsรจquement colorรฉes (aloรจs, sang dragon, gomme gutte), des colorants (curcuma, safran, rocou, lacca, extraits vรฉgรฉtaux rouges) ou mรชme des pigments minรฉraux (noir de fumรฉe, noir d’ivoire, cinabre, terre d’ombre).

Siccativitรฉ des vernis gras

Les huiles utilisรฉes pour faire des vernis gras (principalement huiles de lin, de noix) sont siccatives, et donc filmogรจnes. Cependant, leur temps de sรฉchage peut รชtre trรจs long, et dรฉpend des conditions climatiques, des charges minรฉrales et rรฉsines qui y sont incorporรฉes. Ce temps de sรฉchage long est un inconvรฉnient majeur pour l’usage des vernis ร  l’huile. Depuis la Renaissance au moins, on connaรฎt deux mรฉthodes pour augmenter la siccativitรฉ des huiles : l’ajout d’un composรฉ au plomb, souvent la litharge, et la prรฉ-cuisson de l’huile avant son incorporation dans un vernis. Ces deux techniques se retrouvent dans les recettes de vernis gras exploitรฉes.
Sur 130 recettes contenant de l’huile siccative, 13 contiennent aussi de la litharge. La plupart de celles-ci dรฉcrivent en fait la prรฉ-cuisson d’huile avec la litharge, avant de l’utiliser comme ingrรฉdient, sous le nom d’huile cuite, dans la prรฉparation du vernis.
Par ailleurs, trois recettes sans huile contiennent de la litharge.

Autres sources bibliographiques pour le vernissage

Autres sources bibliographiques au sujet du vernis de lutherie

Il ne subsiste que de trรจs rares documents รฉmanant de luthiers ou de tรฉmoins directs de leur travail qui dรฉcrivent la fabrication et la mise en ล“uvre des vernis pour les instruments de musique [Gรฉtreau 2001], ร  l’รฉpoque de la Renaissance.
Les premiers tรฉmoignages datent du 16e siรจcle. Ainsi, la Figure 4 montre que le texte accompagnant la fameuse gravure sur bois Der Lautenmacher (le fabricant le luths), datรฉe de 1568, mentionne que le luthier a Gefรผrnist Kragen/Bodn und Stern.
Lโ€™ensemble de gravures dans lโ€™ouvrage d’Amman et Sachs [Amman 1568] peut รชtre considรฉrรฉ comme un tรฉmoignage relativement fidรจle des pratiques de lโ€™artisanat au 16e siรจcle [Gรฉtreau 2001]. Ici, le texte indique que cโ€™est bien le luthier qui vernit lโ€™instrument quโ€™il vient dโ€™assembler, mais quโ€™il ne vernit spรฉcifiquement que certaines parties, ร  lโ€™exclusion par exemple, de la table dโ€™harmonie.
En fรฉvrier 1580, dโ€™aprรจs deux documents15 conservรฉs aux Archives de Venise et publiรฉ par Polato, Moisรจ Tieffenbrucker, fabricant de luths, affirme avoir inventรฉ deux nouveaux vernis pour luths, un vernis rouge et un vernis vert :
[โ€ฆ] una nuova forma, e modo di vernice di color cremise e di verde per liuti [โ€ฆ]
Cette demande de privilรจge lui est accordรฉe cinq jours plus tard, considรฉrant que lโ€™invention de ces vernis est bien nouvelle :
[โ€ฆ] Percio opinione nostra รจ che essendo tal invenzione di vernice colorata, cosa nuova nรฉ ad altri concessa detta supplica sia degna di grazia ch’egli domanda. [Polato 1985]
([โ€ฆ] Cโ€™est pourquoi notre opinion est que la dite invention de vernis colorรฉ est chose nouvelle non reconnue chez les autres, [et que] le dit privilรจge demandรฉ mรฉrite dโ€™รชtre accordรฉ.)
Moisรจ Tieffenbrucker รฉlaborait donc lui-mรชme ses vernis. Il ne les achetait pas dรฉjร  prรฉparรฉs. Mieux, il dรฉveloppait de nouveaux vernis, dont les colorations sont les attributs principaux et distinctifs. Le vernis, pour cet artisan, nโ€™a donc pas seulement un rรดle de protection du bois. Il a une grande influence sur lโ€™esthรฉtique visuelle de lโ€™instrument de musique en tant quโ€™objet (aspect dรฉcoratif ?). Il le colore intentionnellement. Or, les couleurs les plus prisรฉes ร  Venise pour les meubles de toutes sortes durant la Renaissance รฉtaient le rouge et le vert [Matthew 2008]. Le fait de demander un privilรจge, et donc une reconnaissance de propriรฉtรฉ intellectuelle sur ces innovations indique aussi quโ€™elles sont rรฉalisรฉes afin de mieux rรฉpondre aux attentes de la clientรจle, de les devancer ou afin de se dรฉmarquer de la concurrence des autres facteurs.
Le comte Valdrighi rapporte avoir trouvรฉ aux Archives de Modรจne, un document montrant que le duc de Ferrare voulait connaรฎtre la recette du vernis utilisรฉ par les luthiers vรฉnitiens [Valdrighi 1884, Hill 1902]. Le duc รฉcrivit ร  un certain Jacopo de li Tibaldi, qui rรฉpondit le 20 janvier 1526 : Le cรฉlรจbre facteur de luths Sigismond Maler a promis de me donner par รฉcrit lundi prochain la recette du vernis qu’il utilise, ainsi que la maniรจre de l’appliquer sur les luths. Le maรฎtre me dit aussi qu’il a deux sortes de vernis et que ce sont ses assistants, et non pas lui-mรชme, qui le font.

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Table des matiรจres

SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
1.1 Objectifs de lโ€™รฉtude
1.2 La spรฉcificitรฉ des vernis dโ€™instrument de musique
1.3 Terminologie
1.3.1 De la peinture de chevalet ร  lโ€™instrument de musique : vernis, liants, et couleurs
1.3.2 Conclusion
1.4 L’histoire matรฉrielle des vernis d’instruments de musique
1.4.1 Le ยซย vernis originalย ยป
1.4.2 Les transformations naturelles et anthropiques du vernis au cours du temps
1.4.3 Instruments abandonnรฉs ou pas ?
1.5 La prise en compte du vernis dans les valeurs patrimoniales de lโ€™instrument de musique
1.5.1 Valeur dโ€™anciennetรฉ
1.5.2 Valeur historique
1.5.3 Valeur dโ€™association
1.5.4 Valeur dโ€™usage
1.5.5 Valeur esthรฉtique
1.5.6 Valeur de recherche et dโ€™รฉducation technique
1.5.7 Conclusions
ETUDE HISTORIQUE 1> CONTEXTE HISTORIQUE DE LA FACTURE INSTRUMENTALE, DEFINITION DE LA PERIODE D’ETUDEย 
1.1 Une brรจve histoire de la lutherie occidentale
1.1.1 Les facteurs d’instruments de musique
1.1.2 Evolution des techniques de fabrication et รฉmergence du violon
1.1.3 Evolutions et disparitions
1.2 Dรฉfinition de la pรฉriode dโ€™รฉtude : le vernis dans la facture europรฉenne occidentale jusquโ€™au 18e siรจcle
1.2.1 Limites historiques et gรฉographiques de l’รฉtude
1.2.2 Quelle reprรฉsentativitรฉ ?
2> LES SOURCES HISTORIQUES
2.1 Les recettes de vernis
2.1.1 Les recettes spรฉcifiques aux instruments de musique
2.1.2 Dโ€™autres recettes de vernis
2.1.3 Rรฉsultats et discussion
2.2 Autres sources bibliographiques pour le vernissage
2.2.1 Autres sources bibliographiques au sujet du vernis de lutherie
2.2.2 Autres sources bibliographiques au sujet du vernis
2.3 Sources iconographiques
2.3.1 Iconographie des facteurs dโ€™instruments
2.3.2 Iconographie musicale
3> LES DIFFERENTES HYPOTHESES SUR LES VERNIS ANCIENS DEPUIS LE 19E SIECLE
3.1 De la couleur
3.2 De la sonoritรฉ
3.3 Des ingrรฉdients et des procรฉdรฉs de vernissage
3.4 Du ยซย secretย ยป et des causes de la ยซย dรฉcadenceย ยป
4> CONCLUSION DE L’ETUDE HISTORIQUE METHODOLOGIE ANALYTIQUE ET RESULTATS
1> ร‰TAT DE Lโ€™ART
1.1 Introduction
1.2 Proposition dโ€™un modรจle de vernis dโ€™instrument de musique
1.3 Revue des publications relatant des analyses de revรชtements dโ€™instruments de musique
1.3.1 Vernis
1.3.2 Les bois
1.4 Synthรจse de ce quโ€™on sait et ce quโ€™on ignore encoreโ€ฆ
1.4.1 Mรฉthodes analytiques choisies dans les travaux prรฉcรฉdemment publiรฉs
1.4.2 Types, origines et dates de fabrication des instruments de musique รฉtudiรฉs
1.4.3 Synthรจse
2> METHODES ET METHODOLOGIE
2.1 Proposition dโ€™un schรฉma analytique pour la caractรฉrisation des vernis dโ€™instruments de musique
2.1.1 Objectifs
2.1.2 Principe
2.2 Dรฉmarches prรฉliminaires
2.3 Observations et analyses in situ
2.3.1 Observation / Photographie sous fluorescence UV
2.3.2 Microscopie et รฉpifluorescence in situ
2.3.3 Spectromรฉtrie de fluorescence X in situ
2.3.4 Spectrofluorimรฉtrie in situ
2.4 Stratรฉgie et protocole de prรฉlรจvement
2.5 Observations et analyses non destructives ou semi destructives pour le prรฉlรจvement
2.5.1 Microscopie optique et en รฉpifluorescence
2.5.2 Micro-spectromรฉtrie IRTF
2.5.3 Micro-spectromรฉtrie Raman
2.5.4 Diffraction des rayons X
2.5.5 Microscopie รฉlectronique ร  balayage / EDX
2.6 Analyses destructives pour lโ€™รฉchantillon
2.6.1 CPG/SM
2.6.2 Py-CPG/SM
2.7 Exploration de nouvelles approches analytiques et dโ€™observation
2.7.1 Techniques optiques
2.7.2 Techniques fluorimรฉtriques
2.7.3 Spectromรฉtrie IRTF in situ
Vers une mรฉthodologie optimisรฉe ?
3> RESULTATS
3.1 Corpus รฉtudiรฉ
3.1.1 Rรฉpartition par famille d’instruments
3.1.2 Rรฉpartition par pรฉriode de fabrication
3.1.3 Rรฉpartition par lieu de fabrication
3.1.4 Rรฉpartition par collection
3.2 Structure stratigraphique
3.3 Composition de la strate sous-jacente
3.4 Composition de la strate de surface
3.4.1 Identification de siccatifs
3.5 Mises en รฉvidence de modifications du vernis
3.5.1 Retouches locales
3.5.2 ยซย Tamponnagesย ยป ou revernissages
3.5.3 Influence du jeu musical et des manipulations sur la composition du vernis et du bois
4> CONCLUSION DE L’ETUDE PHYSICO-CHIMIQUE CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES
Techniques d’analyse
Organisations
RECETTES ANCIENNES DE VERNIS D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Recette du Manuscrit ยซย Marcianaย ยป
Les deux recettes du manuscrit de Thรฉodore Turquet de Mayerne
Recette de Kunckel
Deux recettes dans la Kunst- und Werck-schul
La recette de Watin
CONDITIONS EXPERIMENTALES MISES EN ล’UVRE
Observation / Photographie sous fluorescence UV
Microscopie et รฉpifluorescence in situ
Spectromรฉtrie de fluorescence X in situ
Spectrofluorimรฉtrie in situ
Protocole de prรฉlรจvement et microtomie
Microscopie optique et en รฉpifluorescence
Micro-spectromรฉtrie IRTF
Micro-spectromรฉtrie Raman
Diffraction des rayons X
Microscopie รฉlectronique ร  balayage / EDX
CPG/SM
Py-CPG/SM
Tomographie en Cohรฉrence Optique
Mesures de la BRDF
Micro-profilomรฉtrie
Techniques fluorimรฉtriques
Spectromรฉtrie IRTF in situ
INSTRUMENTS ETUDIES
TECHNIQUES D’ANALYSES EMPLOYEES PAR INSTRUMENT ETUDIE
RESULTATS OBTENUS PAR INSTRUMENT ETUDIE
LISTE DES PUBLICATIONS ASSOCIEES A CETTE THESEย 

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