Les composites à matrice céramique (CMCs) sont constitués de matrices renforcées par des fibres céramiques continues. Ce sont des matériaux caractérisés par un comportement mécanique non fragile, une faible densité et une réfractarité élevée. Ces propriétés sont mises à profit pour des applications aéronautiques et spatiales. Des pièces en composite Cf/Cm et Cf/SiCm sont ainsi employées dans les tuyères, les divergents, les chambres de combustion, pour les moteurs d’avions comme volets secondaires [Christin 2001].
Toutefois, une dégradation chimique de ces composites peut intervenir à cœur, notamment au niveau du renfort fibreux et des phases carbonées, à hautes températures sous environnements oxydants (e.g O2(g)), entraînant alors la ruine prématurée du matériau composite [Lamouroux 2001]. Des protections adéquates doivent être développées pour protéger le renfort fibreux et accroître la durée de vie de ces matériaux en service.
Les composites à matrice céramique CMCs renforcées avec des fibres SiC (e.g HiNicalon (Nippon Carbon)) sont des matériaux de choix pour des applications aéronautiques et spatiales. Ils présentent ainsi une réfractairité élevée, une faible densité et un comportement mécanique non fragile, contrôlé par la présence d’une interphase entre les fibres et la matrice. L’interphase, généralement en pyrocarbone (noté Pyc), permet une décohésion fibre/matrice et une déviation de la fissure matricielle en Mode II avec dissipation d’énergie. Néanmoins le point faible de ce type de composite est la faible résistance à l’oxydation de l’interphase de pyrocarbone [Filipuzzi 1991, Filipuzzi 1994]. Lorsque le matériau composite est sollicité thermo-mécaniquement au dessus de sa limite élastique, des microfissures apparaissent au sein de la matrice et constituent des chemins d’accès privilégiés des gaz oxydants/corrosifs (e.g respectivement O2(g) et H2O(g)) à cœur du matériau, jusqu’au voisinage de l’interphase de Pyc et des fibres de SiC. Les porosités ouvertes du matériau jouent également un rôle important dans la progression des gaz oxydants/corrosifs en son sein. Ainsi dès 500°C, sous atmosphère oxydante, le carbone réagit avec O2(g) conduisant à la dégradation de l’interphase par formation d’espèces gazeuses CO(g)/CO2(g). Les fibres sont ainsi rechargées et supportent seules la charge. Par conséquent, la faible résistance à l’oxydation de l’interphase Pyc limite la durée de vie de ce type de matériau céramique. Une solution consiste à remplacer l’interphase de Pyc par une interphase de nitrure de bore BN [Lowden 1990, Ricca 1993, Le Gallet 2001] ou de carbone dopé au bore C(B) [Jacques 1995]. Dans le cadre de cette étude, nous allons nous concentrer sur les protections anti-oxydation et notamment l’évaluation de leur efficacité, sous des environnements oxydants/corrosifs à hautes températures. L’intérêt, porté à de tels systèmes, est d’autant plus accru et indispensable lorsque les matériaux composites céramiques sont renforcés avec des fibres de carbone. Une dégradation chimique des fibres de carbone est fortement pénalisante pour la durée de vie de tels composites sollicités thermomécaniquement.
Design d’une protection anti-oxydation
Les différentes fonctions d’un système de protection contre l’oxydation
Pour mettre au point un système de protection anti-oxydation, différents paramètres doivent être pris en considération [Westwood 1996]. La première fonction de ce système consiste à isoler l’interphase de pyrocarbone et/ou les fibres de carbone de l’environnement oxydant. Ainsi au moins l’un des constituants doit former une barrière efficace vis à vis de la progression à cœur des gaz oxydants/corrosifs (e .g respectivement O2(g) et H2O(g)). Idéalement, cette barrière est un oxyde avec une faible perméabilité vis à vis des gaz oxydants.
De plus, ce système doit posséder des capacités d’auto-cicatrisation matricielle consistant à boucher les microfissures se développant au sein du composite lors de sollicitations thermomécaniques. Pour remplir cette fonction, au moins l’une des couches internes du système doit être un verre, ou un composé pouvant former un verre avec une température de transition vitreuse basse (notée Tg). Ce dernier est suffisamment peu visqueux pour s’écouler le long des microfissures et permettre alors la formation de bouchons. Par conséquent, les gaz oxydants (e.g O2(g)) ne peuvent plus migrer directement jusqu’à l’interface Fibre/Matrice par diffusion gazeuse, processus infiniment plus rapide, que la diffusion à travers un liquide/solide. La dégradation de l’interphase de Pyc et/ou des fibres de carbone (ou de SiC) est ainsi fortement ralentie.
Enfin la compatibilité mécanique et chimique doit être assurée entre les différentes couches du système. Ainsi les coefficients d’expansion thermique des différentes couches doivent être les plus proches possibles, afin d’éviter la présence de contraintes résiduelles d’origine thermique élevées, susceptible de générer des microfissures lors d’étapes de chauffage ou de refroidissement. De plus, il est important que les différents constituants du système ne réagissent pas entre eux pour former une phase indésirable, ne se dissocient pas à hautes températures ou encore ne subissent pas une transformation de phase générant des variations importantes de volume lors du refroidissement. La volatilisation des constituants doit être la plus faible possible afin d’éviter une dégradation du système de protection.
L’ensemble de ces propriétés ne peuvent pas être remplies par un seul constituant dans un large domaine de températures (T∈[600°C-1400°C]). Par conséquent, des systèmes multicouches sont développés, où chaque couche remplit une fonction spécifique et complémentaire vis à vis des autres. Un soin particulier dans l’empilement des différentes couches doit alors être apporté, prenant en compte les différents coefficients d’expansion thermique, la compatibilité chimique et la température d’activation des différentes couches. Cette activation des différentes couches est également fonction de l’ouverture des microfissures.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : PROTECTION ANTI-OXYDATION
INTRODUCTION
1-Design d’une protection anti-oxydation
1-1 Les différentes fonctions d’un système de protection anti-oxydation
1-2 Différentes zones d’un système anti-oxydation
1-2-1 La couche externe
1-2-2 Les couches fonctionnelles
1-2-3 La couche de liaison
1-2-4 Bilan
2-Processus d’auto-cicatrisation matricielle
2-1 Cicatrisants basés sur le système SiO2/B2O3
2-1-1 Le trioxyde de bore et ses propriétés physico-chimiques
2-1-2 Mise au point de verres cicatrisants complexes
2-2 Intégration de céramiques possédant des capacités de cicatrisation
2-2-1 Le carbure de silicium
2-2-2 Céramiques contenant du bore et/ou du silicium
2-3 Systèmes matriciels complexes auto-cicatrisants
2-3-1 Association de céramiques et de verres cicatrisants
2-3-2 Association de céramiques
2-3-3 Association de céramiques et de fusibles mécaniques
2-3-4 Conclusion
3-Description du matériau composite SiCf/SiBCm à matrice auto-cicatrisante A410
3-1 Présentation du composite SiCf/SiBCm de l’étude
3-2 Différents types d’endommagements
3-3 Mécanismes d’oxydation d’un composite SiCf/SiBCm
4-Impact de la corrosion sur les matériaux composites Cf/SiCm et SiCf/SiCm
4-1 Effet de H2O(g) sur les vitesses d’oxydation des céramiques à base Si
4-2 Prise en compte de la volatilisation de la silice sous H2O(g)
CHAPITRE 2 : OUTILS THEORIQUES ET EXPERIMENTAUX POUR L’ETUDE DE L’OXYDATION/CORROSION D’UNE CERAMIQUE
1-Détermination des constantes de vitesse d’oxydation d’un matériau
1-1 Expression théorique de la vitesse d’oxydation d’un matériau
1-2 Principe de fonctionnement de l’ATG
1-3 Différents modèles d’oxydation
1-3-1 Facteurs influençant les vitesses d’oxydation des céramiques
1-3-2 Lien entre les constantes de vitesse et la vitesse d’oxydation
1-3-3 Modèle linéaire
1-3-4 Modèle parabolique
1-3-5 Modèle mixte (Linéaire /Parabolique)
1-3-6 Prise en compte de la volatilisation de l’oxyde AO(s) ou (l)
1-3-7 Modèle paralinéaire
2-Application des différents modèles exposés ci-dessus
2-1 Comportement de B2O3(l) sous N2/O2/H2O
2-2 Comportement de dépôts Si et SiC-CVD sous N2/O2/H2O
2-2-1 Mécanisme de transport de l’oxygène au sein de la silice
2-2-2 Vitesses d’oxydation du silicium sous N2/O2/H2O
2-2-3 Vitesses d’oxydation de SiC CVD sous N2/O2/H2O
2-3 Comportement des fibres Hi-Nicalon sous N2/O2/H2O
2-4 Comportement de céramiques du système Si-B-C sous N2/O2/H2O
2-5 Comportement de dépôts B4C et BN sous N2/O2/H2O
2-5-1 Vitesses d’oxydation de B4C sous N2/O2/H2O
2-5-2 Vitesses d’oxydation de BN sous N2/O2/H2O
2-6 Conclusion
3-Caractérisation physico-chimique des céramiques et/ou des verres
3-1 Caractéristiques du cicatrisant appartenant au système SiO2/B2O3
3-2 Moyens de caractérisation physico-chimique des verres
CHAPITRE 3 : VOLATILISATION DE B2O3
1-Volatilisation de B2O3(l) par activation thermique
1-1 Procédure expérimentale
1-2 Estimation de la constante linéaire de volatilisation (kl)
2-Volatilisation de B2O3(l) par réaction chimique avec H2O(g)
2-1 Estimation de la constante linéaire de volatilisation (kl)
2-2 Approche thermodynamique
2-2-1 Détermination des pressions partielles de HxByOz(g)
2-2-2 Détermination de la constante de volatilisation théorique (kl(th))
2-3 Confrontation Expérience/Théorie
3-Effet de l’ajout de SiO2 sur la volatilisation de B2O3
3-1 Procédure expérimentale
3-2 Résultats et discussion
3-2-1 Etapes limitant le processus de volatilisation de B2O3
3-2-2 Approche théorique de la volatilisation de B2O3
4-Synthèse
CHAPITRE 4 : OXYDATION/CORROSION DES CERAMIQUES B4C(S) ET SI-B-C(S)
CONCLUSION GENERALE