Les différentes étapes du développement d’un médicament

Les différentes étapes du développement d’un médicament 

Le développement d’un médicament regroupe plusieurs étapes [7, 8]. Celles-ci sont schématisées dans la Figure 1.1. Deux périodes majeures peuvent être distinguées lors du développement d’un médicament : les phases dites pré-cliniques et les phases cliniques. Pour débuter un essai, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’autorité compétente. L’investigateur principal, qui dirige et surveille la réalisation du projet, doit pour cela créer un protocole indiquant l’ensemble des paramètres et des conditions dans lesquelles vont se dérouler le projet. Cela comprend notamment les centres de recrutement des patients, le nombre de patients provisoirement nécessaires, les critères d’inclusion et d’exclusion des patients dans l’essai, les doses et posologies du traitement qui seront administrées, ainsi que la méthodologie statistique utilisée. Les phases pré-cliniques regroupent l’ensemble des recherches réalisées avant les tests sur les humains. Durant ces essais, le chercheur étudie la structure de la molécule, ainsi que son effet sur certaines cellules, d’abord dans un environnement de culture, avec les études in-vitro, puis dans un environnement vivant, les études in-vivo qui sont souvent réalisées avec des souris. Bien que les études pré-cliniques soient souvent débutées dans l’objectif de répondre à une question, il arrive bien souvent que les molécules découvertes, ou leur effet sur les cellules, le soient par accident. Une fois qu’un effet a été découvert in-vivo, la molécule est testée sur des animaux afin de confirmer l’effet et d’essayer de trouver une dose qui pourrait potentiellement être administrée à l’homme.

Viennent ensuite les phases cliniques, durant lesquelles la molécule est administrée à l’homme afin de déterminer son effet sur celui-ci. Il existe quatre phases évolutives:
• Phase I : Il s’agit d’évaluer la tolérance et les événements indésirables qui sont occasionnés par l’administration de la molécule. Ces essais sont le plus souvent réalisés sur des volontaires sains, en petit nombre. Dans le cas de traitements difficiles à supporter, par exemple la chimiothérapie, l’essai sera alors effectué sur des patients n’ayant plus d’autre recours médical. L’évaluation de la tolérance se fait grâce à plusieurs types d’étude. Le premier est l’étude de l’évolution de la molécule dans le corps lorsqu’elle est administrée. Grâce à la pharmacocinétique (pharmacokinetics, PK), le chercheur évalue la façon dont elle est absorbée, distribuée dans le corps, métabolisée puis éliminée (Administration, Distribution, Métabolisme, Elimination, noté ADME). La seconde est la recherche d’une ou plusieurs doses tolérées. En effet, la dose appropriée n’est pas encore connue. Il faut donc évaluer, à l’aide d’un critère de jugement, comme une réaction cutanée forte ou un mal de tête, quelle est la dose maximale possédant toujours une toxicité relativement modérée. Plusieurs méthodologies existent pour ce type d’essai. Contrairement aux études de Phase III présentées ci-après, elles ne sont pas standardisées et le choix de l’évaluation est laissé à la discrétion de l’investigateur. Dans certains essais, la dose est graduellement augmentée pour trouver la dose maximale tolérée (maximum tolerated dose, MTD). A l’opposé, d’autres font une randomisation sur deux ou trois doses du médicament.
• Phase II : Lorsqu’une ou plusieurs doses bien tolérées ont été définies, il s’ensuit l’évaluation de l’efficacité de la molécule. Durant cette phase, les sujets de l’étude sont souvent des patients atteints de la pathologie visée. Comme pour les essais de phase I, peu de sujets sont testés. La tolérance est à nouveau évaluée. En effet, bien peu de sujets sont testés durant la phase I et l’ensemble des toxicités ne sont pas nécessairement connues. De surcroît, la phase II est réalisée sur des patients et les réactions résultant de la prise de la molécule peuvent être différentes de celles des sujets sains. Là encore, les méthodologies utilisées varient considérablement d’un investigateur à un autre. Il arrive souvent que les doses précédemment choisies soient comparées à un placebo, anticipant ainsi les études comparatives de la phase III. Une autre approche consiste, comme pour la phase I, à augmenter la dose du médicament jusqu’à trouver la dose la plus efficace sous contrainte de toxicité (safe most successful dose, sMSD).
• Phase III : Le but de la phase III est de confirmer l’efficacité d’un traitement. Celui-ci est comparé avec un traitement de référence ou un placebo. Ce type d’essai est testé sur un grand nombre de patients avec une randomisation en double-aveugle. Il s’agit de prouver l’efficacité du traitement supposée à la fin de la phase II, mais aussi de s’assurer que celui-ci est plus efficace ou qu’il entraîne moins d’événements indésirables que le traitement de référence.
• Phase IV : Les études de phase IV, aussi appelés études de pharmacovigilance, sont réalisés après la mise sur le marché du médicament. Ils ont pour but de surveiller l’évolution du médicament après commercialisation. Les études portent notamment sur la survenue d’éventuels événements indésirables qui n’auraient pas été observés durant les trois premières phases (par exemple, un effet survenant longtemps après la prise du médicament), la bonne utilisation du médicament par les acteurs de santé, ou encore l’utilisation à d’autres fins thérapeutiques que la raison de mise sur le marché (par exemple, l’aspirine pour l’hypertension).

Ces différentes phases constituent les étapes majeures dans le développement d’un nouveau médicament. Bien que la phase IV soit une étape à part entière de la vie du médicament, elle n’est pas à proprement parlé une phase de développement. En effet, le développement du médicament s’arrête à la fin de la phase III, lorsqu’il est prêt à être mis sur le marché et administré aux patients.

Il existe de grandes disparités méthodologiques entre les essais cliniques. Si les phases III sont très bien encadrées avec des demandes précises de la part des autorités de santé, les phases I et II accusent un manque d’encadrement quant aux méthodes appropriées pour leur réalisation. Il en résulte une grande incertitude quant à la réussite d’un essai clinique. Ainsi, Hay et al. [9] montrent que la probabilité pour un essai de phase I d’être finalement approuvé par la FDA est de 10.4%, qu’elle est de 16.2% pour un essai de phase II et qu’elle n’est encore que de 50% pour un essai de phase III. Par ailleurs, la probabilité pour un essai de phase II de réussir à passer en phase III n’est que de 32.4%. Pourtant, celle-ci est de 64.5% entre les phases I et II. Bien que ces chiffres n’expliquent pas nécessairement les raisons de l’echec de la phase II, ils indiquent clairement un problème d’encadrement et posent des questions éthiques. De même, la faible probabilité de réussite pour une phase III interroge sur les preuves apportées par la phase II qui précède.

Comme nous venons de le voir, le passage d’une phase à la suivante n’est pas automatique. Le médicament doit systématiquement être présenté devant les autorités officielles compétentes, qui évaluent la conformité des essais par rapport au règlement et autorisent la mise sur le marché pour le territoire qu’elles gèrent .

L’autorisation de mise sur le marché

L’autorisation de mise sur le marché d’un médicament dépend d’autorités spécifiques à certains territoires. Nous avons cité plus haut la FDA pour les Etats-Unis et l’EMA pour l’Union Européenne (UE). Des autorités plus « locales » peuvent exister, notamment au niveau étatique [4, 5]. En France, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), indépendante du gouvernement, gère l’évaluation et la surveillance des médicaments développés par la recherche clinique. Afin d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché, un laboratoire doit produire des preuves de l’efficacité du produit, de sa toxicité relative et de la qualité de fabrication du produit associé. Les autorités évaluent les différentes étapes de développement et peuvent stopper ce processus à tout moment en cas de défaut de preuves. Les critères d’évaluations peuvent varier d’une autorité à l’autre. Par exemple, un médicament peut être accepté au niveau européen par l’EMA, tout en étant interdit sur le territoire français par l’ANSM.

Bien que le développement du médicament soit encadré par une législation forte, cette dernière ne sécurise pas encore le médicament dans sa totalité. C’est le cas notamment de la recherche clinique en pédiatrie qui, jusqu’à récemment, était très peu étudiée et ne faisait l’objet d’aucune réglementation spécifique.

Les essais cliniques en pédiatrie

Jusqu’à récemment, la recherche pédiatrique était pratiquement inexistante. Ce n’est qu’en 2007 qu’une réglementation européenne apparaît, imposant une investigation systématique.

Une population sous-évaluée

Au cours de la seconde moitié du XXième siècle, la recherche clinique est réalisée essentiellement chez les adultes. Les médicaments ne sont pas ou peu testés chez les enfants. Cependant, les soigner convenablement reste une problématique cruciale. En effet, sans tenir compte du fait qu’ils représentent une population à part entière, avec des particularités pharmacocinétiques et pharmacodynamiques bien spécifiques, on se contente d’extrapoler à l’enfant les posologies utilisées chez l’adulte, adaptant la dose au poids ou à la surface corporelle. L’absence de prise en compte des spécificités pédiatriques peut se traduire par une efficacité insuffisante (liée à une posologie trop faible) ou à des événements indésirables (liés à une posologie trop élevée ou à une sensibilité particulière). En 2004, l’EMA publie une étude sur les médicaments utilisés chez les enfants alors qu’ils n’ont pas été testés chez cette population. Elle dénonce les dangers associés à de telles pratiques [10], notamment aux dosages arbitrairement choisis. L’agence rapporte que 6% des médicaments non-autorisés et utilisés en pédiatrie entraînent des événements indésirables. Elle précise aussi qu’il n’existe pas de recommandation de dose pour ces médicaments et que les pratiques ne sont pas suivies. Par ailleurs, elle souligne le manque d’études et de rapports concernant ces molécules, et regrettent de ne pouvoir approfondir leur étude par manque d’information.

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Table des matières

Introduction
1 Contexte et enjeux
1.1 La recherche clinique
1.1.1 Les différentes étapes du développement d’un médicament
1.1.2 L’autorisation de mise sur le marché
1.2 Les essais cliniques en pédiatrie
1.2.1 Une population sous-évaluée
1.2.2 La réglementation européenne
1.3 La recherche de dose
1.3.1 Au cours des essais de phase I
1.3.2 Au cours des essais combinés de phase I/II
1.3.3 Un lien étroit avec les études pharmacocinétiques
1.4 La recherche de dose en pédiatrie
1.5 Problématique de la thèse
2 Etat des connaissances
2.1 Introduction
2.2 Les méthodes de recherche de dose
2.2.1 Introduction sur les méthodes de recherche de dose
2.2.2 Les approches algorithmiques
2.2.3 Escalade de dose avec contrôle de toxicité
2.2.4 La méthode de réévaluation séquentielle
2.2.5 La méthode de réévaluation séquentielle bivariée
2.2.6 Conclusion sur les méthodes de recherche de dose
2.3 Extrapolation de l’adulte à l’enfant
2.3.1 Introduction à l’extrapolation
2.3.2 La pharmacocinétique
2.3.3 Extrapolation
2.3.4 Conclusion de l’extrapolation
2.4 Conclusion
3 Les essais cliniques de recherche de dose en pédiatrie : revue systématique
3.1 Introduction
3.2 Matériel et méthodes
3.2.1 Constitution du corpus de publications
3.2.2 Méthodologie d’analyse
3.3 Résultats
3.3.1 Caractéristiques générales
3.3.2 Choix méthodologiques
3.3.3 Choix des doses
3.3.4 Caractéristiques des populations pédiatriques
3.3.5 Caractéristiques des résultats
3.4 Discussion
3.5 Conclusion
4 Planification d’un design pour une étude pharmacocinétique en pédiatrie
4.1 Introduction
4.2 Article accepté à Antimicrobial Agents and Chemotherapy
4.3 Conclusion
5 Planification d’un essai de recherche de dose en pédiatrie
5.1 Introduction
5.2 Article accepté à Statistical Methods in Medical Research
5.3 Conclusion
6 Conclusion

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