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Synthèse de l’UDP-MurNAc-pentapeptide :
L’UDP-MurNAc-pentapeptide est synthétisé à partir de l’UDP-MurNAc suite aux actions consécutives de quatre enzymes hautement spécifiques appelées Mur ligases ou Mur synthétases : MurC, MurD, MurE et MurF (Figure 3) (van Heijenoort, 2001; Barreteau et al., 2008). Ces quatre enzymes permettent les ajouts successifs de la L-Ala, du D-Glu, d’un acide diaminé tel que le meso- A2pm – essentiellement retrouvé chez les bactéries à Gram négatif – ou la L-Lys – essentiellement retrouvée chez les bactéries à Gram positif – et enfin d’un dipeptide dont la séquence est en général D-Ala-D-Ala. Ce pentapeptide est greffé au niveau du groupement D-lactoyl de l’UDP-MurNAc. Chez E. coli, les gènes codant pour ces quatre protéines sont situés au sein d’un même opéron : l’opéron mra (« murein region A ») qui contient à la fois des gènes responsables de la biosynthèse du peptidoglycane, mais aussi des gènes impliqués dans la division cellulaire (Mengin-Lecreulx et al., 1998). Ces enzymes ont été très étudiées chez E. coli et leurs gènes (murC, murD, murE et murF) ont été clonés, séquencés et caractérisés comme étant uniques et essentiels à la survie cellulaire. Il existe d’autre part chez E. coli une autre Mur ligase, Mpl, enzyme non essentielle qui catalyse l’addition en bloc du tripeptide L-Ala-γ-D-Glu-meso-A2pm sur l’UDP-MurNAc lors du processus de recyclage du peptidoglycane (Mengin-Lecreulx et al., 1996).
Les Mur ligases sont des enzymes à trois substrats : (i). l’ATP, (ii). l’UDP-MurNAc ou un UDPMurNAc- acide aminé ou peptide, (iii). un acide aminé ou un dipeptide. Ces enzymes réalisent toutes le même type de réaction aboutissant à la formation d’une liaison amide ou peptidique avec hydrolyse concomitante de l’ATP en ADP et Pi. La formation de cette liaison passe en premier lieu par l’activation du groupement carboxyle présent au niveau du substrat nucléotidique par l’ATP. L’acyl-phosphate formé subit alors une attaque nucléophile de la fonction amine de l’acide aminé ou du dipeptide. Cela conduit à la formation d’un intermédiaire tétraédrique hautement énergétique. Il y alors élimination du groupement phosphate et formation de la liaison peptidique (Figure 7) (Bouhss et al., 2002).
Figure 7 : Réaction catalysée par les Mur ligases (d’après Barreteau et al., 2008).
L’alignement des séquences de différentes Mur ligases a permis d’identifier 6 résidus invariants ainsi qu’une séquence consensus de fixation de l’ATP (Bouhss et al., 1997; Eveland et al., 1997). Ces éléments ont permis de définir la superfamille des Mur ligases. D’autres enzymes non impliquées dans la biosynthèse du peptidoglycane, mais catalysant le même type de réaction, ont été rattachées à la famille des Mur ligases du fait de la présence de ces mêmes acides aminés invariants.
Il s’agit de la protéine FolC, impliquée dans le métabolisme du folate (Sheng et al., 2000), de la protéine CapB impliquée dans la synthèse de la capsule de Bacillus anthracis (Candela et Fouet, 2006) et de la région C-terminale de la cyanophicine synthétase (Ziegler et al., 1998).
Plusieurs structures tridimensionnelles de Mur ligases ont été obtenues en présence ou absence de différents ligands. L’analyse de ces différentes structures a permis de mettre en évidence la présence d’une architecture commune en trois domaines (Figure 8) (Smith, 2006). Le domaine Nterminal est responsable de la fixation du substrat nucléotidique. Sa structure, de type « Rossmanfold », varie légèrement entre chaque Mur ligase afin de pouvoir accommoder un substrat dont la partie peptidique est de plus en plus longue. Le domaine central qui permet de lier l’ATP possède quant à lui une structure caractéristique des protéines capables de fixer des mononucléotides telles que les ATPases ou les GTPases. Le domaine C-terminal, qui possède comme le domaine N-terminal un repliement de type « Rossman-fold », est quant à lui responsable de la fixation de l’acide aminé ou du dipeptide. Les six résidus invariants caractéristiques de cette famille d’enzymes sont situés à l’interface des trois domaines. L’analyse des différentes structures en présence et en absence de substrats a permis de montrer que ces enzymes existaient à la fois sous une forme ouverte et une forme fermée.
Ce passage de la forme ouverte à la forme fermée semble être provoqué par la liaison des différents substrats (Smith, 2006; Šink et al., 2016).
Figure 8 : Structures tridimensionnelles des Mur ligases. Les structures de MurC (A), MurD (B), MurE (C) et MurF (D) sont représentées en « cartoon ». Les différents domaines sont indiqués pour MurC et le code couleur utilisé est identique pour l’ensemble des Mur ligases. Le domaine N-terminal (domaine 1) est coloré en vert, le domaine central (domaine 2) en bleu et le domaine C-terminal (domaine 3) en rouge. Les enzymes MurC, MurD et MurE sont dans une conformation fermée alors que MurF est dans une conformation ouverte (D’après Smith, 2006).
Voies annexes :
On retrouve dans la composition du peptidoglycane des acides aminés de la série D. Ce type d’acide aminé n’est pas fréquemment rencontré et ils sont uniquement synthétisés pour intégrer la voie de biosynthèse du peptidoglycane.
Formation de la D-alanine :
La D-alanine est produite, chez E. coli et d’autres espèces bactériennes, à partir de la L-Ala sous l’action d’une alanine racémase. En fonction des espèces, on retrouve une ou deux alanine racémases.
Chez E. coli, deux ont été identifiées, codées respectivement par les gènes alr et dadX. L’expression de la protéine Alr est constitutive alors que celle de DadX est induite uniquement lorsque la L-Ala est utilisée comme source de carbone et d’énergie (Barreteau et al., 2008).
Formation du dipeptide D-Ala-D-Ala :
Le dipeptide D-Ala-D-Ala résulte de la condensation de deux molécules de D-Ala. Cette réaction est catalysée par une ligase et nécessite la consommation d’une molécule d’ATP. Selon les espèces bactériennes, un ou deux gènes codent pour cette fonction (ddlA et ddlB chez E. coli). Le mécanisme réactionnel met en jeu la formation d’un acyl-phosphate ainsi que la formation d’un intermédiaire tétraédrique (Mullins et al., 1990; Healy et al., 2000). Bien que ce mécanisme réactionnel soit proche de celui des Mur ligases, les D-Ala:D-Ala ligases (Ddl) ont été identifiées comme appartenant à la famille des « ATP-grasp » (Galperin et Koonin, 1997).
Formation du D-glutamate :
Le D-glutamate rentre dans la composition du peptidoglycane mais il est également un composant de la capsule chez certaines bactéries (Foster et Popham, 2002). Sa formation peut être catalysée par une D-Ala:D-Glu transaminase ou par une glutamate racémase MurI (Doublet et al., 1993; Fotheringham et al., 1998).
Les étapes membranaires :
Lors des étapes membranaires de la biosynthèse du peptidoglycane, le motif phospho- MurNAc-pentapeptide du précurseur nucléotidique est dans un premier temps ajouté au transporteur lipidique undécaprényl phosphate (C55-P) pour former le lipide I. Le motif GlcNAc de l’UDP-GlcNAc est ensuite fixé sur ce lipide I pour former le lipide II.
Métabolisme de l’undécaprényl phosphate :
L’undécaprényl phosphate (C55-P), également appelé bactoprénol, est un lipide essentiel impliqué dans la biosynthèse du peptidoglycane mais également dans celle d’autres constituants de la paroi bactérienne comme les LPS, les acides teichoïques ou bien l’antigène commun aux entérobactéries (ECA) (Bouhss et al., 2008; Manat et al., 2014; Barreteau et al., 2017). Le C55-P est généré à partir de l’undécaprenyl pyrophosphate (C55-PP) suite à une étape de déphosphorylation. Ce C55-PP peut être soit néo-synthétisé, soit issu d’une étape de recyclage. Le C55-PP néo-synthétisé sur la face interne de la membrane plasmique est le produit de l’undécaprényl pyrophosphate synthase (UppS), suite à la condensation d’une molécule de farnésyl pyrophosphate (C15-PP) et de huit molécules d’isopentényl pyrophosphate (C5-PP) (Figure 3) (Ogura et Koyama, 1998). Le C55-PP recyclé est, quant à lui, libéré au niveau de la face externe de la membrane plasmique suite aux étapes de polymérisation du peptidoglycane. La déphosphorylation du C55-PP permettant de former du C55-P est catalysée par des undécaprényl pyrophosphate phosphatases (UppP). Chez E. coli, cette activité essentielle est portée par la protéine BacA, ainsi que par les protéines PgpB, YbjG et LpxT appartenant à la superfamille des PAP2 (Phosphatidic Acid Phosphatases of type 2) (El Ghachi et al., 2004, 2005).
Ces quatre phosphatases sont des protéines intégrales de membrane dont le site actif est localisé du côté périplasmique (Tatar et al., 2007; Touzé et al., 2008; Fan et al., 2014; Manat et al., 2015). Cette orientation commune suggère donc que ces protéines sont impliquées uniquement dans la déphosphorylation du C55-PP localisé sur la face externe de la membrane plasmique. En revanche, le mécanisme de déphosphorylation du C55-PP néo-synthétisé reste flou et les acteurs impliqués dans cette étape n’ont pour l’heure pas été identifiés. Deux hypothèses concernant la déphosphorylation du C55-PP néo-synthétisé sont avancées : (i). l’implication d’une phosphatase spécifique active du côté cytoplasmique ; (ii). l’export de ce lipide du côté périplasmique par une flippase où il serait alors déphosphorylé par les phosphatases BacA, PgpB, YbjG ou LpxT, puis réimporté par une autre flippase (Figure 3).
Formation du lipide I :
L’enzyme MraY (phospho-N-acétylmuramoyl-pentapeptide transférase) est responsable du transfert du motif phospho-MurNAc-pentapeptide de l’UDP-MurNAc-pentapeptide sur l’undécaprényl phosphate, permettant ainsi la formation du lipide I (C55-PP-MurNAc-pentapeptide) avec libération d’UMP (Figure 3). Le gène mraY est unique et essentiel à la viabilité cellulaire (Boyle et Donachie, 1998). Comme les gènes mur codant pour les Mur ligases, ce gène est situé au sein du cluster mra
(Ikeda et al., 1991). MraY est une protéine intégrale de membrane, qui contient dix segments transmembranaires, quatre boucles périplasmiques et cinq boucles cytoplasmiques. Les séquences correspondant à trois des cinq boucles cytoplasmiques sont relativement conservées et permettent de rattacher MraY à la famille des polyisoprényl-phosphate N-acétylhexosamine-1-phosphate transférases (Bouhss et al., 2008). Cette topologie semble conservée pour l’ensemble des eubactéries (Bouhss et al., 1999). La structure tridimensionnelle de MraY issue d’Aquifex aeolicus a récemment été résolue et confirme la topologie membranaire précédemment établie (Figure 9) (Chung et al., 2013).
Le pool de lipide I a été estimé chez E. coli à environ 700 molécules par cellule (van Heijenoort et al., 1992). Cette faible quantité s’explique par le fait que le lipide I est un intermédiaire transitoire dont la synthèse est efficacement couplée avec les réactions situées en aval dans la voie de biosynthèse du peptidoglycane, en particulier avec la synthèse de lipide II. En comparaison, le nombre de molécules de C55-P a été estimé à environ 40 000 par cellule chez E. coli (Barreteau et al., 2009a).
Figure 9 : Topologie membranaire et structure cristallographique de MraY d’Aquifex aeolicus. A : Topologie membranaire de MraYAa. Les chiffres représentent les numéros des hélices transmembranaires et les lettres les boucles cytoplasmiques. B : Structure cristallographique de MraYAa. Les mêmes couleurs sont utilisées pour identifier les hélices entre la topologie membranaire et la structure. (code PDB : 4J72) (d’après Chung et al., 2013).
Formation du lipide II :
Le lipide II (C55-PP-MurNAc(-pentapeptide)-GlcNAc) constitue le dernier précurseur dans la voie de biosynthèse du peptidoglycane. Il est le résultat de la condensation entre le motif GlcNAc, issu de l’UDP-GlcNAc, avec une molécule de lipide I. Cette condensation a lieu au niveau du groupement hydroxyle en position 4 du MurNAc et du groupement hydroxyle en position 1 de la glucosamine, aboutissant ainsi à la formation d’une liaison β-(1→4) entre ces résidus (Figure 10). Figure 10 : Structure du lipide II d’une bactérie à Gram négatif.
Cette réaction est catalysée par l’enzyme MurG (également appelée translocase II) et permet ainsi la formation du motif disaccharide-pentapeptide, monomère de base du peptidoglycane, porté par le transporteur lipidique (Figure 3). Le gène codant pour la protéine MurG est également localisé au sein du cluster mra. Il est unique et essentiel pour la viabilité cellulaire chez E. coli, tout comme le gène codant pour MraY (Salmond et al., 1980; Mengin-Lecreulx et al., 1991). MurG est décrite comme une enzyme soluble associée à la face interne de la membrane plasmique. Le fait que MurG soit située du côté cytoplasmique a permis de conclure que le motif disaccharide pentapeptide était assemblé en amont de la translocation à travers la membrane plasmique (Bupp et van Heijenoort, 1993). La protéine MurG issue d’E. coli a été la première à être purifiée (Crouvoisier et al., 1999). Elle est composée de deux domaines séparés par une crevasse au sein de laquelle est situé le site actif (Ha et al., 2000; Hu et al., 2003). Ce dernier est constitué de 13 résidus invariants importants à la fois pour la liaison des différents substrats et pour la catalyse (Crouvoisier et al., 2007).
Le lipide II est synthétisé par MurG sur la face cytoplasmique de la membrane plasmique. Cependant, la polymérisation du peptidoglycane a lieu au sein du périplasme. Le motif disaccharidepentapeptide a donc besoin d’être transporté à travers la membrane cytoplasmique pour être pris en charge par les PBPs.
Translocation du lipide II à travers la membrane plasmique :
La translocation du lipide II à travers la membrane plasmique est une étape essentielle dans la voie de biosynthèse du peptidoglycane. A l’heure actuelle, l’identité du ou des différents acteurs impliqués dans ce mécanisme n’a pas été clairement établie.
Il a d’abord été proposé que le lipide II puisse diffuser de manière spontanée à travers la membrane pour atteindre le périplasme (Bugg et Brandish, 1994). Cependant, dans une étude réalisée en 2007, van Dam et ses collaborateurs ont réfuté cette hypothèse en montrant à l’aide d’un lipide II fluorescent qu’une translocation non assistée à travers la membrane n’était pas assez rapide pour subvenir aux besoins de la synthèse du peptidoglycane dans le périplasme. Ils ont également montré que la translocation du lipide II à travers la membrane plasmique faisait intervenir une machinerie protéique spécialisée ne nécessitant aucune source d’énergie (ATP ou force proton-motrice) (van Dam et al., 2007). C’est dans ce contexte que plusieurs protéines intégrales de membranes ont été proposées comme candidats potentiels au transport du lipide II.
La protéine FtsW ainsi que ses homologues (RodA retrouvée chez E. coli et SpoVE chez B. subtilis) appartiennent à la famille SEDS (Shape, Elongation, Division and Sporulation) et sont depuis longtemps considérés comme des acteurs de ce processus métabolique pour diverses raisons : (i). ces enzymes sont essentielles dans la voie de biosynthèse du peptidoglycane ; (ii). elles sont impliquées dans des complexes multiprotéiques intervenant dans les mécanismes d’élongation et de division (Boyle et al., 1997; Matsuhashi et al., 1990) ; (iii). ce sont toutes des protéines intégrales de membrane.
Ainsi, FtsW et RodA ont été les premières protéines à avoir été évoquées comme étant potentiellement impliquées dans le transport du lipide II (Höltje, 1998). Par ailleurs, il a été récemment montré que la protéine FtsW d’E. coli possédait in vitro une activité flippase pour le lipide II au sein de protéoliposomes reconstitués, mais également au sein de vésicules membranaires issues d’une souche d’E. coli surexprimant cette même protéine (Mohammadi et al., 2011). Cependant, un autre candidat a également été proposé pour accomplir cette fonction. Il s’agit de la protéine MurJ (ou MviN), qui est une protéine intégrale de membrane appartenant à la superfamille des protéines exportatrices MOP (Multidrug/Oligosaccharidyl-lipid/Polysaccharide) et qui est essentielle à la synthèse du peptidoglycane chez E. coli (Inoue et al., 2008; Ruiz, 2008). On retrouve également dans cette superfamille des MOP la protéine Wzx qui est responsable du transport à travers la membrane de différents intermédiaires portés par le C55-PP intervenant dans les voies de biosynthèse de l’antigène O, des LPS ou bien de l’ECA. Cela a donc renforcé l’idée que MurJ puisse être la flippase du lipide II, étant donné que le motif disaccharide-peptide est fixé sur ce même transporteur lipidique. Une étude récente, mettant en jeu un test d’accessibilité du lipide II à la colicine M au sein d’une souche d’E. coli ΔmurJ, a permis de montrer in vivo l’implication de la protéine MurJ dans la translocation du lipide II à travers la membrane plasmique. Ce test a permis de mettre en évidence une absence de dégradation du lipide II par la colicine M suite à l’inactivation de la protéine MurJ, mettant ainsi en avant son implication dans la translocation de ce lipide (Sham et al., 2014). Cependant, l’orthologue de MurJ chez B. subtilis n’est pas essentiel à la croissance, suggérant ainsi que cette protéine ne joue pas le rôle de flippase du lipide II chez cette espèce (Fay et Dworkin, 2009). Il a par contre été montré que l’inactivation simultanée des gènes codant pour les protéines MurJ et AmJ chez B. subtilis est létale.
Par ailleurs, l’expression de la protéine AmJ permet de restaurer la croissance au sein d’une souche d’E. coli ΔmurJ. Ces deux informations suggèrent que la protéine AmJ posséde également une activité flippase pour le lipide II et que les protéines MurJ et AmJ ont donc une fonction redondante (Meeske et al., 2015).
La structure cristallographique de MurJ a récemment été résolue. Elle est constituée de 14 hélices transmembranaires (TMs) qui sont séparées en deux domaines principalement. Les TMs 1 à 6 constituent le domaine N-terminal et les TMs 7 à 12 constituent le domaine C-terminal. Ces deux lobes sont reliés par un axe de pseudo-symétrie d’ordre 2. Les TMs 13 et 14 sont situées à la périphérie du domaine C-terminal. Ces deux hélices permettent la formation d’un sillon hydrophobe qui donne sur une cavité chargée positivement à l’une de ses extrémités, située à l’interface des domaines N-terminal et C-terminal. Une expérience de docking avec du lipide II permet de supposer raisonnablement que le sillon hydrophobe accommoderait la chaîne hydrophobe et que la cavité chargée positivement lierait quant à elle le groupement pyrophosphate ainsi que les sucres. Le pentapeptide se logerait à l’extrémité opposée de la cavité. MurJ existe sous deux états, une forme avec la cavité donnant sur le cytoplasme et une forme où la cavité centrale donne sur le périplasme. Ces deux états sont en accord avec le transport du lipide II à travers la membrane (Figure 11) (Kuk et al., 2017).
Figure 11 : Structure cristallographique de MurJ de Thermosipho africanus et mécanisme putatif de la translocation du lipide II. A : Structure cristallographique de MurJTa. Le lobe N-terminal constitué des TMs 1 à 6 est représenté en bleu. Le lobe C-terminal constitué des TMs 7 à 12 est représenté en vert. Les TMs 13 et 14 sont représentés en marron. B : mécanisme putatif de translocation du lipide II (d’après Kuk et al., 2017).
Il est important de noter qu’à l’heure actuelle, tous ces résultats ne permettent pas de conclure de façon certaine quant à l’identité de la flippase responsable de la translocation du lipide II. En effet, aucune activité in vitro de transport du lipide II n’a pu être mise en évidence pour la protéine MurJ (Mohammadi et al., 2011) et aucune activité in vivo n’a pu être mise en évidence pour la protéine FtsW (Sham et al., 2014). Il a récemment été montré que la protéine RodA, orthologue de FtsW, possédait une activité glycosyltransférase, suggérant ainsi un rôle similaire pour FtsW (Meeske et al., 2016).
D’autre part, la protéine AmJ n’est pas présente chez E. coli. L’identité de la protéine responsable du transport du lipide II risque donc de faire débat encore quelque temps.
Polymérisation du peptidoglycane :
Une fois transloqué du côté périplasmique, le lipide II sert de substrat pour les étapes finales de biosynthèse du peptidoglycane. Ces étapes de polymérisation et de réticulation sont assurées par
les « penicillin-binding proteins » (PBPs) qui sont ainsi nommées ainsi car elles sont la cible de cette famille d’antibiotiques. Les PBPs catalysent les réactions de transglycosylation et de transpeptidation nécessaires à l’incorporation du motif disaccharide-peptide au sein du peptidoglycane préexistant (Scheffers et Pinho, 2005). Les glycosyltransférases (GTs) catalysent dans un premier temps la synthèse des nouvelles chaînes de glycanes. Cette réaction est suivie par la transpeptidation s’effectuant entre deux motifs peptidiques situés sur deux chaînes de glycanes adjacentes (une existante et une néosynthétisée)
Figure 12 : Polymérisation du peptidoglycane. GTs : glycosyltransférases ; TPs : transpeptidases. L’unité disaccharide-pentapeptide est transférée sur une chaîne de peptidoglycane naissante à l’aide d’une glycosyltransférase. Cette chaîne de peptidoglycane naissante est liée au peptidoglycane mature grâce aux transpeptidases.
Les PBPs sont classées en deux groupes. On trouve d’une part les PBPs de haute masse moléculaire (HMM PBPs) qui sont des enzymes bifonctionnelles. Elles associent un domaine C-terminal ayant une activité D,D-transpeptidase et un domaine N-terminal ayant soit une activité glycosyltransférase (PBPs de classe A), soit un rôle dans la morphogénèse (PBPs de classe B). D’autre part, on trouve les PBPs de faible masse moléculaire (LMM PBPs) qui sont, elles, monofonctionnelles.
Ce sont des D,D-carboxypeptidases, des endopeptidases ou des β-lactamases de classe C (Goffin et Ghuysen, 1998; Sauvage et al., 2008). Certaines, comme les PBP1a et PBP1b d’E. coli, font partie de complexes multiprotéiques intervenant respectivement dans la régulation de la biosynthèse du peptidoglycane, l’élongasome et le divisome (Typas et al., 2012; Egan et Vollmer, 2013; Egan et al., 2015).
La polymérisation du peptidoglycane débute donc par une étape de transglycosylation, qui est assurée par le domaine glycosyltransférase (GT) des PBPs. La polymérisation d’une chaîne de glycane s’effectue par additions successives de motifs GlcNAc-MurNAc(-pentapeptide), portés par le lipide II, sur une chaîne de glycane en croissance (Fraipont et al., 2006). Pour cela, le groupement hydroxyle en position C4 du GlcNAc porté par le lipide II va effectuer une attaque nucléophile sur le carbone anomérique en C1 de la chaîne de glycane en croissance (Figure 12). La transglycosylation aboutit ainsi à la formation d’une nouvelle liaison β-(1→4) et entraîne de façon concomitante la libération de C55- PP, qui sera recyclé par la suite en C55-P (Fraipont et al., 2006).
L’étape de transglycosylation est suivie par la réaction de transpeptidation qui permet la formation d’un pont peptidique entre le résidu D-Ala en position 4 d’un pentapeptide donneur et l’acide diaminé en position 3 d’un pentapeptide accepteur (Goffin et Ghuysen, 1998; Sauvage et al., 2008). L’énergie nécessaire à la formation de cette nouvelle liaison peptidique est fournie par la rupture de la liaison D-Ala-D-Ala du pentapeptide donneur. Ces ponts interpeptidiques, de type 4→3, sont classiquement synthétisés par le domaine D,D-transpeptidase des PBPs en suivant un mécanisme en deux étapes. Tout d’abord, il y a la formation d’un acyl-enzyme entre une sérine catalytique et la fonction carboxyle du résidu de D-Ala en position 4 du pentapeptide donneur, ce qui entraîne le départ du résidu de D-Ala terminal. L’acyl-enzyme est ensuite attaqué par la fonction amine du pentapeptide accepteur, ce qui aboutit à la formation d’une nouvelle liaison peptidique (Figure 13) (Sauvage et al., 2008).
Figure 13 : Voies de transpeptidation. Le pontage formé par les D,D-transpeptidases est de type 4→3. Le pontage formé par les L,D-transpeptidases est de type 3→3.
D’autres protéines intervenant dans la réticulation du peptidoglycane ont également été identifiées : les L,D-transpeptidases. Ces enzymes synthétisent des ponts interpeptidiques de type 3→3 (Mainardi et al., 2002, 2008; Magnet et al., 2008). Le mécanisme catalytique de cette famille d’enzymes est similaire à celui des D,D-transpeptidases à quelques différences près : (i). le résidu catalytique impliqué dans la formation de l’acyl-enzyme est une cystéine ; (ii). le donneur d’acyl est un tétrapeptide provenant d’un pentapeptide ayant été préalablement digéré par une D,Dcarboxypeptidase (Figure 13) (Sacco et al., 2010). Les L,D transpeptidases sont également responsables de l’attachement de la lipoprotéine de Braun au peptidoglycane chez E. coli. Elles permettent en effet la formation d’un pont de type 3→3 entre le résidu de L-Lys situé à l’extrémité C-terminale de cette protéine et le meso-A2pm du peptide donneur (Magnet et al., 2007).
La nature des ponts interpeptidiques présentés jusqu’ici (4→3 et 3→3) ne reflète pas la diversité des ponts peptidiques retrouvée au sein de l’ensemble du monde bactérien. En effet, la nature de ces ponts va dépendre de la composition du lipide II, qui peut varier en fonction des espèces bactériennes. Cet aspect concernant la variabilité de structure du peptidoglycane sera développé plus loin dans le manuscrit.
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Table des matières
Introduction Bibliographique
I. Le Peptidoglycane
1. Structure et fonction du peptidoglycane
2. Biosynthèse du peptidoglycane
Les étapes cytoplasmiques
Les étapes membranaires
Polymérisation du peptidoglycane
3. Recyclage du peptidoglycane
4. Variabilité du peptidoglycane
Variabilité des chaînes de glycanes
Variabilité de la partie peptidique
II. Les antibiotiques
1. Les différentes cibles des antibiotiques
2. Les antibiotiques qui ciblent la biosynthèse de la paroi bactérienne
Exemple de la fosfomycine qui cible une étape cytoplasmique de la biosynthèse du peptidoglycane
Exemple de la bacitracine qui cible une étape du métabolisme de l’undécaprényl phosphate
Les antibiotiques ciblant les étapes de polymérisation du peptidoglycane
Les molécules antimicrobiennes ciblant le lipide II
3. La résistance aux antibiotiques
III. Les bactériocines
1. Définition
2. Les bactériocines des bactéries à Gram positif
3. Les bactériocines des bactéries à Gram négatif
Les bactériocines de faible masse moléculaire des bactéries à Gram négatif
Les bactériocines de haute masse moléculaire des bactéries à Gram négatif
IV. Les colicines
1. Classification des colicines
2. Organisation génétique des colicines
3. Organisation structurale des colicines
4. Mode d’action des colicines
Libération des colicines
Liaison à la cellule cible
Translocation à travers la membrane externe
Maturation des colicines
Activité cytotoxique des colicines
5. La protéine d’immunité
Protéines d’immunité des colicines ionophoriques
Protéines d’immunité des colicines nucléasiques
V. La colicine M et ses homologues
1. La colicine M
Caractéristiques de la colicine M
Structure tridimensionnelle de la colicine M
Mode d’action de la colicine M
2. Les homologues de la colicine M
Les homologues issus de Pseudomonas spp.
Les homologues issus de Burkholderia spp.
Les homologues issus de Pectobacterium carotovorum
VI. Objectifs de l’étude
Matériels et Méthodes
1. Produits et réactifs
2. Souches bactériennes, plasmides et conditions de culture
Souches
Milieux de culture
Plasmides
3. Techniques de biologie moléculaire
Oligonucléotides
PCR
Extraction d’ADN plasmidique
Restriction et ligation des fragments d’ADN
Construction des plasmides
Mutagenèse dirigée
Préparation des cellules compétentes et transformation
4. Surproduction, extraction et purification des protéines recombinantes
Surproduction
Extraction
Purification par chromatographie d’affinité
Purification par chromatographie d’exclusion stérique
Purification par chromatographie échangeuse de cations
Purification des protéines produites en corps d’inclusion
5. Dosage des protéines
Détermination de la concentration protéique par spectrophotométrie microvolume
Détermination de la concentration protéique par analyse en acides aminés
6. Protéolyse ménagée
7. Synthèse de substrats lipidiques et production d’un analogue du produit de réaction
Synthèse et purification de C55-PP-MurNAc(-pentapeptide)-[14C]GlcNAc
Synthèse et purification de lipides II solubles
Préparation et purification du 1-PP-MurNAc-pentapeptide
8. Spectrométrie de masse MALDI-TOF
Analyses du lipide II en C15 et du 1-PP-MurNAc-pentapeptide
Analyse de la protéine PcaM1
9. Détermination des activités enzymatiques et cytotoxiques des protéines purifiées
Evaluation de l’activité enzymatique
Recherche de ligand de la protéine PaeM
Evaluation de l’activité cytotoxique
10. Analyses physiologiques
Suivi d’incorporation de l’A2pm dans le peptidoglycane
Analyse de la distribution cellulaire du meso-A2pm
Quantification des pools de prénols dans les membranes
Observations microscopiques
11. Cristallogenèse
Principe
Criblage automatisé
Optimisation des conditions de cristallisation
Micro-ensemencement
Essais de co-cristallisation et trempage des cristaux
Collecte des données de diffraction et résolution de structure
12. Microcalorimétrie
Titration par microcalorimétrie isotherme (ITC)
Calorimétrie différentielle par balayage (DSC)
Résultats et Discussion
I. Synthèse de substrats solubles
1. Synthèse de lipides II solubles
2. Détermination de l’activité catalytique des protéines ColM, PaeM et PcaM1 vis-à-vis des lipides II solubles
3. Optimisation des conditions de synthèse du lipide II en C15
4. Purification et confirmation de l’identité du lipide II en C15
5. Synthèse, purification et confirmation de l’identité du 1-PP-MurNAc-pentapeptide
II. Etudes structurales et biochimiques de la protéine PaeM et de deux variants
1. Production et purification de la PaeM
2. Identification d’un ligand potentiel de la PaeM
Par le test de détection d’activité enzymatique
Par microcalorimétrie
3. Essais de co-cristallisation de la PaeM avec le C15-PP
4. Essais de cristallogenèse de la protéine PaeM D241A
Production et purification de la PaeM D241A
Cristallogenèse de la protéine PaeM D241A
5. Etude structurale d’une forme tronquée en N-terminal de la PaeM
Genèse d’une forme tronquée par protéolyse ménagée
Construction de la protéine PaeM Δ1-30
Production et purification de la PaeM Δ1-30
Surproduction et purification de la PaeM Δ1-30
Détermination de l’activité enzymatique de la PaeM Δ1-30
Cristallogenèse de la PaeM Δ1-30
6. Mise en évidence d’une certaine cytotoxicité de la PaeM vis-à-vis d’E. coli
Confirmation de la cytotoxicité réelle de la PaeM
Dépendance de la cytotoxicité de la PaeM vis-à-vis de partenaires protéiques
Recherche d’une cytotoxicité identique de la part des autres homologues de la ColM
III. Etude de la cytotoxicité de la PcaM1 vis-à-vis d’E. coli
1. Contexte de l’étude
2. Article
3. Résumé des principaux résultats obtenus
4. Expériences complémentaires
Etude de la cytotoxicité de la PcaM1 D222N vis-à-vis d’E. coli
Etude de la cytotoxicité des homologues de la ColM issus de Pseudomonas spp. vis-à-vis d’E. coli par le biais de l’expression périplasmique
IV. Création de colicines chimères ciblant spécifiquement E. coli
1. Conception des colicines chimères
2. Construction des vecteurs permettant l’expression des colicines chimères
3. Détermination des conditions d’expression et purification des colicines chimères
4. Purification des colicines chimères à partir des corps d’inclusion
5. Evaluation de l’activité in vitro et in vivo des colicines chimères
6. Evaluation de la cytotoxicité des colicines chimères vis-à-vis d’E. coli par le biais d’une expression périplasmique
Construction des vecteurs d’expression périplasmique
Expression périplasmique des colicines chimères
Analyse du contenu en prénols des membranes des cellules traitées par les colicines chimères
Conclusions et Perspectives
Références Bibliographiques
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