Les différentes approches de l’analyse de l’image

Le collège et plus particulièrement la discipline historique de la 6ème à la 3ème fait l’objet de nombreux apprentissages. L’enseignement de l’histoire passe par l’étude de divers documents parmi lesquels l’image possède une place non négligeable. Par ailleurs, l’analyse de l’image dans une leçon d’histoire est une activité évidente et largement pratiquée. Toutefois, elle est souvent réduite à un enchaînement de questions réponses ne permettant pas une étude approfondie et complète de cette dernière. Pourtant, l’image est une source historique et doit de ce fait être étudiée en tant que telle.

A savoir que l’on entend par image, une représentation d’un être ou d’une chose pouvant donner lieu à différents types de supports. Le terme d’image se rapproche de celui d’iconographie que l’on peut définir comme l’ensemble des représentations portant sur un sujet précis. Platon dans La République (Livre VI) est un des premiers à donner une définition de l’image : « J’appelle image d’abord les ombres ensuite les reflets qu’on voit dans les eaux, ou à la surface des corps opaques, polis et brillants et toutes les représentations de ce genre ». Le terme d’image vient du latin « imago » et désignait autrefois un masque moulé devant représenté une personne morte pour en préserver ses traits. Dans ce sens, l’image est bel et bien une représentation ou une reproduction de quelque chose. L’image est intéressante car elle permet d’étudier l’histoire à travers divers supports tels que les peintures, les gravures ou encore les photographies. En plus de son aspect symbolique, elle est un témoignage lisible du passé qui fournit selon Pascal Dupuy, spécialiste des images satiriques européennes pendant la Révolution « des informations d’allure, de détail et de formes rarement accessibles par l’écrit : costumes, architecture, paysages, techniques ». L’image est donc un moyen essentiel pour éclairer l’histoire et un outil majeur dans la pédagogie qui nécessite d’être utilisée en complémentarité avec les autres documents.

Cadre théorique : les différentes approches de l’analyse de l’image 

L’analyse de l’image pour les historiens 

L’analyse de l’image a largement été engagée par les sémiologues et les historiens de l’art. Pour autant, la démarche des historiens parait essentielle à l’analyse d’une image car la compréhension de cette dernière tient en partie à la connaissance de son contexte historique. En vue de son omniprésence dans nos sociétés contemporaines, l’image semble être au cœur des recherches historiques depuis les années 1970. Cette dernière est de ce fait de plus en plus étudiée comme une source en tant que telle plutôt qu’une illustration. L’intérêt croissant de l’image chez les historiens s’accompagne d’une transformation du regard. De ce fait, ce qui est intéressant pour étudier ce nouvel intérêt porté aux images, ce n’est pas l’histoire des images mais l’histoire du regard. Dans cette perspective, les deux historiens Dominique Briand et Gérard Pinson expriment que, « l’image tire du regard comme le texte tire son sens de la lecture qui en est faite » . Pourtant, les récentes recherches sur les images ont pour objet les images mobiles. Effectivement, nos sociétés contemporaines s’épanouissent dans une période de la vidéosphère dans laquelle les images sont caractérisées par l’immédiateté et la domination de l’informatif sur l’artistique ce qui intéresse beaucoup les chercheurs.

Concernant les images fixes, les médiévistes semblent avoir été les premiers à les avoir étudiées en tant que document à part entière et participent donc à apporter un éclairage scientifique dans ce domaine. On peut par exemple citer l’ouvrage de George Duby, L’histoire artistique de l’Europe : le Moyen-Âge (1995) dans lequel il analyse les vitraux, les enluminures et les objets. Puis, Jacques le Goff nous aide à comprendre l’origine de certains mythes aujourd’hui relayés par l’imagerie contemporaine tels que Robin des Bois, personnage probable du XIIe siècle attesté dans les écrits du XIVe siècle. Ces travaux montrent que les images médiévales nourrissent l’imaginaire contemporain. Certains auteurs sont même fascinés par les représentations contemporaines comme les films qui mettent en scène les héros du Moyen-Age. En fait, les médiévistes « se nourrissent des images de notre temps pour nous aider à penser celles du Moyen-Age ».

Quant aux historiens contemporains, à l’inverse de ce qu’on pourrait penser, ils ont longtemps négligé les images, eux qui pourtant, étudient une période à travers laquelle elle s’est démocratisée. Toutefois, certains pionniers semblent se distinguer de cela. On peut citer les travaux de Maurice Agulhon qui publie une étude sur les représentations de Marianne au XIXe siècle s’inscrivant dans la démarche de l’histoire des mentalités. Cependant, ces travaux restent largement marginaux. Pourtant, depuis les années 1990, on peut remarquer que les historiens n’hésitent plus à utiliser les images dans leurs recherches. Ils s’appuient sur ces dernières dans leurs études sans pour autant qu’ils en soient spécialistes ce qui témoigne d’un intérêt croissant des apports de l’image dans les travaux des historiens.

Actuellement, l’image se trouve au centre d’une démarche d’histoire culturelle. Les historiens placent cette dernière au cœur de leur questionnement historique. Pour Christian Delporte, historien spécialiste des images et de l’histoire culturelle, l’image s’est imposée en dehors de son aspect esthétique bien qu’il déplore tout de même que les historiens ne s’intéressent qu’aux grands moments traumatisants de l’histoire pour interpréter les images. Pour les chercheurs, analyser une image revient à s’intéresser à sa date de création, son auteur, son interprétation contemporaine et sa fonction première. L’objectif principal pour les historiens étant de situer l’œuvre afin de savoir si l’image est représentative d’une période donnée ou bien si elle concerne un événement plus isolé. L’historien utilise l’image comme une source, trace du passé.

Si l’on s’intéresse davantage aux contenus des ouvrages des historiens sur les images, celui de Dominique Briand et Gérard Pinson, Enseigner l’histoire avec des images a pour objectif de rompre avec les « usages pauvres » de l’image, souvent considérée comme se suffisant à elle-même. Effectivement, cette dernière est régulièrement utilisée comme appui au discours du professeur mais ne bénéficie pas toujours d’une étude approfondie. L’ouvrage souligne l’importance pour les historiens de placer l’image au centre de leur questionnement historique. De plus, il nous permet de comprendre l’intérêt de l’image et l’importance de son insertion au sein d’un cours d’histoire. En effet, ces travaux nous fournissent une grande diversité d’images, de pistes, de conseils afin de les utiliser au mieux dans une leçon d’histoire. Les deux auteurs tentent de sensibiliser leurs lecteurs à l’analyse de l’image en tant que telle, étude devant coïncider avec une éducation à la lecture de l’image et à l’importance de son rôle dans la construction de la mémoire collective. Les travaux des deux historiens montrent bien que le métier de professeur d’histoire ne peut aujourd’hui se passer des images. Effectivement, qu’elles soient anciennes ou récentes, elles sont toutes porteuses d’histoire. Cet ouvrage a pour visée d’aider les professeurs à introduire l’image dans l’enseignement d’histoire pour ceux qui la négligent encore. L’enseignant doit analyser et exploiter les images au XXIe siècle d’une part car elles envahissent notre quotidien et d’autre part car il faut poser le regard des élèves sur les représentations du monde et de son histoire.

Du même auteur, l’ouvrage Enseigner l’histoire, un métier, des enjeux de Gérard Pinson nous apporte davantage d’informations sur l’analyse de l’image au sein d’une leçon d’histoire. En effet, Gérard Pinson consacre un chapitre dans son ouvrage à une méthode pour « utiliser les images en classe et rompre avec les usages pauvres» . Il rappelle que les images sont un document familier, très présent et pour tous les niveaux dans les manuels scolaires. De plus, elles font l’objet d’une utilisation largement préconisée et encouragée par les textes officiels publiés par l’Education nationale. Il propose dans son ouvrage un tableau réunissant trois types de documents (texte, image, carte) au collège et au lycée avec le pourcentage de leçons dans lesquelles a été utilisé au moins un document des trois types. Ce tableau résulte d’une enquête effectuée par des inspecteurs pédagogiques à la demande de l’inspection générale à la fin des années 1990 et semble intéressant à analyser dans le cadre de ce mémoire.

Pour Gérard Pinson, les images possèdent « la vertu de susciter l’intérêt des élèves en raison de sa facilité d’accès immédiat par rapport au texte a priori rebutant, nécessitant le temps de la lecture concentrée » . En effet, l’analyse de l’image est souvent appréciée par les élèves grâce à son apparente simplicité. Toutefois, Gérard Pinson relève un problème majeur à savoir que « les usages de l’image sont le plus souvent victimes de cette apparente facilité » et que l’image est « considérée comme se suffisant à elle-même, porteuses d’informations évidentes, de réalité, ce qui conduit à un usage purement illustratif » . En effet, à cause de leur « facilité » d’accès, les images sont souvent peu ou mal analysées et ne bénéficient pas d’une étude complète. Effectivement, les images se positionnent souvent à l’appui du discours du professeur sans bénéficier d’une démarche qui lui est propre. Pourtant, les images reflètent des réalités très différentes et surtout très diverses ce qui nécessite une analyse complète et complexe pour chacune d’entre elles afin d’en différencier les portées et les objectifs. Cette réalité témoigne aussi du manque de temps dont disposent les professeurs en classe pour mener à bien cette étude tant les programmes scolaires sont chargés. Il est vrai qu’étudier une image dans sa complexité est une entreprise longue et rigoureuse et il est clair qu’un enseignant ne peut se permettre de s’y atteler à chacune de ses heures de cours.

Dans cette perspective, Gérard Pinson rappelle que la situation de l’usage des images dans l’enseignement d’histoire est liée à celle de l’histoire scientifique et universitaire. Effectivement, les historiens travaillant sur les images sont peu nombreux et les travaux encore peu légitimes comme mentionné ci-dessus surtout en histoire contemporaine. Pour contrer cela, il propose dans son ouvrage de classer les images dans une démarche d’analyse qui lui est propre et qui se différencie de celle applicable aux autres documents. Il est vrai que l’analyse de l’image repose sur un vocabulaire bien spécifique propre à l’iconographie. Gérard Pinson nous propose dans son ouvrage deux exemples afin d’analyser la complexité des rapports entre histoire et image, chose essentielle pour tout professeur qui intègre des documents iconographiques dans son cours d’histoire. Ensuite, il expose plusieurs difficultés à prendre en considération avant d’utiliser les images dans le but d’inciter les professeurs à prendre des précautions quant à leur utilisation :
• La question de la reproduction : encore plus que les autres documents, les images ont toujours fait l’objet de transformations qui les réduisent souvent à « la condition de fragment mobilisable pour enseigner » . On peut citer quelques exemples de transformations: réduction de format de l’image initiale, modification du cadrage. Face à cela, le professeur doit fait preuve d’une extrême vigilance en essayant de trouver la version la plus officielle et la moins transformée possible.
• Prendre en compte le fait que les images sont moins renseignées que les textes surtout dans le cas des photographies où la référence de l’auteur et la date manquent souvent. Ce problème nuit aux possibilités d‘explication du document et renforce son caractère évident.
• Les images sont « accompagnées le plus souvent d’un texte dont la pertinence n’est pas toujours avérée » . Les élèves ont tendance à s’en emparer et à ne se fier qu’à ce qu’ils lisent sans se poser de questions en estimant que le texte qu’ils ont sous les yeux est légitime, complet et synonyme de vérité.
• L’auteur soulève aussi le problème lié aux reconstitutions de monuments anciens très présentes dans les manuels scolaires (acropole d’une cité grecque, un château fort). Pour l’auteur, ces reconstitutions posent problème d’un point de vue scientifique. Il se pose la question : « Quelles références scientifiques ont été mobilisées pour les produire ? ». Cela pose aussi la question des représentations qu’elles transmettent souvent absorbées telles quelles par les élèves. Gérard Pinson les qualifie plutôt de « document fictionnel» plutôt que « trace du passé » . Toutefois, si elles sont utilisées avec précaution, les reconstitutions sont un moyen pour les élèves de se représenter un événement, un paysage ou un monument. Effectivement, en classe, comment montrer aux élèves à quoi ressemblait l’acropole sans leur montrer une reconstitution ? Comment faire comprendre à un élève ce qu’est une tranchée sans lui en montrer une ?

Une fois ces difficultés relevées, le professeur comprend qu’il doit prendre des précautions quant à l’utilisation des images mais aussi des textes et légendes qui les accompagnent. Pour contrer ces différents problèmes, Gérard Pinson propose dans son ouvrage la grille d’analyse de Laurent Gervereau  tirée de son ouvrage  Voir, comprendre et analyser les images qui regroupe une triple approche de l’image (celle de l’historien, celle du sémiologue et celle de l’historien de l’art) dans le but de fournir aux professeurs une méthode d’analyse d’image complète. Ces trois approches réunies ensemble proposent un « outil opérationnel ne négligeant aucun domaine de l’analyse iconographique » et en fait donc un instrument parmi d’autres pour tout professeur d’histoire. En ce sens, l’ouvrage rédigé par Laurent Gervereau, historien du visuel et plus précisément de l’image fixe, Voir, comprendre et analyse les images semble essentiel pour mener à bien nos recherches sur ce sujet. Dans ses travaux, il définit l’image et revient sur l’histoire des méthodes d’analyse de ces dernières. Il détaille l’utilisation que font les différents spécialistes (historiens de l’art, sémioticiens, sémiologues, les historiens) de celles-ci. Il rappelle une fois de plus que trop longtemps les images «ont été considérées en effet comme simple illustrations par les historiens, c’est-à dire, comme agrément qui venait corroborer l’écrit, en leur déniant toute qualité de source à part entière » ce qui nous permet de lier ces mots avec ceux des autres historiens cités ci-dessus. Laurent Gervereau insiste sur cet aspect et rappelle que bien qu’il y eût des évolutions, la place de l’image en histoire reste un débat toujours d’actualité. Le spécialiste retrace l’historique de l’utilisation des images chez les historiens. Lui aussi rappelle que les médiévistes sont les premiers à utiliser l’image en tant que source à part entière notamment à cause de la rareté de la documentation sur certaines périodes. S’ajoute à cela, l’histoire des mentalités qui a aussi permis l’intégration de l’image en histoire notamment grâce à Philippe Ariès. L’auteur exprime qu’il est important de pratiquer l’interdisciplinarité (sémiologie, histoire, sociologie, histoire de l’art) quand il s’agit d’étudier les images afin d’obtenir une analyse pertinente. Pour lui, « l’abaissement des barrières entre les différentes sciences et les doutes de chacune facilitent aujourd’hui l’énonciation d’applications pratiques croisées à ces recherches » . De ce fait, le professeur d’histoire ne doit pas avoir peur de croiser les disciplines pour faire comprendre à ses élèves les spécificités de l’image en tant que source historique bien qu’il ne s’agisse pas de sa seule mission.

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Table des matières

INTRODUCTION
1.Cadre théorique : les différentes approches de l’analyse de l’image
1.1.L’analyse de l’image pour les historiens
1.2.L’approche des historiens de l’art
1.3.La vision des sémiologues
1.4.L’interprétation des sciences de l’éducation
1.5.Les recommandations du ministère de l’Education nationale
2.Protocole expérimental : présentation des différents outils et de leur mise en œuvre
2.1. Le terrain d’enquête
2.2. L’analyse de l’image dans les spécimen destinés aux enseignants
2.3. Présentation des différents dispositifs mis en place
2.3.1. Premier dispositif : interroger les pratiques des professeurs
2.3.2. Second dispositif : questionner les représentations des élèves
2.3.3. Troisième dispositif : observer la pratique des élèves en classe
2.3.4. Quatrième dispositif : entretien avec un professeur sur sa pratique d’analyse de l’image
3. L’étude des recueils de données au regard des outils utilisés
3.1. Étude d’une pratique enseignante : l’analyse de fiches d’activité
3.2. Les élèves et les images
3.3. L’analyse des perceptions et des pratiques enseignantes
3.4. Etude de la pratique d’analyse de l’image des élèves
3.5. L’examen d’une pratique et d’une perception enseignante particulière
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Table des annexes
Table des illustrations
Résumé

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