Les différences de sexe dans les comportements des conducteurs de deux-roues motorisés
Nous commencerons en définissant l’objet principal de ce travail de thèse, à savoir, le deuxroues motorisé (2RM). L’usage spécifique de ce véhicule sera ensuite décrit, ainsi que son accidentalité. Enfin, une étude complémentaire apportera des informations plus fines sur les différences de sexe dans l’accidentalité des 2RM.
Définition des deux-roues motorisés
Avant tout, il semble nécessaire de rappeler quels sont les modes d’accès à la conduite d’un deux-roues motorisé, et quels sont les différents types et catégories de deux-roues motorisés circulant sur les routes françaises. Tout au long de ce travail, nous parlerons essentiellement des véhicules d’une cylindrée supérieure à 50 cm3. Parmi ces véhicules, les motocyclettes légères et scooters légers (MTL) ont une cylindrée comprise entre 50 et 125 cm3 et les motocyclettes dites « lourdes » et scooters « lourds » ont une cylindrée supérieure à 125 cm3 (MTT).
Ces deux-roues peuvent être conduits sous certaines conditions de permis :
➤ Le permis A1, permet de conduire des motocyclettes légères (MTL), jusqu’à 125 cm3 et 11 kW (15CV), à partir de 16 ans.
➤ Le permis A2, permet de conduire des motocyclettes, avec ou sans side-car, d’une puissance n’excédant pas 35 kW (47,6 CV), à partir de 18 ans.
➤ Le permis A, permet de conduire des motocyclettes, avec ou sans side-car, de toutes puissances, à partir de 24 ans.
Par ailleurs, le permis B, à partir de 18 ans, permet de conduire des motocyclettes légères (MTL) à la condition que le conducteur soit titulaire du permis B depuis deux ans au moins et après avoir suivi une formation de 7 heures.
Il n’y a, à ce jour, aucune classification-type des deux-roues motorisés selon leur usage et leurs spécificités techniques, bien que certaines études françaises et européennes (Cestac & Delhomme, 2012a; Roynard & Martensen, 2013; Ruscher, 2002) les aient divisés en 6 catégories : scooters, basiques, sportives, GT-routières (grand tourisme), customs et trails. On ne retrouve pas ici la catégorie « roadster » qui est la catégorie la plus répandue aujourd’hui sur les routes françaises après le scooter ? En 2012, les scooters représentaient 36,4% des deux-roues motorisés en circulation en France, et les roadsters 13,2% (SOeS, 2013b, p.2). Les roadsters sont souvent classés dans la catégorie des basiques, puisqu’ils s’en approchent esthétiquement, ou bien des sportives, puisque leurs moteurs sont très similaires. Cemême constat peut être fait pour la catégorie des trails. Ruscher (2003) et Van Elslande (2015), qui s’intéressent aux comportements routiers des motocyclistes, ont également utilisé une classification en 6 catégories où les trials/cross/enduro (motos dédiées à la conduite hors route) sont manquants. Le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer différencie 8 catégories, en dissociant bien les Basiques des Roadsters, mais en dissociant également les GT des Routières, qui ont pourtant des usages et des spécificités proches (SOeS, 2013b). Nous avons choisi de diviser les motocyclettes en 8 catégories distinctes (Figure 1), en fonction de leur usage et de leurs spécificités techniques et dynamiques (Cestac & Delhomme, 2012a; “Motocyclette,” 2017; Roynard & Martensen, 2013; Ruscher, 2003; SOeS, 2013b; Van Elslande, 2015b) :
● Scooter : 2 ou 3 roues. Il s’agit d’un véhicule sur le lequel le conducteur est assis, jambes jointes, et dont les pieds reposent sur un plancher. Ce véhicule est conçu pour circuler sur de courtes à moyennes distances, en agglomération et espace péri-urbain. En 2012, les Scooters représentaient 36,4% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Basique (ou utilitaire) : cette motocyclette, dont le moteur est apparent, est généralement de petite ou moyenne cylindrée. Elle fait partie des motocyclettes les moins chères du marché, et elle est destinée à un usage et un entretien économiques. Ces véhicules sont très utilisés en moto-école et par les professionnels, en agglomération et zone péri-urbaine. Ils sont maniables et peu coûteux. En 2012, les Basiques représentaient 6,8% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Custom (et chopper) : le conducteur est assis, dos droit, voire reculé, avec les jambes en avant (surtout le cas sur les choppers). Cette motocyclette a un moteur apparent et elle est essentiellement utilisée en agglomération et espace péri-urbain. En 2012, les Customs représentaient 6,2% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Trail : bien que plutôt faites pour se déplacer sur route, ces motocyclettes peuvent aussi circuler sur des chemins. A l’apparence « baroudeuse » (position haute, moteur apparent, réservoir de grande capacité), ces motocyclettes sont dérivées des motos utilisées en rallye type « Paris-Dakar ». Elles sont très prisées par les individus vivant en milieu péri-urbain. En 2012, les Trails représentaient 10,9% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Routières et GT (Grand Tourisme) : Le conducteur est assis en position proche de la verticale sur une selle confortable. Ce véhicule totalement caréné afin de protéger au mieux le conducteur, est conçu pour voyager sur moyennes et longues distances (équipé d’un réservoir de grande capacité et de coffres de rangement). En 2012, les Routières/GT représentaient 13,6% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Roadster : cette motocyclette non carénée est souvent munie d’un moteur venant de motocyclettes sportives. Son rapport poids/puissance est élevé. La position semi-droite et le manque de protection au vent destinent ce véhicule à un usage urbain et périurbain. En 2012, les Roadsters représentaient 13,2% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Sportive (super et hyper-sport) : la position du conducteur est couchée, proche du réservoir, pieds en arrière, pour une meilleure aérodynamique. Ces motocyclettes carénées à l’apparence de motocyclettes de compétition sur circuit, sont petites et légères, faites pour la vitesse. Elles sont peu maniables (rayon de braquage limité) et relativement inconfortables (selles peu molletonnées). En 2012, les Sportives représentaient 4,7% du parc 2RM circulant (SOeS, 2013b) ;
● Moto cross/trial/enduro : motocyclettes légères et peu fragiles, faites pour le loisir et la compétition, ces motocyclettes ne sont pas toutes homologuées pour circuler sur la voie publique. Le nombre de véhicules de cette catégorie est difficile à évaluer dans la mesure où toutes ne sont pas immatriculées.
La mobilité des deux-roues motorisés
Le nombre de deux-roues motorisés sur les routes françaises ne cesse de croître : en 2012, plus de 3 600 000 deux-roues motorisés circulaient, ce qui représentait 8,3% de l’ensemble des véhicules assurés, contre 2 000 000 en 1994 (SOeS, 2013b). Depuis 1994, sur l’ensemble des véhicules immatriculés, ce sont les deux-roues motorisés qui ont eu la croissance la plus importante, avec +3,4% d’augmentation moyenne par an jusqu’en 2012 (SOeS, 2013b) (contre 2% pour les quatre-roues, avec, en moyenne, 12 700 kilomètres par voiture particulière pour 2012). Le kilométrage annuel moyen se stabilise en 2015 avec 4 320 km parcourus (SOeS, 2013a).
Selon une étude publiée en 2012 par le service de l’Observation et des Statistiques (SOeS) du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, au 1er janvier 2012, les deux-roues motorisés français en circulation avaient en moyenne 7,6 ans et 43% étaient âgés de moins de 5 ans.
Le kilométrage annuel moyen parcouru a augmenté, entre 1994 et 2011, de 5% par an (contre 1,6% pour les quatre-roues) (FFSA-GEMA, 2012). En 2011, 43% des 11 milliards de kilomètres parcourus par la totalité des deux-roues motorisés se faisaient en agglomération. Les conducteurs de 2RM parcouraient en moyenne 3031 kilomètres par an. 36,4% des 2RM étaient des scooters. 7,4% des motocyclettes de plus de 125cm3 (MTT) étaient des scooters et 27,4% des roadsters (SOeS, 2013b). En 2012, 38% des 2RM étaient concentrés dans les régions Ile-de-France (571700 2RM), PACA (416700 2RM) et Rhône-Alpes (377900 2RM) (SOeS, 2013b). Une enquête datant de 2009 (FFSA & GEMA, 2012), basée sur des entretiens réalisés auprès de 639 conducteurs de 2RM (≥50cm3 ), âgés de plus de 15 ans, indique que les conducteurs de scooters utilisent essentiellement leur véhicule pour des trajets domiciletravail et les motocyclistes pour des usages de loisirs. Bien que les femmes usagères de 2RM soient minoritaires, leur proportion augmente constamment depuis plus de 10 ans. Une enquête GEMA Prévention – TNS Sofres a montré en 2009 que 27% des conducteurs de 2RM (tous 2RM de plus de 50 cm3 confondus) étaient des femmes. Celles-ci conduisent plutôt de petites cylindrées (48% conduisent un 2RM dont la cylindrée est comprise entre 50 et 80 cm3 et 58% conduisent un scooter de plus de 50cm3 ) (FFSA & GEMA, 2012), et plutôt des scooters dans les grandes agglomérations. Elles ont une vision « utilitariste » de ce mode de transport (FFSA & GEMA, 2012). Les femmes représentaient 5% des conducteurs de MTT en 2002 contre 10% en 2012 (ONISR, 2015). En 2012, elles représentaient près de 13% des individus reçus à l’examen du permis A (DSCR, 2013) et plus de 13% en 2014 (Jouanno & Hummel, 2016).
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Table des matières
1. Introduction générale
2. Cadre de recherche
2.1. Les différences de sexe dans les comportements des conducteurs de deux-roues motorisés
2.1.1. Définition des deux-roues motorisés
2.1.2. La mobilité des deux-roues motorisés
2.1.3. L’accidentalité des deux-roues motorisés
2.1.4. Différences de sexe et accidentalité
2.2. Les différences de sexe dans la prise de risque
2.2.1. Le risque
2.2.2. La prise de risque
2.2.3. Les différences de sexe dans la prise de risque routière et sportive
2.3. Le sexe et le genre
2.3.1. Quelques définitions
2.3.2. Le sexe et le genre en sécurité routière
2.3.3. Le sexe et le genre dans la pratique sportive
3. Problématique et hypothèses de recherche
3.1. Effet du sexe sur la prise de risque en motocyclette
3.2. Effet du genre sur la prise de risque en motocyclette
3.3. Stéréotypes de sexe associés à la conduite de la motocyclette
3.4. Hypothèse générale
4. Études empiriques
4.1. Observer et analyser les comportements à risque des motocyclistes
4.1.1. Introduction
4.1.2. Etude du Motorcycle Rider Behaviour Questionnaire sur une population française
4.1.3. Adaptation du Motorcycle Rider Behaviour Questionnaire
4.1.4. Discussion
4.2. Les types de deux-roues motorisés révélateurs des comportements à risque chez les hommes et les femmes
4.2.1. Introduction
4.2.2. Méthode
4.2.3. Résultats
4.2.4. Discussion
4.3. Différences dans la prise de risque en fonction du sexe et de la conformité aux stéréotypes de sexe
4.3.1. Introduction
4.3.2. Méthode
4.3.3. Résultats
4.3.4. Discussion
4.4. Les stéréotypes de sexe associés à la conduite de la motocyclette
4.4.1. Introduction
4.4.2. Méthode et population
4.4.3. Résultats
4.4.4. Discussion
5. Discussion générale
6. Conclusion générale