Les devoirs : un terrain miné par des débats contradictoires

Les buts, le sens des devoirs, du travail hors les murs

  Les devoirs doivent poursuivre un but précis. L’enseignant ne doit pas distribuer des tâches dans le but d’occuper l’enfant en dehors des heures scolaires, ni pour terminer des exercices que le maître n’a pas eu le temps d’aborder en classe. En outre, les devoirs doivent permettre plus que de la simple répétition du travail réalisé en classe. « Les devoirs devraient exiger de l’élève de bâtir sur les connaissances acquises durant la journée d’école en appliquant les concepts à d’autres champs d’intérêt et en encourageant l’enfant à franchir l’étape suivante par lui-même » (Côté, 2008, p. 15). Les enseignants sont donc tenus à en donner régulièrement, mais de manière proportionnée, en respectant la charge de travail imposée par d’autres disciplines. Ce geste pédagogique est très important, non seulement parce qu’il apporte aux enseignants un renseignement précieux quant aux acquis, mais encore parce qu’il donne aux élèves une importance et une validité à leur travail. Selon Chouinard (2006), les devoirs contribuent néanmoins à consolider les apprentissages et à améliorer le rendement, et ils favorisent le développement de certaines habiletés cognitives. Sans cette phase d’appropriation exclusive du savoir, propre à chaque enfant et qui doit passer par un moment d’isolement, la notion théorique expliquée en classe a peu de chances d’être « digérée ». Les devoirs à la maison permettent à l’élève d’approfondir les connaissances abordées en cours. Grâce aux exercices qu’il doit réaliser, l’enfant se retrouve seul face à un problème donné. C’est à lui de le résoudre et c’est précisément dans cette phase active qu’il va s’approprier ce qui a été dit en classe. Alors qu’il se contente souvent d’écouter en cours, il n’est pas toujours facile de savoir ce que l’enfant a enregistré. En s’impliquant directement, plusieurs solutions s’offrent à lui : la notion est acquise, il est donc capable de résoudre le problème. La notion n’est pas acquise, l’exercice peut être un bon moyen de se l’approprier. Malgré l’exercice, il ne comprend toujours pas mais pourra demander de l’aide à un médiateur, entre autres au responsable du foyer ou à un auxiliaire dans cette situation.

Les rôles et responsabilités de l’enseignant

   Selon Poucet (2008), le problème majeur réside dans la distribution des devoirs par les enseignants. Ils ne tiennent souvent pas compte de la diversité des besoins des élèves, issus de familles très différentes. Ainsi, les difficultés des élèves se font ressentir lors des heures consacrées à l’aide aux devoirs. De ce fait, le travail hors la classe peut constituer un analyseur des fonctionnements et dysfonctionnements que rencontre l’école, en ce qui concerne, par exemple ; l’importance des consignes, le sens donné ou pas par les élèves aux diverses activités, l’aide ou l’autonomie, le lien entre l’école et ses structures externes, etc. Les inégalités d’apprentissage se font alors ressentir. Les tâches et les situations proposées par les enseignants ne se valent pas du point de vue du bénéfice cognitif que peuvent en retirer les élèves, c’est pourquoi nous pouvons parler d’inégalités d’apprentissage (Bautier, Rochex,2004). Si les devoirs présentent l’intérêt d’être un point de contact entre l’école et les parents qui voient ainsi concrètement une partie du travail scolaire, ils accentuent aussi les inégalités sociales face à l’école : les élèves en difficulté qui peinent à identifier le travail demandé ou qui sont confrontés à des obstacles d’apprentissage n’ont pas toujours l’étayage nécessaire en dehors des murs de l’école. Les élèves ne sont pas forcément plus aidés en classe où les devoirs ne font pas toujours l’objet d’un retour approfondi, notamment du point de vue des procédures pour arriver aux résultats. Sur ce point, Bautier et Rayou (2009) s’entendent très bien pour souligner le fait que les pratiques pédagogiques ont évolué dès la fin des années 70 à nos jours, en rapport à l’hétérogénéité grandissante des élèves. En effet, cette évolution imposait des adaptations de la part des enseignants. Visant la réussite pour tous, l’école a eu tendance à vouloir rendre les tâches plus accessibles, et donc parfois plus faciles à exécuter. De ce fait, l’activité intellectuelle qu’il faut conduire peut s’avérer brouillée. Selon les auteurs, les devoirs ne sont ni efficaces ni équitables, car ils ne permettent pas de réellement s’approprier les connaissances vues en classe puisque les élèves n’ont aucune envie d’effectuer leurs devoirs. Il s’agit d’une tâche dont il faut rapidement se débarrasser. De plus, l’inéquité citée par les auteurs s’expliquerait par le fait que les devoirs développeraient des inégalités entre élèves. En effet, les rôles et responsabilités de l’enseignant face aux devoirs et aux élèves sont multiples. Comme le dit Côté (2008), l’enseignant est responsable des apprentissages réalisés par ses élèves et doit mettre en place les conditions nécessaires afin de faciliter la réalisation des devoirs. Parmi ces conditions, l’auteur en cite quelques-unes non négligeables : il faut s’assurer de la disponibilité des ressources nécessaires pour réaliser les devoirs, donner des consignes claires, faire la démonstration si besoin, varier les types de devoirs afin que ce soit des devoirs significatifs, s’assurer que les élèves aient les pré-requis nécessaires, etc.

Dispositif de soutien scolaire ; l’aide aux devoirs

  Jusqu’à présent, les devoirs sont le centre d’intérêt principal qui fait débat. Mais qu’en est-il de l’aide aux devoirs ? Selon la recherche de Kakpo et Netter (2013), il est dit que le dispositif d’aide aux devoirs rencontre quelques dysfonctionnements et contraintes, notamment la forte individualisation du travail et le contexte de son organisation. Les auteurs ont cerné les dysfonctionnements qui pèsent sur la boucle pédagogique du travail des élèves (classe – devoirs – retour en classe – traitement). Ceux-ci sont nombreux ; l’irrégularité du volume des devoirs, les notions insuffisamment maîtrisées par les élèves pour effectuer le travail, les consignes floues et les supports inadaptés, la fragmentation des savoirs et des supports (multiplicité des cahiers), etc. Toutefois, j’ai pu lire dans le même document qu’il semble être bénéfique pour les élèves sur plusieurs points, surtout en ce qui concerne le développement de l’autonomie et le dialogue avec la famille qui permet de laisser transparaître quelques informations au sujet de l’école et de la classe, d’assurer un lien, une continuité. Effectivement, le travail hors la classe demande une communication entre l’intérieur et l’extérieur de l’école (Bautier, Rayou, 2009, p.17). L’enseignant distribue des tâches à ses élèves et dévolue ainsi une partie du travail à divers acteurs externes. Cependant, il est possible que les prescriptions quant aux exercices à effectuer en devoirs ne soient pas suffisamment claires pour être comprises à l’extérieur. Selon Kakpo et Netter, un type d’intervention qui fonctionne cependant, consiste à faire saisir aux élèves les enjeux d’apprentissage, en décontextualisant et recontextualisant la tâche. Mais cette démarche est chronophage et ne s’inscrit pas dans une logique d’aide aux devoirs. En effet, cela coïncide mal avec de tels dispositifs, où les sollicitations sont nombreuses. Cette médiation requiert par ailleurs de fortes compétences professionnelles. Mais ce souci d’individualisation, comme réponse aux besoins spécifiques de l’élève, est « en décalage avec la capacité matérielle des intervenants à s’y atteler » (Kakpo, Netter, 2013). Les accompagnants doivent en effet gérer un groupe d’élèves important dans un temps assez bref. Face à la difficulté à gérer le dispositif, et les sollicitations incessantes des élèves, des stratégies de survie se mettent en place, qui préservent tout le monde ; évitement, devoirs faits à la place des élèves,… Ces stratégies mènent à des effets pervers et rendent souvent l’aide aux devoirs contre-productive. Plus précisément, il existe plusieurs pratiques d’évitement des situations d’enseignement durant ce temps d’étude. Les encadrants renvoient les élèves à leurs propres ressources pour faire leurs devoirs, afin de retarder le dévoilement des besoins de remédiation des élèves. Un second type de pratique d’évitement consiste à valider directement le travail des élèves sans vérifier leur compréhension. Parfois, une autre pratique peut être observée, celle de faire à la place de l’élève. En général, cela se passe en fin de séance, notamment lorsqu’elles ont été difficiles à gérer, cependant elles sont peu fréquentes, bien heureusement. Ces diverses pratiques permettent aux encadrants de maintenir ces dispositifs. En effet, le temps d’intervention auprès de chaque élève étant restreint, l’adulte trouve des compromis, pas toujours bénéfiques à l’élève, mais néanmoins il peut profiter de passer quelques minutes auprès de chacun. Il est dit que la gestion de groupe se fait mieux lorsque l’intervenant pratique plusieurs interactions courtes avec les élèves. Effectivement, cela permet de conserver une meilleure maitrise du groupe. Par rapport à cela, Kakpo (2013) met en avant plusieurs points importants: les intervenants devraient être aussi qualifiés que les enseignants, afin de pouvoir vérifier la bonne acquisition des notions de la part des élèves et qu’ils puissent ainsi consolider leurs acquis. En opposition à cela, les enseignants prescrivent parfois des devoirs de « bas niveau cognitif » afin que les élèves puissent travailler en parfaite autonomie. Là, le rôle des intervenants devient moindre, en effet leurs interventions sont restreintes auprès des élèves. Dans d’autres cas, les tâches renvoient bel et bien à des enjeux d’apprentissage, cependant ceux-ci ne sont pas toujours compris par les élèves. Cela inciterait à transférer vers le dispositif d’aide aux devoirs les difficultés non résolues en classe. Rayou (2008, p.21), d’après ses différentes recherches, constate que « le travail hors la classe paraît souvent assez peu légitime à ceux-là mêmes qui le prescrivent, l’organisent ou l’accompagnent ». Ainsi, de nombreux élèves ont du mal à identifier les finalités de cette pratique qui n’est pas toujours claire pour leurs propres enseignants. Dans la plupart des cas, les élèves font pour faire sans se rendre compte que ce qui est visé est l’acquisition d’outils durables et utiles afin de favoriser l’autonomie dans le travail. Selon Coulon (2008, p. 46), l’aide aux devoirs est un temps d’ouverture, permettant ainsi aux élèves d’être encadrés et surveillés pour faire leurs devoirs. Néanmoins, il est dit que dans les écoles les plus difficiles, les encadrants rencontrent très souvent des difficultés en ce qui concerne la gestion de groupe. En effet, ce n’est pas évident de gérer des élèves après toute une journée de travail en classe, surtout lorsqu’il ne s’agit pas de l’enseignant reconnu des élèves et pas toujours formé pour cela. Coulon (2008) souligne que le manque de personnel enseignant a pu entrainer le recrutement de personnel insuffisamment voire pas du tout formé dans ce domaine. Il faut dire que l’aide aux devoirs est fortement liée aux devoirs eux-mêmes, c’est pourquoi ils sont abordés en premier lieu. En effet, les effets positifs mais aussi négatifs que peuvent produire les dispositifs d’aide aux devoirs dépendent intrinsèquement de ce qui circule entre classe et dispositif hors la classe.

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Table des matières

Remerciements
Résumé et mots clés
Liste des tableaux
Liste des Annexes
Introduction
Chapitre 1 – La problématique
1.1 Définition et importance de l’objet de recherche
1.2 Contexte : la Fondation du Foyer de l’Ecolier
1.3 Les devoirs : un terrain miné par des débats contradictoires
1.3.1 Les débats : utilité/inutilité ?
1.3.2 Les types de devoirs
1.3.3 Les buts, le sens des devoirs, du travail hors les murs
1.3.4 Les rôles et responsabilités de l’enseignant
1.3.5 Dispositif de soutien scolaire ; l’aide aux devoirs
1.4 Objet et questions de recherche et objectifs de recherche
Chapitre 2 – La méthodologie
2.1 Fondements méthodologiques
2.1.1 Type de recherche
2.1.2 Type d’approche
2.2 Nature du corpus
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Echantillonnage
2.3 Méthode(s) de collecte des données
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Méthode et analyse
Chapitre 3 – L’analyse et l’interprétation des résultats
3.1 Descriptif
3.2 Synthèses
3.2.1 Entretiens
3.2.2 Observations
3.3 Interprétation des résultats
3.3.1 Discussion
3.3.2 Critique
3.3.3 Portée des résultats
3.3.4 Prospectives
Conclusion
Références bibliographiques
Annexe 1 : Guide d’entretien exploratoire
Annexe 2 : Guide d’entretien – responsables
Annexe 3 : Guide d’entretien – élèves
Annexe 4 : Document à l’intention des interviewés
Annexe 5 : Document à l’intention des parents des interviewés mineurs
Annexe 6 : Contrat de recherche
Annexe 7 : Transcription des entretiens
Annexe 8 : Grille d’analyse des entretiens
Annexe 9 : Grille d’observation

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