Contexte d’exercice
En cette année scolaire 2019-2020, je suis professeur stagiaire en classe de Première STMG (Sciences et Technologies du management et de la gestion) au sein d’un lycée polyvalent de Nantes (44). Je suis en charge de deux classes, soit 70 élèves, sur des séances de Droit et Economie. Les groupes sociaux auxquels appartiennent les parents de « mes » élèves sont variés, et nous pouvons parler d’une relative mixité sociale, même si nous distinguons une majorité d’élèves de familles populaires. Par ailleurs, les schémas familiaux sont variés : parents vivants sous le même toit, parents séparés (garde alternée ou non), famille monoparentale, famille où l’influence de la fratrie sur l’élève est prépondérante (ex : un grand-frère référent, en lieu et place du parent qui ne maîtrise pas la langue de l’institution), et même un cas de MNA (mineur non accompagné) : un migrant provenant du Mali et logeant à l’hôtel, suivi par l’ASE (Aide sociale à l’enfance). L’année scolaire dernière j’étais professeur vacataire en post-bac, au sein du LEGT La Joliverie à Saint-Sébastien sur Loire (44). J’étais en charge de deux classes de BTS CG (Comptabilité et Gestion), l’une en première année, l’autre en seconde, sur des cours de Comptabilité générale (processus P1) et Systèmes d’informations (processus P7).
La mission du parent vis-à-vis de son enfant
Les parents sont tenus de plusieurs devoirs envers leurs enfants. Ils doivent les protéger en termes de sécurité, de santé et de moralité ; mais il leur appartient également d’en assurer l’EDUCATION et le développement équilibré. Ce rôle essentiel d’éducation ne se limite pas à l’inscription dans un établissement scolaire. Elle comprend aussi l’éducation morale, civique, religieuse, sexuelle… L’objectif est de lui apporter toutes les connaissances et l’apprentissage nécessaires pour qu’il puisse vivre en société et acquérir une autonomie suffisante pour le jour où il sera lui-même adulte. Plus globalement nous pouvons énoncer qu’ils doivent prendre en charge la vie et l’éducation de l’enfant : c’est-à-dire la vie présente de l’enfant, et la vie à venir de celui-ci. Le rôle du parent répond à un droit universel : le droit à l’éducation. Celui-ci est mentionné à la fois :
dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, en son article 26 : « Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. […] L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié […] ».
et dans la Convention relative aux droits de l’enfant6 émanant de l’ONU (Organisation des Nations Unies) en 1989, dans ses articles 28 : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation […] » et 29 : « Les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit notamment viser à […] :
favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;
inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales[…] ;
[…] préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société ».
Or, en matière scolaire au niveau français, la prise en compte du droit à l’éducation au niveau législatif ne s’est faite qu’avec la Loi Jospin. En son article 2 du chapitre 1er (« le droit à l’éducation ») elle mentionne que « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l’âge de trois ans dans une école […], si la famille en fait la demande. » L’éducation à l’école ne représente donc qu’une possibilité, et en ce sens la scolarisation ne pourrait-elle pas être assimilée à une forme de sous-traitance par les parents de leur mission d’éducation? La vulgarisation des textes à ce sujet, présentée notamment sur le site internet du Ministère de l’Education nationale et de le Jeunesse7 , est d’ailleurs très explicite à ce sujet dans son paragraphe sur l’obligation scolaire : « Depuis la loi Jules Ferry du 28 mars 1882, l’instruction est obligatoire. Cette obligation s’applique à partir de 3 ans, pour tous les enfants français ou étrangers résidant en France. À l’origine, la scolarisation était obligatoire jusqu’à l’âge de 13 ans […]. Depuis l’ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959, elle a été prolongée jusqu’à l’âge de 16 ans révolus. La famille a deux possibilités
scolariser dans un établissement scolaire public ou privé,
assurer l’INSTRUCTION des enfants elle-même (avec déclaration préalable) ».
Ainsi, non seulement les parents ont l’obligation d’éducation envers leurs enfants, mais ils ont également une obligation d’instruction, dont la réalisation est dans l’immense partie des cas sous-traitée à l’Ecole. En définitive donc les fonctions de parents et d’enseignants ne sont pas identiques, mais leur objectif l’est, et sera atteint par une coéducation, coordonnée et communiquée. Il est intéressant de relever la situation vécue par de nombreux parents lors du confinement du printemps 2020 en réponse à la pandémie au Covid-19. Lors de cet évènement sans précédent, l’Etat, par la force des choses, a mis fin à cette possibilité pour les parents de soustraiter l’instruction de leurs enfants. Il a fallu que les parents reprennent en main leur obligation d’instruction. Aussi professionnelle qu’ait été la continuité pédagogique assurée par l’Etat, une proportion significative (je ne dispose pour énoncer ce fait que d’observations personnelles) de parents n’ont pas réussi à prendre pleinement le relais. La proximité élève/instruction que procure l’école n’a pas pu/su être maintenue par des parents :
par manque de temps (ce qui montre bien que l’enseignement est un exercice à temps plein, autant que cet écrit serve à se le rappeler),
par manque de compétences et de méthodes (fait soulignant bien que l’enseignement est une profession nécessitant savoirs tant académiques que pédagogiques),
par manque d’infrastructures : endroit calme, accès à un ordinateur pour consulter les cahiers de texte e-primo / e-lyco et assister aux classes virtuelles, etc. (ce qui justifie aussi les moyens dont a besoin l’Ecole pour conserver sa qualité).
Qu’entend-on par instruction?
Le dictionnaire Larousse de la langue française définit l’instruction comme :
1 er sens: « l’action d’instruire quelqu’un, un groupe, de (lui) donner des connaissances, de (lui) délivrer un enseignement : l’instruction que j’ai reçue à l’école ».
2 ème sens : « l’ensemble des connaissances, en particulier des connaissances d’ordre général, qu’on acquiert par l’école, les cours, etc. : avoir une solide instruction ». et l’action d’instruire comme :
1 er sens : « donner des connaissances, des renseignements, augmenter le savoir, l’expérience de quelqu’un : instruire des jeunes enfants. Instruire des recrues ».
2 ème sens : « former l’esprit de quelqu’un, constituer pour lui un enseignement : la vie et les malheurs l’ont instruit ».
A noter que ce dictionnaire précise que ce verbe est issu du latin instruere, qui signifie outiller. Nous voyons donc bien que le sens commun donné par la société au terme instruction est celui du don de connaissance, d’enseignements, et ce en cours à l’école. La différence avec la notion d’éducation est donc bien nette. Mais littéralement parlant uniquement, car dans le langage courant la notion d’instruction est englobée dans le terme « éducation ». Preuve en est notamment que le premier synonyme qu’annonce ce même dictionnaire au mot « instruction » est le mot « éducation ». Par ailleurs, sachant qu’en Droit dans la hiérarchie des normes la Constitution prime sur les lois (c’est-à-dire que les lois doivent respecter la Constitution), et que dans les textes réglementaires vus plus haut (partie 3.3.1.1) la Constitution mentionne le terme instructionalors que la Loi Jospin celui d’éducation, nous concluons que le processus d’éducation comprend l’instruction.
Cadre réglementaire et institutionnel des devoirs à la maison
A l’école primaire, une circulaire du 29 décembre 1956 13 mentionne q’ « aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors la classe », en effet l’utilisation des devoirs à la maison à ce niveau scolaire n’est pas jugé nécessaire par le législateur. Notons qu’il s’agit des devoirs écrits, ce qui exclut les travaux d’apprentissage. Nous sommes en droit de nous demander pourquoi le législateur n’a pas étendu le périmètre au-delà de l’école primaire :
par nécessité pédagogique? : au-delà du primaire le temps en journée ne serait pas suffisant pour « faire l’école »? Mais dans ce cas ne serait-ce pas dévaloriser l’importance des enseignements du primaire?
pour des raisons de santé? : les élèves du primaire ne seraient pas davantage capables de se mettre au travail après le temps de classe?
car le législateur juge que l’élève du primaire n’est pas suffisamment mature pour que lui soient données des tâches à effectuer en responsabilité? Dans ce cas à quel stade apprendra-t-on l’autonomie à l’élève? La question reste en suspens.
Les conditions pratiques de travail des élèves
Les conditions de travail ne sont pas les mêmes pour tous les élèves ; ainsi, demander la réalisation de devoirs à la maison crée de fait des inégalités scolaires. Nous entendons par conditions de travail plusieurs éléments :
des éléments matériels : tels qu’une pièce isolée, un ordinateur, une connexion internet fiable, etc.
des éléments d’ordre logistique : le temps de déplacement entre le lieu d’habitation la semaine et le lycée, du temps passé à une activité professionnelle, etc.
des éléments liés à l’accompagnement humain : de l’aide aux devoirs (de la part des parents, d’un membre de la fratrie, d’un répétiteur (internat, cours particuliers) ), de l’intérêt des parents pour les notions étudiées par leur enfant, etc.
Outil employé pour répondre à la problématique
J’ai utilisé l’application Google Forms, application d’élaboration, d’administration, de recueil et de traitement des données de questionnaire. Cet outil spécifique possède plusieurs avantages, dont les suivants :
il est intégré à la suite bureautique Google, et notamment Google Sheets (format de données récupérables au format tableau Excel), ce qui facilite le traitement des résultats (cf infra, partie 5),
cette intégration à la suite Google permet une utilisation sans installation de logiciel par l’enquêteur et le répondant, y compris sur smartphone,
même si ses fonctionnalités sont limitées, il est simple d’utilisation, que ce soit au niveau de l’élaboration du questionnaire, ou de la saisie des réponses par le répondant,
le format Google est connu des élèves ; ce qui permet de les mettre en confiance lors de l’administration du questionnaire.
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Table des matières
1. Remerciements
2. Engagement de non-plagiat
3. Introduction
3.1. Présentation de la structure du mémoire
3.2. Contexte d’exercice
3.3. Questionnement personnel
3.3.1. INSTRUCTION vs EDUCATION
3.3.1.1. La mission de l’enseignant
3.3.1.2. La mission du parent vis-à-vis de son enfant
3.3.2. Niveau d’implication des élèves en dehors de la salle de classe
3.3.3. L’accompagnement des parents dans la réalisation des devoirs
3.4. Définitions
3.4.1. Qu’entend-on par instruction?
3.4.2. Inégalités scolaires, inégalités sociales
3.4.3. Les devoirs à la maison : le cadre réglementaire
3.4.3.1. Définition
3.4.3.2. Cadre réglementaire et institutionnel des devoirs à la maison
4. Revue de littérature
4.1. Les travaux de recherche ayant déjà mis en rapport devoirs à la maison et inégalités scolaires et sociales
4.2. Problématique
4.3. Hypothèses
4.3.1. Les conditions pratiques de travail des élèves
4.3.2. La question de l’autonomie et des méthodologies personnelles d’apprentissage des élèves
4.3.3. La contradiction entre méthodes pédagogiques nouvelles et méthodes de l’encadrant hors la classe
4.4. Cadre méthodologique mis en place pour le recueil des données de recherche
4.4.1. Introduction
4.4.2. Outil employé pour répondre à la problématique
4.4.3. Construction du questionnaire
5. Résultats : présentation et analyse
5.1. Limite du recueil de données
5.2. Relation entre devoirs à la maison et résultats scolaires
5.3. Eléments de réponse à l’hypothèse 1 (conditions de travail, cf 4.3.1)
5.3.1. Les inégalités matérielles
5.3.2. Les inégalités d’ordre logistique
5.3.3. Les inégalités liées à l’accompagnement humain
5.4. Eléments de réponse à l’hypothèse 2 (autonomie et méthodologie, cf 4.3.2)
5.4.1. Certains indicateurs de performance méthodologique confirment le sentiment d’autonomie des élèves
5.4.2. …tandis que d’autres ne sont pas aussi positifs
5.5. Eléments de réponse à l’hypothèse 3 (contradictions méthodes pédagogiques professeurs/parents, cf 4.3.3)
5.6. Bilan de cette recherche : discussion
5.7. Conclusion et ouverture
6. Bibliographie
6.1. Ouvrages et publications
6.2. Textes officiels
6.3. Internet
7. Annexe
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