Les deux bassins versants pilotes : Ouzini-Ajaho et Lingoni-Pomoni

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Le cadre physique

L’état des connaissances

En 1953, Saint Ours & Pavlovsky publient un rapport et des cartes de reconnaissances au 1/200 000 sur la géologie de l’archipel des Comores. En 1986, Nougier et al., cités par Debeuf [2004], ont réalisé une cartographie succincte de l’île et ont précisé les datations de trois phases volcaniques. En 2004, le Laboratoire des Sciences de la Terre de l’Université de La Réunion a établi une carte non publiée qui donne plus de détails pétrographiques. En 2009, la société Parskani [2009] a dressé une carte qui apporte des précisions sur les ressources minérales. Quant à l’hydrogéologie, il a fallu attendre 2013 pour qu’un rapport sur l’« ébauche du fonctionnement hydrogéologique de l’île d’Anjouan » soit publié par Charmoille dans le cadre du projet ECDD14 après une mission du terrain effectuée en août 2012. Dans ce rapport, l’auteur s’est référé aux particularités hydrogéologiques des îles volcaniques, aux investigations hydrochimiques et à quelques données hydrauliques disponibles pour élaborer un schéma de fonctionnement hydrogéologique de l’île d’Anjouan. Il a engagé une discussion sur l’impact de la déforestation sur les ressources en eau et a fait des propositions pour la gestion des ces ressources. Mais aucun sondage géophysique n’a jusqu’à présent été réalisé à Anjouan. Des recherches ont cependant été effectuées dans les autres îles de l’archipel pour ne citer que celles de Saint Ours & Pavlovsky [1953], de Boinali [1982] en Grande-Comore, de Jourdain et al. [2002] à Mayotte, etc. Les distances séparant ces îles sont données à la figure 1.

Un relief accidenté

D’une structure polyédrique à base triangulaire, Anjouan comprend trois domaines morphologiques : un massif central élevé et accidenté, une façade littorale avec des plaines restreintes et trois péninsules au Nord, à l’Ouest et au Sud (figure 3).
Un massif central élevé et accidenté
Le massif central d’Anjouan est sculpté par une intense érosion. Les coulées volcaniques anciennes qui donnent les points culminants (Ntringui à 1595 m et Trindrini à 1474 m d’altitude) ont été découpées en crêtes généralement aigües ou, pour le moins, très étroites. Ces crêtes s’élèvent d’un seul jet à quelques 500 m au-dessus d’une série de dépressions intérieures [Tricart, 1972]. Ces dernières correspondent à des cratères anciens ou à des dépressions fermées et/ou des cirques (Bambao et Ouzini à l’Est, Pomoni au Sudouest, etc.) et des gorges encaissées (vallées de Lingoni au Sud-Ouest, d’Ouzini à l’Est, etc.). La plupart des vallées qui sont extrêmement étroites et encaissées rendent impossible leur cartographie avec des données SRTM15 à la résolution de 90 m.
Le centre Sud-Ouest reste le plus accidenté de l’île. Les pentes fortes à très fortes de 26° à plus de 45° dominent le massif central (figure 4). Les foirages, les coups de cuillère et les coulées boueuses sont fréquents sur ces pentes raides, plus particulièrement Ntringui [Tricart & Kilian, 1979].
Une façade littorale avec des plaines restreintes
Coulées et planèzes dominent directement le rivage, ne laissant place que très localement à des plaines côtières de taille réduite qui, dans l’ensemble, représentent moins de 3% de la surface totale de l’île [Brunhes & Dandoy, 1978]. Les plus importantes sont les plaines de Bambao et Domoni à l’Est, d’Ouani et Mutsamudu au Nord-Ouest, de Pomoni au Sud-ouest et de l’extrême Sud. En général, elles se situent à moins de 100 m d’altitude, leur largeur dépasse rarement 1 km et leurs pentes varient de nulle à moyenne (0° à 13,59°) (figure 4). Le taux de drainage y est de ce fait nul à moyen. Certaines de ces petites plaines côtières sont donc sujettes à des inondations comme ce fut le cas à Mirontsy le 13 février 2013. Le littoral présente cependant, des secteurs de côte plus élevée formant des falaises surplombant la mer.

La genèse : les « trois paroxysmes volcaniques »

Dans l’ensemble de l’archipel des Comores, trois principales phases volcaniques ont été définies par Saint Ours & Pavlovsky [1953], « Esson et al., [1970] puis Flower [1973] » cités par Charmoille [2003a], Debeuf [2004] et de la carte géologique du Laboratoire des Sciences de la Terre de l’Université de La Réunion (figure 5). Elles ont mis en place 3 séries de formations géologiques dominées par des laves à faciès basaltiques. Une carte sommaire établie par Nougier et al. 1986 [cf. Debeuf, 2004] précise leur datation. En s’appuyant sur les travaux évoqués plus haut et sur ses observations sur le terrain, Charmoille [2013a] détaille les différentes phases de structuration de l’île tout en privilégiant la thèse d’une formation géologique en trois phases (figures 5 & 6) :
Les séries récentes correspondent à une longue période d’érosion qui remonte de 2,5 à 1,5 Ma. De « profondes vallées se sont creusées, formant un relief très escarpé comparable à celui observable aujourd’hui. La phase d’éruption tardive n’a pas fondamentalement modifié la structure générale de l’île. Les coulées volcaniques sont venues remplir les vallées creusées par l’érosion se déposant en discordance sur les terrains et les formations déjà présentes et notamment les produits d’érosion-sédimentation tels que les zones alluvionnaires (Flower, 1973) » [Charmoille, 2013a]. Il s’agit de laves à texture fluide de nature téphritique et riches en amphibolite brune, couvrant 7 % de l’île. Elles se localisent au NNO et NO entre les localités de Ouani et Bazimini ainsi qu’entre Bandrani et Sima, au Centre SO à Pomoni et au NO de cette localité et à l’Est du côté de Bambao et Domoni.

Le fonctionnement hydrogéologique

Une première typologie de l’ensemble des ressources en eaux souterraines d’Anjouan a été dressée par Charmoille [2013a]. Nous présentons le résumé de ses travaux avec les figures montrant la structure et le fonctionnement des aquifères identifiées :
des nappes d’eau souterraines (figure 7a)
Elles sont constituées principalement par les terrains mis en place lors de la construction du noyau central de l’île et les deux premières phases volcaniques illustrées par la figure 5. Ces nappes d’eau souterraines sont drainées par des sources présentes sur les versants de l’île et alimentent les différents cours d’eau. Les émergences observées sur des basaltes sains dans les fonds de vallées de Lingoni, d’Ouzini et d’Ajaho, etc. témoignent de l’existence de ces réserves d’eau et de leur connexion probable avec les cours d’eau.
– des nappes aquifères perchées (figure 7b)
Elles sont constituées par les cônes volcaniques scoriacés et les coulées basaltiques de la dernière phase volcanique. Ces matériaux se sont déposés à la surface de l’île après une longue phase d’érosion. Ils constituent des aquifères perchés, autant dans la partie centrale de l’île (source de Mromi à Outsa de Magouni à Ouzini se trouvant à plus de 700 m d’altitude) que sur les presqu’îles : source de Mabougani et Dzindri de bas dans la presqu’île de Sima, etc.
– de petites nappes alluviales côtières (figure 7c)
L’alimentation de ces nappes se fait par les précipitations et par l’infiltration des cours d’eau qui circulent en surface. Il est également supposé que leur partie amont bénéficie des apports de l’aquifère principal. Ces petites nappes alluviales, pouvant être atteintes à faible profondeur par endroit à Pomoni (exemple de 1 m), sont seulement exploitées pour le maraichage.
– des nappes aquifères de coulée de vallée (figure 7d)
Ce type d’aquifère pourrait constituer une ressource intéressante, d’autant que la base de type de coulée déposée après une phase d’érosion recouvre des dépôts alluviaux fluviatiles présentant une perméabilité d’interstices avec généralement de bonnes propriétés aquifères.

Des précipitations inégalement réparties dans l’espace-temps

Les quatre grands versants (Nord, Nord-Ouest, Est et Sud-Ouest) exposés aux vents constituent des barrières orographiques contre lesquelles butent les flux aériens. Ces masses d’air humide en mouvement sont contraintes de s’élever. Cette élévation provoque détente, refroidissement et condensation [Foucault, 2009] puis précipitations pouvant dépasser 2500 mm. Par contre, dans les régions bien ventées, sans obstacle au passage des vents, les précipitations sont assez faibles – moins de 1500 mm aux trois extrémités de l’île [Brouwers, 1973] (figure 10).

Des températures inégalement réparties dans l’espace-temps

Les données thermo-spatiales de WorldClim permettent d’établir une première carte isothermique approximative bien que la résolution soit d’environ 1 km² par pixel (figure 13). Comme celle des isohyètes d’Anjouan, la carte des isothermes montre un gradient thermique vertical. Brouwers [1973] l’estime de l’ordre 0,5°C par 100 m en raison de l’humidité élevée de l’air. Dans le massif central où culminent les monts Ntringui et Trindrini, les températures varient de 18° à 20°. Les versants situés entre 950 m et 350 m d’altitude correspondent grossièrement à des moyennes thermiques comprises entre 20°C et 22°C (figure 13). Ces dernières sont inégalement réparties entre les domaines climatiques Nord, Nord-Ouest, Sud-Ouest et Est (cf. I.3.2). Certaines localités du versant Est situées par exemple à 351 m d’altitude sont incluses dans la bande de 20°C et 22°C, ce qui n’est pas le cas pour celles du Nord, Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Une telle situation s’explique par une différence de la durée d’exposition des versants aux radiations solaires. Quant aux pointes de Sima au Nord-Ouest, de Jimlimé au Nord et de Mrémani au Sud ainsi que les milieux littoraux, ils connaissent les températures les plus élevées d’Anjouan. La moyenne fournie par les données thermo-spatiales de WorldClim y est de 25°C. Cette valeur doit être revue à la hausse si l’on considère les moyennes annuelles enregistrées par localité. Sur le littoral à 12 m d’altitude Nord-Nord-Ouest par exemple, une moyenne thermique de 26°C a été enregistrée à la station météorologique de l’aérodrome d’Ouani de 1978 à 1996.

Les trois sections longitudinales des cours d’eau

Une zonation des cours d’eau a été définie de l’amont en aval en fonction de la pente, de la vitesse moyenne du courant et de la granulométrie des formations superficielles du chenal [Labat et al., 2006]. Elle est répartie en trois sections longitudinales :
– une section amont située au-dessus de 200 m jusqu’à 1500 m qui peut être assimilée au cours supérieur. Elle est caractérisée par un débit d’étiage très faible et une succession de rapides. La pente est généralement supérieure à 10%. Le chenal est constitué d’un granulat grossier et est encombré de blocs de roches basaltiques.
une section intermédiaire qui constitue le cours moyen situé entre 10 et 200 m d’altitude. La pente est inférieure à 10% et des fonds sableux peuvent être observés dans les portions à faible courant.
une section aval qui correspond au cours inférieur situé entre 0 et 10 m d’altitude. Elle englobe la partie basse des cours d’eau situés dans la plaine littorale et peut être divisée en deux parties : la première sous-section, située en amont de la zone d’influence de la marée, est composée de faciès d’écoulements de type lentique ; la seconde, la zone d’estuaire, est sous influence de la marée.

La typologie des sols

Suivant la nature des produits du volcanisme à Anjouan, huit types de sol ont été cartographiés en 1952 par le SGM (figure 19). Les sols hydromorphes n’ont pas été figurés vu leurs faibles surfaces couvertes par rapport à l’échelle de la carte (1/ 100 000).
Les sols bruns squelettiques sur basalte avec roches apparentes dominent. Ils couvrent 42,2 % de l’île et s’étendent à moins de 700 m d’altitude. Ces sols sont généralement mis en culture ou occupés par des bâtis.
– Les sols brun-rouges latéritiques sous forêt occupent la deuxième position. Ils couvrent le domaine central d’Anjouan avec 24,7% de superficie selon la carte du SGM Mais, cette part doit être revue à la baisse car la couverture forestière ayant diminué au profit de l’agriculture, cela a entrainé, par endroit, une troncature de la partie supérieure du solum.
– Les sols rouges latéritiques sur basalte se rencontrent généralement sur les trois péninsules de Jimlimé, Sima et Mrémani. Ils occupent 13, 6 % d’Anjouan. Ce type de sol est très fragile et en quelques années, des méthodes agricoles inadaptées peuvent le rendre pratiquement stérile [Aubert, 1954].
– Les sols bruns ou beiges non latéritiques se sont formés sur des cendres volcaniques. Ils couvrent 8,4 % d’Anjouan et se concentrent dans la région d’Ouani au Nord et de Mrémani au Sud, dans le cirque de Bazimini et Tsembehu vers le centre Nord où la topographie est plus ou moins plane.
– Les alluvions brunes avec galets de basalte sont confinées dans des fonds de vallées encaissés ou sur de petites plaines littorales. Ces accumulations alluviales n’occupent que 5,4 % de l’île. Elles sont fréquemment caillouteuses. La texture fine est généralement limoneuse parfois sableuse, localement argileuse [Brouwers, 1973]. Avec leur forte potentialité agricole, les alluvions sont dans l’ensemble mises en culture.

La méthodologie et les concepts

Après avoir décrit le milieu d’étude, nous allons développer la méthodologie et les concepts qui seront utilisés pour répondre à la problématique de la perturbation du fonctionnement hydrologique des bassins versants. Cette méthode comprend une approche naturaliste des milieux et une approche sociale.
) L’approche naturaliste des milieux concerne :
– des relevés de terrain et l’identification d’échantillons botaniques et pédologiques en laboratoire ;
– la collecte et les traitements de données spatiales et climatiques ;
– la caractérisation morphométriques des bassins versants.
) L’approche sociale se focalise sur :
– des enquêtes photographiques pour mettre en évidence les représentations paysagères des institutionnels, des écogardes et des habitants ;
– un recueil de témoignages sur les trajectoires paysagères des bassins versants ;
– des enquêtes ethno-écologiques et ethno-taxonomiques ;
– une évaluation sociale de la vulnérabilité floristique.
L’usage du concept de Géosystème de Bertrand nous a permis de concilier ces deux approches. Enfin, nous verrons les limites relatives aux données collectées : imagerie spatiale et statistiques.

L’approche naturaliste des milieux

La première phase de la recherche a été d’acquérir des connaissances générales sur la zone d’étude : Anjouan. Cette acquisition s’appuie sur la documentation, des observations par la cartographie et l’imagerie satellitaire et aérienne ainsi que des prospections préliminaires sur le terrain. Il a été par la suite question d’échantillonner des sites pilotes après avoir défini leurs limites respectives en se référant aux contextes géographiques et à la problématique. Après avoir cerné le milieu d’étude (le bassin versant), les composantes naturelles et anthropiques existantes ont fait l’objet d’un inventaire plus ou moins systématique. En effet, il existe très peu de données disponibles sur Anjouan, et à fortiori à grande échelle. L’étape suivante a été de décrire, caractériser et comparer ces composantes entre les bassins versants pilotes et analyser la dynamique de leur évolution pour pouvoir identifier les impacts des changements sur le fonctionnement hydrologique (figure 22)

Des relevés à l’identification des échantillons écologiques

Selon l’accessibilité du site lors des prospections, nous avons suivi des transects pour constater l’agencement des unités paysagères du fond des vallées vers les hauts de versants. L’objectif a été d’identifier un versant constituant un échantillon représentatif de la typologie d’occupation des sols du bassin versant. A chaque zone de transition entre deux unités physionomiques différentes, nous avons pris les coordonnées par GPS qui ont été ensuite projetées sur une carte topographique pour définir les altitudes exactes et spatialiser le transect. Des photographies ont été prises sous différents angles à partir de points d’observations depuis les hauts de versants. Elles ont été traitées sous logiciel Photoshop CS6 et Adobe Illustrator CS pour établir des blocs-diagrammes permettant de visualiser le terrain comme en 3D.
Des collectes floristiques itinérantes ont été effectuées dans les fonds de vallées, sur les versants et les collines occupés par les forêts. Des inventaires floristiques ont été par la suite effectués dans des géotopes arborés et herbeux riverains des cours d’eau permanents et intermittents. A cette échelle, nous avons tenu compte des paramètres :
– mésologiques, dont le nom de la localité, le type d’habitat écologique, les coordonnées géographiques, la topographie, le drainage et la température du sol ;
– floristiques concernant les noms scientifiques et vernaculaires, l’abondance numérique par espèce et l’état phénologique ;
– dendrométriques dont le Diamètre à Hauteur de Poitrine (DHP) et la Hauteur Maximale (HM).

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Table des matières

Acronymes
Introduction générale
Partie I. Le terrain et les outils méthodologiques
Chapitre I. Anjouan, un espace atelier
Chapitre II. La méthodologie et les concepts
Partie II. Les deux bassins versants pilotes : Ouzini-Ajaho et Lingoni-Pomoni
Chapitre III. Analyse descriptive des composantes géosystémiques
Chapitre IV. Dynamiques d’évolution des composantes géosystémiques
Partie III. A la recherche d’un modèle d’analyses
Chapitre V. Multiplicité des acteurs, multiplicité des regards
Chapitre VI. La perturbation du fonctionnement hydrologique des bassins versants : mythe et réalité, sensibilité des milieux et modèle d’aménagement
Conclusion générale
Bibliographie et webographie

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