Historique et évolution des modes de financement
La Finance Islamique est pratiquée par les commerçants des pays musulmans depuis des siècles mais elle a connu une ascension dans les années 50’s, grâce aux percées de la propriété intellectuelle et de la publication de « An Outline of Intérêt moins Banking » par Uzair Ahmad. Toutefois, c’est dans les années 40’s que son histoire a débuté, puis, nous avons assisté à l’apparition de l’économie Islamique. Depuis, elle a beaucoup évolué. En effet, elle s’est toujours érigée contre les inégalités sociales prônant ainsi le partage des ressources. Cette prise de position va à l’encontre des différents courants dominants à cette époque. L’économie musulmane ainsi que la religion en elle-même ont fait l’objet de nombreuses interrogations à l’aube du 20ème siècle. Le philosophe et poète indien Muhammad Iqbal (1873-1938) est le premier à s’interroger, en 1902, sur « le sous-développement des musulmans au regard de la supériorité technique et économique de la puissance Un peu plus tard, nous avons assisté à l’avènement de l’économie Islamique avec l’ouvrage « The economic Problem of Man and its Islamic Solution » d’Abul Ala Mawdudi. Cet ouvrage a largement contribué à la démocratisation de l’économie Islamique à travers une mise en exergue de certains versets du Coran ; ces derniers portent sur l’obligation d’acquérir des biens de manière licite ainsi que sur la notion de propriété. D’une part, l’économie Islamique repose sur une religion qui place l’Homme et l’ensemble de ses intérêts en première ligne ; d’autre part, elle propose une nouvelle vision de l’économie. Une vision autre que celle proposée pas les capitalistes ou les communistes. Dans les années 70, la Finance Islamique s’est développée à l’image de l’économie Islamique. En effet, ses techniques aisément modélisables lui ont valu une rapide intégration au cœur de la finance mondiale. Par conséquent, un corps de métier spécialisé en Finance a participé à la mise au point et à la diffusion de pratiques bancaires basées sur les textes sacrés de l’Islam. Aussi, ces spécialistes ont-ils veillé à la bonne intégration de ces dernières aux rouages de la finance mondiale. Nous évoquerons les expériences du Pakistan dans les années 50’s et d’Egypte en 1963. En effet, l’établissement d’une banque d’épargne à Mit Ghamr constitua le point de départ. Le choc pétrolier des années 70’s et le problème de la surliquidité, consécutif au développement de l’industrie pétrolière, ont rendu nécessaire la création d’institutions financières spécifiques dans la région. Ainsi, en 1974, fut créée la Banque Islamique du Développement à l’initiative de l’Arabie Saoudite, de la Libye, des Emirats Arabe Unis, du Koweït, ce qui a marqué l’histoire du système financier Islamique. En 1981, la Banque Islamique Dar Al Mal Al Islami fut fondée à Genève. Il s’agit du premier établissement bancaire Islamique dans le monde occidental (Causse, 2009). Parallèlement, les Banques Islamiques ont été quasiment absentes du système financier des pays du Maghreb et le monde de la Finance Conventionnelle l’assimilait d’ailleurs à une niche de marché peu compétitive (Causse, 2009). Suite à l’attaque du 11 Septembre 2001, les revenus des investisseurs du Moyen-Orient ont été rapatriés d’Occident par crainte de les voir gelés. Ce phénomène a entraîné une accumulation de liquidités, qui fut à l’origine du progrès de la Finance Islamique. La multiplication d’établissements répondant à la Finance Islamique témoigne de son fulgurant succès. En effet, environ 75 pays accueillent, de nos jours, des établissements bancaires Islamiques. Aussi, nous en recensons 300 actuellement, contre un seul en 1975. La taille du marché de la Finance Islamique est estimée entre 600 et 800 milliards de dollars avec un taux de croissance à deux chiffres compris entre 10% et 15% ; un taux largement supérieur à celui de la Finance Conventionnelle (Causse, 2009).
La prohibition de l’intérêt (Riba)
Il semblerait que, seul le Coran, interdise catégoriquement la pratique de l’intérêt lors de la conclusion d’un prêt, quelle que soit la durée dudit prêt. En effet, le temps ne peut faire l’objet d’une rémunération. Quant au Judaïsme, la pratique de l’intérêt est prohibée, uniquement, si les deux parties impliquées dans la transaction sont juives. Les Catholiques, en revanche, tolèrent des taux dits »raisonnables » et appellent au respect d’une limite morale. Mais, l’interdiction de l’usure ne se limite pas aux opérations de prêt : selon les jurisconsultes musulmans, « le Riba ne se limite pas à l’usure, mais aux intérêts payés sur les prêts de toutes sortes quels qu’en soient le volume et l’usage auxquels ils sont destinés (prêts à la production ou prêts à la consommation) sont également assimilés à la définition du Riba » (Chaar, 2008b). Le Riba est défini comme tout intérêt ou bénéfice convenu en fonction d’une durée connue, stipulé contractuellement ou non, suite à la réception d’un capital initial. L’interdiction du Riba est le principal point de différence conceptuelle entre la Finance Conventionnelle et la Finance Islamique. L’interdiction du Riba peut trouver une justification dans la différence substantielle qui existe dans la conception de la Notion de l’Argent. Adam Smith a recouru à la métaphore de la roue chargée de déplacer les richesses réelles pour défendre sa conception de l’argent. Selon lui, il s’agit d’un moyen qui permet le transfert de la propriété, l’échange de biens ou le louage de services. Ce principe a été défendu auparavant par Aristote et Platon . « L’argent ne fait pas de petits », Aristote. Cette métaphore renvoie à la notion de l’intérêt, qui est vu comme de la monnaie créée à partir d’elle-même. La monnaie ne peut donc être considérée comme un bien ; de même, l’argent issu de l’intérêt n’étant pas le fruit du travail, il est moralement illégal et est considéré comme un détournement. Ainsi, le Riba symboliserait et accentuerait les inégalités entre les agents économiques dans la mesure où l’emprunteur est exploité par le prêteur. En effet, l’ensemble des risques est supporté par l’emprunteur qui doit, en plus de la somme empruntée, rémunérer son créancier en fonction du montant et de la durée de l’emprunt. En revanche, la justice sociale et économique, concrétisée par le partage des pertes et des profits, s’inscrit dans les principes fondamentaux de la Finance Islamique; cela se concrétise à travers la prohibition de toute forme d’injustice ou d’abus.
L’intermédiation bancaire
Dans le système financier conventionnel, les banques collectent des fonds à la base des dépôts garantis et rémunérés à un taux fixé d’avance. Elles disposent également d’un ensemble de produits et services. Elles sont le point de rencontre entre les investisseurs et les demandeurs de crédit. L’octroi d’un financement est soumis, quant à lui, aux exigences très strictes qui résultent de l’optimisation du couple Rendement/Risque, en l’occurrence celle de la profitabilité et de la solvabilité. Ces dernières influencent fortement la décision finale et engendrent la création d’un schéma de gestion des risques. La Finance Islamique présente, en revanche, un modèle distinct et une approche de l’intermédiation dans lesquels la banque est aussi impliquée dans le partage de la Perte et du Profit. Les instruments financiers utilisent des techniques particulières de collecte de fonds, de mobilisation et d’affectation des ressources. Ces dernières sont conçues afin de répondre aux directives et aux principes de la loi Islamique. Le développement des marchés Financiers Islamiques et l’émergence de nouvelles opportunités, notamment des services »Sharia Friendly », dans les sociétés occidentales se traduisent par la multiplication des Islamic Windows. Il s’agit de structures proposant des produits et des services financiers répondant aux standards de la Finance Islamique. Le rôle d’intermédiation, joué par les Banques Islamiques, est au cœur du mécanisme des institutions financières et il se distingue nettement de celui qu’entretiennent les Banques Conventionnelles, dès lors que leur rémunération est subordonnée au rendement des activités financées. La prohibition de l’intérêt, de la spéculation, ainsi que de toutes les obligations quirésultent du processus de Filtrage, influencent considérablement leur fonctionnement, leurs ressources et la structure même de leur Bilan (Actif/ Passif). Les ressources d’une Banque Islamique proviennent des fonds déposés sur des comptes spéciaux dédiés à cet effet. Ces derniers sont mobilisés et régis par la banque, elle-même selon un contrat établi, afin de financer des investissements. En effet, le simple fait de déposer des fonds n’autorise pas forcément la banque à en faire un quelconque usage, ni ne procure au dépositaire un quelconque droit à rémunération. Les comptes de dépôts sont, en effet, de deux types : d’un côté les comptes courant et, de l’autre côté, les comptes d’investissement participatif. La première catégorie permet au titulaire du compte de profiter de services de type dépôt à vue. La deuxième catégorie de comptes correspond aux comptes d’investissement participatif ; c’est-à-dire un compte de dépôt qui autorise la banque à gérer les fonds ainsi déposés dans des conditions bien définies. Ces fonds sont ensuite alloués et servent à financer des Actifs selon deux modes de financement : un financement participatif à revenu aléatoire (Profit and Loss Sharing Investment) et un financement commercial à revenu fixe (Non ProfitLoss Sharing Investment).
Les différents types de crédits offerts aux entreprises
Le crédit peut se définir comme une assistance financière du banquier à l’entreprise. Actuellement, il existe plusieurs formes de crédits offerts par les banques ; il serait donc très fastidieux de toutes les détailler ici. Ainsi, nous ne pouvons faire ici qu’une présentation d’ensemble de ces types de crédits. Deux principales formes sont bien connues : le crédit direct qui permet une mise à disposition des fonds (crédit par décaissement) et le crédit indirect qui donne lieu à un engagement du banquier d’honorer la signature de son client en cas de défaillance de ce dernier (crédit par signature). Pour le premier type de crédit, ils sont classés selon la durée, on distingue ainsi :
Le crédit à court terme : la durée est inférieure à deux ans. Il sert à financer les opérations d’exploitation de l’entreprise telles que la production et la commercialisation ;
Le crédit à moyen terme : sa durée est comprise entre deux et sept ans. Il correspond aux crédits d’investissement. D’un point de vue historique, il faut distinguer deux sortes de crédits à moyen terme : les crédits mobilisables et les non mobilisables. Les crédits à moyen terme mobilisables représentent, de nos jours, la part la plus importante des financements ;
Le crédit à long terme : la durée dépasse sept ans. ce sont des crédits d’investissement destinés à l’acquisition d’immobilisations de longue durée de vie.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. Historique et évolution des modes de financement
II. La Finance Islamique dans le système financier global
III. Architecture de la thèse
Chapitre I .Les Banques Islamiques : Quelles Différences Avec Les Banques Conventionnelles?
I. Introduction
II. Les Fondements de La Finance Islamique
1. La prohibition de l’intérêt (Riba)
2. Le partage de perte et de profit
3. L’exigence de la transparence et l’interdiction de la spéculation et de ses dérivés
3.1 L’interdiction du Gharar
3.2 L’interdiction du Maysir
4. L’interdiction de financer des secteurs immoraux et non éthiques
4.1 Le filtrage extra-financier
4.2 Le filtrage financier
5. L’exigence de la traçabilité et l’adossement des contrats à un actif tangible
III. L’intermédiation bancaire
1. Les Comptes d’Investissement Participatif : des comptes de dépôts non garantis
IV. Les Instruments de Financement de l’Actif
1. Les instruments de financement à revenus fixes
1.1 Le contrat Murabaha
1.2 Le contrat Ijara
1.3 Le contrat de Vente à terme : Contrat Salam
1.4 Le Contrat Istisna : Vente en l’état futur d’achèvement
1.5 Prêts Sans Intérêt : Qard Hassan
1.6 Le marché du financement obligataire: le marché des Sukuk
2. Les instruments de financement à revenus aléatoires
2.1 Les financements régis par le contrat Musharaka : Joint-Venture
2.2 Le Contrat Mudharaba : L’association dans le profit
V. La Banque Islamique et La Structure du Bilan
VI. Les règles de Gouvernance
VII. Les Banques Islamiques face au Risque
1. Le risque de Contrepartie
2. Le risque de Marché
3. Le risque Opérationnel
4. Le risque de Liquidité
5. Des risques spécifiques aux Banques Islamiques
VIII. Conclusion
Chapitre II. Relation Banque Entreprise En Vue de l’Octroi d’un Crédit : Banque Islamique Versus Banque Conventionnelle
I. Introduction
II. Les théories de structure de capital
1. La théorie du ratio optimal d’endettement (Trade-Off Theory)
2. La théorie de financement hiérarchique (Pecking Order Theory)
3. Les théories de structure financière dans un contexte Islamique
III. Les différents types de crédits offerts aux entreprises
IV. Les objectifs majeurs du diagnostic bancaire de l’entreprise
1. Le diagnostic économique et financier
1.1 L’analyse de la structure financière de l’entreprise
1.1.1 L’appréciation de la solvabilité
1.1.2 1.’appréciation de la liquidité
1.1.3 L’appréciation de la rentabilité de l’entreprise
1.1.4 L’appréciation du risque économique
2. Le diagnostic stratégique et psychosociologique
V. Les méthodes et les outils du diagnostic
VI. Processus du diagnostic d’une demande de crédit Entreprise
1. La recherche d’information
1.1 Les différents types d’informations
1.1.1 Les informations internes
a. Les informations financières et économiques
b. Les informations extra financières
1.1.2 Les informations externes
1.2 Les sources d’informations
1.2.1 Les sources internes
1.2.2 Les sources externes
2. La nature de l’information
3. L’analyse de la structure financière et de l’équilibre financier de l’entreprise
3.1 L’analyse de la rentabilité de l’entreprise
3.1.1 Les principaux ratios de rentabilité
a. La rentabilité économique
b. La rentabilité financière = résultat net / capitaux propres
3.1.2 L’analyse du risque d’exploitation et la structure des coûts
4. L’analyse du risque économique
VII. Le diagnostic des indicateurs extra financiers
1. L’environnement de l’entreprise
2. Le management
3. La politique générale de l’entreprise
4. L’appréciation des indicateurs spécifiques au projet
5. L’impact des contraintes et des caractéristiques financières et réglementaires de la banque
VIII. La limitation du risque associé à la demande de crédit
1. La délégation de pouvoir de signature et la qualité des analystes
2. La division et le plafonnement du risque sur l’entreprise
2.1 La division des risques
2.2 Le plafonnement des risques
2.3 Analyse et prise de garanties suffisantes
2.3.1 L’inspection des éléments de garantie
a. Les garanties réelles
b. Les garanties personnelles
3. Le nombre des banques en exercice avec le client
4. L’existence d’un crédit antérieur
5. La force de la relation mesurée par la durée
IX. Synthèse et décision d’octroi du crédit
1. Synthèse du diagnostic
2. La décision à prendre
X. Le recours à la Banque Islamique
XI. Conclusion
Chapitre III. MÉTHODOLOGIE ET MODELE DE RECHERCHE
I. Introduction
II. Revue de la littérature
III. Hypothèses de recherche et définition des variables
1. Les hypothèses de recherche
2. Définition et opérationnalisation des variables
2.1 La variable dépendante : Le levier d’endettement
2.2 Les variables explicatives
2.2.1 La rentabilité économique (ROA)
2.2.2 La taille (SIZE)
2.2.3 La garantie (TANG)
IV. Epistémologie, design de recherche et choix méthodologique
1. Positionnement épistémologique
2. Le design de la recherche
3. Le choix méthodologique
V. Conclusion
Chapitre IV. ANALYSE EMPIRIQUE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
I. Introduction
II. Echantillon et données
III. Rappel des hypothèses
IV. Présentation des résultats
1. Statistiques descriptives et tests de comparaison des moyennes
2. Test de corrélation
3. Le modèle empirique
3.1 Le test de présence d’effets individuels
3.2 Estimation sur des données en panel
3.2.1 Les avantages et les inconvénients des données de panel
3.3 Régression sur données de panel
3.3.1 Test d’Hausman
3.3.2 Régression sur données de panel par banque
V. Discussion des résultats
VI. Conclusion
CONCLUSION GENERALE
I. Rappel de la problématique et synthèse des chapitres
1. Objet de la recherche
2. Les chapitres
II. Les apports de la recherche
1. Les apports théoriques
2. Les apports Méthodologiques
3. Les apports managériaux
III. Les limites de la recherche
1. Les limites théoriques
2. Les limites méthodologiques
IV. Les pistes de réflexion
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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