La fréquence élevée et sa gravité chez les enfants âgés de 0 à 5 ans, font de la malnutrition protéino-calorique un important problème de santé publique en zone tropicale. Le coût élevé du traitement hospitalier des formes sévères explique l’accent mis actuellement sur sa prophylaxie. La surveillance de la taille et la pesée régulière des enfants sont d’excellents moyens de surveillance. Si la malnutrition est modérée il suffit de dispenser à la mère des conseils sur l’alimentation infantile et de poursuivre la surveillance pondérale. Si elle est déjà plus avancée il faut non seulement conseiller la mère, mais aussi donner à l’enfant un aliment de complément riche en protéines et si possible le diriger vers un centre de récupération nutritionnelle. (1) A Madagascar, l’étendue du pays et l’insuffisance des centres de surveillance et de prise en charge compliquent la mise en œuvre du programme de lutte contre la malnutrition. « Lutte contre la malnutrition au CSB2 d’Ambohipo » est une étude qui a pour objectif d’évaluer les activités effectuées contre la malnutrition afin de suggérer une stratégie de lutte plus adaptée.
LES DETERMINANTS DE L’ETAT NUTRITIONNEL
La malnutrition protéino-calorique ou MPC de la première enfance désigne selon Jelliffe la gamme complète des manifestations classables et inclassables, d’une consommation insuffisante de protéines et de calories. La malnutrition résulte d’un ensemble de facteurs d’ordre économique, écologique, social et culturel.
Les causes immédiates de la malnutrition
Elles relèvent essentiellement d’une insuffisance d’apport alimentaire et des maladies infectieuses. Ces deux causes interagissent par le biais d’une modification de l’absorption, de la digestion, de l’utilisation et du système immunitaire.
L’insuffisance d’apport alimentaire
L’apport alimentaire est caractérisé par une insuffisance de l’apport énergétique, lipidique et en micro-nutriments (iode, fer, vitamine A et celle du groupe B). Les disponibilités caloriques et protéiniques ont diminué dans la plupart des pays en développement.
Les maladies infectieuses
La malnutrition et les maladies infectieuses forment souvent un cercle vicieux qui aggravent la mortalité infanto-juvénile. D’une part, une mauvaise alimentation favorise les maladies infectieuses par le biais :
– de l’affaiblissement de l’organisme à lutter contre les germes pathogènes dus à des carences en énergie et/ou protéines,
– des aliments préparés ou commercialisés dans des conditions non-hygiéniques et qui deviennent ainsi des véhicules de germes pathogènes.
Et d’autre part, les maladies infectieuses causent la malnutrition en provoquant :
– une perte d’appétit,
– une perte de nutriments (effet catabolique),
– la malabsorption des nutriments.
Les causes sous-jacentes de la malnutrition
L’insécurité alimentaire des ménages
L’insécurité alimentaire des ménages s’exprime comme l’insuffisance d’accès à tout moment, de tous les membres d’un même ménage et de tous les ménages, à une alimentation de qualité et de quantité suffisante pour la couverture de l’ensemble des besoins nutritionnels. Le problème alimentaire se pose plus en termes d’accessibilité que de disponibilité physique et en termes de faible productivité de la production de subsistance notamment dans les pays tropicaux.
L’insuffisance de la disponibilité physique des aliments
Pour la disponibilité physique, il est question de la production au niveau des ménages ou des communautés et de la disponibilité sur le marché, accessible aux ménages.
L’insuffisance de la disponibilité financière
Les familles ne disposent pas suffisamment de revenus pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires en denrées alimentaires.
Les comportements alimentaires des enfants et des mères
L’influence des conditions économiques et sociales sur la pratique de l’allaitement maternel ne peut être écartée. La prolongation de l’allaitement maternel est universelle surtout dans les pays en voie de développement. La situation et les possibilités économiques de la femme, ses habitudes alimentaires, hygiéniques et sanitaires, ses pratiques socio-éducatives et culturelles influent sur les soins des enfants. En effet, par ses multiples rôles et responsabilités surtout de productrice économique, la mère n’a que peu de temps et d’énergie à consacrer aux tâches de protection, de soins et d’éducation des enfants. De plus, dans les pays en développement, il y a souvent des tabous alimentaires chez les enfants et chez les femmes enceintes.
Les réponses institutionnelles
Les réponses institutionnelles (politiques, réglementaires, choix de stratégies économiques…) constituent autant de causes structurelles potentielles de malnutrition ou d’insécurité alimentaire. Ainsi en est-il des programmes d’ajustement structurel et de la politique de libéralisation des prix préconisés dans beaucoup de pays en développement. Ces mesures macro-économiques ont eu un impact important sur l’augmentation des prix des produits de première nécessité, y compris les denrées alimentaires de base. Ces mesures ont considérablement réduit le pouvoir d’achat de la majorité des ménages entraînant une insécurité alimentaire accrue et la malnutrition.
LES INDICES NUTRITIONNELS, LEUR SIGNIFICATION ET LEUR MODE D’EXPRESSION
Signification des indices nutritionnels
Pour chaque enfant d’un échantillon donné, les différentes mesures sont combinées sous forme d’indices : Indice poids/âge (IPA), indice taille/âge (ITA) et indice poids/taille (IPT). Les indices sont calculés par comparaison à une population de référence. On utilise dans ce but les données recueillies par le National Center for Health Statistics des EtatsUnis (NCHS).
• L’IPA est utilisé pour suivre le gain de poids d’un enfant au cours d’une période donnée. Il ne permet pas de différencier un enfant grand et trop maigre (émacié) d’un enfant trop petit mais de même poids et âge (retard de croissance).
• L’ITA met en évidence un retard de croissance, mais ne permet pas de différencier un enfant petit et maigre (retard de croissance + émaciation) d’un enfant petit mais de poids satisfaisant (retard de croissance isolé).
• L’IPT permet seul de reconnaître un enfant émacié, souffrant de malnutrition protéino-énergétique aiguë. (Tableau n° 1)
• Le périmètre brachial est un moyen rapide d’évaluer un état de malnutrition aiguë chez un enfant. Restant à peu près constant entre 6 et 59 mois, il ne nécessite pas d’être combiné à une autre mesure. L’abaissement du périmètre brachial (PB) est bien corrélé à l’élévation du risque de mortalité. Il est principalement utilisé en dépistage, lorsqu’on veut identifier de manière rapide et exhaustive les enfants à haut risque de mortalité. Il est moins utilisé dans les enquêtes par échantillon, où l’on s’intéresse à l’état nutritionnel de la population dans son ensemble plutôt qu’à celui des individus.
La détermination de la valeur des indices se fait à partir de tables de référence ou grâce à des logiciels informatiques. L’expression en pourcentage de la médiane n’a plus qu’un intérêt « historique ». En effet, la signification d’un indice PT exprimé en pourcentage de la médiane varie avec l’âge. On est plus malnutri avec un indice PT égal à 80% de la médiane à 5 ans qu’à 6 mois. Seules les expressions en percentile et en écarts-types traduisent la probabilité d’observer des enfants d’état nutritionnel similaire dans la population de référence. L’expression en percentile ne permet pas de caractériser des malnutritions sévères, car de tels enfants n’étaient pas présents dans la population de référence. L’expression en écarts-types le permet par extrapolation, car elle n’est pas basée sur l’observation directe de la distribution de référence, mais sur la moyenne et l’écarttype permet en outre des comparaisons de distribution dans leur ensemble (test de comparaison des moyennes). L’expression en écart-type sera donc toujours préférée.
LES INDICATEURS DE MALNUTRITION DANS UNE POPULATION
Les indices nutritionnels caractérisent les individus de l’échantillon. Les indicateurs de malnutrition caractérisent l’échantillon dans son ensemble. Deux types d’indicateurs de malnutrition existent :
Les indicateurs basés sur des valeurs seuils des indices
On calcule au sein de l’échantillon la proportion d’enfants présentant une valeur d’indice PT inférieure au seuil retenu ou présentant des œdèmes. Un enfant est considéré comme souffrant de malnutrition aiguë si son indice PT est < – 2ET. Une malnutrition aiguë critique correspond à un indice PT< – 3ET ou à la présence d’œdèmes. On calculera la proportion des enfants de l’échantillon ayant un indice PT < – 2ET et des œdèmes, et la proportion ayant un indice PT < – 3ET. Lors de l’interprétation de cette proportion observée, on se rappellera que dans la population de référence (NCHS), par définition, 2,3% des enfants ont un indice PT < – 2ET.
Les indicateurs décrivant les caractéristiques de la distribution des enfants de l’échantillon selon la valeur des écarts-types de l’indice PT
On calcule la moyenne des indices PT observés et l’écart-type de leur distribution dans l’échantillon. On peut aussi mesurer, à l’aide de logiciels informatiques spécifiques, la proportion de la courbe de distribution observée qui se situe à l’extérieur de la courbe de distribution théorique (population de référence). On mesure ainsi un indicateur appelé prévalence normalisée. L’utilisation de l’un ou l’autre des types d’indicateurs nutritionnels est fonction des objectifs de l’enquête considérée.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LA MALNUTRITION
1. Les déterminants de l’état nutritionnel
1.1. Les causes immédiates de la malnutrition
1.1.1. L’insuffisance d’apport alimentaire
1.1.2. Les maladies infectieuses
1.2. Les causes sous-jacentes de la malnutrition
1.2.1. L’insécurité alimentaire des ménages
1.2.1.1.L’insuffisance de la disponibilité physique des aliments
1.2.1.2.L’insuffisance de la disponibilité financière
1.2.2. Les comportements alimentaires des enfants et des mères
1.2.3. Les réponses institutionnelles
2. Les indices nutritionnels, leur signification et leur mode d’expression
2.1. Signification des indices nutritionnels
2.2. Expression des indices au niveau individuel
3. Les indicateurs de la malnutrition dans une population
3.1. Les indicateurs basés sur des valeurs seuils des indices
3.2. Les indicateurs décrivant les caractéristiques de la distribution des enfants de l’échantillon selon la valeur des écarts-types de l’indice PT
4. Situation nutritionnelle de l’enfant à Madagascar
4.1. L’insuffisance pondérale (IPA)
4.2. Retard de croissance ITA ou malnutrition chronique
4.3. La maigreur (IPT)
DEUXIEME PARTIE : ETUDE DES ACTIVITES DE LUTTE CONTRE LA MALNUTRITION AU CSB2 D’AMBOHIPO
1. Cadre d’étude
1.1. Le CSB2 d’Ambohipo
1.2. Le personnel du CSB2
1.3. Le secteur sanitaire
1.3.1. Les fokontany du secteur et la démographie
2. Méthodologie
2.1. Méthode d’étude
2.2. Les paramètres d’étude
3. Résultats
3.1. Nombre d’enfants pesés
3.2. Répartition des enfants selon les tranches d’âge
3.3. Répartition selon le nombre de pesées par enfant
3.4. Répartition de l’insuffisance pondérale
3.5. Retard de croissance
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. Commentaires et discussions
1.1. Couverture des pesées
1.2. Le nombre de pesées effectués par enfant
1.3. L’insuffisance pondérale
1.4. Retard de croissance
2. Suggestions
2.1. Renforcement des activités de surveillance nutritionnelle
2.2. Traitement des malnutritions frustes et conseils de régime
2.3. Mise en place d’un centre de récupération et d’éducations nutritionnelles
CONCLUSION