Les dérives de la religion, la conception de la superstition chez Spinoza

C’est dans un contexte social marqué par des troubles en Europe que Spinoza a rédigé son traité des autorités théologique et politique . Il s’agit d’une période où l’Europe connaît plusieurs bouleversements liés à l’immixtion des religieux dans la gestion des cités. L’empiétement de la religion dans la vie publique était à l’origine d’une intolérance, voire d’une barbarie fondée sur le monopole de la vérité révélée. Cela avait pour principale conséquence le rejet des autres croyances par la religion chrétienne et le début d’une religion d’Etat, fondée sur une orthodoxie impitoyable.

Cette période a connu de nombreux ravages causés par les conflits religieux. Elle coïncide avec la Réforme protestante, marquée par les guerres de religion opposant les puissances catholique et protestante, autrement dit les fidèles de ces différentes confessions religieuses à l’intérieur des Etats. Elle correspond également au règne de la monarchie de droit divin et la mise en place de la police de l’Inquisition dont la principale caractéristique était d’utiliser la crainte superstitieuse pour dominer le peuple. C’est ainsi que l’Europe a connu de graves violations des libertés individuelles et de nombreuses persécutions.

Cette situation chaotique de l’Europe du Moyen Age, caractérisée par la régence de la religion dans la sphère publique, continue, aujourd’hui à persister dans le monde. Le caractère expansionniste de la religion et sa représentation comme religion officielle surtout dans les pays arabes ont créés de graves foyers de tension. Certes des conflits ont été toujours notés, dans ces pays mais cette fois, la situation est devenue explosive, car touchant à la fois plusieurs nations. En effet, ces pays ont connu des troubles internes, communément appelées le « printemps arabe », qui a débuté en Tunisie pour ensuite s’étendre à d’autres pays comme la Libye, l’Egypte, etc. Ces Etats étaient caractérisés par de nombreuses violations des droits de l’hommes liées le plus souvent à l’application d’une loi à connotation religieuse qui semble exercer une emprise sur les consciences, limitant ainsi les libertés individuelles.

Les dérives de la religion, la conception de la superstition chez Spinoza

La religion constitue un mouvement de recueillement, d’un retour en soi, fondé sur un ensemble de croyances. Elle s’inscrit également sur des relations : celles de l’individu avec les autres avec qui il partage les mêmes convictions et celle d’un rapport de transcendance entre l’homme et la divinité. Les croyances sont donc pour la plupart fondées sur ce besoin inhérent à la nature humaine d’une vie en dehors de la solitude, d’où la nécessité d’un ensemble de pratiques auxquelles le croyant est censé s’identifier. En tant qu’ensemble de règles de vie caractérisant une communauté, le fait religieux est vu de diverses manières causant ainsi plusieurs problèmes liés à l’intolérance. Ceux-ci ont conduit à plusieurs interprétations poussant ainsi certains philosophes à les considérer comme relevant de la superstition ou d’une dérive différente de la religion. Ainsi, en vue de mettre fin à toutes les dissensions, liées à la religion, des philosophes comme Voltaire, Spinoza, manifestent en faveur d’un rejet de la conception des religions du commun des hommes qu’on accuse d’être des victimes d’une superstition ayant pour cause l’ignorance et pour principale conséquence les nombreux conflits qui ont toujours minés la planète.

C’est d’ailleurs ce qui conduit Spinoza à concevoir autrement la divinité. A travers son panthéisme, il déclare les autres croyances comme relevant d’une méconnaissance de la nature aboutissant ainsi à une vision anthromorphique de Dieu. D’autre part, l’auteur du Traité des autorités théologique et politique milite en faveur d’une herméneutique, c’est-à-dire d’une étude des textes dits sacrés qui ont depuis toujours servi de fondement aux religions révélées en vue d’échapper au fanatisme ou à l’obscurantisme religieux . Enfin, l’empiétement de la religion dans la vie politique est vu comme relevant d’une dérive de la religion. Il s’agit, entre autres, de l’usage de la religion à d’autres fins différentes de celles de la vraie religion qui vise le salut des âmes. Au-delà du rôle social que joue la religion, les religieux imposent une certaine domination ayant pour fondement la superstition. Ils utilisent la religion comme un outil pour se maintenir au pouvoir et comme moyen de la domination des élites sur les masses.

La vision anthropomorphique de Dieu ou l’ignorance de la Véritable nature de Dieu 

La philosophie de Spinoza est marquée par son ontologie de l’immanence selon laquelle Dieu n’est pas un être transcendant par rapport à notre monde. Il désigne la totalité de l’être, c’est-à-dire le tout de l’être sous l’infinité de ses aspects. En vertu de son infinité, il s’identifie à la nature que rien ne limite et qui ne laisse rien subsister en dehors d’elle. L’auteur de l’Ethique utilise le concept de Dieu pour désigner tout autre chose qu’un être transcendant et personnel judéo-chrétien qui est le créateur de notre monde ainsi que de l’ensemble des lois qui le régissent. Spinoza récuse la conception des théologiens qui consiste à croire en l’existence de deux mondes : le monde profane et le monde sacré. Dieu n’est plus assimilé au monde intelligible de Platon ou au Premier Moteur d’Aristote qui existe séparément à un autre monde assimilable au monde sensible ou à cet être que représente la nature. L’auteur du Traité politique est pour une conception panthéiste, car d’après ce dernier, tout ce qui existe est en Dieu. Dieu est tout ce qui est ; en dehors de Dieu, il n’y a rien. La nature est assimilée à Dieu, car d’après Spinoza « « Dieu » et la « la Nature » sont un seul et même être : le monde est un. Et il est une Nature infinie sans commencement, sans fin, sans extériorité. Elle est l’autonomie absolue» .

La conception que le commun des hommes a par rapport à Dieu, comme être transcendant, créateur du monde, est donc liée à l’ignorance que l’homme a par rapport à luimême et par rapport à la nature. L’homme est souvent victime d’un ballottement entre le désir de s’affirmer et l’ignorance des causes qui le déterminent. Spinoza conçoit Dieu comme substance sans laquelle rien ne peut être ni être conçu. Tous les êtres de la nature sont des modes disposant d’une puissance divine que Spinoza exprime à travers le concept de « conatus » qui les détermine en fonction de leur essence. Or, l’homme, en tant qu’être, n’est plus une créature autonome, un empire dans un empire mais seulement une partie de la nature. L’ignorance de ce phénomène et le désir de connaître conduit chaque homme à imaginer et à définir ces causes en fonction de ce qu’il croit connaître. Au lieu de concevoir de façon adéquate que ces causes inconnues qui le déterminent à agir sont tout à fait naturelles, il crée à travers sa propre imagination un Dieu à l’image de l’homme.

La raison et l’écriture, le problème de l’interprétation des textes religieux 

L’histoire est depuis longtemps, le théâtre de violence et d’oppression fondés sur le crédo obligé de la religion. Il s’agit de persécutions organisées par les tenants de la religion qui fondent la légitimité de celles-ci sur la religion et en particulier sur la Bible et le Coran. Or, d’après Spinoza, la vraie religion se fonde sur un discours moral qui oriente la conduite de l’homme vers la justice et la charité, c’est-à-dire sur l’amour de Dieu et de son semblable. C’est, effectivement, ce paradoxe qui explique la nécessité de revisiter les textes sacrés pour voir si vraiment ils autorisent la violence.

A rebours des justifications des théologiens, l’idéal laïc manifeste en faveur d’une interprétation ou d’une exégèse rationnelle pour statuer sur le niveau de validité de ces énoncés. Spinoza inaugure une méthode qui consiste à user de la lumière naturelle pour comprendre le véritable sens de l’écriture par l’étude de l’écriture par elle- même. L’interprétation consiste à un examen critique qui nous permet de se mettre à distance des textes sacrés afin de rompre avec la lecture littérale en vue de mettre fin aux contradictions qui les rendent obscurs et en font des sources de beaucoup de conflits.

Elle a pour but de découvrir le vrai sens de l’écriture dans la mesure où elle nous renseigne sur les véritables circonstances de la publication des textes, en nous aidant à se situer dans le temps, à repenser donc le contexte de leur publication. Spinoza soutient à cet égard (…) il importe aussi de savoir à quelles occasions, en quel temps, pour quelle nation et quel siècle tous ces enseignements furent écrits. Il importe enfin de connaître les autres circonstances notées plus haut pour savoir non seulement à quoi nous en tenir sur l’autorité propre à chaque livre, mais encore si le texte a pu être falsifié par des mains criminelles, ou s’il n’a pas pu l’être, si des erreurs s’y sont glissées, si ces erreurs ont été corrigées par des hommes compétents et dignes de foi .

L’exégèse montre une certaine liaison entre la foi qui relève de la révélation et la raison connue sous le nom de lumière naturelle. L’idéal laïc vise à se servir de la lumière naturelle afin de corriger les conséquences socialement nocives de la religion, c’est à-dire briser ce consentement aveugle qui est aujourd’hui à l’origine de la plupart des persécutions faites au nom de la religion.

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Table des matières

Introduction
Première partie : Les dérives de la religion, la conception de la superstition chez Spinoza
Chapitre 1 : La vision anthropomorphique de Dieu ou l’ignorance de la véritable nature de Dieu
Chapitre 2 : La raison et l’écriture, le problème de l’interprétation des textes religieux
Chapitre3 : Critique de la religion comme servante de la politique
Deuxième partie : Laïcité et séparation du temporel et du spirituel chez Spinoza
Chapitre4 : Fondement de la légitimité de l’autorité politique
Chapitre5 : Le respect de la sphère privée et la portée de la tolérance
Chapitre6 : Etat de droit et tolérance, les limites de la liberté
Troisième partie : Finalité de l’Etat laïc
Chapitre7 : L’Etat laïc : une communauté d’hommes libres, l’exemple de la démocratie chez Spinoza
Chapitre8: Etat laïc et religion universelle
Chapitre9 :L’Etat laïc, un facteur de stabilité et de développement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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