Les démences et la maladie d’Alzheimer
La démence, selon l’American Psychiatric Association (1), est caractérisée par le développement d’un déficit multicognitif qui doit inclure un trouble de mémoire et au moins une des dysfonctions suivantes : l’aphasie, l’apraxie, l’agnosie ou un trouble des fonctions exécutives. La Société Alzheimer du Canada (2) rapportait en 2008 que le fardeau économique total des démences pour notre pays était de plus de 14,9 MM$CAD, et les dépenses directes de plus de 8,06 MM$CAD. La prévalence totale de toute forme de démence était estimée à près de 1,5% de la population canadienne, soit plus de 480.000 personnes. Le risque d’avoir une démence après 85 ans était de 33% chez les hommes et 46% chez les femmes. Plus de 60% des cas de démence sont dus à la maladie d’Alzheimer (MA) (2, 3). La MA est une maladie neurodégénérative menant progressivement à des troubles de la mémoire, à la démence et à la perte d’autonomie.
Les troubles du jugement et de l’orientation, le tarissement du langage et la détérioration de la capacité de résolution des problèmes accompagnent souvent la démence due à la MA (4). Au Canada, dans les années 2011-2012, 5% des patients dans les établissements de soins de longue durée avaient un diagnostic de MA, une proportion montant à 17% dans les établissements d’hébergement (5). Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le Canada perd annuellement l’équivalent de 121 ans de vie en bonne santé pour chaque tranche de 1,000 personnes de 60 ans et plus, simplement à cause de la MA (6). Au Québec, on estime le nombre de patients atteints par la MA à environ 100.000; on s’attend à ce que ce nombre grimpe jusqu’à 200.000 vers 2030 (7). Due au vieillissement de la population, l’incidence, en effet, ne cesse d’augmenter : de 23.000 cas par an en 2011 à 28.000 en 2015, pour atteindre 43.000 par an en 2030 (7). On estime que les couts de l’ensemble des soins destinés aux personnes atteintes uniquement par la MA s’élevaient à 5,5 MM$ CAN pour le Québec, en 2000 (7).
Le trouble cognitif léger comme entité prodromique
Parmi les nombreux défis que pose cette épidémie de cas de MA et d’autres maladies apparentées (8, 9), l’une des plus problématiques demeure le pronostic de la démence chez les individus n’atteignant pas le seuil clinique; on parle alors de sujets avec un trouble cognitif léger (TCL). Il s’agit d’un groupe à haut risque de conversion à la démence, hétérogène mais dont les sous-formes cliniques pourraient avoir des issues différentes. Les TCL amnésiques (TCLa), soit les TCL avec un trouble objectif dans le domaine cognitif de la mémoire, ont une trajectoire plus à risque pour la MA (10), tandis que les TCL non-amnésiques auront tendance à développer d’autres types de démences (p.ex. fronto-temporale, vasculaire, à corps de Lewy)(10). Le TCLa est maintenant reconnu comme un stade pré-démentiel pour la MA (11) – on parle en fait de « TCLa dû à la MA ». Le TCLa est décrit comme un état avec des troubles variables comportant des symptômes objectifs de la mémoire et/ou de la cognition, des activités de la vie domestique généralement non affectées, et sans démence reconnue (12). La prévalence du TCLa chez la population de plus de 65 ans est entre 3% et 19%, et l’on rapporte que le taux de progression des TCLa à la MA est de 11-33%. Bien que le concept de TCLa soit largement utilisé en recherche, sa définition reste non-consensuelle (13).
Les points communs entre les différentes définitions sont la présence de troubles de mémoire et un fonctionnement cognitif généralement préservé (13). Couramment, le diagnostic de troubles cognitifs est effectué avec des tests évaluant les domaines de la mémoire, y compris la mémoire à court terme et la mémoire de travail; l’attention; l’orientation par rapport à la situation, au temps et au lieu; la compréhension des ordres; les multiples aspects des fonctions exécutives; la fluidité verbale; la concentration; et les praxies. Ainsi, les TCLa se caractérisent par une perte de la mémoire des évènements récents, des omissions accumulées répétitives ainsi que des troubles de l’apprentissage des nouvelles informations (14). L’utilisation des tests Mini-Mental State Examination (MMSE) (15) et Montreal Cognitive Assessment (MoCA) (16) donne comme résultat une sensibilité de 90% et une spécificité de 100% pour le diagnostic du TCLa (17) par rapport au diagnostic fait à partir de l’ensemble des évaluations physiques et neurologiques, ainsi que des informations provenant de la neuroimagerie et de la psychométrie.
Changements pathologiques et corrélations cognitives et IRM dans la MA
La pathologie de la MA a été décrite par Braak et Braak (22) comme étant composée de deux processus graduels : d’un côté, un stockage extra-cellulaire d’amyloïde, et de l’autre, une accumulation intra-cellulaire de protéine tau. L’accumulation graduelle de protéine tau résulte en la formation d’enchevêtrements neurofibrillaires dans les cellules, de fils neurofibrillaires dans les dendrites et de plaques neurofibrillaires dans les axones. En conséquence, la densité synaptique baisse, la mort neuronale survient, et l’atrophie des structures cérébrales et du cerveau entier augmente (23, 24). Ces avancées coïncident avec le déclin cognitif. Braak et Braak (22) ont ainsi catégorisé six stades à la maladie, les stades I-III correspondant aux changements au niveau des structures médiales du lobe temporal (le cortex entorhinal, l’amygdale, la corne d’Ammon et l’hippocampe), et les stades subséquents affectant graduellement l’isocortex (Braak IV-VI).
Pour améliorer la certitude dans le diagnostic de la MA comme première étiologie du TCLa, des lignes directrices récentes proposent donc l’utilisation de critères «secondaires» tels que les biomarqueurs de l’accumulation d’amyloïde (analyse d’accumulation de cette protéine dans le liquide céphalo-rachidien ou via la neuroimagerie par tomographie par émission de positons), ou les biomarqueurs de neurodégénérescence (analyse de l’accumulation de protéines tau dans le liquide céphalo-rachidien ou d’atrophie cérébrale à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) (19)). Dubois (14) a attribué le déclin cognitif remarqué chez les TCLa aux stades I-III de Braak. La sévérité du déclin corrèle avec ces stades : Nelson (25) rapporte des corrélations fortes (r2=0,58-0,82) entre le nombre de noeuds neurofibrillaires et le pointage pré-mortem au MMSE. Il a attribué un pointage de MMSE 25-28 aux stades I-III de Braak (26). Jack (27) a rapporté une corrélation de r=0,63 (p<0,001) entre le volume total de l’hippocampe et les stades pathologiques de Braak; et une corrélation de r=0,67 entre le volume total de l’hippocampe et le pointage au MMSE chez les patients avec MA. Dawe (28) rapporte un changement négatif de cote Z de 0,2 de fonctionnement cognitif global pour chaque perte de 1 cm3 de volume de l’hippocampe mesuré par l‘IRM. Finalement, Burton (29) a décrit la corrélation entre le stade de Braak et l’atrophie du lobe médio-temporal de r = 0,504. Il est remarquable que l’utilisation du pointage au MMSE puisse servir à approximer le stade pathologique de la MA, et que les relations entre les mesures d’IRM, la cognition et les changements pathologiques soient si fortes même à ce stade initial de la maladie.
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Table des matières
CHAPITRE 1 : État des connaissances
1.1 Introduction
1.1.1. Les démences et la maladie d’Alzheimer
1.1.2. Le trouble cognitif léger comme entité prodromique
1.1.3. La progression du TCLa vers un diagnostic de MA
1.1.4. Changements pathologiques et corrélations cognitives et IRM dans la MA
1.1.5. Les principales sous-structures cérébrales affectées dans la MA
1.2 Valeur pronostique
1.3 Pronostic du déclin cognitif chez les sujets avec TCLa avec IRM
1.4 Pronostic du déclin cognitif chez les TCLa sans IRM
1.5 Nécessité de l’étude
1.6 Hypothèse centrale
1.7 Hypothèse de recherche
1.8 Objectifs
CHAPITRE 2: Prognostic utility of MRI atrophy measures in aMCI patients with globally preserved cognitive function
2.1 Introduction
2.1.1 Background
2.1.2 Objective and hypothesis
2.1.3 Rationale
2.2 Method
2.2.1 Subjects
2.2.2 Data
2.2.3 Statistical analyses
2.3 Results
2.3.1 Study sample
2.3.2 Model data
2.3.3 Regression model
2.4 Discussion
2.4.1 Prognostic value
2.4.2 Differences in characteristics between aMCI-S/P subjects
2.4.3 Predictors of AD conversion
2.4.4 Limitations
2.5 Conclusions
References
CHAPITRE 3 : Discussion
3.1. Les objectifs et les résultats en bref
3.2. Forces
3.3. Justification de l’approche du fonctionnement cognitif globalement préservé
3.4. Justification du choix des variables volumétriques
3.5. Justification du choix des autres variables prédictives
3.5.1. Facteurs démographiques
3.5.2. Facteurs de santé générale
3.5.3. Facteurs d’habitudes de vie
3.6. LR+/LR- pronostiques pour l’IRM dans les revues récentes
3.7. Les résultats à la lumière de la pratique actuelle
3.7.1 La politique actuelle de l’organisation de soins
3.7.2 La pratique du processus diagnostique de TCLa.
3.7.3 Les résultats à la lumière de la pratique actuelle
3.8. L’IRM et les tests neuropsychologiques
3.9. Le fonctionnement cognitif global normal
3.10. Limites
Conclusion
Références
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