Les déficits pragmatiques chez les personnes CLD

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La pragmatique discursive et conversationnelle

Le discours s’inscrit en contexte (Maingueneau, 2016) et peut être considéré comme un phénomène cognitif complexe impliquant des processus multiples (Frederiksen & Edmond, 1993). Il est composé d’énoncés12, considérés comme des unités pragmatiques (Moeschler, 2020). L’élaboration de tout type de discours13, nécessite des fonctions cognitives comme le langage les fonctions exécutives14, la mémoire, l’attention (Rogalski et al., 2010). Il renvoie aux notions de cohésion et de cohérence, décrites par Halliday et Hasan (1976). La cohérence d’un discours se détermine tout d’abord par les relations sémantiques entre le contenu et le contexte d’élocution. Widdowson (1978) ajoute la notion de relation pragmatique. Les liens ne sont pas toujours explicites, les interlocuteurs doivent alors inférer afin que le discours reste cohérent. Elle s’apprécie également à travers la cohésion grammaticale et lexicale des éléments de l’énoncé. La cohésion renvoie aux relations de sens entre les éléments du discours, permettant de créer une continuité entre les énoncés et de les articuler, via des liens cohésifs15. Elle se manifeste au plan intra-phrastique, interphrastique et supra-phrastique (Détrie et al. 2001). Finalement, la cohérence est déterminée à travers l’ensemble des éléments qui doivent respecter des conditions sémantiques et pragmatiques pour que le discours soit adapté au contexte (Halliday & Hasan, 1976).
Pour qu’un discours soit pertinent, les seules notions de cohésion et de cohérence ne sont pas suffisantes (Zufferey & Moeschler, 2012). Le locuteur doit également être informatif, c’est-à-dire apporter un nombre d’informations strictement nécessaires à son interlocuteur (Bracops, 2010), guider la progression de son discours à partir d’un thème défini (Zufferey & Moeschler, 2012) en parlant « à propos » (Bracops, 2010). Le discours se définit comme un processus inférentiel comprenant à la fois des éléments linguistiques et pragmatiques (Zufferey & Moeschler, 2012). Les capacités discursives permettent la transmission d’informations d’un locuteur à un autre sous forme de récit, d’instruction ou de conversation (García et al., 2021).
Les notions de discours et de conversation sont liées : « Les concepts d’interaction, de discours et de conversation se trouvent dans un rapport de dépendance unilatérale : toute conversation est discours, mais il existe aussi des discours non conversationnels » (Cristea, 2003). Les types de discours sont ainsi séparés en deux grandes catégories (Lê et al., 2011) : monologiques16 et dialogiques17. La seconde est la plus fréquemment rencontrée au quotidien et renvoie à l’utilisation du langage en conversation (Cristea, 2003). Brossard et Cosnier (1984), cités par Sainson (2018), définissent 3 niveaux de conversation. Le premier est celui de l’énoncé. Il correspond à l’aspect formel et comprend les éléments syntaxiques, paralinguistiques (expressions faciales, gestes…) et l’intonation. Le deuxième niveau est énonciatif. Il renvoie au processus d’élaboration du discours, à la structuration interne des idées, en faisant appel aux principes de coopération18, aux règles de cohésion et de cohérence, au regard, aux gestes coverbaux19. Le comportement de coopération décrit par Grice (1975) se définit à travers la notion d’implicature conversationnelle. Il est lié à la théorie de l’esprit (TOM)20 et de façon plus générale à la cognition sociale, qui comprend les concepts d’empathie et d’émotions (Moeschler, 2020). Enfin, le niveau pragma-interactionnel représente le discours en interaction. Il implique les principes de tours de rôle, la posture, le maintien de l’interaction via les phatiques et les régulateurs21 qui permettent aux interlocuteurs de s’investir dans l’échange (Sainson, 2018), le tact et les règles sociales comme la politesse (Moeschler, 2020).

La pragmatique inférentielle

Au quotidien, le discours non-littéral, composé d’énoncés implicites, est la forme de discours la plus couramment rencontrée. Steen et al. (2010) ont étudié la fréquence d’usage d’items lexicaux en anglais utilisés de manière figurée. Sur un échantillon de 45 000 mots extraits de divers types de discours, ils ont estimé qu’1 mot sur 7.5 en moyenne est utilisé de manière non-littérale. Le discours figuratif est retrouvé notamment dans les actes de langage indirects (ALI)22 et les énoncés figuratifs (métaphores nouvelles, humour, ironie, sarcasme) (Bracops, 2010). Cette forme de discours repose sur l’inférence. Elle résulte d’un processus cognitif s’appuyant sur une information connue, pour en déduire une autre non explicite (Campion et Rossi, 1999).
D’une manière plus générale, le système cognitif humain recherche des informations pertinentes en engageant un moindre coût cognitif (Zufferey & Moeschler, 2012). Cette notion a été développée par Sperber et Wilson (1989) dans la théorie de la pertinence. L’idée centrale est que le locuteur et l’interlocuteur vont s’appuyer sur un maximum d’informations de l’environnement physique, sur des connaissances encyclopédiques partagées et les énoncés précédemment formulés, afin de réduire le coût cognitif alloué aux multiples interprétations possibles d’un discours. La majeure partie des contenus n’est donc pas explicite (Bracops, 2010). Pour les interpréter, l’interlocuteur doit élaborer un raisonnement inférentiel de nature hypothético-déductive visant à attribuer au locuteur une intention communicative. L’inférence permet finalement d’aller au-delà de la signification littérale des mots afin de saisir cette intention (Zufferey & Moeschler, 2012).
Le fait d’envisager la communication comme reposant sur la reconnaissance de cette intention (Zufferey & Moeschler, 2012), en attribuant des états mentaux à autrui et en inférant dessus (Bracops, 2010), a contribué à rapprocher la pragmatique de la notion cruciale de TOM (Zufferey & Moeschler, 2012). Ainsi, la pragmatique inférentielle est le résultat du croisement entre ce qui est communiqué implicitement et de ce qui est dit ou manifesté explicitement. Elle inclue la TOM mais implique aussi les connaissances encyclopédiques, la situation de communication, les énoncés précédents et l’énonciation elle-même (Bracops, 2010).

Processus cognitifs impliqués dans la pragmatique

Les compétences pragmatiques nécessitent des capacités de raisonnement sur les états mentaux d’autrui, ce qui est le propre de la TOM (Zufferey & Moeschler, 2012). Elle est la faculté cognitive qui permet de comprendre les intentions du locuteur et d’inférer sur ce qu’il souhaite communiquer. L’implicature conversationnelle et la compréhension des énoncés, sont le résultat d’un traitement qui nécessite, en plus de la TOM, d’autres processus cognitifs comme les fonctions exécutives, l’attention, la mémoire, le traitement des expressions faciales (Cummings, 2014) et des émotions (Moeschler, 2020). Ces processus cognitifs jouent un rôle si fondamental dans l’interprétation des énoncés qu’il est impossible de les dissocier de la pragmatique.
Produire et interpréter les énoncés fait partie intégrante de la communication sociale. Elle émerge de l’interaction entre la pragmatique et la cognition sociale, cette dernière étant est un concept complexe qui comprend plusieurs capacités telles que la TOM (Cummings, 2014) et la perception sociale23 (Ric & Muller, 2017). Il existe un manque de consensus concernant l’organisation des liens qu’entretiennent la communication, la pragmatique et la cognition sociale (Cummings, 2014).

Neuroanatomie

Pragmatique et cognition

Reyes-Aguilar et al. (2018) ont défini le « réseau pragmatique du langage » en indiquant que la compréhension pragmatique fait intervenir un réseau bilatéral frontotemporal et préfrontal. Les traitements du langage littéral et du langage pragmatique partagent de nombreuses structures en commun mais la pragmatique recrute des réseaux qui vont au-delà des réseaux périsylviens gauches (Rasgado-Toledo et al., 2021) (n =145). Elle fait intervenir des processus cognitifs multiples, dont la TOM. Certains auteurs suggèrent que le réseau pragmatique est indépendant de la TOM mais que celle-ci est recrutée lorsque le contexte est ambigu. À l’inverse, d’autres chercheurs estiment que les régions de la TOM sont systématiquement recrutées et que le degré d’activation dépend du niveau de pertinence du contexte, ou encore que les régions de la TOM sont systématiquement mais partiellement recrutées (Rasgado-Toledo et al., 2021). Le module cognitif de la TOM est localisé dans la jonction temporo-pariétale droite (Saxe, 2010), le cortex préfrontal médian, le pôle temporal. Le cortex orbitofrontal, le sillon temporal supérieur, l’amygdale et le précuneus seraient également impliqués (Bejanin et al., 2016). Le cortex préfrontal médian mobilisé dans la TOM et dans le traitement plus global de la cognition sociale, l’est également dans la compréhension du langage pragmatique. La pragmatique fait appel à des mécanismes exécutifs (Reyes-Aguilar et al., 2018), qui dépendent du cortex préfrontal et des circuits corticostriataux (Cummings, 2014). Finalement, le réseau du langage pragmatique serait une interaction entre la région du langage littéral, ses zones homologues droites et les aires liées à la cognition sociale et aux fonctions exécutives (Reyes-Aguilar et al., 2018).

Processus lexico-sémantiques

Les expressions idiomatiques étant des structures figées perçues comme des entités lexicales, les structures cérébrales qui s’activent majoritairement correspondent au réseau linguistique gauche classique, c’est-à-dire le gyrus frontal inférieur et le gyrus temporal (Reyes-Aguilar et al., 2018). Des régions analogues dans l’hémisphère droit sont également mobilisées (Bendersky et al., 2021) (n=21). Les régions mentalisantes24 ne sont pas recrutées. Le gyrus frontal inférieur gauche est impliqué dans la sélection du meilleur sens de l’énoncé en fonction du contexte et du sens stocké en mémoire, ainsi que dans l’inhibition du sens littéral (mot par mot). L’hémisphère droit joue un rôle dans la détection des relations sémantiques distantes. Finalement, le traitement des expressions idiomatiques nécessite l’activation des réseaux frontotemporaux bilatéraux (Reyes-Aguilar et al., 2018).

Processus inférentiels

L’hémisphère droit est activé lorsque les exigences de la tâche sont intensifiées, comme pour la compréhension de phrases sémantiquement ambiguës ou de discours contenant des inférences. Les ALI entraînent l’activation des réseaux frontotemporaux bilatéraux, particulièrement accrue dans le cortex préfrontal dorsolatéral, dans les zones frontale moyenne gauche, frontale inférieure bilatérale et temporale moyenne droite (Shibata et al., 2011) (n =15).
Le traitement du langage figuratif active également un réseau bilatéral dans les régions frontales, temporales et pariétales. Le traitement des phrases non littérales est généralement lié à l’activation des gyri frontal inférieur, temporal moyen et temporal supérieur gauches, du cortex pariétal inférieur gauche et du gyrus parahippocampique (Reyes-Aguilar et al., 2018).
La compréhension des métaphores nouvelles active le réseau frontotemporal bilatéral (Bohrn et al., 2012). Leur production est associée à une activité concentrée essentiellement dans l’hémisphère gauche, en particulier le gyrus angulaire, les gyri frontaux moyen et supérieur, situé dans le cortex préfrontal dorsolatéral antérieur. L’activité cérébrale de celui-ci et du gyrus temporal moyen droit est augmentée, quand les réponses métaphoriques sont plus créatives (Benedek et al., 2014) (n =28).
Enfin, l’ironie et le sarcasme demandent un traitement émotionnel et la reconnaissance d’intentions. Ils impliquent les gyri temporal supérieur et frontal inférieur gauches ainsi que le cortex préfrontal médian. Cette dernière zone cérébrale est particulièrement impliquée dans le comportement social, la prise de décision et le traitement émotionnel (Reyes-Aguilar et al., 2018).

Processus discursifs et conversationnels

Les réseaux corticaux impliqués dans le discours sont vastes. Le cortex préfrontal est une nouvelle fois impliqué. Ses connexions sont très étendues à d’autres zones du cerveau, dans les lobes temporal, pariétal et occipital, permettant de réguler et contrôler des fonctions multiples et complexes recrutées dans la capacité discursive. La partie dorsolatérale joue un rôle crucial dans le traitement des fonctions exécutives, de la mémoire de travail, la récupération d’informations en mémoire épisodique (Lê et al., 2011).
Les régions temporo-pariétales, temporales antérieures et le cingulaire postérieur sont également recrutés. Les régions temporo-pariétales et temporales antérieures traitent les phrases complexes. Le cingulaire postérieur est associé à la mise à jour, la récupération d’informations épisodiques, les émotions. Il joue un rôle dans la représentation mentale du discours (Lê et al., 2011). L’hémisphère droit est impliqué dans la production d’énoncés en conversation. Les formules (de politesse par exemple) et expressions stéréotypées du discours conversationnel activent particulièrement cet hémisphère ainsi que les noyaux sous-corticaux qui permettent de traiter les gestes moteurs routiniers et automatiques. L’hémisphère droit permet également de traiter et moduler les émotions et les significations complexes basées sur le contexte (Van Lancker Sidtis & Sidtis, 2018). Plus précisément, le gyrus préfrontal inférieur droit jouerait un rôle dans la détection des incohérences dans le discours (Kuperberg et al., 2006) (n =15).
Au regard des nombreux processus cognitifs que la pragmatique implique, les recherches ont mis au jour qu’un vaste réseau cérébral bilatéral est recruté dans les capacités pragmatiques et que l’hémisphère droit intervient largement. Une lésion localisée dans cet hémisphère entraîne donc des conséquences sur le traitement pragmatique.

Les déficits pragmatiques chez les personnes CLD

Atteintes pragmatiques dans les lésions droites

D’une façon générale, les individus atteints de lésions vasculaires cérébrales droites (CLD) n’ont pas de trouble formel du langage au premier plan mais ils rencontrent des difficultés avec l’utilisation du langage en contexte (García et al., 2021).

Atteinte des capacités lexico-sémantiques

Les patients CLD peuvent présenter un déficit de compréhension et de production des idiomes (Cummings, 2014). Ils peuvent accéder aux significations d’idiomes courants et familiers, mais ils sont moins précis dans la compétence lexicale (et non pragmatique), lorsqu’il s’agit de les définir hors contexte (Cummings, 2017). La familiarité et la pertinence des expressions jouent un rôle essentiel dans leur compréhension de l’idiome.
Les sujets CLD présentent également des déficits dans le traitement et l’appréciation des relations lexicales et sémantiques lorsqu’une ambiguïté lexicale est présente (Tompkins et al., 2017). Ils rencontrent une difficulté importante pour traiter le sens métaphorique des mots polysémiques en choisissant la majeure partie du temps leur sens littéral (García et al., 2021).

Atteinte des capacités discursives et conversationnelles

Il est difficile d’établir un profil typique des déficits discursifs et conversationnels chez les individus CLD car il existe une grande hétérogénéité. Une des forces chez ces patients est leur capacité à s’appuyer sur le contexte, quand celui-ci est familier, ce qui rend aussi les difficultés plus subtiles à observer (Cummings, 2017). La narration et la conversation sont les formes de discours particulièrement affectées par une lésion de l’hémisphère droit (García et al., 2021). Le tableau 1 fait un état des lieux des déficits qui peuvent être présents dans le cadre d’une lésion de l’hémisphère droit. L’annexe 2 apporte des précisions sur ces déficits.

Atteinte des capacités inférentielles

Des difficultés dans le traitement du discours non littéral, telles que comprendre les actes de langage indirects, l’humour, l’ironie, le sarcasme, les métaphores (Parola et al., 2016), sont fréquemment rapportées chez les sujets CLD (García et al., 2021).
Les individus CLD peuvent rencontrer des difficultés à traiter et comprendre les ALI, principalement dans un contexte non familier qui requière une analyse cognitive élaborée (García et al., 2021). Les patients les interprètent littéralement ou leur réponse peut être inappropriée. La production de demandes indirectes peut être également problématique (Tompkins et al., 2017).
Peu d’études ont porté sur le traitement des métaphores nouvelles après un AVC droit. Les rares résultats démontrent que la précision de l’interprétation peut être réduite par rapport aux sujets sains (Cummings, 2017). García et al. (2021) indiquent que les patients seraient en difficulté, non pas dans la compréhension de la métaphore mais dans l’identification de la situation dans laquelle elle est pertinente. Expliquer les métaphores peut être également laborieux (Tompkins et al., 2017).
Concernant l’humour, les déficits se traduisent par des difficultés à contenir le rire, à l’interpréter en mettant en lien la blague avec le contexte. La production de l’humour est mal documentée dans la littérature mais il a été suggéré qu’il est parfois inhibé, grossier, ou inapproprié (Tompkins et al., 2017). Les changements dans l’utilisation et l’appréciation de l’humour après un AVC droit sont généralement subtils. Les déficits augmentent en fonction des ressources cognitives recrutées comme l’implication de capacités visuospatiales. Pour le sarcasme et l’ironie25, il existe des preuves plus importantes d’un déficit touchant la compréhension et la production (Cummings, 2017).

Troubles cognitifs associés

Anosognosie

Une anosognosie26 peut survenir après une lésion droite. Elle est plus fréquente dans les AVC droits que les AVC gauches (Azouvi & Peskine, 2012) et affecte 10% à 77% des patients. Cette large fourchette d’estimation est due à la nature même de l’anosognosie qui possède un vaste tableau clinique, à la subjectivité des mesures, et au manque de consensus de la terminologie (Ramsey & Lehman Blake, 2020). Le degré peut être variable et fluctuer au cours de la journée (Azouvi & Peskine, 2012). Ce trouble peut compromettre un diagnostic, entraver la motivation pour le traitement et réduire le pronostic de récupération (Tompkins et al., 2017). Il est plutôt observé en phase aigüe (Berti et al., 2012), il tend à s’améliorer avec la rééducation (Hartman-Maier et al, 2003) et avec le temps, mais il peut rester problématique longtemps après l’AVC (Tompkins et al., 2017). Un tiers des patients présenterait encore une anosognosie en phase chronique (Orfei et al., 2007).

Compétences visuo-spatiales

Les individus CLD peuvent présenter des problèmes visuo-spatiaux ou visuo-perceptifs (García et al., 2021). Ils n’ont généralement pas de difficultés pour identifier les objets mais ils peuvent rencontrer des difficultés à reconnaître des visages non familiers. Au niveau spatial, il peut leur être compliqué d’apprécier une pente, de se repérer dans l’espace, ou de décrire un chemin pour se rendre d’un endroit à un autre. Ces troubles peuvent être exacerbés par des déficits du champ visuel ou l’héminégligence (Tompkins et al., 2017).

Attention et fonctions exécutives

D’autres difficultés liées à des lésions droites peuvent être d’ordre attentionnel. Ces déficits impactent le traitement cognitif nécessaire dans la pragmatique. L’attention divisée et sélective peuvent être atteintes chez les patients CLD (Tompkins et al., 2017), jusqu’à 75% d’entre eux (Ramsey & Lehman Blake, 2020). Une héminégligence, forme de déficit attentionnel, peut être présente et entraver les compétences attentionnelles. Elle est souvent en lien avec l’anosognosie (Tompkins et al., 2017) et survient chez près de 25 % des patients CLD (Ramsey & Lehman Blake, 2020).
Les patients peuvent présenter des déficits exécutifs de planification, d’organisation, de raisonnement, de résolution de problèmes, de génération d’alternatives (Tompkins et al., 2017). Les déficits des fonctions exécutives conséquents à un AVC sont bien documentés mais il existe peu d’études qui examinent spécifiquement ces déficits après une lésion droite (Ramsey & Lehman Blake, 2020).

Mémoires

Les déficits mnésiques ne sont pas bien documentés dans le cadre d’AVC droit. Entre 13% et 50% des victimes d’AVC présenteraient de tels troubles. Ils seraient cependant plus fréquents après un AVC gauche. Plusieurs types de mémoire peuvent être affectées, principalement la mémoire épisodique et la mémoire de travail27. Elles peuvent être affectées à la fois en modalité visuelle (Ramsey & Lehman Blake, 2020), verbale et non verbale (Tompkins et al., 2017).

Hypothèses explicatives des troubles pragmatiques

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la manifestation des troubles pragmatiques. La première, concernant le versant inférentiel, est celle d’un déficit d’activation du codage sémantique grossier. Les deux hémisphères cérébraux jouent tous les deux un rôle dans l’accès aux représentations sémantiques des mots et dans la sélection ou l’inhibition de leurs sens multiples. L’hémisphère gauche effectue un codage sémantique fin en sélectionnant la meilleure signification d’un mot et en activant un champ sémantique restreint. L’hémisphère droit réalise un traitement plus grossier des informations et active des champs sémantiques diffus afin d’accéder à des significations ou des caractéristiques plus éloignées. Cette hypothèse se fonde sur le modèle Bilateral activation, integration, and selection (BAIS), développé par Beeman (2005). L’hémisphère droit serait, selon lui, impliqué dans l’établissement de nouvelles connexions sémantiques qui faciliteraient le traitement de phrases non familières. Il soutiendrait ainsi le traitement nécessaire pour donner un sens à des relations sémantiques éloignées que l’on retrouve dans le langage non littéral ou certains types d’inférences (Tompkins et al., 2017).
La deuxième hypothèse explicative est celle d’un déficit de suppression et implique le versant discursif de la pragmatique. Le discours est empreint d’ambiguïtés. Les interlocuteurs utilisent des formes de discours implicites qui nécessitent la mise en place d’hypothèses déductives pour comprendre ce que l’autre a voulu dire. Ils activent alors des significations multiples des mots et des énoncés, et inhibent, grâce à un mécanisme de suppression, les informations superflues ou incohérentes avec le contexte. Certains patients CLD n’ont pas de difficultés à activer les représentations mais le mécanisme de suppression est inefficace. Ils maintiennent alors trop longtemps des significations inappropriées au contexte, impactant la compréhension générale du récit (Tompkins et al., 2017).
La troisième hypothèse est novatrice et ne fait pas consensus. Elle explique les troubles pragmatiques par un déficit de cognition sociale (Tompkins et al., 2017). Il n’est cependant pas possible, à ce jour, d’affirmer qu’un trouble pragmatique est la conséquence directe de déficits de la cognition sociale. À plus forte raison que la distinction entre cognition sociale et pragmatique n’est pas clairement déterminée (Cummings, 2014).
La dernière hypothèse, la plus consensuelle, est fondée sur un déficit des fonctions cognitives. Les troubles pragmatiques seraient ainsi consécutifs à une atteinte primaire langagière, attentionnelle, exécutive ou encore visuo-spatiale (Tompkins et al., 2017). Certains patients CLD ne présentent des difficultés que lorsque les tâches demandent des ressources cognitives importantes. L’hémisphère droit fournit des appuis supplémentaires pour soutenir l’hémisphère gauche quand la complexité des stimuli, tels que des éléments du discours, augmente (Cummings, 2014).

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Table des matières

Introduction
Partie théorique
1. La pragmatique
1.1 Notion de pragmatique et de contexte
1.2 Différents domaines concernés
1.2.1 La pragmatique lexicale
1.2.2 La pragmatique discursive et conversationnelle
1.2.3 La pragmatique inférentielle
1.3 Processus cognitifs impliqués dans la pragmatique
1.4 Neuroanatomie
1.4.1 Pragmatique et cognition
1.4.2 Processus lexico-sémantiques
1.4.3 Processus inférentiels
1.4.4 Processus discursifs et conversationnels
2. Les déficits pragmatiques chez les personnes CLD
2.1 Atteintes pragmatiques dans les lésions droites
2.1.1 Atteinte des capacités lexico-sémantiques
2.1.2 Atteinte des capacités discursives et conversationnelles
2.1.3 Atteinte des capacités inférentielles
2.2 Troubles cognitifs associés
2.2.1. Anosognosie
2.2.2. Compétences visuo-spatiales
2.2.3. Attention et fonctions exécutives
2.2.4. Mémoires
2.3 Hypothèses explicatives des troubles pragmatiques
2.4 Hétérogénéité des troubles
2.5 Incidence
2.6 Terminologie et notions de déficit primaire et secondaire
2.7 Impacts au quotidien
2.7.1 Impacts psychologiques
2.7.2 Impacts sociaux et personnels
2.7.3 Impacts professionnels
3. La pragmatique en orthophonie : les problématiques du dépistage et de l’évaluation
3.1 Les difficultés de l’évaluation
3.1.1 Obstacles liés à la nature des tâches
3.1.2 Obstacles liés à la subjectivité de l’évaluateur et à la situation d’évaluation
3.1.3 Obstacles liés à l’hétérogénéité et à la subtilité des troubles
3.1.4 Obstacles liés aux troubles associés
3.2 Le manque de dépistage et d’évaluation des troubles pragmatiques dans la pratique orthophonique
3.3 Des outils d’évaluation existants mais limités
3.4 L’intérêt et l’enjeu pourtant essentiels du dépistage
3.4.1 Définition, intérêts et enjeux généraux
3.4.2 Intérêts, enjeux et application du dépistage dans les troubles pragmatiques
Partie pratique
1. Problématique et hypothèses
2. Méthode
2.1. Participants
2.1.1. Présentation de la population
2.1.2. Critères d’inclusion et d’exclusion
2.2. Protocole de passation
2.2.1. Epreuves d’inclusion
2.2.2. Questionnaire de dépistage
2.2.3. Matériel d’évaluation des troubles pragmatiques
2.2.4. Matériel d’évaluation de l’anosognosie
2.3. Enregistrements, procédure
2.3.1. Recrutement des participants
2.3.2. Recueil des données et conditions de passation
2.4. Analyses statistiques
3. Résultats
3.1. Pertinence et intérêts de l’hétéroquestionnaire
3.1.1. Evaluation de l’anosognosie
3.1.2. Comparaison des scores patient versus aidant au questionnaire
3.2. Résultats au questionnaire par patient
3.2.1. Aspect lexico-sémantique
3.2.2. Aspect Inférentiel
3.2.3. Aspect discursif
3.3. Corrélation entre les scores composites aux tests et les scores au questionnaire
3.3.1. Versant lexico-sémantique
3.3.2. Versant inférentiel
3.3.3. Versant discursif et conversationnel
3.4. Performance du questionnaire dans le dépistage des troubles pragmatiques
3.4.1. Versant lexico-sémantique
3.4.2. Versant inférentiel
3.4.3. Versant discursif
Discussion
1. Recontextualisation
2. Intérêt de l’auto et de l’hétéroévaluation du questionnaire
2.1. Evaluation de l’anosognosie
2.2. Pertinence et validité de l’hétéroquestionnaire
3. Performance du questionnaire de dépistage
3.1. Aspect lexico-sémantique
3.2. Aspect inférentiel
3.3. Aspect discursif
3.4. Une part importante de faux-positifs et de faux négatifs
4. Limites
5. Intérêts orthophoniques et perspectives
Conclusion
Références
Annexes
Annexe 1. Avis du Comité de Protection des Personnes
Annexe 2. Précisions complémentaires des atteintes discursives et conversationnels
Annexe 3. Scores seuils de la BETL (Tran & Godefroy, 2015)
Annexe 4. Présentation détaillée du questionnaire de dépistage des troubles pragmatiques, par niveau d’atteinte
Annexe 5. PCRS (Prigatano, 1986) (version anglaise, forme patient)
Annexe 6. Plaquette d’informations pour le recrutement, à destination des professionnels de santé
Annexe 7. Notice d’information et recueil du consentement à destination des patients
Annexe 8. Scores détaillés, obtenus au questionnaire de dépistage, par patients
Annexe 9. Détails des scores bruts et standardisés au test diagnostique et au questionnaire dépistage sur le versant inférentiel
Annexe 10. Détails des scores bruts et standardisés au test diagnostique et au questionnaire de dépistage sur le versant discursif et conversationnel

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