Les déchets nucléaires de type effluent liquide
Contexte du conditionnement des déchets nucléaires
L’industrie du nucléaire produit chaque année un million de mètre cube de déchets, soit environ deux kilogrammes de déchets par an et par habitant. Leur origine est très variée. De l’industrie électronucléaire à la médecine en passant par la recherche, la France compte près de 1 000 producteurs de déchets radioactifs, pouvant présenter des risques pour l’homme et l’environnement [1]. A ce titre, ils doivent être gérés de manière spécifique en fonction de leur niveau de radioactivité et de leur durée de vie. Suivant le niveau de radioactivité, on distingue les déchets de Très Faible Activité (TFA), de Faible Activité (FA), de Moyenne Activité (MA) et de Haute Activité (HA). Selon la durée de vie, les déchets sont dits à Vie Longue (VL) lorsque leur période radioactive(1) dépasse 30 ans et à Vie Courte (VC) dans le cas contraire .
Le conditionnement consiste généralement à immobiliser la matière radioactive dans un conteneur qui contribue au confinement du déchet et à la rétention des radionucléides. En fonction des caractéristiques physico-chimiques du déchet à conditionner, il peut être nécessaire de le mélanger à un matériau appelé « matrice » qui permet un meilleur confinement de la radioactivité. L’ensemble matrice/déchet est placé dans un conteneur secondaire en béton .
Grâce à leurs nombreux avantages , les matériaux à base de ciment sont largement utilisés. Ces matériaux résultent de la prise d’un mélange de ciment anhydre et d’eau. La présence ou l’absence de granulats, leur taille ou le rapport eau/ciment conduisent à distinguer quatre matériaux différents à base de ciment :
❖ Les pâtes pures, constituées uniquement de ciment et d’eau ;
❖ Les coulis ou mortiers fins, contenant peu de sable et riches en eau, ce qui leur confère une rhéologie favorable à l’écoulement après malaxage ;
❖ Les mortiers, renfermant des granulats (sable) de taille inférieure à 6,3 mm ;
❖ Les bétons, incluant en plus du sable des granulats de taille comprise entre 6,3 mm et 80 mm. Ils peuvent être armés par un ferraillage ou renforcés par des fibres métalliques (bétons-fibres) afin d’accroitre leur résistance à la traction.
De façon générale, les coulis sont principalement utilisés comme matrices d’enrobages des déchets et les mortiers pour des opérations de blocage de déchets massifs dans un conteneur ou de blocage d’un conteneur primaire dans un conteneur secondaire. Enfin, les bétons sont utilisés pour la fabrication de conteneurs, ainsi que pour la réalisation d’éléments de structure dans les sites de stockage.
Actuellement, les coulis sont principalement constitués de ciment Portland pur (CEM I ) ou composés avec des ajouts de laitiers de haut fourneau ou de cendres volantes notamment (CEM II, CEM III, CEM V, ciments « bas pH »,…) [4]. Ces ciments sont largement utilisés dans le génie civil. Par conséquent la durabilité de ces ciments, sous divers environnements, a été largement étudiée. Les déchets produits par l’industrie du nucléaire sont très variés et certains composants qui les constituent . peuvent réagir chimiquement avec des hydrates du ciment ou avec l’eau de gâchage, détériorant ainsi le coulis final. Ces réactions (adsorption, précipitation, réactions acido-basiques ou d’oxydo-réduction) peuvent entraîner un arrêt, un retard ou une accélération du processus d’hydratation du ciment, rendant ainsi l’emploi de Portland inadapté [5].
Spécificités des déchets ayant une forte teneur en eau résiduelle (effluents liquides)
Origine des déchets
Deux principaux domaines de l’industrie du nucléaire fournissent des déchets de types effluents liquides ou boues ;
L’extraction et le traitement de l’uranium :
L’utilisation de l’énergie nucléaire se fonde sur la fission de noyaux particuliers d’uranium (l’isotope U235). Cet élément radioactif est naturellement présent dans la croute terrestre. Il est extrait comme minerai dans des mines, puis transformé par la suite en oxyde d’uranium. Cette étape de transformation nécessite l’utilisation de solution d’acide et autres. Les résidus de l’extraction et les boues provenant du traitement du minerai sont les premiers types de déchets liquides.
Le fonctionnement des centrales nucléaires :
De façon générale, l’utilisation d’uranium comme combustible dans un réacteur nucléaire entraîne la formation de produits de fission ou radionucléides. Lorsque le combustible est considéré comme « usé », les radionucléides doivent être traités comme des déchets radioactifs de haute activité. D’autres déchets sont produits soit par contamination (contamination de liquides ou de surfaces par des substances radioactives) ou par activation (transformation des atomes à l’intérieur des matières solides). Des effluents liquides issus du contact avec ces déchets peuvent être générés sous la forme d’huiles, de boues, de concentras d’évaporation (contamination de l’eau de refroidissement du réacteur), de résines échangeuses d’ions (traitement du circuit de refroidissement du réacteur) ou encore d’agents de filtrations.
Comme l’ensemble des déchets nucléaires, les effluents liquides sont classifiés selon leurs niveaux d’activités et leurs durées de vie. On retrouve ainsi les effluents liquides TFA, HA et FA-MA. Une présentation plus approfondie d’exemples d’effluents liquides FA-MA est réalisée dans la partie suivante.
Caractéristiques des effluents liquides FA-MA
Comme décrit précédemment, la composition chimique des effluents liquides varie d’un site de production à l’autre mais également au cours du temps.
Les sulfates, les chlorures, les phosphates et les composés à base d’azote sont les plus présents. Après traitement des effluents par les stations de traitement, ces composés restent majoritaires. Sur certains sites il n’est pas rare d’observer de fortes teneurs en nitrate de sodium et en ammoniaque (NH4OH). La présence de ces composés, et notamment de chlorures, sulfates et ammonium (NH4+ ) peuvent provoquer d’importants effets sur les mécanismes d’hydratation conduisant à la cimentation mais également sur la durabilité des enrobés. Les ions chlorures en grande quantité sont par exemple connus pour provoquer un retard dans le processus d’hydratation des CEM I [5]. Les ions sulfates en excès peuvent provoquer la détérioration à long terme des enrobés par apparition de fissures notamment due à la formation d’hydrates expansifs tels que l’ettringite. L’ammonium quant à lui risque de se déprotoner en milieu alcalin, conduisant au dégagement de NH3. Ce dégagement gazeux risque d’entraîner un phénomène de bullage à l’intérieur du système [5]. Par conséquent, il est nécessaire de procéder à la mise en place d’un traitement préalable des concentras afin de diminuer la teneur de ces ions et ainsi réduire leurs effets néfastes lors de la cimentation.
La composition radiologique est le plus souvent recensée par installation. Toutefois, il est possible d’observer une tendance générale sur les radioéléments présents dans les effluents liquides et par la suite dans les concentras issus du traitement de ces effluents. La contamination des effluents est principalement due à la présence d’uranium (238U), d’américium (241Am), des isotopes de plutonium (240Pu, 239Pu, 238Pu) et de neptunium ( 237Np). Les éléments radioactifs contribuant à l’émission de rayonnement .sont les isotopes du césium (137Cs), strontium (90Sr) et cobalt (60Co) [7], [8]. Les radioéléments les plus abondants dans le combustible usé et par conséquent dans ce type d’effluents liquides sont le césium et le strontium. Ainsi une attention toute particulière leurs est accordée au cours de l’étape de traitement décrite par la suite.
Procédés de traitement des effluents liquides
Selon leur classification, les déchets doivent subir un traitement afin de concentrer, d’extraire et de modifier la composition des radioéléments. Actuellement différents procédés de traitement sont mis en place et notamment l’évaporation et le traitement chimique.
L’évaporation
Cette technique consiste à chauffer l’effluent jusqu’à sa température d’ébullition afin d’éliminer l’eau et de concentrer la matière radioactive dans un volume réduit. Cette technique bien qu’efficace ne peut être utilisés pour tous les effluents. En effet, certaines compositions telles qu’une trop forte salinité ou la présence d’une trop forte teneur en chlorures, sulfates ou phosphates peut provoquer un endommagement de la cuve d’évaporation [9]. Il est alors nécessaire de procéder à une étape de traitement avant évaporation rendant ainsi le procédé plus coûteux.
Le traitement chimique
Le traitement physico-chimique consiste à introduire ou former in-situ des particules solides dans l’effluent de façon à transférer les radionucléides de la phase liquide à la phase solide. Les particules ainsi chargées sont séparées de la phase liquide décontaminée par décantation ou filtration.
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE I : Etude bibliographique
I. Les déchets nucléaires de type effluent liquide
II. Les liants ettringitiques à base de ciments alumineux
III. Conclusion et cheminement de l’étude
CHAPITRE II : Matériaux & Méthodes
I. Déchet et sorbant
II. Matériaux cimentaires
III. Techniques de caractérisation
IV. Caractérisation microstructurale
V. Propriétés physiques macroscopiques
CHAPITRE III : Domaine de stabilité du PPFeNi en fonction du pH et de la température
I. Introduction
II. Paramètres de l’étude
III. Etude de la stabilité chimique des systèmes PPFeNi-Cs et de la nature des produits formés
IV. Propriétés de rétention du césium dans une boue de type « Fukushima » en fonction du pH
V. Conclusion
CHAPITRE IV : Liants forts consommateurs d’eau & bas-pH
I. Démarche
II. Formulations
III. Effet de la teneur en sulfate de calcium (hémihydrate) sur la formation d’ettringite
IV. Caractéristiques microstructurales de mélanges CAC avec des sulfates de calcium de solubilité différentes (hémihydrate et/ou anhydrite)
V. Etude de la stabilité de l’ettringite dans les systèmes contenant différentes natures de sulfate à moyen et long terme
VI. Conclusion
CHAPITRE V : Liant ettringitique à faible dégagement de chaleur & bas-pH : intérêt du laitier de haut fourneau en association avec différents sulfates de calcium
I. Introduction
II. Présentation des mélanges étudiés
III. Effet de la substitution d’un mélange CAC–hémihydrate par du laitier
IV. Problématique de l’expansion
V. Influence de sulfates de calcium de solubilités différentes (hémihydrate et/ou anhydrite) sur l’hydratation de systèmes ettringitiques contenant du laitier
VI. Synthèse et conclusion
CHAPITRE VI : Application au procédé d’enrobage d’un déchet de type boue
I. Introduction
II. Faisabilité du procédé de cimentation d’une boue simulée dans un liant ettringitique
III. Etudes paramétriques du procédé de cimentation
IV. Application à la cimentation d’une boue de type « Fukushima » et perspectives
V. Conclusion
Conclusions générales & Perspectives
Bibliographie
Annexes