Les débuts de la psychiatrie biologique : l’avènement des psychotropes 

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Le transporteur de la dopamine

À partir des années 1970s, les travaux concernant la dopamine prennent une ampleur nouvelle par la caractérisation pharmacologique, puis le clonage des différents récepteurs de la dopamine et l’identification des transporteurs présynaptiques régulant les concentrations de dopamine dans la fente synaptique (pour revue voir (Giros, 1996)).
Fonction
Les transporteurs de la dopamine (DAT) jouent en effet un rôle primordial dans la transmission dopaminergique. Une fois libérée, la dopamine est en partie ré-internalisée par le DAT, localisé sur la surface du neurone présynaptique (Figure 2). Le DAT permet ainsi de réguler la concentration synaptique de dopamine et d’assurer la clairance du neurotransmetteur, nécessaire au maintien d’une neurotransmission efficace. Une fois internalisée par le DAT, la dopamine est recyclée au sein de vésicules synaptiques pour être à nouveau libérée dans la synapse, à l’arrivée d’un nouveau potentiel d’action. Ainsi, l’activité du DAT détermine l’efficacité et le niveau basal de la transmission dopaminergique.
Localisation
Dans le cerveau, l’ARN messager du DAT a été observé en majorité au niveau de la substance noire (SN) et de l’Aire Tegmentale Ventrale (ATV), où se trouvent les corps cellulaires des neurones dopaminergiques (Hoffman et al, 1998; Lorang et al, 1994). En ce qui concerne la protéine du DAT en elle-même, elle est exprimée aussi bien dans les terminaisons que dans les corps cellulaires, les dendrites et les axones des neurones dopaminergiques présents dans le mésencéphale (Ciliax et al, 1999; Ciliax et al, 1995). Au niveau des terminaisons, le DAT n’est pas détecté dans les zones synaptiques actives, mais plutôt dans les zones périsynaptiques d’où il agirait sur la dopamine diffusant de la fente synaptique (Hersch et al, 1997). Ainsi, on retrouve le DAT sur l’ensemble des voies dopaminergiques et particulièrement au niveau du striatum et du Noyau Accumbens (NAcc, striatum ventral) (Figure 3). Bien que la majorité du DAT soit localisée au niveau du striatum, sa présence a également pu être détectée au sein de différentes régions corticales et sous-corticales, en Tomographie par Emission de Positons (Ouchi et al, 1999; Sekine et al, 2003) ou en post-mortem (Biegon et al, 1992; Little et al, 1995; Marcusson and Eriksson, 1988; Tupala et al, 2006). En effet, ces études ont mis en évidence la présence du DAT au sein de l’amygdale, l’hippocampe, le cortex orbitofrontal (COF) et le CPF médian, le gyrus cingulaire, l’insula et le thalamus. Ainsi, le DAT exerce son rôle modulateur de l’activité dopaminergique sur l’ensemble du système. Mais quels sont les facteurs qui régulent son expression ou son activité ?
Régulation
De nombreuses propriétés du DAT telles que l’internalisation de la dopamine, le transport inverse de dopamine ou encore son expression membranaire sont régulées par des voies de signalisation intracellulaire et l’exposition aux psychostimulants (Foster and Vaughan, 2017). D’après la séquence primaire du DAT (Figure 2), plusieurs sites potentiels de phosphorylation par les protéines kinase ont été définis. L’activation de ces kinases, et particulièrement la protéine kinase C (PKC), peut altérer l’affinité du transporteur pour ses substrats, ou mener à une diminution de l’activité du transporteur. Il a été observé que cette diminution d’activité était due à une internalisation des transporteurs, qui pouvaient ensuite être recyclés à la surface du neurone présynaptique ou dégradés (German et al, 2015; Vaughan and Foster, 2013). Contrairement à l’effet inhibiteur de la PKC, l’activation de la voie ERK augmente les niveaux de DAT à la membrane, ainsi que la capacité de transport de la dopamine (Bolan et al, 2007; Moron et al, 2003). Ces études démontrent que le DAT subit une régulation bidirectionnelle en réponse à des systèmes de signalisation distincts, et suggèrent ainsi que le niveau d’activité de transport est établi par l’intégration d’informations à partir d’entrées multiples (Foster et al, 2017), qui restent à définir. Des travaux ont également démontré que la présence de dopamine provoquait une diminution de la capacité de transport du DAT (Gulley et al, 2002; Saunders et al, 2000), associée à une relocalisation cytoplasmique du transporteur, au détriment de son expression membranaire (Saunders et al, 2000).
Il est important de noter que contrairement à la tyrosine hydroxylase qui est exprimée par l’ensemble des neurones produisant les catécholamines, le DAT est spécifiquement exprimé par les neurones dopaminergiques. De plus, sa présence au niveau des synapses semble être régulée par l’activité dopaminergique elle-même. De ce fait, il constitue un bon marqueur de l’intégrité structurale et fonctionnelle des neurones dopaminergiques. Cela dit, il est important de noter qu’il existe une limitation de l’interprétation des mesures de disponibilité du DAT. En effet, le DAT présentant à la fois la propriété d’être fortement régulé par le niveau d’activité du système dopaminergique et d’importantes capacités de régulation de cette même fonction dopaminergique, il apparaît difficile de déterminer si une modification de la disponibilité du DAT est à l’origine ou résulte d’une modification de l’activité du système dopaminergique.

Dopamine et récompense

Suite à la description du rôle central de la dopamine dans le cerveau, les travaux de neuro-anatomie et de neurochimie, ainsi que les études comportementales ont pris un essor considérable et ont démontré l’importance des neurones dopaminergiques de la voie méso-cortico-limbique (Annexe 1 : Le système dopaminergique) dans les « circuits de la récompense et du plaisir » (Le Moal and Simon, 1991). L’implication de la dopamine dans les comportements liés à la récompense a reçu une attention particulière de la part de la communauté scientifique, du fait des conséquences cliniques de la dysfonction du système dopaminergique et du circuit de la récompense, associées à la dépendance aux drogues et à l’obésité, qui constituent des problèmes majeurs de santé publique. L’étude du système de récompense est aujourd’hui un champ de recherche particulièrement riche qui a engendré une littérature abondante, regroupant différentes techniques expérimentales (neuro-imagerie, électrophysiologie, pharmacologie…), différents modèles biologiques (rongeurs, primates, humains…) et différents niveaux d’exploration (synapse, neurone, aires cérébrales…). Parmi ces données, un certain nombre de résultats fondamentaux ont contribué à l’émergence du concept de « système de récompense » et à la description de réseaux neuronaux fonctionnels associés au processus de récompense, qui forment le circuit de la récompense.

Définition fonctionnelle de la récompense

Trois grands aspects du comportement sont habituellement associés à la récompense : l’apprentissage, la motivation et le plaisir (Schultz, 2006). Ces divisions fonctionnelles correspondent également à la distinction proposée par Kent Berridge et Terry Robinson entre « learning », « wanting » et « liking » dans leur théorie sur la fonction dopaminergique (Berridge and Robinson, 2003).
Ainsi, l’une des premières définitions scientifiques de la récompense a été proposée par Ivan Pavlov en 1927 (réédition (Pavlov, 2010)), qui la décrit comme un objet produisant un changement comportemental assimilé à de l’apprentissage. Par l’intermédiaire de ses célèbres expériences, Ivan Pavlov a montré que le son d’une cloche est capable de générer une réaction de salivation chez un chien, lorsque ce son a été apparié avec une récompense alimentaire par apprentissage associatif. Plus communément, la récompense est souvent décrite comme un bien matériel offert pour un service rendu, ou des mérites particuliers. Cette définition renvoie à la notion de conditionnement opérant (ou instrumental), formalisé par Edward Thorndike puis développé par B.F. Skinner. Dans ce contexte, une récompense est considérée comme un but qui motive l’individu à reproduire un certain comportement pour en bénéficier à nouveau. Enfin, la récompense présente également une composante hédonique, caractérisée par les émotions positives qu’elle induit. Cette troisième fonction est extrêmement importante, et peut être considérée comme le moteur des deux précédentes. Cette fonction affective de la récompense trouve particulièrement son sens dans une approche évolutionniste : le plaisir associé à des actions telles que manger, boire ou se reproduire aurait été sélectionné par l’évolution pour renforcer l’apprentissage et la répétition de ces comportements indispensables à la survie de l’individu et de l’espèce (Rolls, 2000).
La catégorisation usuelle des types de récompenses consiste à distinguer les récompenses primaires, les récompenses secondaires et les drogues. Comme leur nom le suggère, les récompenses primaires sont associées à des comportements indispensables à la survie de l’individu ou de l’espèce. Leur nombre est relativement restreint, et regroupe essentiellement la nourriture, la boisson et le sexe. Ces récompenses sont partagées par toutes les espèces animales et possèdent une valeur innée, raison pour laquelle on les assimile à des renforçateurs « inconditionnels ». Par ailleurs, il existe également une multitude de récompenses qui ne sont pas directement utiles à la survie, qui sont dites « secondaires ». Parmi elles se trouvent par exemple l’argent, le pouvoir ou la célébrité. Contrairement aux récompenses primaires, leur valeur nécessite souvent un apprentissage, par association avec des récompenses de plus bas niveau. Enfin, les drogues possèdent toutes les propriétés énoncées plus haut : elles procurent du plaisir, induisent une forte motivation, et sont généralement associées à des rituels de consommation très reproductibles. En revanche, contrairement aux deux catégories précédentes, ces récompenses agissent directement au niveau de cibles cérébrales spécifiques. Ainsi, l’utilisation de drogues résulterait d’un « recyclage » ou d’un « détournement » de réseaux cérébraux existants et spécialisés dans le traitement des récompenses naturelles, initialement sélectionnés par l’évolution pour garantir la survie (Nesse and Berridge, 1997). Il est important de noter que cette méthode de catégorisation apparaît plus limitée chez l’Homme, pour qui plusieurs types de stimuli à caractère « récompensant » n’appartiennent à aucune des catégories citées plus haut, tels que la musique, les interactions sociales ou l’humour.

Dopamine et récompense : Premières observations

Le concept de « système de récompense » est vraisemblablement apparu au milieu des années 1950s (Milner, 1991), alors que James Olds et Peter Milner travaillaient sur une région du mésencéphale soupçonnée de jouer un rôle dans l’état d’éveil et d’excitation. Par des expériences d’électrostimulations cérébrales menées chez le rat à l’aide d’électrodes implantées, ils ont fait l’observation surprenante que l’un des rats retourne systématiquement à l’emplacement où il a été stimulé précédemment. L’utilisation d’un système d’autostimulation leur a ensuite permis de constater l’émergence d’un comportement compulsif chez ce rat, actionnant le levier d’autostimulation de façon répétitive, à l’exclusion de toute autre activité (Olds and Milner, 1954). Ce n’est qu’après vérification anatomique que James Olds s’est aperçu que l’électrode était implantée au niveau de l’aire septale, région qui a été baptisée « centre du plaisir » (Olds, 1956). L’existence d’un signal de « récompense pure », en l’absence de toute stimulation sensorielle périphérique et de tout besoin physiologique, apportait la preuve qu’il existait des régions cérébrales spécialisées dans le traitement de la récompense (Wise, 2002). Les effets initialement observés avec la stimulation de l’aire septale ont été répliqués par la stimulation d’autres régions incluant principalement des régions du faisceau médian du télencéphale (Figure 1), le pallidum ventral, le thalamus ventral, le NAcc, l’hippocampe et l’amygdale, le cortex cingulaire et le CPF médian, des régions ayant toutes en commun d’être situées le long d’un faisceau de fibres issu de l’aire tegmentale ventrale dans le mésencéphale (McBride et al, 1999; Olds and Fobes, 1981). Ces effets ont été observés chez plusieurs autres espèces, dont le lapin, le chat et le singe, renforçant ainsi l’idée d’un circuit cérébral de la récompense conservé au cours de l’évolution (Olds et al, 1981). De plus, il a été noté que l’autostimulation cérébrale par les rats s’accompagne souvent d’un accroissement de leur motivation pour la nourriture, la boisson ou les activités sexuelles (Caggiula and Hoebel, 1966; Valenstein and Cox, 1970).

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Table des matières

INTRODUCTION 
PARTIE 1 : CONTEXTE BIBLIOGRAPHIQUE
1.! Aspects historiques
1.1.! Dopamine et psychiatrie
1.1.1.! Les débuts de la psychiatrie biologique : l’avènement des psychotropes
1.1.2.! Dopamine, neurotransmetteur
1.1.3.! Le transporteur de la dopamine
1.2.! Dopamine et récompense
1.2.1.! Définition fonctionnelle de la récompense
1.2.2.! Dopamine et récompense : Premières observations
1.2.3.! Dopamine et récompense : Etudes d’imagerie
2.! Imagerie de la dopamine et du circuit de la récompense en psychiatrie
2.1.! Schizophrénie
2.1.1.! Hypothèses dopaminergiques de la schizophrénie
2.1.2.! Apport de l’imagerie moléculaire du système dopaminergique
2.1.3.! Dysfonction du circuit de la récompense
2.2.! Addictions
2.2.1.! Système dopaminergique et addiction
2.2.2.! Apport de l’imagerie moléculaire du système dopaminergique
2.2.3.! Dysfonction du circuit de la récompense
2.3.! Dépression
2.3.1.! Dopamine et dépression
2.3.2.! Apport de l’imagerie moléculaire du système dopaminergique
2.3.3.! Dysfonction du circuit de la récompense
3.! Discussion du contexte scientifique
3.1.! Résumé des connaissances
3.2.! Enjeux pour la recherche
3.2.1.! Approches catégorielle et dimensionnelle en psychiatrie
3.2.2.! Apport de l’imagerie multimodale
4.! Problématique, hypothèses et objectifs de la thèse
4.1.! Problématique
4.2.! Hypothèses
4.3.! Objectifs
PARTIE 2 : METHODOLOGIE 
1.! Description de la base de données
1.1.! Protocoles PSYDAT & CAIMAN : Design des études
1.1.1.! PSYDAT
1.1.2.! CAIMAN
1.2.! Participants
1.3.! Tâche fonctionnelle
1.4.!Méthodes d’imagerie
1.4.1.! Imagerie TEP
1.4.2.! Imagerie IRM
1.5.! Evaluations cliniques et neuropsychologiques
1.5.1.! Evaluations cliniques
1.5.2.! Tests neuropsychologiques
2.! Analyses statistiques
2.1.! Analyses multimodales
2.1.1.! Etude TEP-IRMf
2.1.2.! Etude TEP-IRMa
2.1.3.! Etude TEP-DTI
2.2.! Analyses intra-modalité
2.2.1.! Etude CAIMAN
2.2.2.! Etude PSYDAT : SchizoDAT
PARTIE 3 : RESULTATS DES ETUDES 
1.! Etude en imagerie multimodale TEP et IRM fonctionnelle
1.1.! Résumé
1.2.! Contexte de l’étude
1.3.! Résultats
1.3.1.! Caractéristiques des participants et résultats comportementaux
1.3.2.! Résultats d’imagerie
1.3.3.! Analyses secondaires
2.! Autres études multimodales
2.1.! Etude multimodale TEP-IRMa
2.2.! Etude multimodale TEP-DTI
3.! Etude CAIMAN
3.1.! Résumé
3.2.! Contexte de l’étude
3.3.! Résultats
3.3.1.! Résultats démographiques et cliniques
3.3.2.! Résultats d’imagerie
4.! Etude SchizoDAT : Exploration du DAT dans la schizophrénie
4.1.! Résumé
4.2.! Contexte de l’étude
4.3.! Résultats
PARTIE 4 : DISCUSSION INTEGREE DES RESULTATS 
1.! Rappel des hypothèses et des résultats
2.! Apport des études multimodales TEP-IRM
2.1.! Système dopaminergique et activité du circuit de la récompense
2.2.! Le DAT, un marqueur fonctionnel du système dopaminergique
3.! Implication du DAT dans la physiopathologie des troubles psychiatriques
3.1.! Relations avec la physiopathologie de la schizophrénie
3.2.! Relations avec la physiopathologie de l’addiction à la cocaïne
3.3.! Action pharmacologique du modafinil sur le DAT et abstinence à la cocaïne
4.! Considérations méthodologiques et conceptuelles
4.1.! L’approche dimensionnelle pour la recherche en psychiatrie
4.2.! L’imagerie multimodale
5.! Limitations
5.1.! Difficultés rencontrées pendant la thèse
5.2.! Limitations méthodologiques des études
5.2.1.! Imagerie TEP
5.2.2.! Etude TEP IRMf
5.2.3.! Etude TEP & IRM structurelles
5.2.4.! Etude SchizoDAT
5.2.5.! Etude CAIMAN
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Références 
ANNEXES

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