ORGANISATION D’UN SERVICE D’URGENCE
Le séjour aux urgences, considéré dans son ensemble, est hétérogène : en son sein existe différents moments qui n’ont pas tous la même importance, la même valeur quant au pronostic final. Il existe différentes phases, dont l’identification et la définition concordent assez bien suivant les auteurs.
➤ Première phase d’accueil : qui comprend la réalisation des formalités d’admission, l’installation en salle d’examen, la répartition des malades en grandes catégories (chirurgie, médecine, psychiatrie), la prise des constantes vitales (pouls, tension artérielle, température).
➤ Deuxième phase d’ébauche diagnostique et thérapeutique : où sont prises un certain nombre de décisions thérapeutiques urgentes (pose d’une voie veineuse, correction d’une hypertension, …), un premier examen clinique réalisé et décidé des examens complémentaires à faire en urgence. Cette phase de surcroît comprend la réalisation de ceux contre indiqués.
➤ Troisième phase de diagnostic et de traitement : dans laquelle la première impression diagnostique est étayée par les examens complémentaires, des avis spécialisés, et la thérapeutique est engagée. On inclut à la notion de thérapeutique le traitement établi pour les 24 premières heures (malades hospitalisés), les examens complémentaires, ainsi que l’ordonnance de sortie (malades non hospitalisés).
➤ Quatrième phase d’orientation : très différente suivant que le malade est hospitalisé ou non.
➤ Pour les malades hospitalisés, il faut leur trouver un lit dans le service adéquat, s’assurer de la bonne transmission des décisions thérapeutiques, enfin il faut organiser leur transfert.
➤ Pour les malades non hospitalisés, cette étape comprend la remise de l’éventuelle ordonnance de sortie et son explication, des documents de sortie, et la prise d’éventuels rendez-vous.
Ce découpage est en fait assez théorique, certains patients court-circuitent plusieurs étapes (c’est le cas des patients à risque vital immédiat par exemple). L’intérêt de cette segmentation du parcours est de montrer qu’il n’est pas uniforme, et qu’à chaque phase se posent des questions et des problèmes différents. A chaque segment peuvent se trouver des objets d’évaluation variés et plus spécifiques.
Les critères de qualité d’un service d’urgence
L’accueil
Il est défini comme: « une manière de recevoir quelqu’un, de se comporter avec lui quand on le reçoit chez soi ou quand il arrive ». C’est une prise en charge à l’arrivée. L’accueil à l’hôpital est basé, dans un moment particulier de crise, sur la communication, l’empathie. La spécificité de l’accueil au SU est de bénéficier d’une prise en charge individualisée, être entendu, être informé, être respecté dans ses besoins, ses croyances, ses sentiments et sa dignité. L’accueil est confronté à différentes réalités, matérielles, administratives, médicales et psychologiques. Certains attacheront plus d’importance à la relation humaine pour d’autres ce sera le cadre matériel qui déterminera la qualité de l’accueil. L’accueil aux urgences nécessite une disponibilité importante en rejetant toute stigmatisation et jugement social et racial.
La communication
Elle est définie comme : « le fait d’être en relation avec quelqu’un, relation qui remplit la fonction de lien social ». La communication peut être verbale par transmission d’une information. Le langage utilisé doit être clair, précis et adapté en tenant compte de l’état d’inquiétude et d’anxiété. La communication non verbale est tout aussi importante. Il s’agit du langage qui repose sur des signes pas toujours immédiatement perceptibles comme le froncement des sourcils, le pincement des lèvres, les yeux qui plafonnent, la gestuelle, et même les silences… Ce type de communication existe dans l’expression comportementale de la douleur par exemple. L’écoute est définie alors comme le fait : « d’être aux aguets, d’être très attentif… ». Elle a pour but de saisir ce que l’usager désire et lui faire préciser ces attentes. C’est aussi la capacité de capter et de comprendre les messages transmis par le patient, verbaux et non verbaux. En médecine, le soin technique est facilement quantifiable. Il n’en est pas de même pour le soin relationnel (rassurer, informer, conseiller). La relation est d’autant plus importante que le soignant connaît le soigné. Celui-ci va reconnaître ses propres attentes à travers le soignant. Il est clair que cette relation personnalisée doit s’établir dès les premiers instants de l’échange. A la lumière de ces quelques réflexions il apparaît que les professionnels de la santé, paramédicaux et médicaux, doivent bénéficier de formation à l’accueil et à la communication. La gestion du stress est de plus en plus demandée dans les SU où les situations difficiles sont fréquentes.
Une attente qui devrait être idéalement nulle
Il est difficile de définir l’attente dans un SU. Il faut distinguer « l’attente utile » (le diagnostic positif d’embolie pulmonaire par exemple passe par la réalisation d’examens complémentaires nécessitant un certain temps) de « l’attente inutile » (attendre 2 heures pour être soulagé d’une douleur dentaire insupportable). Dans le premier cas l’urgence peut devenir vitale dans le deuxième la plainte a été jugée bénigne. Dans le premier cas l’attente a été justifiée et argumentée mais pas dans le second. Le degré d’insatisfaction sera beaucoup plus grand chez le second patient car sa souffrance n’aura pas été soulagée rapidement. L’urgence vitale est devenue rare dans les SU. Il s’agit le plus souvent d’urgence ressentie exceptionnellement hospitalisée. C’est le patient qui définit de plus en plus le caractère urgent de son état de santé. Les médecins du SU jouent souvent le rôle du médecin généraliste que certains patients ne vont plus voir. Mais, un SU a pour obligation de répondre à toute demande de soins 24h sur 24h quelque soit le degré de gravité. On comprend bien que des patients classés CCMU1 (classification clinique des patients aux urgences) (Figure8) (état ne nécessitant pas d’acte) vont être pris en charge en même temps que des patients classés 2 (état peu sévère nécessitant des actes), 3 (état pouvant s’aggraver) ou 4 et 5 (état nécessitant une réanimation). Smeltzer a montré dans un SU situé dans un centre hospitalier universitaire américain que les patients ayant un score faible ont les délais d’attente les plus courts. Le délai global de séjour dans cette série de 110 patients est en moyenne de 2,68h.
L’auteur de ce travail propose de notifier les dysfonctionnements et de les expliquer afin d’améliorer la qualité dans ce SU. Il souhaiterait également suivre le degré de satisfaction des patients de manière directe par téléphone. Les résultats de Smeltzer sont confirmés par d’autres études. Ces travaux approchent l’attente quantitativement et ne permettent pas de proposer des référentiels applicables dans n’importe quel SU. Idéalement l’attente devrait être nulle. C’est impossible à réaliser. Il faudrait dans ce cas disposer d’un box et d’un médecin par patient, soit une centaine pour un SU moyen. La réponse ne peut être qu’un compromis entre le patient et le SU. Et proposer des délais d’attente acceptables. Comment les définir? La littérature ne répond pas à cette question. On peut envisager de lister les motifs d’admission les plus fréquents au SU et les relier au diagnostic final au SU. Puis, analyser les délais par motif et diagnostic au temps zéro de la démarche qualité correspondant à ce qui se fait sans mesures correctrices en notifiant les évènements pouvant expliquer d’éventuels délais considérés comme anormaux. L’étude est ensuite réalisée après mise en place des actions d’amélioration. Par le biais de cette démarche d’évaluation on peut probablement définir des délais optimaux.
Mais on imagine la complexité de l’organisation méthodologique à mettre en place et les moyens financiers nécessaires. Car il ne s’agit pas d’inclure un effectif trop faible non représentatif de la population admise au SU si on veut avoir des résultats pertinents. Et le recueil de données doit se faire par des assistants de recherche détachés de la prise en charge au SU. Il est important de faire apparaître que les SU peuvent être considérés comme une petite entreprise ou un petit hôpital où exercent de nombreuses catégories professionnelles (infirmiers diplômés d’état, aide soignante, agents des services hospitaliers, brancardiers, internes, externes, praticiens hospitaliers, consultants, ambulanciers …).
Le processus global de prise en charge au SU à l’air simple mais son fonctionnement est complexe et fait intervenir de nombreux acteurs qui n’ont pas nécessairement les mêmes préoccupations. Dans la réalité on observe une certaine inorganisation avec difficulté à adapter les flux. Une des solutions serait de mieux définir les différents circuits de prise en charge.
Les techniques d’évaluation de la qualité des soins applicables aux urgences
Les signaux d’alarme
Il s’agit d’évènements dont la survenue est en elle-même significative. A priori ceux-ci doivent déclencher une enquête adaptée (c’est à dire plus ou moins lourde et approfondie suivant la gravité de l’évènement) permettant de mettre à jour les mécanismes de survenue. Cette enquête doit être formalisée (la personne qui s’en charge doit être connue de même que les critères d’appréciation de l’évènement) et autant que possible doit être réalisée au sein de l’équipe d’urgence par l’un de ses membres. Le plus souvent la mesure de signaux d’alarme consiste en le recueil de la survenue d’évènements indésirables. S’il existe un bruit de fond incompressible, l’augmentation de ceux-ci réalise le signal d’alarme. Les évènements indésirables les plus fréquemment suivis sont : les décès, les plaintes et les incidents indésirables tels que définis par l’OMS:
➨ coupure, piqûre, perforation, hémorragie accidentelle ou autre incident survenu au cours d’un acte médico-infirmier,
➨ erreur pharmacologique quantitative (erreur de médicament),
➨ défaillance mécanique d’un appareil,
➨ administration de produits contaminés, utilisation de produits souillés, problème de sepsis au cours d’un acte,
➨ problème d’incompatibilité sanguine,
➨ réaction allergique,
➨ chute, accident de transport.
En plus de l’approche ponctuelle précédemment définie, ils doivent être enregistrés afin de faire l’objet d’un suivi de tendance. A ce titre, ils font partie des indicateurs d’un éventuel tableau de bord des urgences, au sens où leur augmentation par rapport à un niveau jugé normal sert de signal d’alarme. Déclenchant des enquêtes plus approfondies ou plus synthétiques que celles réalisées au cas par cas.
Les délais
Le problème de l’attente aux urgences est régulièrement mis en avant. L’étude des délais d’attente entre les différentes étapes du passage aux urgences permet de pointer un certain nombre de problèmes (délai de la prise en charge médicale, accessibilité au plateau technique, …) La mesure des délais peut être affinée de plusieurs façons:
➨ en différenciant les délais d’attente selon les catégories de malade (plus ou moins grave, plus ou moins urgent),
➨ en pointant tel ou tel délai,
➨ en pondérant différemment les délais entre chaque étape selon l’importance qu’ils ont sur le pronostic final du passage aux urgences ou selon l’importance qu’on leur accorde (par exemple en valorisant plus le délai de première prise en charge médicale par rapport au délai de sortie).
Enfin, la variation de la durée de séjour aux urgences et/ou de tel ou tel délai peut être un indicateur de type « tableau de bord» de suivi des urgences.
Le suivi d’examens types
Il s’agit de suivre la rationalité de la prescription diagnostique au sein des urgences à l’aide d’examens représentatifs d’un risque de prescription erronée, inutile donc entraînant une moindre qualité des soins aux urgences (perte de temps, informations inutiles risquant d’entraîner une mauvaise conduite thérapeutique ultérieure, surcoûts injustifiés, …). L’exemple type est la radiographie de crâne standard prescrite systématiquement lors d’un traumatisme crânien. Le recours à des examens types comme marqueurs de la qualité peut être étendu et affiné à d’autres examens (radiographie pulmonaire) ou à des ensembles d’examens (bilan préopératoire standard). Ces marqueurs permettent ainsi de mesurer qualitativement un aspect de la prise en charge aux urgences mais aussi de quantifier l’impact de stratégies de formation sur toute l’équipe des urgences.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. LA QUALITE EN GENERAL
A. L’expérience en industrie
B. L’exemple Japonais
C. L’exemple américain
II. LA QUALITE HOSPITALIERE
III. PROGRAMME D’ASSURANCE QUALITE
A. Définition
B. Les indicateurs de qualité
C. Les outils méthodologiques proposés pour la réalisation d’une démarche qualité
D. L’amélioration continue de la qualité sous forme de processus
IV. ORGANISATION D’UN SERVICE D’URGENCE
V. LES CRITERES DE QUALITE D’UN SERVICE D’URGENCE
A. L’accueil
B. La communication
C. Une attente qui devrait être idéalement nulle
VI. LES TECHNIQUES D’EVALUATION DE LA QUALITE DES SOINS APPLICABLES AUX URGENCES
A. Les signaux d’alarme
B. Les délais
C. Le suivi d’examens types
D. La revue systématique de dossiers
E. Le suivi de traceurs
DEUXIEME PARTIE
I. CADRE D’ETUDE
A. Les moyens matériels
B. Moyens humains
C. Les activités
II. MALADES ET MÉTHODE
A. Critères d’inclusion
B. Critères d’exclusion
C. Collecte des données
D. Paramètres étudiés
E. Analyse statistique
III. RÉSULTATS
A. Descriptionde la population étudiée
B. Suivi des patients à l’arrivée
D. La phase de prise en charge
E. Orientation finale
F. L’étude des commentaires libres
G. Analyse bivariée
1. Satisfaction et niveau de scolarisation
2. Satisfaction et âge
3. Satisfaction et sexe
4. Satisfaction et délai d’attente avant les examens complémentaires
5. Satisfaction et informations sur le délai d’attente
6. Satisfaction et qualité de l’accueil du personnel soignant
7. Satisfaction et informations sur le déroulement de la prise en charge
8. Satisfaction et soulagement de la douleur
9. Satisfaction et délai d’hospitalisation
10. Satisfaction et appréciation des locaux
IV. DISCUSSION
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE