Les cristaux liquides aspect historique
Les premiรจres observations dโun รฉtat de la matiรจre non clairement dรฉfini furent rรฉalisรฉes par des biologistes et des botanistes. Ces scientifiques du 19รจme siรจcle observaient ร l’aide de microscope ร lumiรจre polarisรฉe des substances biologiques extraites des tissus animaux ou vรฉgรฉtaux et ont notรฉ que celles-ci possรฉdaient des propriรฉtรฉs entre celles des solides et des liquides. Ces substances dโaspect fluide รฉtaient birรฉfringentes, propriรฉtรฉ normalement observรฉe uniquement pour des solides cristallins.
En 1857, lโophtalmologue Mettenheimer a observรฉ une รฉtrange croissance d’objets tubulaires ร l’interface myรฉline/eau (la myรฉline est une substance fluide et colorรฉe qui entoure les fibres nerveuses). Des observations similaires remontent aux travaux de Buffon en 1749.2 En 1888, en cherchant ร dรฉterminer la structure du cholestรฉrol, le botaniste autrichien Reinitzer prรฉpara le benzoate de cholestรฉrol et observa un premier point de fusion ร 145,5ยฐC. En chauffant plus, il remarqua que le liquide trouble devient alors limpide ร 178,5ยฐC.3
Nโรฉtant pas spรฉcialiste dans lโรฉtude des cristaux, il prit contact avec le physicien et cristallographe Otto Lehmann qui poursuivit lโรฉtude de ces composรฉs รฉtonnant et confirma les observations de Reinitzer4. Il entame une รฉtude systรฉmatique, ร lโaide dโun microscope ร lumiรจre polarisรฉe, du benzoate de cholestรฉryle et de composรฉs apparentรฉs possรฉdant le phรฉnomรจne de double point de fusion. Ceci lui suggรจre l’appellation de cristaux coulants en 1889, fluides cristallins en 1890 et finalement cristaux liquides en 1900. Une modification de la terminologie de cette nouvelle classe de composรฉs fut faite en 1922 par Friedel,5 prรฉfรฉrant parler dโรฉtat mรฉsomorphe (du grec mesos : intermรฉdiaire et morphe: forme) ou de mรฉsophase. Il รฉtablit la classification et la nomenclature des phases les plus usuelles. Durant la premiรจre moitiรฉ du 20รจme siรจcle, les chercheurs travaillant sur les cristaux liquides fondรจrent les bases thรฉoriques, รฉlaborรจrent des รฉlรฉments pratiques mais ne leur trouvรจrent aucune application.
Ce nโest seulement quโen 1968, presque un siรจcle aprรจs leur dรฉcouverte, que Heilmeier mis au point le premier dispositif dโaffichage basรฉ sur les cristaux liquides.6 Cinq annรฉes supplรฉmentaires furent nรฉcessaires afin dโobtenir un systรจme stable, connu sous le nom de ยซ Twisted Nematic ยป (TN). A lโheure actuelle, beaucoup dโapplications des cristaux liquides sont disponibles telles que lโaffichage des รฉcrans plats (TN LCDs), les montres et les tรฉlรฉphones portables.
โข les travaux de Gallardo : Gallardo et coll.59 ont utilisรฉ avec succรจs la rรฉaction de cycloaddition dipolaire 1,3 (rรฉaction de Huisgen) dโazotures avec des alcynes afin dโobtenir de nouveaux mรฉsogรจnes portant des unitรฉs [1,2,3]-triazole. En 2005, ils ont rapportรฉ la synthรจse de composรฉs cristaux liquides chiraux contenant lโhรฉtรฉrocycle [1,2,3]-triazole.59a Ces molรฉcules prรฉsentent des mรฉsophases cholestรฉrique (N*) et smectique A (SmA). (Figure 23) Durant la mรชme annรฉe, dโautres sรฉries de molรฉcules ont รฉtรฉ publiรฉes.59b Afin de faciliter l’analyse de leur comportement mรฉsomorphe, les composรฉs cibles ont รฉtรฉ regroupรฉs en deux sรฉries, figures 24 et 25. Pour les composรฉs dans lesquels lโhรฉtรฉrocycle est placรฉ ร lโextrรฉmitรฉ de coeur rigide (Figure 24), il a รฉtรฉ dรฉmontrรฉ que le nombre de cycles aromatiques gouverne l’apparition des mรฉsophases.
Les coeurs courts contenant trois cycles (composรฉs 3 et 4) ne prรฉsentent pas de phases CL. Lโhรฉtรฉrocycle [1,2,3]-triazole provoque une courbure du coeur de lโordre de 148.9ยฐ, et par consรฉquent un รฉcart de linรฉaritรฉ qui semble prรฉjudiciable ร lโempilement mรฉsomorphe. L’augmentation de la longueur du mรฉsogรจne ร quatre cycles permet de restaurer lโanisotropie (composรฉs 5, 7 et 8) et des mรฉsophases N* et SmC* sont observรฉes.
Avec l’introduction du groupement nitro latรฉrale en position mรฉta de lโhรฉtรฉrocycle triazole, la mรฉsophase SmC* observรฉe dans le composรฉ (7) a disparu complรจtement dans le composรฉ (8). Le volume de Van der Waals du groupement nitro conduit ร une rรฉduction des interactions dipolaires qui conduisent aux phases smectiques. Cet effet stรฉrique est encore plus prononcรฉ lorsque l’un des cycles benzรฉnes prรฉsent dans le composรฉ (8) a รฉtรฉ remplacรฉ par l’hรฉtรฉrocycle isoxazole 3,5- disubstituรฉ (composรฉ 6). Dans cette situation, tout comportement mรฉsomorphe est perdu et le composรฉ 6 est un solide ordinaire qui fond en liquide isotrope ร 179ยฐC. Le dรฉplacement de lโhรฉtรฉrocycle [1,2,3]-triazole vers une position centrale (figure 25) conduit ร une rรฉduction sensible des points de fusion (d’environ 37ยฐC en comparant les composรฉs 4 et 9) . En outre, cette gรฉomรฉtrie semble favoriser les phases smectiques, en particulier la SmA. Afin d’obtenir encore un plus grand abaissement de la tempรฉrature de fusion et accรฉder ร une phase ferroรฉlectrique SmC*, le groupement nitro a รฉtรฉ de nouveau utilisรฉ (composรฉ 10). Malheureusement, cette tentative a รฉchouรฉ car le point de fusion a augmentรฉ d’environ 15 ยฐ C.
La synthรจse de 1,4-diaryl-[1,2,3] triazole a fait lโobjet de deux autres รฉtudes59c, d(Figure 26) . Il a รฉtรฉ rapportรฉ que lโempilement observรฉ est gรฉnรฉralement de type smectique C (les composรฉs 11 et 15 prรฉsentent en plus de la phase smectique C des mรฉsophases N et SmA respectivement). Des bases de Schiff, ont รฉtรฉ introduites au niveau de la position 4 des triazoles, donnant lieu ร des mรฉsophases smectiques C. Une รฉtude complรฉmentaire publiรฉe en 2008 59e porte sur les dรฉrivรฉs bistriazoliques et monotriazoliques schรฉmatisรฉs dans la figure 28. Les composรฉs 19 et 20 prรฉsentent uniquement une phase SmC sur une large gamme de tempรฉrature. Le composรฉ 21 ne prรฉsente pas de propriรฉtรฉs mรฉsomorphes.
โข Les travaux de D.Srividhya : D.Srividhya et coll.60 ont examinรฉ lโeffet de lโintroduction dโun groupement alkoxy au voisinage de hรฉtรฉrocycle [1,2,3]-triazole. Il a รฉtรฉ observรฉ que lโintroduction dโun groupement alkoxy en position 4 de lโhรฉtรฉrocycle induit un comportement mรฉsomorphe (composรฉs 22 et 23 – figure 29), alors qu’il รฉtait absent dans le cas des chaรฎnes alkyle non polaires (composรฉ 24 – figure 29). La raison pourrait รชtre l’interaction dipรดle-dipรดle de groupements alkyloxy polaires qui conduit ร lโorganisation des molรฉcules dans des couches smectiques.
Toutefois plus la longueur de la chaรฎne alkoxy augmente, plus la stabilitรฉ de la mรฉsophase smectique diminue (empilement des molรฉcules moins efficace dรป ร lโaugmentation de la flexibilitรฉ des chaรฎnes). En 2013 61, notre รฉquipe de recherche sโest intรฉressรฉe ร รฉtudier lโeffet de plusieurs paramรจtres structuraux sur le comportement mรฉsomorphe des molรฉcules cibles dont : La prรฉsence de divers connecteurs entre lโhรฉtรฉrocycle [1,2,3]-triazole et le substituant aromatique, la nature des substituants en position N1 de lโhรฉtรฉrocycle, la longueur du coeur rigide aromatique et lโeffet de lโisomรฉrie. Il a รฉtรฉ dรฉmontrรฉ, ร lโinverse de ce qui a รฉtรฉ dรฉcrit prรฉcรฉdemment, que la dรฉviation de la linรฉaritรฉ introduite par le triazole nโest pas suffisante pour dรฉtruire le comportement mรฉsomorphe, et cela mรชme pour des structures comportant trois cycles aromatiques. La prรฉsence dโun groupement connecteur polaire flexible de type ester adjacent au triazole ne contribue pas ร la restauration de la linรฉaritรฉ perdue par la prรฉsence de triazole.
Toutefois, cet ester par son caractรจre polaire, permettrait de gรฉnรฉrer suffisamment de moment dipolaire pour favoriser la formation des mรฉsophases SmA. (Figure 30). Le comportement mรฉsomorphe des composรฉs dรฉcrits dans la figure 30 est รฉtroitement liรฉ ร la nature du substituant X prรฉsent en position N1 de l’hรฉtรฉrocycle. L’introduction d’un atome de brome est prรฉjudiciable au comportement cristal liquide puisquโaucune mรฉsophase nโa รฉtรฉ observรฉe pour les produits correspondants.
Le grand volume de cet atome pourrait รชtre ร l’origine d’un tel comportement car il rรฉduit les interactions dipolaires qui conduisent ร une phase smectique. Pour la mรชme raison, l’existence d’un groupe mรฉthyle en position 5 de l’hรฉtรฉrocycle (composรฉ 25d) rรฉduit la stabilitรฉ thermique de la phase smectique par un facteur de 10 et la tempรฉrature de clarification d’environ 60ยฐC.
L’allongement du cลur aromatique rigide par l’introduction d’un groupe biphรฉnyl (26 a-c), augmente les points de fusion en comparaison avec des composรฉs contenant un groupe phรฉnyle (25 a-c) et conduit ร la formation d’une nouvelle mรฉsophase nรฉmatique au dรฉtriment de la mรฉsophase smectique A. Lโutilisation dโune fonction alcรจne comme connecteur a aussi รฉtรฉ envisagรฉe. Il a รฉtรฉ montrรฉ que le comportement mรฉsomorphe est liรฉ au type dโisomรฉrie (E/Z) (Figure 31). Des mรฉsophases smectique A significativement plus stables ainsi que des points de fusion plus รฉlevรฉs ont รฉtรฉ obtenus pour les composรฉs ayant une double liaison trans (E).
Lโintroduction du groupement รฉlectrodonneur (MeO) en position N1 favorise la formation de phases smectique C au lieu de la phase smectique A. L’allongement du coeur rigide aromatique par l’introduction d’un groupement phรฉnyl supplรฉmentaire (28 a-c) a une influence notable sur la stabilitรฉ des mรฉsophases en comparaison avec la sรฉrie (27 a-c) ร mรฉsogรจne plus court. La gamme de stabilitรฉ de la phase smectic A a รฉtรฉ rรฉduite par un facteur de 2.5 pour des composรฉs 28c (X=NO2) en comparaison de la structure correspondante plus courte 27c (X=NO2), tandis que pour le composรฉ 28a (X=MeO), la phase smectique C disparaรฎt complรจtement en faveur d’une phase nรฉmatique plus stable. Il semble que les mรฉsogรจnes ร quatre cycles (la sรฉrie 28a-c) ne sont pas aussi favorables ร l’empilement CL que les composรฉs de la sรฉrie (27 a-c). Cette observation pourrait รชtre due ร la dรฉviation de la linรฉaritรฉ induite par l’allongement du coeur rigide. Un comportement inattendu a รฉtรฉ observรฉ pour le composรฉ 28b (X=Br), car il prรฉsente une mรฉsophase smectique C stable au-dessus de 250ยฐC au lieu de la mรฉsophase smectique A observรฉe pour le mรฉsogรจne court correspondant 27b.
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
Chapitre (I) : Etude bibliographique
I. Les cristaux liquides
I.1. Gรฉnรฉralitรฉs
I.2. Les cristaux liquides aspect historique
I.3. Grandes classes des phases CL
I.3.1. Les cristaux liquides lyotropes
I.3.2. Les cristaux liquides thermotropes
A. Les calamitiques
A.1. Structure
A.2. Les mรฉsophases
a) La phase nรฉmatique (N)
b) La phase nรฉmatique chirale (N*) ou cholestรฉrique
c) La phase smectique (S)
d) La phase smectique chirale (Sm*)
B. Les discotiques
B.1. Les mรฉsophases
a) Nรฉmatiques
b) Colonnaires
C. Les phasmรฉdiques ou polycatรฉnaires
D. Les polymรจres
E. Les cristaux liquide de forme banane
I.4. Les cristaux liquides et leurs applications
I.5. Exemples de cristaux liquides ร base de [1,2,3]-triazole
I.5.1. Introduction
I.5.2. [1, 2, 3]- triazole et cristaux liquides calamatiques
I.5.3. [1, 2, 3]-triazole et cristaux liquides discotiques
I.5.4. [1, 2, 3]-triazole et cristaux liquides polycatรฉnaires
I.5.5. [1, 2, 3]-triazole et cristaux liquides de forme banane
Chapitre (II): Synthรจse de nouveaux mรฉsogรจnes [1,2,3] -triazoles
II.1. Introduction
II.2. Synthรจse des produits de dรฉpart
II.2.1. Synthรจse du N-(4-hydroxyphรฉnyl) acรฉtamide (1)
II.2.2. Synthรจse des N-(4-(alkyloxy)phรฉnyl) acรฉtamide (2a-d)
II.2.3. Synthรจse des 4-(alkyloxy)benzรจnamine (3 a-d)
II.2.4. synthรจse des aryles azides (4 a-g)
II.2.5. synthรจse des 1H-[1,2,3]-triazole-4-acide carboxylique
II.3. Synthรจse des molรฉcules de la sรฉrie 1
II.3.1. synthรจse du 3,4,5-tris(dodรฉcyloxy)benzoate de mรฉthyle (6)
II.3.2. Synthรจse de lโacide 3,4,5-tris(dodรฉcyloxy)benzoรฏque (7)
II.3.3. Synthรจse du 3,4,5-tris(dodรฉcyloxy)benzoate de 4-hydroxyphรฉnyle (8)
II.4.3.1. protection de lโhydroquinone
II.3.3.2.Synthรจse du 3,4,5-tris(dodรฉcyloxy)benzoate de 4-(tertbutyldimรฉthylsilyloxy) phรฉnyle
II.3.3.3. Dรฉprotection du 3,4,5tris(dodรฉcyloxy)benzoate de 4(tertbutyldimรฉthylsilyloxy) phรฉnyle
II.3.4. synthรจse des mรฉsogรจnes de la sรฉrie 1 (11 a-g)
II.4. Synthรจse des molรฉcules de la sรฉrie 2 : les bisphรฉnyl(1-alkyloxyphรฉnyl)-1H-[1,2,3]-
triazole-4-carboxylate (12a-d)
II.5. Synthรจse des molรฉcules de la sรฉrie ยซ 3 ยป
II.5.1. synthรจse de lโalcyne (13)
II.5.2. synthรจse des produits finaux de la sรฉrie ยซ 3 ยป (14 a-d)
II.6. synthรจse des molรฉcules de la sรฉrie 4
II.6.1. synthรจse des diester 3,5-bis[(4-Alkyloxyphรฉnyl)-1H-[1,2,3]-triazole-4-
carbonyloxy)]-5-mรฉthylphรฉnyle (15a-d)
II.6.2. synthรจse des 1,3-bis [4-Alkyloxyphรฉnyl)-1H-[1,2,3]-triazole-4-carbonylox]-5-
bromomรฉthylphรฉnyle:(16 a-d)
II.6.3. synthรจse de lโylure de triphรฉnyl phosphonium (17c)
II.6.4. synthรจse du monomรจres (18c)
Chapitre (III): caractรฉrisation des mรฉsophases
III.1. Introduction
III.2. Microscopie optique en lumiรจre polarisรฉe
III.3. Calorimรฉtrie ร balayage diffรฉrentiel (DSC)
III.4. Diffraction des rayons X (DRX)
III.5. Rรฉsultats et discussion
III.5.1. Rรฉsultats de la microscopie en lumiรจre polarisรฉe
III.5.1.1. Molรฉcules de la sรฉrie 1
III.5.1.2. Molรฉcules de la sรฉrie 2
III.5.1.3. Molรฉcules de la sรฉrie 3
III.5.2. Rรฉsultats de la DSC
Partie expรฉrimentale
VI. 1. Gรฉnรฉralitรฉs
VI.2. Modes opรฉratoires et caractรฉrisation spectroscopiques
Conclusion gรฉnรฉrale
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