L’incontinence urinaire peut être définie comme la perte involontaire d’urine par l’urètre dûe à l’incompétence du système sphinctérien vis-à-vis des pressions engendrées ou transmises par la vessie (31). Cette perte s’effectue en dehors de la miction et par le méat urétral. Cette définition exclut les communications anormales des voies urinaires (Congénitales ou acquises) et l’incontinence par regorgement. Le mot incontinence vient du latin in (préfixe négatif) et continentia (retenir, contenir, tenir en soi, maîtriser). Les enquêtes estimant les proportions de l’incontinence urinaire aboutissent à des résultats imprécis en raison des différences de méthodologie utilisée ( 60,63,79,89). Les femmes incontinentes, même si elles n’en laissent souvent rien transparaître, vivent très mal cette condition. C’est une épreuve subie en silence, dont elles n’osent parler, même au médecin de famille, un sujet tabou par excellence car il est entaché de pudeur, de honte et de dégoût. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique dont les conséquences peuvent être à la fois physiques, émotionnelles et financières. C’est ainsi que l’organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé le 1er Juillet 1998 de considérer l’incontinence urinaire comme une maladie, et d’attirer l’attention du public sur ses symptômes et les moyens de la prévenir (22 ). Longtemps considérée comme une fatalité due aux maternités et au vieillissement, l’étude de la littérature montre que l’incontinence urinaire touche aussi bien les femmes âgées que celles plus jeunes puisque 50 % des femmes incontinentes ont moins de 50 ans (57). Bien que la grossesse et l’accouchement par voie basse soient de grandes causes d’incontinences, les nullipares sont également concernées ; THOMAS (80 ) l’estime à 50,2 %.
Ainsi donc la prise en charge de l’incontinence urinaire ne concerne pas seulement le gynécologue et l’urologue mais nécessite une prise en charge pluridisciplinaire des professionnelles de la santé. L’objectif général de ce travail est d’évaluer l’incontinence urinaire de la femme africaine au sud du sahara. Les objectifs spécifiques étant les suivants :
– estimer la proportion des femmes présentant une incontinence urinaire au sein d’un groupe de femmes appartenant à diverses catégories socioprofessionnelles ;
– décrire le profil épidémiologique et clinique des femmes présentant l’incontinence urinaire;
– Analyser le type d’incontinence urinaire rencontré au sein des femmes identifiées comme incontinentes;
– Évaluer le retentissement physique, psychosocial et économique de l’incontinence urinaire.
Historique
Depuis la plus haute antiquité, en Mésopotamie ou en Égypte, il est fait mention sur les tablettes d’argile ou les papyrus des perturbations de l’évacuation de l’urine. Les connaissances physiologiques des Égyptiens étaient rudimentaires, mais leur sémiologie permettait la distinction entre l’excès d’urine et l’échappement trop rapide de l’urine, c’est à dire probablement ce que nous appelons aujourd’hui la pollakiurie et l’incontinence. Il en découlait des indications thérapeutiques différentes. Les progrès effectués au fil des siècles sont difficiles à percevoir et probablement infimes. C’est au début du XVIIIè siècle, que la faiblesse sphinctérienne est bien reconnue… Et c’est au début du XIXè siècle qu’est apparue une vision plus structurée, ou physiopathologique, de l’incontinence d’urine. D’où l’apparition de la spécificité des traitements proposés en fonction de la cause de l’incontinence mise en évidence. Le XX siècle est certes l’ère de la chirurgie; c’est aussi le siècle où la femme a pris une place nouvelle dans la société, marquée par le développement de ses activités professionnelles et sportives, l’exigence d’une qualité de vie plus ouvertement déclarée, et l’augmentation spectaculaire de son espérance de vie. Pour immenses qu’ont pu être les progrès accomplis dans la prise en charge de l’incontinence urinaire féminine, les traitements modernes devront évoluer, s’adapter à une épidémiologie nouvelle, être peu morbides et de plus en plus fiables dans leurs résultats.
Épidémiologie
Il est difficile de déterminer précisément la fréquence réelle de l’incontinence urinaire de la femme pour deux principales raisons. Tout d’abord, l’incontinence urinaire est encore considérée comme un sujet tabou et est donc rarement avouée. En conséquence, et malgré son retentissement important, peu de femmes victimes de ce désagrément acceptent de consulter. Environ seule une femme sur dix concernées consulte spontanément (66). Ceci peut s’expliquer par le fait que pour certaines, les fuites sont minimes et/ou inconstantes et donc socialement acceptables, alors que pour d’autres, les fuites constituent un problème sérieux auquel il faudrait remédier.
Par ailleurs, la revue de la littérature sur les études et les enquêtes publiées à ce jour sur l’épidémiologie de l’incontinence urinaire montrent des résultats largement disparates. Plusieurs critères peuvent être incriminés dans l’explication de l’hétérogénéité de la prévalence. Déjà, le recueil des chiffres se heurte à la définition: faut-il parler d’incontinence dès la première fuite d’urine ou au contraire lorsqu’une femme est socialement gênée (79). D’autres facteurs sont également mis en cause dans la disparité des taux de prévalence: la taille de l’échantillon, la méthode d’étude, etc. HAMPEL et coll. (35 ) ont recensé 48 études et enquêtes épidémiologiques, et plusieurs articles sur l’incontinence urinaire de la femme effectués entre 1954 et 1995. Afin de les analyser, les résultats ont été répartis en plusieurs groupes sur la base :
– de la définition de l’incontinence urinaire qui diffère selon les auteurs (DIOKNO26 , THOMAS ,80 I.C.S.40 );
– de la méthodologie de l’enquête (questionnaire et/ou entretien, questionnaire et/ou entretien plus investigations cliniques et/ou para cliniques);
– de la taille de l’échantillon;
Ils ont ainsi relevé des prévalences qui varient entre 8 et 90 %.
Bien que l’incontinence urinaire touche toutes les catégories d’âge et que 50 % des femmes concernées ont moins de 50 ans, la majorité des études montrent que la prévalence progresse de manière croissante avec l’âge (MILSOM 51, MOLANDER 55, SHULMAN 71). La conviction qui voulait que la maternité et le vieillissement soient les principales causes d’incontinence urinaire, n’est plus d’actualité. En effet NEMIR et MIDLETON (57 ) rapportent une prévalence de 52 % sur un échantillon de 1327 jeunes filles nullipares âgées de 17 à 24 ans. WOLIN (88) rapporte un taux de 51 % dans une population de 4200 jeunes femmes de moins de 30 ans, toutes nullipares également. Ce qui nous permet de croire aujourd’hui que d’autres causes peuvent être incriminées.
L’évaluation des taux d’incidence est encore plus difficile. Elle repose sur le suivi d’un échantillon de patientes continentes. Et le calcul de l’incidence repose sur le rapport entre le nombre de patientes devenues incontinentes sur le nombre total de patientes en début d’étude. Les résultats obtenus sont liés à la qualité de l’échantillon sélectionné, sa représentativité et sa stabilité dans le temps.
Une période de 3 ans minimum paraît optimale pour obtenir un taux significatif tout en conservant un échantillon représentatif. Et la taille de l’échantillon doit être suffisamment large pour compenser les éventuelles pertes de femmes dues aux migrations, aux refus de coopération et aux décès. Ainsi, plusieurs études ont permis d’approcher l’incidence de l’incontinence urinaire de la femme. BURGIO (14) rapporte un taux de 8 % dans un échantillon de 206 femmes en période péri ménopausique et âgées de 42 à 50 ans. CAMPBELL (20 ) rapporte une incidence de 10 % dans une population féminine de 65 ans. ELVING et coll. (31) ont évalué des incidences à partir de 2 définitions de l’incontinence urinaire (DIOKNO 26 et I.C.S 40). Leur étude s’est effectuée sur un échantillon de 3114 femmes âgées de 30 à 59 ans. Les résultats obtenus montrent une progression croissante de l’incidence avec l’âge et ceci indépendamment de la définition. En faisant une synthèse, nous constatons que l’incidence moyenne est de 2 à 3 % et qu’elle progresse de manière constante avec l’âge. Entreprendre une enquête épidémiologique sur l’incontinence urinaire ne peut se limiter à évaluer sa prévalence et son incidence. Elle doit également permettre d’évaluer son retentissement, ou mieux encore son coût car ce désagrément est à l’origine d’une souffrance physique et morale qui afflige les patientes, et de conséquences économiques qui touchent non seulement les patientes, mais aussi les institutions de santé et la société.
Les coûts de l’incontinence urinaire
Le coût véritable est difficile à préciser du fait de sa complexité. Mais il peut être exprime au niveau de 3 points : physique, psychosocial et économique (90). Par exemple, une femme incontinente peut être porteuse de lésions cutanées secondaires aux fuites d’urines, en être affectée physiquement et socialement et faire par la suite une dépression. Sa prise en charge thérapeutique nécessitera donc un traitement pour ses lésions cutanées (topiques, antibiotiques, etc.), un autre pour ses troubles psychiatriques (psychotropes) et enfin un dernier pour son incontinence (rééducation périnéale, traitement médicamenteux, intervention chirurgicale, etc.).
Le coût physique
Le coût physique de l’incontinence urinaire décrit par WYMAN (90), inclut ceux résultant directement des fuites d’urines et indirectement du traitement (effets secondaires) ou des complications :
– Coûts directs : – irritations et infections cutanées ;
– infections urinaires ;
– escarres ;
– restrictions des activités physiques.
– Coûts indirects : – effets secondaires des médicaments;
– interactions médicamenteuses;
– réactions allergiques aux médicaments et matériaux utilisés .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I – HISTORIQUE
II – EPIDEMIOLOGIE
III – LES COUTS DE L’INCONTINENCE URINAIRE
1 – Le coût physique
2 – Le coût psycho-social
3 – Le coût économique
IV – PHYSIOLOGIE DE LA CONTINENCE URINAIRE
1 – Anatomie du complexe vésico-urétro-sphinctérien
1.1. – La vessie
1.2 – L’urètre
1.3 – L’appareil sphinctérien
1.4 – L’organisation neurologique
1.5 – Les supports anatomiques
1.6 – Les moyens de fixité du bas appareil urinaire
2 – Physiologie de la continence
2.1 – Les facteurs vésicaux
2.2 – Les facteurs urétraux
2.3 – Les facteurs neurologiques
3 – Physiologie de la miction
V – PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INCONTINENCE
1 – L’incontinence urinaire de type vésicale
2 – L’incontinence urinaire de type urétral
VI – IDENTIFICATION ET EVALUATION DE BASE D’UNE INCONTINENCE URINAIRE
1 – Motifs de consultation
2 – Interrogatoire
3 – Examen physique
4 – Examens complémentaires
VII – CLASSIFICATION DES INCONTINENCES
1 – Incontinence urinaire par impériosité
1.1 – Critères diagnostiques
1.2 – Etiologies
2 – Incontinence urinaire d’effort
2.1 – Critères diagnostiques
2.2 – Etiologies
3 – Incontinence urinaire mixte
4 – Autres types d’incontinence
VIII – LA DEMARCHE THERAPEUTIQUE
1 – La prévention
2 – Le traitement curatif
2.1 – La rééducation périnéale
2.2 – Le traitement médical
2.3 – Le traitement chirurgical
3 – Les moyens palliatifs
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I – CADRE GENERAL DE L’ETUDE
II – OBJECTIFS DE L’ETUDE
1 – Objectif général
2 – Objectifs spécifiques
III – MATERIELS ET METHODE
1 – Lieu et date
2 – Critères d’inclusion et d’exclusion
3 – Méthode
IV – RESULTATS
1 – Caractéristiques de la population
1.1 – Age
1.2 – Tranches d’âges
1.3 – Situation socioprofessionnelle
1.4 – situation matrimoniale
1.5 – niveau de scolarisation
1.6 – Antécédents
2 – Etude analytique
2.1 – Prévalence générale
2.2 – Proportion selon le type d’incontinence
2.3 – Prévalence selon l’âge
2.4 – Prévalence selon la situation socioprofessionnelle
2.5 – Répartition selon la parité
2.6- Répartition selon la fréquence des fuites
2.7 – Répartition selon la gravité des fuites
2.8 – Répartition des femmes incontinentes ayant eu à consulter
2.9 – Répartition des femmes incontinentes s’étant confiées à un tiers
3 – Incontinence urinaire et facteur étiologique
3.1 – L’âge
3.2 – Les facteurs gynéco-obstétricaux
3.3 – Les facteurs chirurgicaux
3.4 – Les facteurs médicaux
3.5 – Les antécédents familiaux
4 – Coûts de l’incontinence urinaire
4.1 – Le coût physique
4.2 – Le coût psycho-social
4.3 – Le coût économique
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I – TAUX DE REPONSES
II – PREVALENCE GENERALE
III – PREVALENCES SPECIFIQUES
1 – Selon l’âge
2 – Selon le type d’incontinence
IV – CARACTERISTIQUES DE L’INCONTINENCE
1 – Répartition selon la fréquence des fuites
2 – Répartition selon la gravité des fuites
3 – Répartition selon le port de protection
4 – Incontinence et consultation
V – COÛTS DE L’INCONTINENCE
VI – FACTEURS ETIOLOGIQUES
1 – L’âge
2 – Les facteurs ethniques
3 – Les facteurs gynéco-obstétricaux
4 – Les facteurs urinaires
5 – Les autres facteurs
VII – AUTRES RESULTATS
VIII – LES CONTRAINTES
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES