Les courants philosophiques de l’antispécisme : débats et conclusions

Le véganisme : géographie d’un mouvement social, de ses spatialités à plusieurs échelles et de ses représentations

Géographie des commerces : spatialisation du véganisme à Paris et analyse des discours commerciaux

L’étude du véganisme à Paris s’inscrit dans la géographie des commerces et des dynamiques urbaines. Dans un premier temps, observer et analyser la répartition des commerces véganes à Paris (restaurants et magasins) relève de la géographie urbaine et de la géographie sociale. Ces marqueurs de l’espace urbain reflètent une organisation sociale spatialisée :
« A la fois réalité spatiale, économique, sociale et politique, la ville se construit, se déconstruit, se densifie, se dilue, se diversifie. Si le commerce est à son image, il possède en outre une formidable capacité à s’adapter aux situations nouvelles, aux nouveaux modes de vie urbains, et même à les anticiper » Bonneville et Bourdin, 1998, cité par Lemarchand, 2008, p.25. D’après Nathalie Lemarchand (2011), la prise en compte des commerces comme des indicateurs culturels et spatiaux en géographie s’explique par le « tournant culturel » pris par la discipline dans les années 1990 :
« En dépassant l’opposition entre culture et consommation, le « tournant culturel » a permis de valider l’usage de l’analyse culturelle pourmieux saisir la place qu’occupent désormais les lieux et les territoires du commerce dans une société où la pratique consommatoire est devenue une pratique d’identification » (p.7).
Dans l’article « Commerce et sociétés de consommation », Nathalie Lemarchand et Arnaud Gasnier (2014) expliquent l’évolution de la société de consommation en France depuis les Trente Glorieuses. Les Trente Glorieuse marquent le début de la consommation de masse standardisée. Dans les années 1960, les désirs de liberté et d’individualité mènent à l’aboutissement d’une consommation de masse « individualisée » à partir de la moitié des années 1970, donc aux marchés segmentés pour répondre aux demandes des consommateurs multiples. Enfin, les années 1990 seraient le début d’un renversement des valeurs de consommation :
« La forte progression des inégalités sociales et le développement de nouveaux maux de société annoncent l’avènement d’un nouveau système de valeurs, pour certains types de consommateurs, fondé sur des attentes de rassurance, de partage et de sens » (p. 2).
Ce nouveau système de valeurs serait centré sur l’éthique et l’environnement. Le consommateur devient un « consom’acteur » (p.2). Les auteurs affirment donc que « les mutations sociales se conjuguent avec un changement commercial » (p.10). Les commerces seraient des miroirs des dynamiques sociales et les dynamiques sociales se matérialiseraient dans les commerces. Le végétarisme, puis le véganisme, sont liés à ce renversement de valeurs. En effet, après une industrialisation de la production de viande et de ses dérives, ces nouveaux consommateur-e-s ont décidé de modifier leur alimentation et donc de changer petit à petit le paysage commercial en devenant une cible pour les magasins bio proposant de nouvelles alternatives végétales et pour les nouveaux restaurants alternatifs. La consommation végane est un des premiers vecteurs de l’identification végane. Cette consommation est à la fois identitaire et militante.
Consommer constitue un acte politique majeur selon Marie Chessel et Frank Cochoy (2004), dans la mesure où les consommateur-e-s participent au débat public en faisant des choix. « Le marché est un espace politique » (p.8). La consommation est le levier d’empowerment du citoyen. Faire ses courses devient un acte politique, voire de résistance à un système désapprouvé.
La communauté végane s’articule donc autour du politique, du social, et du culturel. Cette communauté peut être qualifiée de postmoderne, c’est-à-dire de société motivée par de nouvelles valeurs créées à partir de la déconstruction du discours moderne. Nathalie Le marchand (2008) décrit ces nouvelles sociétés d’après le concept de « tribu » pensé par le sociologue Michel Maffesoli (1998) dans son livre Le temps des tribus : le déclin de l’individualisme dans les sociétés de masse. Maffesoli caractérise la postmodernité comme la période du « néo-tribalisme » dans laquelle les individu-e-s se définissent en relation les un-e-s avec les autres et non plus dans une hyperindividualité.
Ces nouvelles sociétés s’appuient sur des lieux pour constituer leurs tribus. L’idée communautaire émane du lieu. Pour la communauté végane, ces lieux sont ceux du militantisme mais aussi de la consommation.
« Cette relation, cette rencontre amène les individus à dépasser leur individualité pour former une nouvelle tribu dans laquelle s’établit un sentiment d’appartenance, une communauté que Maffesoli qualifie d’ « affectuelle » et où se crée une nouvelle « socialité ». Les lieux et les territoires participent donc à l’identification communautaire. L’appartenance à ceux-ci, qu’ils soient réels ou symboliques, passe par l’affichage d’un certain nombre de signes ; certains sont de l’ordre de la pratique, d’un comportement signifiant au sein de ces lieux et d’autres relèvent de l’apparence que l’on revêt et qui inclut des signes reconnus par l’ensemble de la tribu. ( …) Ce nouveau modèle social va entrainer une consommation d’identification. Celle-ci passe par l’achat de produits sélectionnés par la communauté et au-delà par la fréquentation préférentielle d’un réseau de lieux d’achats étant eux-mêmes associés à cette identité communautaire. Ainsi en se rendant dans ces magasins, le consommateur se rend dans un lieu de rencontre potentielle d’autres membres de sa « tribu » ». Lemarchand, 2008, p.71.
Les lieux de consommation sont donc des lieux « sacrés » des communautés, qu’elles soient culturelles, sociales, politiques ou autres. Ce texte est applicable à la communauté végane, dont les membres consomment végane et se retrouvent dans des lieux faisant partie d’un réseau végane dans la ville de Paris.

Le mouvement social végane invite à développer une géographie du quotidien et de l’intime

Si l’antispécisme permet un renouveau épistémologique de la discipline géographique, celui-ci constitue également un nouvel objet/sujet d’étude dans son application pratique : le véganisme. Comme spécifié dans l’introduction de ce mémoire, le véganisme ne sera pas étudié comme un objet de culture alimentaire, dans l’objectif de produire une géographie de l’alimentation du véganisme, mais bien comme un mouvement social et politique. L’enjeu géographique du mémoire réside dans le véganisme lui-même, à la fois comme régime alimentaire, mode de vie, philosophie et acte militant. Le véganisme relève donc de la géographie intime et de la géographie politique. Les normes sociales régissent les vies humaines, le carnisme n’est pas naturel mais culturel, se nourrir est un acte socialement construit. Lors de sa conférence Le véganisme, résistance et quotidienneté, Ophélie Véron (2015), végane et géographe, explique aux Estivales de la question animale que le mouvement social végane se caractérise par la quotidienneté de ses actions. D’après Ophélie Véron, un mouvement social doit avoir une dimension collective, des cibles et adversaires, des revendications (programme, identité, statut), une visibilité dans l’espace public, et une identité propre à une communauté. Le véganisme s’insère dans cette définition avec un programme consistant à abolir l’exploitation animale et avec une identité antispéciste. La communauté est construite par les commerces et par les actions militantes. Le véganisme est un mouvement qui fait du quotidien un moyen d’empowerment. La mise en pratique de l’antispécisme tend à proposer plus qu’à opposer. Ophélie Véron propose à la fin de la conférence le concept d’ « hémérotopies », pensé à partir des « hétérotopies » de Michel Foucault (1967) et du mot « héméra » soit « le jour » en grec.
Les hémérotopies sont des représentations utopiques spatialisées dans le quotidien.
D’après Fabrice Ripoll (2005), « la géographie (même sociale) a négligé la question des mouvements sociaux, et les sciences sociales qui les étudient ont eu tendance a négligé leur dimension spatiale » (p.1). Les mouvements sociaux devraient être étudiés en géographie en termes d’appropriation de l’espace.
Le caractère quotidien du véganisme est une réalité à conceptualiser. Ophélie Véron (2015), expose la théorie d’Henri Lefebvre (1967)19, selon laquelle le quotidien est un ensemble de routines et de rythmes à travers lesquels la vie sociale est reproduite. Cependant, les individus ont la capacité de briser ces normes sociales. Le quotidien est donc à la fois source d’aliénation et de potentialité. La production de l’espace serait une combinaison de l’espace perçu, de l’espace vécu et de l’espace conçu.
L’espace perçu serait celui du quotidien et de ses pratiques effectives. L’espace conçu serait celui façonné par l’idéologie dominante et les normes sociales. Enfin, l’espace vécu serait un espace subjectif, de liberté individuelle. Le véganisme tend à produire des espaces qui lui sont propres dans la mesure où ses espaces du quotidien (Di Meo, 1999) émanent de subjectivités personnelles visant à renverser les normes carnistes établies.
Le concept de production d’espaces véganes, ou de véganisation de certains espaces est une dynamique fondamentale de cette recherche.
L’acte primaire de manger devient politique pour le végane, le corps est le premier lieu de résistance politique. Le concept du mangeur-e – acteur-e, ou du mangeur-e – penseur-e est constitutif du véganisme. Le corps est donc le premier lieu végane. Les pratiques liées au corps servent ici à préserver l’intégrité des corps des animaux non-humains plus faibles. Le corps constitue une centralité végane, tant dans sa philosophie que dans sa mise en application. Devenir végane signifie commencer un processus transformatif de l’individu-e par le corps. Le véganisme est un embodiement dans la mesure où assumer un corps nourrit essentiellement de végétaux devient un empowerment. Le corps (Barthe-Deloizy, 2011) est le premier lieu de pouvoir, du pouvoir de chaque individu ses propres choix en fonction de ses aspirations. Le premier « monde » du végane est son propre corps.
Les idées antispécistes découlant du postmodernisme façonnent de nouvelles géographies non essentialistes. Ces nouvelles géographies cherchent à redéfinir les rapports sociaux et à les étudier selon de nouveaux paradigmes. L’engagement scientifique en faveur d’une convergence des luttes contre toutes les formes d’oppression caractérise une grande partie de ces travaux. Le véganisme en tant que mouvement social offre également d’innovantes pistes de réflexion en géographie culturelle, sociale, économique, urbaine et politique à plusieurs échelles. La multitude de thématiques potentielles et d’échelles d’analyse (de celle du corps à celle de la ville) fonde l’intérêt de l’objet « véganisme » en géographie.

Emergence du mouvement animaliste : contextualisation et acteurs

Les mouvements occidentaux de lutte contre la maltraitance des animaux naissent au XIXème siècle en opposition à la vivisection. La vivisection est une dissection opérée sur un animal vertébré vivant dans le cadre d’une expérience scientifique. Les progrès de la médecine du XIXème siècle permettent de généraliser la pratique de la vivisection tant pour les médecins confirmés essayant de développer la recherche, que pour les étudiant-e-s avec l’objectif d’améliorer l’enseignement et de former de meilleurs médecins. Malgré le développement de l’anesthésie les animaux agonisaient conscients lors des expériences. Les femmes étaient alors considérées comme des « citoyens de seconde classe » et les animaux comme des machines. Le mouvement antivivisection s’est développé en grande partie grâce au mouvement de lutte pour les droits des femmes.

Le militantisme suffragiste au Royaume-Uni

Au XIXème siècle les droits des femmes demeurent très peu avancés, voire inexistants, dans tous les pays européens (Barret-Ducrocq, 2000). En Angleterre, seuls les hommes blancs propriétaires ont alors le droit de vote. Les femmes n’ont pas accès à l’éducation et gagnent le tiers du salaire d’un homme à travail égal. Celles-ci ne sont mêmes pas libres dans la mesure où elles « appartiennent à leurs maris » selon la loi.
Françoise Barret-Ducrocq (2000) explique que l’individualité reconnue aux femmes en 1884 marque le début du mouvement suffragiste pour l’égalité des droits. En effet, la loi de 1884 accorde aux femmes le droit de posséder leur propre corps et annule ainsi la toute puissance de l’homme. Les femmes, en retrouvant le pouvoir sur leurs corps, deviennent des individues reconnues et souhaitent influencer la sphère politique et sociale de leur pays. Plusieurs militantes se réunissent autour de Milicent Garrett Fawcett pour créer le mouvement suffragiste. L’organisation suffragiste National Union of Women’s Suffrage est fondée en 1897. Le mouvement suffragiste lutte pacifiquement pour le droit de vote des femmes. Les suffragistes tentent de convaincre en argumentant sans jamais enfreindre la loi. Ce militantisme « modéré » n’aboutit pas à une transformation de la société, les femmes restant privées de droit de vote.
Face à cette stagnation dans l’inégalité de droits, plusieurs féministes décident de former une nouvelle entité militante aux méthodes plus fortes. Emmeline Pankhurst fonde la « Women’s Social and Political Union » en 1903. Le groupe, alors appelé celui des « suffragettes », opte pour une stratégie de confrontation avec le gouvernement. Les actions militantes consistent à s’enchainer autour de lampadaires pour dénoncer l’oppression dont souffrent les femmes et à participer à des manifestations alors interdites par les autorités. Ce militantisme impliquait aussi de casser des vitrines, couper les fils de télégraphes, poser des bombes et provoquer des incendies. La violence croissance du mouvement divise ses membres. Certain-e-s préfèrent quitter le groupe et agir par désobéissance civile (refuser de payer ses impôts par exemple) et par non violence active (continuer à manifester). Le 21 juin 1908, 200 000 personnes manifestent pour le droit de vote des femmes à Hyde Park. Les suffragettes sont régulièrement arrêtées et emprisonnées. Celles qui commencent une grève de la faim sont nourries de force par gavage, une méthode extrêmement douloureuse relevant de la torture. Les violences policières se développent aussi lors des manifestations, deux manifestantes décèdent sous les coups des policiers lors de la manifestation du 18 novembre 1910, tristement nommée « Black Friday ».
En 1914 commence la Première Guerre Mondiale et le départ des hommes au front. Les femmes participent ainsi à l’effort de guerre en remplaçant les hommes dans les industries et dans les travaux agricoles. Cette guerre, qualifiée de totale, mobilise l’ensemble des populations. En 1918, lorsque la guerre s’achève, le gouvernement ne peut plus exclure ni les femmes ni les hommes des classes sociales inférieures. Le Parlement vote le « Representation of the People Act » selon lequel tous les hommes de plus de 21 ans, et les femmes de plus de 30 ans qui sont mariées à un homme inscrit sur les listes électorales et propriétaires, ont désormais le droit de vote. Le suffrage devient donc universel pour les hommes et censitaire pour les femmes. En juillet 1928, tout individu de plus de 21 ans peut voter. L’égalité de droit entre les hommes et les femmes est enfin atteinte au Royaume-Uni.

Le suffrage universel français et l’inclusion tardive des femmes

Le suffrage universel masculin est mis en place en France dès 1848 mais les femmes obtiennent le droit de vote et d’éligibilité seulement à partir de 1944 (Rio- Sarcey, 2008). Comment expliquer ce retard de la France en matière d’égalité ? Est-ce lié à des méthodes militantes divergentes ou à un contexte social et politique différent ?
D’après l’historienne Michèle Riot-Sarcey (2008), Hubertine Auclert fonde le premier groupe suffragiste français en 1876 : la société de Droit des femmes. Hubertine Auclert tente une convergence des luttes entre droits des ouvriers et droits des femmes lors d’une intervention au troisième Congrès national ouvrier en 1879 dans laquelle elle affirme que « Une République qui maintiendra les femmes dans une condition d’infériorité ne pourra pas faire les hommes égaux » (p.50). Elle créé en 1881 le journal féministe La Citoyenne plaidant pour la libération des femmes.
En 1897, Marguerite Durand créé le journal La Fronde, écrit par des femmes. Le journal publie des articles en faveur de la libération des femmes mais aussi sur divers sujets d’actualité. La rédaction « réclame l’égalité des droits, le développement sans entraves des facultés de la femme, la responsabilité consciente de ses actes, une place de créature libre dans la société » (numéro du 9 décembre 1897) et « rêve de l’union de toutes les femmes sans distinction de culte ni de race » (numéro du 13 décembre 1897).
A partir des années 1930, Louise Weiss devient une autre figure importante du féminisme français. En 1934 elle créé la revue La Femme Nouvelle, Association pour l’égalité entre les Français et les Françaises. Louise Weiss est à l’origine de toute une littérature féministe, outil de contestation au sein de la société. Les actions médiatiques sont de plus en plus nombreuses.
Les femmes obtiennent finalement le droit de vote en 1944, suite à leur investissement dans l’effort de guerre et à leur rôle important dans la résistance. Les méthodes féministes françaises pour le droit de vote des femmes se caractérisent par un certain élitisme dans leurs rapports au journalisme et à la littérature. Ce militantisme, différent de celui des suffragettes anglo-saxonnes explique peut-être en partie le retard de la France. Cependant, le manque d’engagement de la gauche française en faveur des droits des femmes et la peur de l’influence possible de l’Eglise sur le vote des femmes sont les principaux responsables de cette longue attente.
Le mouvement de défense des animaux non humains prend racine dans ces mouvements suffragistes à la fois anglo-saxons et français. Les femmes ont obtenu des droits civiques plus rapidement dans les pays anglo-saxons. Ce retard explique-t-il le retard pris dans la lutte antispéciste française ? Le mouvement végane est en effet plus présent au Canada, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, dès les années 1950. Les militantismes n’ont pas les mêmes caractéristiques mais nous verrons que les méthodes françaises ne sont pas moins efficaces et qu’elles tendent plus vers une convergence des luttes actuelle. De plus, l’ancrage de la culture végane dépend aussi de l’environnement social et culturel d’un pays et de ce que Roland Barthes (1957) appelle les « mythes » d’une société. Les cultures s’imbriquent, s’influencent, évoluent… il n’existe pas une culture végane mais plusieurs identités véganes basées sur une philosophie commune.

L’émergence du mouvement animaliste dans les mouvements suffragistes

Le mouvement animaliste nait au XIXème siècle en Europe (Traïni, 2015).
L’objectif est alors plus de limiter la souffrance animale que de combattre toute forme de spécisme.
Les convergences entre les deux mouvements et leur histoire commune sont décrites dans l’ouvrage de Carol J. Adams (1990). La Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals est créée en 1824 au Royaume-Uni et la Société Protectrice des Animaux en 1846 en France. Le mouvement antivivisection devient le premier à lutter contre une forme d’exploitation jusque là admise moralement par les autorités et par une grande partie de la population. Ces mouvements se développent en Europe et sont composés de groupes religieux, d’humanistes, mais surtout de féministes. Les féministes préoccupées par les enjeux de domination se sont vite intéressées au sort d’autres opprimés non-humains. En 1875, une femme, Frances Power Cobbe, fonde la National Anti Vivisection Society, puis la British Union for the Abolition of Vivisection. Lizzy Linda Hageby s’inscrit dans une école de médecine en 1902 pour mieux comprendre la vivisection. Après avoir assisté à la dissection d’un chien sans anesthésie elle décide, avec une collègue, d’accuser le chercheur pour cruauté. Le chercheur poursuit les deux femmes pour atteinte à sa réputation et gagne sa cause. Les militantes antivivisection érigent une statue à la mémoire du chien torturé dans le parc de Battersea en 1906.
L’opinion publique s’empare du débat sur la vivisection suite à ce triste évènement nommé la Brown Dog Affair. Les suffragettes établissent un lien entre l’oppression des femmes et celle des animaux non-humains en dénonçant la pratique de la vivisection alors que les étudiant-e-s en médecine revendiquent cette pratique comme étant un droit. Les étudiant-e-s en médecine, opposé-e-s à ce mémorial, déclenchent alors des émeutes et agressent des militantes antivivisection. Le mémorial est retiré suite à ces émeutes puis sera remis en place 70 ans plus tard. Les femmes militant pour le féminisme et celles militant pour la cause animale (souvent les mêmes) sont qualifiées d’hystériques. L’intérêt pour les opprimé-e-s était alors perçu comme de la sensiblerie et non pas comme un combat légitime. L’accusation d’hystérie permettait aux opposants de justifier des pratiques injustifiables car elles étaient celles de la raison et du groupe dominant. La violence et la torture, lorsqu’elles sont pratiquées par le groupe dominant, deviennent légitimes, voire nécessaires.
En 1876, la Cruelty to Animal Act est votée. Cette loi permet de contrôler l’utilisation des animaux en vivisection. Les expériences douloureuses ne doivent alors être pratiquées seulement « lorsque les expériences proposées sont absolument nécessaires (…) afin de sauver ou de prolonger une vie humaine ». Les animaux sont « anesthésies, utilisés dans le cadre d’une seule expérience et tués une fois celle-ci terminée ». Si la loi représente une forme de progrès dans la limitation de la souffrance, elle ne sera pas toujours respectée malheureusement. Cette loi est le fruit d’un long combat de femmes et d’hommes ayant lutté contre la souffrance animale.
De nombreuses suffragistes, comme Jessica Henderson et Anna Gvinter, choisissent le végétarisme, considérant que l’exploitation des animaux est incompatible avec l’idée de justice sociale. Cette première convergence des luttes est à l’origine du mouvement végane actuel.
En France, c’est la féministe socialiste Marie Huot qui initie le combat tant par les écrits que par l’action. En 1887 elle écrit un article intitulé « Le droit des animaux » publié dans la Revue Socialiste. Elle y dénonce les violences faites aux animaux dans le système patriarcal. En 1883, elle agresse un chercheur au Collège de France avec son ombrelle au cours d’une vivisection sur un singe. Elle est également connue pour avoir attaqué à main armée deux matadors dans Paris. La violence de ce militantisme est liée au développement du mouvement anarchiste en France. En 1920, la féministe anarchiste polonaise Sophie Zaïkowska fonde à Paris un premier foyer végétalien. Les anarchistes dénoncent toutes les formes d’oppression et le système de domination globale. L’oppression envers les animaux non humains est dénoncée car injuste mais aussi car elle représente un outil de domination entre humain-e-s, entre riches et pauvres, entre hommes et femmes. La domination engendre de la domination. Louise Michel (1886), partisane du mouvement libertaire et de la Commune de Paris exprime cette pensée dans ses Mémoires.

« Le personnel est politique » : rapports de domination et imbrications du véganisme et du féminisme

Si les femmes ont désormais les mêmes droits civiques que les hommes, elles n’en restent pas moins réduites par la société à certains rôles bien définis. Le féminisme des années 1970 se caractérise par le slogan « The personal is political » : l’idéologie dominante patriarcale se reflète dans la sphère intime. Les oppressions reproduites dans le quotidien deviennent politiques dans la mesure où elles structurent la société en opprimant les membres d’un système.

Viande et rapports de genre

Carol J. Adams (1990) révéla l’imbrication des rapports de domination dans son ouvrage The Sexual Politics of Meat : A Feminist Vegetarian Critical Theory, publié en 1990 (l’édition française fut publiée en mai 2016). L’auteure explique pourquoi la consommation de viande est un outil de reproduction de la domination patriarcale. Le texte dévoile aussi les rapports de genre à travers l’alimentation. Enfin, Carol J. Adams (1990) défend un militantisme transversal par un quotidien végane. Une grande partie de ce chapitre est basé sur cet ouvrage, apport immense à la pensée féministe antispéciste.
Les rapports de domination sont révélés par les habitudes quotidiennes et donc par l’alimentation. La viande est synonyme de pouvoir, de force et de richesse. Au XIXème siècle dans les pays industrialisés, la viande était réservée aux hommes dans les familles ouvrières. Pendant les guerres mondiales, les stocks de viande étaient destinés aux soldats, incarnations de la force et de la virilité. Aujourd’hui la viande reste un attribut de la masculinité. La virilité évoque la force physique du « mâle »..

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Table des matières

Introduction 
Méthodologie et réflexivité 
Méthodologie 
Théorie et langage 
Une partie théorique importante mais nécessaire 
Langage 
Pratiques du terrain 
Observation participante 
Exploration des lieux
Réflexivité 
Positionnement et engagement 
Engagement végane et évolution personnelle au cours de la recherche
Enquêté.e.s et Amitiés
Partie 1 La théorie antispéciste, résultante et source de nouveaux enjeux épistémologiques 
Chapitre 1 : L’antispécisme dans le champ de la recherche : fondements théoriques et nouvelles perspectives 
1- Les courants philosophiques de l’antispécisme : débats et conclusions
1-1 L’utilitarisme des préférences ou la prise en compte des intérêts pour l’égalité animale
1-2 L’approche déontologique de l’éthique ou les droits des animaux non humains
1-3 L’émergence de la littérature antispéciste en France
2- Les Critical Animal Studies ou l’élargissement de l’antispécisme à d’autres disciplines
2-1 L’étude scientifique des rapports entre espèces animales non humaines et espèce humaine : Les Animal Studies
2-2 Le véganisme scientifique défendu par les Critical Animal Studies
2-3 Les principes fondateurs des critical animal studies
Chapitre 2 Véganisme et géographie : réflexions, sujets et enjeux 
1- La théorie antispéciste dans l’épistémologie de la géographie
1-1 Animaux non-humains en géographie : évolution des représentations, du naturalisme à l’antispécisme
1-2 Critiquer l’idée de Nature : un objectif antispéciste et géographique
1-3 Le discours antispéciste comme composante de la géographie postmoderniste
2- Les nouvelles géographies antispécistes : entre espaces, discours et pouvoir
2-1 La déconstruction d’un discours socialement construit sur les animaux non humains
2-2 Espaces imposés, résistance et lieux hybrides
2-3 L’antispécisme comme conséquence et catalyseur d’une réflexion éthique en géographie
3- Le véganisme : géographie d’un mouvement social, de ses spatialités à plusieurs échelles et de ses représentations
3-1 Géographie des commerces : spatialisation du véganisme à Paris et analyse des discours commerciaux
3-2 Le mouvement social végane invite à développer une géographie du quotidien et de l’intime
Chapitre 3 Féminisme et antispécisme : apports théoriques croisés pour une convergence idéologique 
1- Emergence du mouvement animaliste : contextualisation et acteurs
1-1 Le militantisme suffragiste au Royaume-Uni
1-2 Le suffrage universel français et l’inclusion tardive des femmes
1-3 L’émergence du mouvement animaliste dans les mouvements suffragistes
2- « Le personnel est politique » : rapports de domination et imbrications du véganisme et du féminisme
2-1 Viande et rapports de genre
2-2 Des oppressions interconnectées
2-3 L’influence de la pensée féministe sur la théorisation de l’antispécisme
3- L’écoféminisme : une théorie végane féministe
3-1 L’approche intersectionnelle et l’éthique du care comme fondements
3-2 De nouveaux paradigmes impliquant une nouvelle réflexivité
3-3 Une nouvelle géographie du genre
Partie 2 Les lieux véganes Parisiens : marqueurs visibles d’une communauté pour un « soft militantisme » du quotidien 
Chapitre 1 Les lieux parisiens du véganisme 
1- Les commerces liés au corps végane : consommation et sociabilité
1-1 Place du véganisme dans les supermarchés
1-2 La mise en réseau des restaurants véganes
1-4 Les commerces proposant des produits cosmétiques véganes
2- Paris comme capitale du débat et du rassemblement végane
2-1 Les lieux de rassemblement et de loisirs véganes
2-2 Les conférences Vegan Folie’s dans le 2ème arrondissement
Chapitre 2 Discours et systèmes de représentation dans les restaurants véganes
1- Cartographie des restaurants véganes ou « véganes friendly » à Paris
1-1 L’émergence d’un « Veggie Town »
1-2 Répartition des restaurants véganes
Figure 12 : Les restaurants véganes et « véganes friendly » à Paris. Source : carte réalisée avec Cartes et Données
Figure 13 : Carte des restaurants véganes, véganes friendly à Paris. Réalisée sur Acrgis (avec l’aide de N. Kiszelnik)
2- Représentations idéelles et matérielles des restaurants véganes
2-1 Le restaurant végane entre « géosymbole » et « hétérotopie »
2-2 La portée symbolique du titre d’un restaurant
2-3 Les « vitrines » de restaurants comme « emballages discursifs » du véganisme
3- Analyse de trois « types » de restaurants véganes : la brasserie parisienne, le restaurant « exotique » et le restaurant « bien-être »
3-1 La brasserie parisienne
3-2 Le restaurant « exotique »
3-3 Le restaurant « bien-être »
Partie 3 Le véganisme à Paris : des formes multiples de militantisme
Chapitre 1 Les actions militantes collectives : acteurs, spatialités et enjeux 
1- Les actions militantes collectives traditionnelles
1-1 La distribution de tracts ou le face à face entre militant.e.s et passant.e.s
1-2 Les manifestations ou l’appropriation de l’espace public d’un mouvement contestataire par l’occupation de la rue
2-2 Le happening végane inséré dans la forme traditionnelle : observation participante et émotions du terrain (ou terrain des émotions)
2- Les actions militantes propres au mouvement antispéciste
2-1 Les « Happenings » Véganes
2-2 L’importance de la prise en compte de la temporalité dans l’analyse du militantisme végane
3- La convergence des luttes militantes à Paris
3-1 La Veggie Pride ou la réappropriation d’un mode d’expression LGBT
3-2 La Commission Antispéciste de Nuit Debout
Chapitre 2 Marquer l’espace urbain pour marquer les consciences 
1- L’antispécisme et le militantisme anti-pub
1-1 « Les Bêtes Noires de la Pub » ou la remise d’un trophée de la honte
1-2 Le militantisme antipub anonyme et individuel
2- Le tag antispéciste ou la réappropriation de la rue : récit d’une expérience militante
2-1 Observation participante ou « participation observatrice » d’une nuit de militantisme anonyme
2-2 Les tags ou la spatialisation des luttes sociales
2-3 Analyse des discours militants
Chapitre 3 Des formes innovantes de revendication entre critique et partage
1- La particularité des Vegan Places : dénoncer puis inviter
1-1 Le village végane producteur d’émotions contraires
1-3 Les « Vegan Places » entre temporalité normée et temporalité militante
2- L’association du militantisme et du divertissement
2-1 Le développements de « salons » véganes à Paris
2-2 Le festival végane : la musique comme moyen de séduction
3- Le cyberespace comme lieu privilégié du militantisme
3-1 Les blogs militants véganes : l’expression personnalisée du véganisme
3-2 Le blog « Dans Mon Tiroir » : le récit intime mêlé à la convergence des luttes
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes

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