La prise de contrôle à travers la notion d’influence déterminante
La référence à la notion intervient notamment pour délimiter ou caractériser les zones d’interdiction ou d’obligations assignées par le droit aux entreprises faisant partie d’un groupe. Il y’a autant de définitions et de présomptions de contrôle qu’il y’a de textes qui s’y réfèrent. A titre d’exemple, les articles 355 et 357-1 de la loi du 24 Juillet 1966 établissent des présomptions disparates de contrôle. Cependant, derrière la diversité des techniques (contrôle direct, indirect, exclusif ou conjoint, effectif ou potentiel) ou présomptions de contrôle retenues par le droit, la notion de contrôle est unique. Ces différents critères ne sont que le reflet de manifestations techniques du pouvoir sur une société. Le droit des sociétés a vu s’étendre ses critères de contrôle. Initialement, le contrôle était lié au droit de propriété de l’actionnaire, puis les critères de contrôle ont été étendus au pouvoir de décision, consacrant la notion d’ « influence déterminante ». Le contrôle implique en droit des sociétés la domination, la maîtrise et le pouvoir de droit ou de fait détenu par une personne physique ou morale au sein d’une structure sociale. Il permet alors de mettre en exergue une relation de « dominant » à « dominé ». On recourt incidemment à la notion de « contrôle » afin de définir le groupe de sociétés puisque celui-ci est alors envisagé d’une part à travers la participation financière de la société mère au capital de ses filiales, d’autre part à travers une unité de décision et de direction, le centre de pouvoir de toutes les sociétés membres du groupe se situant au sein de la société dominante. C’est ainsi que la notion de contrôle, prévue par le Code de commerce, amène souvent les praticiens à retenir une définition plus large de la filiale que celle figurant à l’article L.233-1 du Code de commerce. Aux termes de l’article L.233-3, I du Code de commerce : « une société est considérée comme en contrôlant une autre selon plusieurs cas : Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société. lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote de cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres sociétés associées ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société.
L’organisation de la géographie du capital
Afin de maintenir le contrôle au sein du groupe de sociétés, les sociétés membres d’un groupe peuvent décider de s’organiser conventionnellement par le biais de mécanismes issus de la pratique en droit des sociétés. Il peut être convenu au sein des groupes de sociétés, d’organiser conventionnellement la « cristallisation » du capital du capital, la permanence du contrôle majoritaire. Ainsi, des sociétés créées ou non à cet effet, qui sont souvent des holdings peuvent recevoir en apport les participations détenues par les membres d’un pacte d’actionnaires. Le terme holding est un dérivé du verbe anglais to hold, qui signifie tenir, détenir. La holding, dans cette optique, souvent qualifiée de « financière », est une société dont l’objet ou l’activité se cantonne souvent à la détention de droits sociaux dans les sociétés dans la gestion desquelles elle entend exercer son emprise afin d’assurer efficacement l’unité de direction économique de l’ensemble, à la différence de la société de portefeuille, dont les participations ne sont détenues qu’à titre de placement financier. Le pacte s’estompe ainsi derrière la société qui l’absorbe et le concrétise. Le pouvoir peut alors se concentrer en un empilement de sociétés holdings qui assure dans la durée le blocage ou la cristallisation voulue, qui permet de consacrer le pouvoir majoritaire de certains. Souvent, la société holding n’a pas d’activité opérationnelle propre. Elle exerce les droits conférés par les blocs d’actions ou de parts qu’elle détient Pendant longtemps, la Cour de cassation a été hostile à ces sociétés de portefeuille considérant notamment qu’elles avaient le caractère de société de façade, uniquement destinées à obliger un ou plusieurs partenaires à se concerter pour toutes les décisions à prendre au sein d’une tierce société . En 1985, la Cour de cassation admet la validité de telles sociétés.La société holding est ainsi l’expression la plus achevée de pactes entre actionnaires. Pour Monsieur Parléani : « à l’unanimité contractuelle et aux soupapes existant dans le droit commun des contrats, la holding substitue la règle structurelle, durable de la majorité».
La nomination du dirigeant de groupe
Le pouvoir de nomination constitue l’expression première de la notion de contrôle dans les groupes de sociétés. Contrairement à ce qui est habituel au sein même des sociétés liées, la spécificité du statut de dirigeant au sein du groupe réside notamment dans le fait que les dirigeants sont davantage recrutés pour leurs compétences que pour leurs apports en capitaux. A cet égard, ces derniers illustrent réellement la séparation entre propriété et pouvoir. Même si la qualité d’actionnaire ou d’associé est requise dans certains cas pour exercer leurs fonctions, les dirigeants ne sont souvent détenteurs que d’une part faible, voir insignifiante du capital. L’autre intérêt lié au statut de dirigeant de groupe de sociétés réside dans le fait que le groupe choisit ses dirigeants parmi des cadres salariés, issus de ses rangs ou recrutés dans des sociétés extérieures.L’administration du groupe est en général assurée par les dirigeants de sociétés de tête de groupe, sous le contrôle du marché et des principaux actionnaires. Le fonctionnement du groupe résulte donc de la volonté des dirigeants qui n’est autre que celle de la structure dominante. Comment imposer une stratégie commune à travers une direction commune à toutes les sociétés d’un même groupe ? Comment donner un pouvoir de représentation à un dirigeant dans une ou plusieurs sociétés du même groupe ? Comment s’assurer que le dirigeant reste subordonné à la société-mère ? Comment transmettre une sphère d’autorité et de compétence à cette même personne ? Autant de questions importantes pour la bonne pérennité du groupe auxquelles certains auteurs ont tenté de résoudre en développant notamment la notion de « convention de direction ». Le mandat social permet la représentation lorsque le législateur y a attaché ce pouvoir. Le contrat de travail instaure un lien de subordination entre la société et les dirigeants salariés. La délégation de pouvoirs assure le transfert de la responsabilité d’une personne à une autre. Enfin, le « parachute » définit la couverture financière du dirigeant qui quitte la société. La convention de direction, sans réécrire l’ensemble de ces éléments, sans les fédérer, se propose de tracer les grandes lignes d’une relation contractuelle féconde et porteuse. Au sein des groupes de sociétés, elle a pour enjeu le fait de s’assurer une direction fiable, fidèle, sécurisée, harmonisée et performante. Une partie de la doctrine et des praticiens ont donc proposé par ce terme de « conventions de direction » des conventions abordant l’ensemble des questions relatives à la compétence du dirigeant de groupe, à sa place au sein de l’organigramme de groupe, place dont vont dépendre ses fonctions, ses attributions ainsi que son positionnement au sein de la société et du groupe. Les conventions de direction détermineraient également de façon incidente le statut ainsi que le régime juridique auquel les dirigeants seraient soumis. A défaut d’avoir introduit le contrat de direction dans le droit des sociétés, le contrat de travail a donc été le point de convergence des constructions juridiques permettant d’aménager la situation des dirigeants de sociétés au sein des groupes. Le contrat de direction n’a ainsi pas été légalisé, il a cependant été conventionnellement aménagé autour du contrat de travail. Le mandataire social d’une société peut-être placé sous l’autorité de la société-mère, au travers d’un lien de subordination.
Les conventions de trésorerie
Du fait de l’appartenance à un même groupe, les sociétés entretiennent entre elles des liens financiers étroits qui dérogent au principe de l’autonomie des sociétés membres du groupe et son corollaire, celui de l’autonomie de leur patrimoine. C’est ainsi qu’au sein des groupes de sociétés, il est fréquent que les entités s’accordent entre elles certaines facilités financières (crédits, emprunts, compte courant d’associés, etc.), ces opérations peuvent s’avérer être néanmoins difficiles à mettre en œuvre dans la pratique car ces dernières peuvent rentrer dans le champ d’application de la procédure des conventions réglementées et ainsi être soumises à autorisation. C’est ainsi que bien souvent parce que le fonctionnement du groupe ne peut qu’en être facilité, la gestion de la totalité de la trésorerie du groupe passe par la mise en œuvre de techniques visant à créer une meilleure organisation des activités financières. Ainsi les moyens du groupe sont utilisés au mieux, dans l’intérêt commun. Une telle gestion organisée permet d’ailleurs à certains groupes une possibilité de diversification passant par cette gestion financière. La trésorerie du groupe est ainsi confiée à une société du groupe, souvent une société holding, créée ou non pour l’occasion, ayant pour rôle de gérer les finances du groupe de sociétés. C’est ainsi qu’il est fréquent que soient mises en place des conventions de trésorerie, encore qualifiées de « conventions d’omnium », ou « pools de trésorerie », prévoyant la centralisation des finances du groupe. .Par exemple, une société holding, qui joue le rôle de « société pivot », est chargée de collecter puis de redistribuer les fonds ou de placer les fonds disponibles en application des conventions. Ces dernières sont mises en place entre la banque, la « structure pivot » et les autres sociétés du groupe. La société pivot devient une véritable « centrale de trésorerie ». La convention d’omnium consiste donc pour une société du groupe, de gérer les finances de l’entité toute entière en se servant par exemple de soldes excédentaires de certaines sociétés pour combler les soldes déficitaires des autres structures sociales, en procédant notamment des avances de fonds. La convention d’omnium est en général conclue par chacune des sociétés du groupe, soit avec la holding, soit avec une filiale commune. Certaines holdings négocient également avec leur banque des conventions (quelques fois appelée « convention de fusion d’échelles d’intérêts ») prévoyant que les intérêts créditeurs ou les agios débiteurs soient calculés sur un solde global pour toutes les sociétés du groupe après imputation des soldes débiteurs sur les soldes créditeurs des comptes ouverts au nom de ces sociétés, engageant par là sa seule responsabilité à l’égard de l’Administration fiscale. Cela permet notamment aux groupes de réaliser des économies sur le paiement des agios débiteurs. La mise en place d’opérations de trésorerie peut aussi être le fait de conventions de fusion de comptes, celles-ci sont notamment difficiles à mettre en œuvre. Il a en effet pu être relevé que ces dernières portaient atteinte au principe de l’autonomie du patrimoine et que le groupe de sociétés, n’ayant pas la personnalité morale, il ne pouvait exister un « compte de groupe ». Parallèlement à la centralisation de la trésorerie, d’autres opérations sont autorisées comme le fait pour une banque de satisfaire une demande de crédit formulée par un groupe de société procédant à la centralisation de trésorerie de celles-ci au niveau de la société mère par exemple. Dans cette hypothèse, la société mère est juridiquement l’emprunteuse et débitrice à cet égard des agios correspondant à l’égard de la banque. Pour autant, le concours consenti à cette dernière peut être considéré en fonction du besoin de crédit de chaque société du groupe. A ce titre, les lignes de crédit peuvent avoir pour support autant de comptes que la société comprend de filiales, ces comptes ouverts juridiquement à la société mère emprunteuse étant liés entre eux par une lettre de fusion par exemple.
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Table des matières
Principales abréviations
INTRODUCTION
Première partie – Le dispositif conventionnel d’aménagement des relations intra-groupe
Chapitre 1 – Les mécanismes conventionnels d’aménagement du pouvoir
Section I – Les conventions intra-groupe et le contrôle
Sous-section 1 – Les conventions portant sur l’acquisition du contrôle au sein du groupe
§ 1 – La prise de contrôle à travers la notion d’influence déterminante
§ 2 – Le contrôle à travers l’action concertée
Sous-section 2 – Le maintien conventionnel du contrôle
§ 1 – L’organisation de la géographie du capital
§ 2 – La stabilisation du pouvoir de décision
Section 2 – Les conventions intra-groupe et la direction du groupe
Sous-section 1 – Les conventions portant sur le pouvoir du groupe sur les dirigeants
§1 – La nomination du dirigeant de groupe
§2 – La révocation du dirigeant de groupe
Sous-section 2 – Les conventions aménageant les pouvoir du dirigeant au sein du groupe
§1 – Le transfert avec dessaisissement
§2 – Le transfert sans dessaisissement
Chapitre 2 – Les conventions intra-groupe en tant que moyen de gestion centralisée du groupe
Section I – Les conventions organisant les relations économiques au sein du groupe
Sous-section 1 – La centralisation des liens financiers
§1 – Les conventions de trésorerie
§2 — Les risques liés à la mise en place des conventions de trésorerie
Sous-section 2 – Les conventions à caractère industriel et commercial
§1 – L’aménagement conventionnel de relations d’affaires au sein du groupe
§2 – Le caractère « courant » des conventions industrielles et commerciales
Section II – Les conventions intra-groupe et les tiers
Sous-section 1 – Les conséquences vis-à-vis des tiers de liens étroits entre les sociétés du groupe : la théorie de l’apparence
Sous-section 2 – Les conséquences vis-à-vis des tiers de liens étroits entre les sociétés du groupe : la théorie de l’immixtion
Deuxième partie – Les limites de la liberté conventionnelle au sein du groupe de sociétés
Chapitre 1 – Les conventions intra-groupe et le principe d’autonomie des sociétés membres du groupe
Section I – Le voile de la personnalité morale des sociétés du groupe
Sous-section 1 – La personne morale en tant que fiction juridique
Sous-section 2 – Les conséquences du principe d’autonomie des sociétés du groupe
Section II – La sanction de l’utilisation abusive de la personnalité morale
Sous-section 1 – L’interposition abusive de personne morale
§1 – Le cas de la fraude
§2 – Le cas de la fictivité
Sous-section 2 – La levée abusive du voile de la personnalité morale
Chapitre 2 – Le dispositif impératif
Section I – Les règles de droit commun
Sous-section 1 – Les principes généraux et le droit commun des contrats
Sous-section 2 – Le cas particulier des statuts
Section II – L’ordre public sociétaire
Sous-section 1 – La notion d’ordre public sociétaire
Sous-section 2 – Les limites posées par l’ordre public sociétaire
§1 – Les limites relatives
§2 – Les limites absolues
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
I – Ouvrages généraux
1 – Traités
2 – Manuels
II – Ouvrages spéciaux
1. Ouvrages collectifs
Encyclopédies, Dictionnaires, Mémentos
2. Monographies et thèses
II – Actes de colloques
III – Rapports et documents officiels
IV – Etudes doctrinales et articles
IV – JURISPRUDENCE
Cour de Cassation
Conseil d’Etat
Cours d’appel
Tribunaux de commerce
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