Les contraintes de la zone intertidale
Les macroalgues vivent principalement dans la zone intertidale (estran) qui est caractérisée par la zone de balancement des marées (Figure 1). C’est un environnement particulièrement contraignant pour les organismes qui sont consécutivement soumis à des conditions de vie strictement aquatiques et des conditions de vie terrestres. Dans cette zone, la marée opère une sélection sévère des organismes et la végétation algale change par paliers successifs le long de l’estran.
Ainsi, le bas de la zone littorale, site le plus immergé et le moins contraignant, présente la plus grande diversité. Il existe toutefois des cuvettes sur la grève où l’eau ne se retire pas complètement et qui constituent un écosystème particulier ; l’épaisseur d’eau recouvrant les algues y varie au cours de la journée parfois de façon importante. L’alternance des marées modifie cycliquement la hauteur d’eau et change inévitablement les paramètres physico-chimiques du milieu. Les macroalgues ont donc développé des stratégies pour répondre aux perturbations d’origine abiotique.
La lumière
L’eau agit comme un filtre sélectif de certaines longueurs d’ondes et dans la zone de balancement des marées, l’épaisseur de ce filtre varie continuellement au cours de la montée et la descente des eaux. Cela influe sur la qualité et la quantité de la lumière reçue par les algues. La composition de la lumière joue un rôle important dans la morphogenèse et la reproduction des algues (Coelho et al., 2001). De même, la photopériode influence le cycle de développement de certaines algues, par exemple dans l’apparition du thalle dressé des laminaires (Luning and Neushul, 1978). Lorsque le rayonnement solaire pénètre dans l’eau, les radiations rouges et jaunes sont absorbées en premier, puis les vertes et les bleues. Puisque les algues vertes possèdent de la chlorophylle absorbant dans le rouge et que les algues brunes et rouges possèdent des pigments surnuméraires (respectivement caroténoïdes et phycobilines), absorbant dans le bleu/vert et transmettant cette énergie à la chlorophylle, on a longtemps postulé que la composition pigmentaire des algues conditionnait leur répartition altitudinale. Cependant, on constate que les algues vertes ne sont pas limitées aux zones peu profondes et leur capacité d’absorption dans la région jaune/vert augmente avec la concentration en pigments. Il semblerait donc que la répartition des algues soit plus fonction de l’intensité lumineuse que de la qualité spectrale (Lobban and Harrisson, 1994). Certains rayonnements, comme les UV, sont nocifs. Les algues s’en protègent par divers moyens. Les algues brunes de l’estran, fortement exposées, se protègent grâce aux phlorotanins, les algues vertes possèdent des phénylpropanoïdes et divers groupes de microalgues et d’algues rouges possèdent des acides aminés voisins de la mycosporine (Krabs et al., 2004; Cardozo et al., 2007).
La température
La température varie principalement avec la latitude et les courants. Il existe des macroalgues tropicales (caulerpes, Dictyotales, Sargassaceae), d’autres plus ou moins cosmopolites (Ectocarpus) ou polaires (Ascoseira). La variation annuelle moyenne de température des océans est estimée à 5°C mais peut considérablement augmenter dans les estuaires et dans les baies. De plus, les algues de la zone intertidale peuvent être exposées à marée basse à de fortes chaleurs ou à de très basses températures en fonction des saisons.
Les réactions biochimiques sont largement influencées par la température. Par conséquent, la photosynthèse, la respiration et la croissance faisant intervenir de nombreuses enzymes, ces processus dépendent également des fluctuations thermiques. Cependant, les algues ont colonisé toutes les régions du globe car elles disposent de mécanismes de tolérance leur permettant de s’adapter aux changements de température.
La salinité
La salinité, d’environ 35 g.L-1 dans les océans, influence la pression osmotique du milieu cellulaire. Les macroalgues marines ne peuvent donc généralement pas vivre en eau douce et réciproquement, les plantes terrestres ne supportent que des stress hypersalins modérés. Il existe cependant des algues capables de supporter de grandes variations de salinité. Enteromorpha intestinalis est une algue verte marine qui peut vivre en eau douce. A l’inverse, les laminaires (algues brunes) sont sténohalines, c’est-à-dire qu’elles ne supportent pas de grandes variations de salinité. Les cellules sont alors protégées par des parois robustes et des mucilages hydrophiles. De nombreuses algues régulent leur pression osmotique avec des osmolytes, tels que le mannitol chez les algues brunes. Dans la zone de balancement des marées, les algues peuvent subir des variations de salinité liées à l’émersion. En cas de dessication (phénomène qui peut être amplifié par le soleil, le gel et le vent), le milieu cellulaire se concentre et le sel cristallise à la surface de l’algue. Certaines algues comme Pelvetia canaliculata peuvent rester plusieurs jours de suite émergées, en étant humectées uniquement lors des hautes mers de vives eaux. De plus, la pluie peut représenter un apport plus ou moins important et brutal d’eau douce sur ces algues découvertes.
L’hydrodynamisme
Il est généralement admis que la diffusion des molécules dans les masses d’eau est un phénomène tellement lent que si les masses d’eaux n’étaient pas agitées, la vie y serait impossible. Cependant, le mouvement des vagues et des courants crée des conditions d’arrachement auxquelles les organismes ont dû s’adapter. Les macroalgues sont fixées à leur substrat par l’intermédiaire d’un rhyzoïde et de crampons. Dans le cas d’algues épiphytes ou endophytes, la croissance se déroule sur ou à l’intérieur d’autres algues. Certaines macroalgues possèdent donc des stipes massifs plus ou moins rigides (Laminaria hyperborea, Laminaria digitata) et d’autres utilisent des flotteurs, pneumatocystes, pour se maintenir à la verticale (Ascophyllum, Fucus).
Pollutions
Les pollutions sont généralement dues à l’introduction de substances chimiques dans l’environnement, résultant de l’activité humaine. Les composés les plus souvent rencontrés dans le milieu marin sont les métaux lourds, les dérivés du pétrole et les produits de synthèse comme les herbicides, les pesticides et les antifouling. Les effets des polluants sur les macroalgues sont dépendants de leurs paramètres physicochimiques tels que la solubilité, l’adsorption, et la complexation chimique. Bien que les herbicides et les pesticides ne soient pas directement utilisés dans l’environnement marin, la présence de ces composés est détectée aux abords des estuaires en lien avec les pratiques agricoles environnantes. La plupart des herbicides inhibent la photosynthèse. Comme les pesticides, ils représentent des sources de composés xénobiotiques toxiques métabolisables par les organismes aquatiques. La toxicité des métaux lourds dépend du type d’ion métallique, de la présence de particules organiques dans l’eau, et varie selon les espèces d’algues. En général, l’ordre de toxicité est Hg>Cu>Cd>Ag>Pb>Zn. Les algues disposent de plusieurs mécanismes pour détoxifier les métaux et/ou augmenter leur tolérance. Les polysaccharides anioniques associés à la paroi cellulaire et aux espaces intercellulaires, séquestrent les cations métalliques par un mécanisme d’échange d’ions, empêchant ainsi une partie des métaux de pénétrer dans les cellules (de Andrade et al., 2002; Salgado et al., 2005). Chez les algues brunes, les composés polyphénoliques, présents dans les physodes, chélatent les ions métalliques qui sont ensuite exudés hors des cellules (Ragan et al., 1979; Karez and Pereira, 1995). Le pétrole est un mélange complexe d’hydrocarbures de type alcanes, cyclo-alcanes et aromatiques. Ces composés réduisent la photosynthèse et la croissance chez les algues en inhibant les échanges gazeux, en perturbant les membranes chloroplastiques, en détruisant la chlorophylle, et en altérant la perméabilité cellulaire. Chez certaines espèces d’algues brunes, la pénétration des hydrocarbures est diminuée par la présence de mucilage. En laboratoire, la concentration à laquelle les hydrocarbures sont toxiques dépend du type de composé, de la température de l’eau, et de la présence d’autres polluants (Lobban and Harrisson, 1994).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. MODELES BIOLOGIQUES
1.1 LES MACROALGUES
1.2 LES CONTRAINTES DE LA ZONE INTERTIDALE
1.2.1 La lumière
1.2.2 La température
1.2.3 La salinité
1.2.4 L’hydrodynamisme
1.2.5 Pollutions
1.3 LA REPONSE AU STRESS CHEZ LES ALGUES
1.3.1 Le métabolisme oxydatif
1.3.2 Le métabolisme des oxylipines
1.3.3 Métabolisme halogéné
1.4 ÉVOLUTION
1.5 DEUX MODELES D’ALGUES BRUNES
1.5.1 Laminaria digitata
1.5.1.1 Cycle de vie et culture
1.5.1.2 Ressources génomiques
1.5.2 Ectocarpus siliculosus
1.5.2.1 Cycle de vie
1.5.2.2 Ressources génomiques
2. LE GLUTATHION
2.1 METABOLISME
2.2 LES ENZYMES DU CYCLE γ-GLUTAMYL
2.2.1 Synthèse du glutathion
2.2.2 Dégradation du glutathion
2.3 OXYDO-REDUCTION DU GLUTATHION.
2.3.1 Glutathion péroxydases
2.3.2 Glutathion réductase
2.4 CONJUGAISON DU GLUTATHION
2.4.1 Composés exogènes
2.4.2 Composés endogènes
2.4.2.1 Les eicosanoides
2.4.2.2 Autres métabolites conjugués
2.5 LES PHYTOCHELATINES, UN POLYMERE DE GSH
2.6 MODIFICATIONS DU POOL DE GLUTATHION EN FONCTION DE FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
2.7 LE GLUTATHION CHEZ LES ALGUES
3. LES GLUTATHION S-TRANSFERASES
3.1 HISTORIQUE
3.2 FONCTION DES GST DANS LA CELLULE: VARIATIONS AUTOUR D’UN MECANISME GENERAL
3.2.1 Principe de la réaction de conjugaison
3.2.2 Les GST, des enzymes du métabolisme de détoxification active de composés xénobiotiques
3.2.3 Phase I
3.2.4 Phase II
3.2.5 Phase III
3.2.6 Adressage pour le transport transmembranaire
3.2.7 Protection contre les dommages du stress oxydant
3.2.8 Activité ligandine: fixation non-enzymatique et transport intracellulaire
3.3 LES GST CYTOSOLIQUES
3.3.1 Classification
3.3.2 Nomenclature
3.3.3 Organisation génomique
3.3.4 Structure tridimensionnelle des GST
3.3.4.1 Le domaine I: un motif thioredoxine
3.3.4.2 Le domaine II
3.3.4.3 Site de dimérisation
3.3.4.4 Fixation des substrats
3.3.4.4.1 Fixation du glutathion: site G
3.3.4.4.2 Fixation du second substrat: site H
3.3.4.5 Des résidus responsables de la diversification fonctionnelle
3.4 LES DIFFERENTES CLASSES DE GST CYTOSOLIQUES ET LEURS PRINCIPALES FONCTIONS
3.4.1 Theta
3.4.2 Zeta
3.4.3 Tau
3.4.4 Phi
3.4.5 Lambda
3.4.6 Delta
3.4.7 Epsilon
3.4.8 Omega
3.4.9 Rho
3.4.10 Bêta
3.4.11 Alpha
3.4.12 Mu
3.4.13 Pi
3.4.14 Sigma
3.4.15 Gamma
3.4.16 Nu
3.5 EVOLUTION DES GST CYTOSOLIQUES
3.5.1 Phase 1
3.5.2 Phase 2
3.6 GST KAPPA
3.6.1 Fonctions
3.6.2 Structure
3.7 GST MICROSOMALES
3.7.1 Fonctions
3.7.2 Evolution
3.7.3 Structure des GST microsomales
3.8 ACTIVITES GST IN VITRO
3.8.1 Substrats
3.8.2 Inhibiteurs
3.9 LES GST CHEZ LES ALGUES
3.9.1 Des marqueurs biologiques.
CONCLUSION
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