Le processus de périurbanisation complexifie l’analyse typologique des territoires
La périurbanisation, comme son étymologie l’explicité, du grec ancien peri (περί)« autour de », indique une urbanisation qui s’effectue en périphérie des centres urbains. C’est donc une urbanisation qui s’effectue dans les franges urbaines, une sorte de « front pionnier » de l’urbanisation qui se fait autour des entités urbaines, de manière circonscrite et conduit à un étalement urbain tel que nous l’avons vu plus haut.C’est justement dans ces espaces, ces « fronts de périurbanisation », que la consommation foncièrese fait particulièrement sentir.
Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET, ex-DATAR) a établit une typologie intéressante dans le sens où elle traduit l’impact des dynamiques territoriales sur la géographie des campagnes. Nous nous pencherons justement sur les notions de campagnes urbanisées, des villes et les campagnes agricoles et industrielles, car ce sont ces espaces ruraux qui subissent aujourd’hui la plupart de la consommation foncière mais également la plus forte en intensité, en France. Ils connaissent donc très largement le phénomène de l’étalement urbain. Pour illustrer notre propos nous avons tracé des périmètres comprenant les communes inclus dans des rayons respectivement de 25, 50 et 100 kilomètres à partirdu centre de Toulouse, le midi toulousain constitue effectivement un cas d’école typique de l’étalement urbain en France, de par son caractère radioconcentrique.
• Dans un rayon de 25 kilomètres, la CGET considère que la plupart des communes (grisées sur la carte) sont urbanisées et n’appartiennent pas aux campagnes, car suffisamment denses. Le caractère urbain est trop prégnant, ce sont des communes de l’aire urbaine de plus de 10 000 emplois dont beaucoup sont comprises dans des unités urbaines.
• Dans un rayon compris entre 25 et 50 kilomètres se situent la plupart des communes catégorisées comme campagnes « urbanisées densifiées, en périphérie des villes, à très forte croissance résidentielle et à économie dynamique » (classe). Mais aussi outre mesure des communes catégorisées dans le « classe 2» comme « campagnes urbanisées diffuses, en périphérie des villes, à croissance résidentielle et dynamique économique diversifiée ». Cette notion de campagne « urbanisée» est particulièrement intéressante car elle peut nous paraître comme un oxymore, or elle explicite ce qu’est la périurbanisation, ce tiers-espace transitoire entreurbain et rural. C’est particulièrement dans ces deux sous-types de la typologie du CGET que s’opère une consommation foncière vorace, aux conséquences et aux problématiques qui découlent directement de dynamiques démographiques très fortes.
• Dans un rayon compris entre 50 et 100 kilomètres, nous avons une plus grande hétérogénéité de la typologie des campagnes. Nous observons des corridors « périurbains » suivant les grands axes fluviaux, autoroutiers et ferroviaires, où les communes des campagnes urbanisées en périphéries des villes jouxtent les communes des campagnes urbanisées densifiées des vallées. Cela n’est pas anodin, puisqu’on devine que les mobilités jouent un rôle crucial sur la densification et l’urbanisation de ces campagnes. Ce sont donc avant tout des facteurs socio-démographiques qui expliquent l’étalement urbain et donc la consommation foncière.
Des dynamiques démographiques fortes aux périphéries des métropoles contribuent à une consommation foncière soutenue
Les dynamiques démographiques sont la résultante des mobilités d’individus et de ménages, tant pour les jeunes que pour les familles, d’un désir d’amélioration d’une trajectoire sociale.
Les mobilités peuvent être choisies ou subies et confortent des dynamiques démographiques selon la géographie (nationale et régionale). Les moteurs de telles dynamiques sont divers mais quelques-uns demeurent les principaux. La recherchedu meilleur cadre de vie et l’accession à la propriété sont les facteurs quasiment exclusifs qui jouent dans les dynamiques sociodémographiques et particulièrement dans le mode d’habiter et donc l’étalement urbain.
La demande de maison individuelle
Alors que deux tiers des Français vit en maison individuelle, 90% des ménages souhaitent devenir propriétaires d’une maison individuelle même si ce désir varie selon les catégories socioprofessionnelles. Dans le même temps, ils aspirent à une certaine proximité des services (écoles, gardes d’enfants, commerces, médecins). La ville est aussi souvent associée à une densité repoussoir, d’où l’attirance pour la campagne ou la périphérie, cette dernière étant le domaine des couples avec enfants.
Les ménages choisissent de s’installer loin des agglomérations parce qu’ils n’ont pas trouvé un habitat dont les caractéristiques (prix, confort, taille, équipements, voisinage) étaient équivalentes plus près de leur lieu de travail. Ils ne cherchent pas à minimiser leurs déplacements, mais à en optimiser l’utilité, et beaucoup de facteurs interviennent dans leur arbitrage. De façon plus réductrice, dans les modélisations de ville mono-centrique, le choix de la localisation résidentielle s’effectue selon un arbitrage entre coûts des déplacements quotidiens domicile-travail et coût du logement.
Si les deux tiers des logements neufs sont effectivement constitués de maisons individuelles, seulement 35% de ces maisons font partie d’un lotissement. Les maisons hors procédure représentent 30% des logements et 70% des surfaces,et sont 14 fois moins denses que l’habitat collectif. Ceci illustre le fait que l’urbanisation opère de manière beaucoup plus diffuse sur l’ensemble du territoire, ce qui rend plus difficile le suivi et le traitement du phénomène.
Autre facteur porteur pour la maison individuelle : selon plusieurs études, les coûts de construction sont plus élevés pour le logement collectif que pour le logement individuel, en raison des techniques de construction, des normes plus exigeantes, des coûts de transaction et de gestion supplémentaires, et de l’industrialisation de la production de logements individuels.
Les ménages choisiront donc d’autant plus naturellement une maison individuelle, même éloignée, plutôt qu’un appartement dans un environnement parfois insatisfaisant. Du point de vue du développement urbain, ces mécanismes ne conduisent donc pas à de fortes densités, sauf si les valeurs immobilières sont élevées.
Enfin nous pouvons également évoquer le facteur culturel et l’influence socio-culturelle nordaméricaine dans le choix de la maison individuelle comme la recherche du meilleur cadre de vie en termes de logement. En effet le modèle capitaliste individualiste hédoniste originaire des Etats-Unis a primé sur le modèle traditionnel européen de la maison mitoyenne accrochée à la voirie, des agglomérats de l’habitat en milieu rural sous forme de hameaux. C’est donc une représentation sociale qui a déterminé le choix du cadre de vie préférentiel pour la plupart des français, expliqué entre autre par le modèle mis en place par le Ministre de l’Equipement et du Logement, Albin Chalendon, à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Son passage au Ministère est marqué par une révision radicale de la politique de logement. En effet, les grands ensembles ne sont plus privilégiés, et commeun effet de mode dans cette période de fin des « trente glorieuses », les maisons individuelles sont privilégiées. Ainsi, il est instauré le Concours International de la Maison Individuelle (dit Concours Chalandon) qui conduit à la construction de 70 000 pavillons individuels familièrement désignés par le néologisme péjoratif de « chalandonnette » Cela a donc favorisé le développement sans précédant de la maison individuelle, qui est le type de logement le plus consommateur de terres. En effet depuis l’an 2000 chaque habitant consomme une surface de 1450 mètres carrés environ.
Les marchés immobilier et foncier
Le coût de l’immobilier est bien évidemment un facteur de choix dans la localisation des accédants à la propriété, et notamment des primo-accédants : le rapport peut être environ de 1 à 4 entre la ville et une zone pavillonnaire périurbaine. Mais cet aspect contribue plus à une forme de ségrégation sociale entre les villes et leur périphérie qu’à l’étalement urbain proprement dit.
En 2009, Jacques Donzelot, dans La Ville à trois vitesses distinguait trois types de dynamiques mettant en jeu le peuplement des villes et des espaces ruraux périphériques : la gentrification (pour les villes-centres et les premières couronnes), la périurbanisation (pour les couronnes intermédiaires) et enfin la relégation (pour les franges rurales jouxtant les franges périurbaines).
Des dynamiques démographiques orientées par des politiques nationales d’aménagement.
Des métropoles centrifuges en termes d’emplois
Lorsque nous parlons de politiques nationales nous ne parlons pas des lois destinées aux collectivités afin de rationaliser la consommation foncière, mais plutôt d’une certaine philosophie dans le mode d’appréhender le territoire par l’Etat, qui malgré la décentralisation, reste un acteur incontournable de l’aménagement du territoire en France. Les politiques nationales des dernières décennies, ou justement lemanque de politiques nationales à cet égard, ont contribué effectivement et ce, paradoxalement, malgré l’explosion des prix de l’immobilier et du foncier à partir des années 2000 mais aussi le manque de logements sociaux ainsi que la loi SRU censée réduire la consommation foncière, la consommation foncière s’est toujours poursuivie à un bon rythme. Ce qui peut paraître, vu sous cet angle, comme une situation absurde.
Premièrement nous noterons que l’Etat s’est désengagé par le biais de la présence de ses services publics, nombres de fermetures de services publics ont été médiatisés ces dernières décennies (fermetures, de tribunaux, de casernes degendarmerie, d’écoles, de bureaux de poste, de sous-préfectures, etc.), ce sont donc des emplois publics qui diminuent, une économie résidentielle qui s’affaiblit dans les territoires souvent éloignés des métropoles. L’effet centrifuge des grandes métropoles provoque paradoxalement un effet centripète qui relèguent les individus ayant un emploi dans une métropole mais qui résident dans les couronnes périurbaines à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de travail. Le déséquilibre spatioéconomique emplois/habitants, conduit à l’étalementurbain, puisque de nombreux travailleurs préfèrent se loger en périphérie.
De même que l’échec cuisant des dispositifs de défiscalisation des gouvernements successifs, ou l’absence cruelle de politique nationale forte en faveur d’une revitalisation des centre-bourgs et des centres urbains de petites ou moyennes villes, favorisent inévitablement la croissance de logements vacants en France et donc l’étalement urbain par la construction de nouveaux logements en périphérie de ces centres-urbains. Ainsi selon l’INSEE, entre 2004 et 2014, le nombre de logements vacants a progressé de 37,1% (voir tableau, figure 5) pour atteindre un peu plus de 2,6 millions de logements. S’ajoute à cela le nombre croissant de bureaux vides : près de 60 millions de mètres carrés inoccupés, soit environ 3,3 millions de locaux vacants, toujours selon l’INSEE. Malgré ces chiffres, les investisseurs institutionnels demeurent peu enclins à transformer des bureaux en logements, car ils peinent à boucler des montages financiers rémunérateurs, sans oublier les contraintes fiscales et juridiques propres au secteur résidentiel.
Là aussi il n’existe pas à ce jour de politiques nationales très incitatives permettant aux investisseurs de transformer les bureaux en logements.
Une absence de politique nationale en faveur d’une revitalisation des centre-bourgs
Nous noterons également l’absence de politiques nationales incitatives en faveur des commerces dits de « proximité » dans les centre-bourgs, dont on note une tendance baissière. Ils remplissent pourtant des fonctions essentielles aux communes détaillé modeste. En effet en plus de remplir leur rôle strictement commerçant, ils jouent aussi un rôle de lien social absolument vital pour la cohésion sociale dans les territoires ruraux et périurbains. Or, depuis les années 1970-1980, l’urbanisme qui prévaut en la matière suit un modèle néfaste qui contribue à la dévitalisation des centre-bourgs, à savoir l’implantation quasi systématique de moyennes et grandes surfaces, de supermarchés et d’hypermarchés issus de grands groupes de distribution , en périphérie des centres-bourgs, à la sortie/entrée. Nous pouvons également citer l’exemple des bistrots, petits commerces essentiels aux bienfaits du lien social d’un bourg. Leur nombre ne fait que chuter depuis des décennies sans interruption passant de 200 000 dans les années 1960 à 35 400 en 2011, selon l’INSEE en 2013. Entre 2003 et 2011, la diminution des bistrots (bars et caféstabacs) est de 15%. Tout ceci contribue également à amplifier les dynamiques sociales territoriales, beaucoup de primo-accédants préfèrent acquérir un logement neuf ou récent en périphérie d’un centre urbain que d’un logement vieilli, parfois pas réhabilité, dans un centre urbain en désertification.
Néanmoins nous avons beau être critiques vis-à-vis des politiques conduites par l’Etat ainsi que de sa gestion depuis de nombreuses années, il faut néanmoins reconnaître les bienfaits de la loi SRU qui a permis de rationaliser davantage la consommation foncière, même si des lacunes subsistent. Puis surtout comme nous le verrons plustard dans les deuxième et troisième parties, la loi SRU a, peu à peu, permis une véritable prisede conscience aux élus locaux, mais aussi à la population, la notion de la rationalisation de la consommation foncière.
Un constat mélioratif : une consommation plus frugale des espaces agricoles et naturels depuis la loi « solidarité et renouvellement urbain » (SRU)
Le plan local d’urbanisme : les vertus d’une rationalisation foncière à l’échelle communale
Les politiques foncières locales
Les communes rurales et périurbaines désirent à la fois accueillir un nombre d’habitants suffisants pour maintenir les services de base (poste, école, boulangerie, etc.) et optimiser leurs équipements (eau, assainissement) et en même temps ne pas dépasser un certain seuil de population qui les obligerait à de nouveaux investissements, d’où un refus de certaines mairies d’ouvrir de nouvelles zones à urbaniser, ce qui entraîne des formes de mitage du territoire, une croissance urbaine discontinue, éparpillée.
Le mitage urbain se matérialise typiquement par une construction de maisons individuelles, non ordonnée, diffuse, éparpillée. Carbonne (5377 habitants en 2014) située dans l’aire urbaine toulousaine à 50 kilomètres au sud-ouest de Toulouse sur la continuité de l’autoroute A 64 et de la ligne ferroviaire Toulouse-Bayonne, illustre à merveille ce fait comme nous pouvons le voir ci dessus (figure 6). Le tissu urbain est littéralement « mité », le bâti s’entrecoupe avec des parcelles agricoles entre la Garonne (à droite) et l’autoroute (à gauche). On constate aussi cette fameuse linéarité de l’urbanisation, ou le bâti suit les routes. Il est à noter que tous les services et commerces de proximité se situent dans le bourg (en bas), seuls des moyennes surfaces (hypermarchés et autres) se situent sein de cet habitat récent, que l’on distingue au centre de la photo aérienne.
Les Plans locaux d’urbanisme (PLU), un outil pratique et plutôt efficace
La loi SRU a instauré un nouvel outil d’urbanisme planificateur à l’échelle communale : le Plan Local d’Urbanisme (PLU) qui depuis a été agrémenté par d’autres dispositifs greffés au PLU dans les lois Grenelle II et ALUR. Nous verrons que le PLU a permis de remédier, en grande partie, au mitage excessif et à la consommation foncière délirante.
Le PLU a été conçu pour densifier, c’est la densification urbaine (on parle aussi d’intensification urbaine) que le législateur a trouvé comme remède face à la consommation foncière, c’est-à-dire qu’il est destiné à rationaliser au mieux la consommation de nouvelles terres agricoles et naturelles tout en tenant compte des prévisions de développement de la commune (démographique, économique, etc.). La recherche d’une densité appropriée à chaque ville est donc un enjeu majeur d’aménagement des territoires,pour une amélioration durable du cadre de vie, en favorisant une conception renouvelée des quartiers dans leur fonctionnalité (logements, transports, commerces, loisirs, lieux de travail…), pour les rendre également économes en énergie. Mais c’est vraiment la loi Grenelle II qui a renforcé la lutte de l’étalement urbain. La loi Grenelle .II reconnaît que la fiscalité de l’urbanisme favorise le mitage (voir les effets néfastes de la fiscalité foncière et immobilière dans le I.3.) mais ne remédie pas aux attentes dans ce domaine pour autant.
La planification territoriale intercommunale : Schéma de cohérence territorial ou Plan local d’urbanisme intercommunal, quelle réelle efficacité ?
Le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) plus efficace qu’un simple PLU ?
On ne peut parler de planification urbaine sans évoquer l’intercommunalité. En effet parallèlement aux législations urbanistiques en faveur d’une rationalisation foncière et d’une protection de l’environnement, la législation a renforcé considérablement l’intercommunalité.
Par ailleurs, le plan local d’urbanisme est majoritairement élaboré par la commune alors que celle ci manque parfois, selon sa taille, à la foisdu recul nécessaire et des moyens humains et financiers pour développer et mettre en œuvre une politique d’urbanisme capable de répondre aux enjeux de développement. De ce point de vue, ilconviendrait de transférer cette compétence à l’intercommunalité, et aussi de renforcer l’ingénierie territoriale en matière d’aménagement et d’urbanisme, ce qui en soi paraît être du bon sens.
De plus, l’échelon communal est parfois trop étroit et n’est pas adapté pour faire face à la limitation de l’étalement urbain qui nécessite une vision et une prise en charge à un niveau supra- ou intercommunal. La généralisation des PLU intercommunaux (PLUi) pourrait donc offrir un cadre adéquat, mais, même si la loi Grenelle 2 en a introduit l’existence, elle ne les a pas rendus obligatoires. Et même, les communes, soucieuses de leurs prérogatives, se sont opposées au transfert de compétences en matière de PLU. C’est la raison pour laquelle la loi ALUR contient des mesures incitatives afin d’encourager les communes à se doter d’un PLUi, notamment par le fait de rendre caduque tous les Plans d’occupation des sols (POS) dès le 24 mars 2017. Le POS est un ancien document d’urbanisme strictement réglementaire qui déterminait notamment les droits à construire et les conditions d’évolution attachés à chaque propriété (publique ou privée). Le POS fut complètement inefficace quant à la réduction de la consommation foncière. Néanmoins l’incitation a été fortement ralentie et perturbée par la fusion des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – Communauté de communes, d’agglomération, urbaine ou les Métropoles – selon le rapport parlementaire . En effet, l’incertitude de l’architecture institutionnelle des intercommunalités a manifestement freiné les initiatives. De même que la création d’intercommunalités trop vastes à l’instar de l’intercommunalité reprenant l’intégralité des contours du Pays Basque français ou encore de certaines intercommunalités normandes également très étendues, pour lesquelles il semble malaisé de créer un seul PLUi. Nous en déduisons qu’un PLUi peut être efficace et jouer un vrai rôle supra communale quand l’intercommunalité est plutôt bien peuplée et contient un nombre de communes raisonnable.
Le Schéma de cohérence territoriale (SCoT) régule-t-il réellement la consommation foncière à l’échelle intercommunale ?
La loi SRU instaure les SCoT en 2000 mais c’est la loi Grenelle II en 2010 qui renforce les objectifs en termes de réduction de consommation foncière, de préservation des espaces alloués aux espaces naturels et agricoles, d’équilibrage dela répartition territoriale des commerces et des services, d’amélioration des performances énergétiques, de diminution des déplacements, de réduction des gaz à effet de serre et de préservation des écosystèmes. Le SCoT est ainsi doté d’outils permettant d’imposer des normes minimales de densité urbaine.
La densification apparaît comme la solution qui permet de construire là où sont les besoins en intervenant sur les espaces déjà bâtis et équipés, sans grignoter davantage les espaces naturels et agricoles en périphérie des villes. Elle permet en outre de limiter l’artificialisation des sols.
Ainsi le SCoT devra désormais identifier les espaces ayant un potentiel de densification et de mutation, notamment grâce à une approche paysagère et patrimoniale. Quant aux PLU ils devront s’élaborer ou, si ils existent déjà, se mettre, en compatibilité avec le SCoT.
Le SCoT n’est pas un document « opposable », c’est-à-dire attaquable juridiquement. En effet il ne réglemente pas à la parcelle près un droit de constructibilité, il fixe des objectifs et plus précisément de seuil maximal de population et de construction qui devront être respectés dans le document d’orientation et des objectifs. Cela fonctionne par des quotas alloués à chaque commune, en fonction de son analyse territoriale (le rapport de présentation) et de son projet d’aménagement et de développement durable (PADD). Le SCoT doit présenter, selon la loi Grenelle II une « analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers » (art. L123-1-2 al 3). En outre, le rapport doit justifier« des objectifs compris dans le PADD au regard des objectifs de consommation de l’espace fixés, le cas échéant, par le SCOT et au regard des dynamiques économiques et démographiques » (Art. L123-1-2 al 4). Le PADD (Projet d’aménagement et de développement durable) est également concerné. Le troisième et dernier alinéa du nouvel article L 123-1-3 du Code de l’urbanisme indique qu’il fixe des « objectifs de modération de la consommation d’espace et de lutte contre l’étalement urbain ».
Le SCoT est certes non opposable mais il oriente fortement les PLU (et/ou PLUi). Les communes doivent en outre se plier aux exigences du SCoT scrupuleusement et ne pas dépasser les seuils imposés. De toute évidence le syndicat mixte qui porte le SCoT contrôle et peut empêcher de nouvelles constructions sur une commune en cas de seuil atteint par celle-ci. Le contrôle du SCoT se substitue ainsi à celui du Préfet, et veille au strict respect des objectifs du SCoT. Ce mode de fonctionnement peut paraître plus cohérent et efficace qu’un PLUi, en effet, de grandes lignes chiffrées en termes de répartition démographique, de nombre de logements et de zones d’activités et donc de la consommation foncière sont attribués par le SCoT à chaque commune, dont le périmètre est censé regrouper les commune d’un bassin présentant à peu près les mêmes grandes problématiques territoriales. Par exemple (figure 8), dans le Pays Sud Toulousain, syndicat mixte qui porte le SCoT, le territoire couvert par le SCoT Sud Toulousain est subdivisé en grands bassins de vie, eux-mêmes subdivisés hiérarchiquement en pôles d’équilibre et en pôles de services, soit les plus grandes communes de chaque bassin de vie. Il est définit ensuite un seuil maximal démographique à l’horizon 2030, dont un objectif intermédiaire en 2020, que chaque commune est tenue de tenir. Cesseuils seront donc appliqués dans le PADD des PLU des communes composant le Pays Sud Toulousain.
Cependant, malgré tous ces progrès indéniables en termes de planification visant à réduire la consommation foncière et la rationalisation de l’espace, des lacunes substantielles apparaissent dans les documents d’urbanisme, limitant ainsi l’effet escompté de la réduction de la consommation foncière.
Les lacunes des documents d’urbanisme dans la consommation foncière
La complexité de « l’empilement législatif »
La législation demeure complexe et son application pose déjà plusieurs problèmes. Le premier est la prolifération législative et la complexité juridique qui s’ensuit. Le second est qu’elle n’accorde pas non plus la question de l’offre foncière pour une meilleure maîtrise de l’aménagement et ne résout pas les problèmes posés par la fiscalité (la volonté de lutter contre l’étalement urbain contredit certains dispositifs fiscaux et financiers favorables à la construction neuve en périphérie plutôt qu’à la densification etau renouvellement urbain), ce que nous avons vu précédemment.
D’autres législations visent à limiter la consommation des espaces naturels par l’urbanisation et à encourage le renouvellement urbain : la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (loi MAP) qui instaure notamment un observatoire de la consommation des terres agricoles et naturelles, (que nous verrons dans la deuxième Partie), la loi relative au Grand Paris à propos du développement du réseau de transport notamment, spécifique à l’agglomération parisienne.
Le rapport de présentation du PLU et celui du SCOT doivent désormais présenter une analyse de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers. Le PADD (plan d’aménagement et de développement durable) fixe désormais des « objectifs de modération de la consommation d’espace et de lutte contre l’étalement urbain ». Toutefois, ces objectifs définis dans le PLU ne sont pas contraignants. La densification n’est pas imposée dans le règlement du PLU et le contrôle du préfet sur la gestion de l’espace ne porte que sur les communes non couvertes par un SCOT et n’est donc pas généralisé à l’ensemble des communes. Et parfois les SCoT ne sont pas aussi scrupuleux que les contrôles préfectoraux…
Malgré une certaine prise de conscience des élus locaux et des adjonctions en termes de protection environnementale dans les documents d’urbanisme, encore beaucoup d’élus communaux continuent à ouvrir des zones naturelles à l’urbanisation. Cette solution, peu onéreuse et lucrative, est soutenue activement par les promoteurs, les aménageurs, les investisseurs et les propriétaires, qui voient le prix de leurs terrains se démultiplier. Elle restera souvent préférée à la densification, qui, en zone urbaine, est une opération compliquée, coûteuse et juridiquement complexe, qui constitue un véritable nid à contentieux.
Pour toutes ces raisons, on peut penser qu’un ralentissement significatif de la consommation des sols ne sera pas immédiatement sensible, en effet le ministère de l’Agriculture n’a pas observé un alentissement significatif de la consommation foncière depuis la loi Grenelle II. Cela peut s’expliquer que bon nombre de PLU en vigueur n’ont pas été encore « grenellisés », ou que beaucoup de communes n’ont pas encore élaboré ou sont en cours d’élaboration de PLU ou de PLUi. Il reste que la Loi Grenelle II permet une prise de conscience des autorités publiques. Les nouveaux PLU permettront de prendre date et de faire un bilan de la consommation d’espaces.
D’ici quelques années, ce bilan servira de référence et permettra de mesurer l’engagement communal dans la lutte contre l’étalement urbain. Pour que ces objectifs soient inscrits dans les PLU et mis en œuvre, il est nécessaire que les mentalités changent : les espaces naturels doivent être perçus par les élus locaux comme une ressource non renouvelable et non comme une denrée illimitée, vouée inéluctablement à l’urbanisation. Peut-être tout est question de temps, de quelques années.
|
Table des matières
Sommaire
Remerciements
Introduction
PREMIERE PARTIE
La consommation foncière en France : une problématique d’abord liée aux dynamiques sociales des territoires, néanmoins réduite grâce au cadre réglementaire
I. Des dynamiques sociales territoriales comme facteur clef de la consommation foncière
II. Un constat mélioratif : une consommation plus frugale des espaces agricoles et naturels depuis la loi « solidarité et renouvellement urbain » (SRU)
DEUXIEME PARTIE
Les contraintes de la rationalisation foncière rencontrées au cours du stage : une conciliation difficile entre divers intérêts, parfois divergents, des acteurs concernés
I. Un renforcement du contrôle de l’Etat par le biais de nouveaux outils visant à limiter la consommation des espaces agricoles et naturels, quel impact concrètement ?
II. La difficile conciliation des acteurs pour une rationalisation foncière, quelles sont les problématiques persistantes et récurrentes ?
TROISIEME PARTIE
L’action du bureau d’études : une méthodologie rigoureuse et scrupuleuse au service de la préservation de la consommation foncière
I. La densification urbaine : premier travail de rationalisation de la consommation foncière, l’exemple de Villasavary (Aude)
II. Le choix des nouvelles zones à urbaniser des espaces agricoles et naturels : une démarche pédagogique de conseil et de concertation auprès des élus
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
Table des matières
Télécharger le rapport complet