LES CONTRAINTES DANS LA FORMALISATION DU SECTEUR INFORMEL
Dans la plupart des pays en dรฉveloppement, le secteur informel apparaรฎt comme un phรฉnomรจne incontournable dans la vie de la population et affecte surtout le monde urbain. La majoritรฉ de ces pays oรน se manifeste ce phรฉnomรจne est composรฉ essentiellement des gens pauvres et ร faible niveau dโรฉducation. Cependant, les รฉconomies de ces pays sont souvent rรฉparties en deux : un secteur moderne et un autre rural mais ce caractรจre dual de lโรฉconomie nโest toutefois pas dรฉpourvu de problรจmes macroรฉconomiques. La forme des activitรฉs dans le secteur informel varie en fonction du temps et de lโespace oรน elles sโeffectuent. Plusieurs approches thรฉoriques de ce phรฉnomรจne ont รฉtรฉ faits par des auteurs que ce soit classique que contemporain et mรชme keynรฉsien.
Cela รฉtant, le secteur commercial sโavรจre le plus touchรฉ par cette informalitรฉ. Cette derniรจre constitue, pour la plupart des thรฉories, une entrave au dรฉveloppement. Toutefois, cette conception sโest amรฉliorรฉe dans le temps et une vision positive du secteur informel est maintenant ร considรฉrer.
Par ailleurs face aux crises consรฉcutives des annรฉes 70, les grandes puissances ont rencontrรฉ divers problรจmes de telle sorte que les aides ร destination des pays en voie de dรฉveloppement connaissent une baisse importante. Ce qui a facilitรฉ davantage la prolifรฉration du secteur informel. Face ร cette situation, le secteur informel assure un rรดle plus quโimportant dans le dรฉveloppement des pays et dans la survie de la population. Lโactivitรฉ informelle occupe une grande place dans le fonctionnement dโune รฉconomie: ร lโexemple de celle de Kinshasha, trois quart des activitรฉs รฉconomiques y sont informelles. Lโentrรฉe en jeu des institutions financiรจres telle la Banque Mondiale et le Fonds Monรฉtaire International sur la vie active de lโรฉconomie dโune nation renforce cette persistance de lโinformalitรฉ ร travers le dรฉsengagement de lโEtat au niveau de ses entreprisses nationales.
Genรจse du secteur informel
Le secteur informel est un phรฉnomรจne nouveau, naissant ร partir du 20 รจme siรจcle. Il sโest trop vite rรฉpandue et affecte presque toute lโรฉconomie du monde.
Origine du secteur informelย
La prolifรฉration et la persistance du secteur informel constituent depuis les annรฉes 70, un phรฉnomรจne incontournable pour tout les pays du monde tant dรฉveloppรฉs, mais aussi et surtout pour ceux en voie de dรฉveloppement. Il est issu des phรฉnomรจnes sociaux (migration, incapacitรฉ des entreprises formelles ร absorber le surplus de main dโลuvre, manque de qualification professionnelle, โฆ) que politiques (รฉchec des politiques dโajustement structurel, incapacitรฉ de lโEtat ร ramener les unitรฉs informelles dans le formel). Nรฉanmoins, il constitue un secteur clรฉ de chacune des รฉconomies de pays puisquโ il favorise non seulement ร une crรฉation dโemplois mais aussi ร la survie de la population.
Le secteur informel rรฉsulte donc de multiples causes ร savoir lโincapacitรฉ du monde urbain ร absorber le surplus de main dโลuvre, lโinsuffisance des revenus des mรฉnages pour pouvoir survivre mais aussi faute des รฉchecs des politiques macro รฉconomiques de lโEtat dans la conduite du pays dans le chemin du dรฉveloppement.
Notons que dans les annรฉes 70, les pays en dรฉveloppement se trouvaient confrontรฉ ร des multiples problรจmes et cela parallรจlement avec les crises des pays industrialisรฉs suite aux chocs pรฉtroliers. Une baisse des aides destinรฉes au pays en dรฉveloppement fut remarquรฉe. Ainsi, il devenait nรฉcessaire de se rallier avec les organisations internationales pour la rรฉsolution de ces faits. Les Etats se trouvent donc placรฉs sous ajustement structurel suite ร leur coopรฉration avec la Banque Mondiale et le FMI . Un tel contrat nรฉcessite un contre parti venant des pays bรฉnรฉficiaires et plus prรฉcisรฉment le dรฉsengagement de lโEtat et donc la privatisation des industries nationales. Ce qui rรฉduit les rรดles de lโEtat ร ses fonctions rรฉgaliennes: justice, sรฉcuritรฉ et rรฉgulateur รฉconomique.
En ce mรชme moment, les accords de partenariat passรฉs entre les pays du Nord et du Sud prรฉvoient une libรฉralisation du commerce internationale et donc la facilitation de lโimportation des produits. Les industries nationales se heurtent donc ร des obstacles majeurs notamment en termes de compรฉtitivitรฉ au prix vu la lourdeur des coรปts de production et donc ร la limite se rรฉsume ร la diminution dโeffectifs .Ce qui alourdirait le taux de chรดmage. Un programme dโajustement vaut donc une limitation du rรดle de lโEtat ร ses fonctions rรฉgaliennes et donc ร une suppression des subventions et ce qui diminuerait la compรฉtitivitรฉ des industries nationales. Une telle rรฉduction des effectifs et donc un accroissement du taux du chรดmage entraรฎnerait une diminution du pouvoir dโachat des mรฉnages et par la suite une accentuation du secteur informel. Nรฉanmoins, il nโest pas รฉvident que la solution pour ces entreprises soit la rรฉduction des effectifs car il y a dรฉjร beaucoup dโemployรฉs avec une anciennetรฉ considรฉrable. Ainsi, la solution serait la diminution des salaires jusquโ ร un certain niveau convenu par les deux partis. Cependant, le coรปt du PAS est nettement supรฉrieur au coรปt du non dรฉsengagement de lโEtat aux subventions des entreprises nationales vu la persistance des problรจmes socioรฉconomiques dans les pays du tiers monde.
Par ailleurs, on assiste ร un รฉchec des PAS vu que ces derniers nโont pas tenu compte des valeurs socioculturelles de pays oรน lโon les a appliquรฉ et que ces politiques ne se coรฏncident pas rรฉellement aux besoins des pays. Ainsi, on assiste ร un retour au point de dรฉpart de la situation รฉconomique du pays : taux de chรดmage รฉlevรฉ face ร un niveau de pouvoir d achat trรจs faible dโoรน la persistance du secteur informel. Il en rรฉsulte donc que le secteur informel sโenracine.
En outre, presque la majeure partie de pays pauvres assiste ร une importante explosion dรฉmographique par lโabsence de politique nataliste adoptรฉe mais aussi par les valeurs culturelles comme le cas de Madagascar oรน les enfants sont considรฉrรฉs comme des richesses. Cependant, une des caractรฉristiques des mรฉnages malagasy ลuvrant dans le domaine de lโagriculture est la rรฉpartition des terres (FANDOVANA). Ainsi il sโavรจre confrontรฉ ร une baisse tendancielle du taux de productivitรฉ du travail vue que la surface cultivable diminue de gรฉnรฉration en gรฉnรฉration et quโune grande masse de main dโouvre se trouve inutilisรฉe. Ces mรฉnages sont donc face ร une insuffisance de revenu pour nourrir tous les membres de la famille et ร un surplus de main dโลuvre inexploitรฉe. Dโoรน la migration des campagnards vers le monde urbain en vue de rechercher du travail pour subvenir aux besoins quotidiens.
Bref, le vrai problรจme qui se pose dans une รฉconomie prรฉcaire comme celle des pays en dรฉveloppement tel Madagascar est que malgrรฉ les politiques dโajustement structurels, lโรฉconomie nโarrive pas ร sortir tรชte haute des crises sociales quโรฉconomiques. Face ร une croissance dรฉmographique importante, lโรฉconomie ne parvient pas ร suivre et ร absorber la masse de population. Par ce manque dโoffre dโemploi : lโEtat ne peut quโaccepter le secteur informel comme dernier issu pour assurer la survie de la population. Ainsi persiste et se dรฉveloppe le secteur formel.
Suite aux phรฉnomรจnes dโurbanisation accรฉlรฉrรฉe et ร lโincapacitรฉ du taux de crรฉation dโemploi urbain ร suivre lโรฉvolution de la population migrante, apparaรฎt des petits emplois de rues, les marchรฉs ambulants, les petites gargotes, souvent qualifiรฉ comme de la dรฉbrouillardise et fait en vue de la survie. Au fur et ร mesure que le temps avance ; se sont aussi dรฉveloppรฉ ces petits boulots. Il devenait donc nรฉcessaire de regrouper ces activitรฉs sous une mรชme appellation dโ oรน lโ ยซ informelยป. C est donc Keith HART , qui est le premier ร avoir utilisรฉ le terme informel en 1971. Pourtant, il lโassocia seulement ร une opportunitรฉ de revenu. Ce nโest que par la suite, dans le cadre du fameux ยซ Rapport sur le Kenya ยป รฉtablit par le BIT (BIT, 1972) que le vrai sens du secteur informel sโรฉclaircit ร travers les quelques critรจres dรฉfinissant ce terme. Quels sont les rรดles qui dรฉcoulent de ces origines du secteur informel dans lโorganisation de la vie sociale et รฉconomique de la population?
Rรดles du secteur informel
Depuis les annรฉes quatre vingt, presque la majoritรฉ des pays nouvellement indรฉpendants se lancรจrent dans la politique dโajustement structurel. Cependant, une accentuation des crises sociales et รฉconomiques est constatรฉe dans ces pays. Seul le secteur informel est capable de rรฉsorber le problรจme. Non seulement le secteur informel constitue un รฉchappatoire aux diffรฉrents problรจmes sociaux mais il offre รฉgalement beaucoup dโavantages au niveau social voire รฉconomique. Lโรฉconomie informelle se voit comme รฉtant une substitution (Cornia, Jolly, Stewart, 1987). Substitution pour lโabsorption des emplois perdus dans le secteur formel, suite ร la nationalisation de bon nombre dโentreprises, mais aussi dans la crรฉation de nouveaux emplois. A Madagascar, le secteur informel reprรฉsente 64,47% des emplois non agricoles en 1993 (Charmes, 2000). Lโรฉconomie informelle se doit alors de satisfaire ร la demande de la population tant en besoins psychologiques que ceux de sรฉcuritรฉ.ย Si malgrรฉ tout, le secteur informel ne sera pas enregistrรฉ dans les diffรฉrents registres administratifs, tant pis ร condition quโil satisfait aux besoins de la population. LโEtat ne peut que tirer profit de lโรฉconomie informelle, mรชme si cette derniรจre ne paie aucun impรดt, en revanche, elle gรฉnรจre dโemploisโฆ. En effet, le secteur informel a aussi renforcรฉ les revenus des mรฉnages. Par exemple pour Madagascar, 40,8% des revenus des mรฉnages de la capitale sont issus de secteur informel (MADIO, 2000). Le secteur informel est donc devenu inรฉvitable dans le quotidien. Ainsi, un revirement de la conception du secteur informel est adoptรฉ.
Avant, si on voyait de ce secteur un grand mal, aujourdโhui une vision positive est adoptรฉe malgrรฉ les quelques dรฉsirs de changements que lโon souhaite y apporter. Dโautres appellations sont apparues suite ร cette conception positive du secteur informel. Par son caractรจre dโabsorbeur de main dโลuvre on le qualifie aussi dโ ยซ รฉponge ร emploi ยป. Le secteur informel a donc un rรดle ยซ palliatif ยป en ce sens quโil permet de contribuer, ne serait ce que pour un peu, ร la rรฉsolution des maux sociaux.
Outre cette responsabilitรฉ sociale du secteur informel, il occupe aussi un rรดle productif. Il est principalement le premier fournisseur de biens et des services. Et cela ร des faibles prix vu le fort taux concurrentiel sur ce marchรฉ. La production du secteur informel est la plus importante des composantes de lโรฉconomie non observรฉe hors agriculture.
Interprรฉtation gรฉnรฉrale du secteur informel
Dรฉfinition
Le secteur informel est l’ensemble des activitรฉs รฉconomiques qui se rรฉalisent en marge de lรฉgislation pรฉnale, sociale et fiscale ou qui รฉchappent ร la ยซ Comptabilitรฉ Nationale ยป. C’est l’ensemble des activitรฉs qui รฉchappent ร la politique รฉconomique et sociale, et donc a toute rรฉgulation de l’Etat.
Le secteur informel regroupe ร la fois les entreprises artisanales et marginales. Ainsi, le BIT offre une dรฉfinition du secteur informel en regroupant les entreprises ayant les 7 caractรฉristiques suivantes :
– facilitรฉ dโentrรฉe dans lโactivitรฉ,
– des marchรฉs de concurrence non rรฉglementรฉs
– lโutilisation des ressources locales
– la propriรฉtรฉ familiale des entreprises
– la petite รฉchelle dโactivitรฉ
– une technologie adaptรฉe ร forte intensitรฉ de travail
– des formations acquises en dehors du systรจme scolaire .
Le BIT adopte donc une dรฉfinition multicritรจres du secteur informel. Mais ceux les plus retenus par la majoritรฉ des pays sโavรจrent la question de taille de lโentreprise et du non respect de la loi.
โคย Dรฉfinition du secteur informel suivant la taille de lโactivitรฉ
Si lโon dรฉfinit le secteur informel comme รฉtant un ensemble dโunitรฉ de production de petite taille, cette dรฉfinition crรฉe de multitude de dรฉbats mรชme si elle reste la plus utilisรฉe par les institutions dans la catรฉgorisation de ce secteur. Pour Sethuraman (1976): ยซ C’est un secteur composรฉ d’entreprises employant moins de 10 personnes, โฆLes travailleurs de ces entreprises ont rarement accรจs ร l’enseignement scolaire, utilisent peu d’รฉnergie รฉlectrique et mรจnent des activitรฉs semi permanentes ยป. Non seulement, le secteur informel regroupe donc les petites unitรฉs de production mais aussi la main dโลuvre nโy est pas qualifiante ou du moins pour la plupart. Ainsi, lโon se trouve ร une confusion vu quโil y a un bon nombre de petites entreprises mais qui sont des entreprises formelles comme les mรฉdecins et toutes celles qui sont de profession libรฉrale. Par ailleurs le critรจre de taille est aussi discutable au niveau de la signification รฉconomique de lโactivitรฉ dโune entreprise. Il se pourrait quโune entreprise de petite taille ait un chiffre dโaffaire beaucoup plus important quโune grande entreprise. Et dโ ailleurs, la dรฉfinition de la taille dโune entreprise varie selon les pays: ainsi donc une grande entreprise pour Madagascar peut รชtre une petite entreprise aux Etats-Unis. Il faudrait donc avancer plusieurs types de tailles dโentreprises mais cela ne fera que rendre beaucoup plus complexe la dรฉtermination statistique de ce secteur.
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
CHAPITRE I : HISTORIQUE DU SECTEUR INFORMEL
Section 1 : Genรจse du secteur informel
1- Origine du secteur informel
2- Rรดle du secteur informel
a- Formation du prix dans le secteur informel
b- Financement du secteur informel
Section 2 : Dรฉfinition du secteur informel et conceptualisation internationale
1- Interprรฉtation gรฉnรฉrale du secteur informel
a- Dรฉfinition
b- Approche macroรฉconomique du secteur informel
2- Conceptualisation internationale
a- Caractรฉristiques
b- Le secteur informel du point de vue international
CHAPITRE II : LES CONTRAINTES DANS LA FORMALISATION DU SECTEUR INFORMEL
Section 1 : contraintes dโordre social
1- Contrainte au niveau de la sociรฉtรฉ
a- Faible niveau dโรฉducation
b- Insรฉcuritรฉ sociale
2- Les contraintes liรฉes ร la population
a- Le modรจle de Lewis
b- Le modรจle de Harris et Todaro
Section 2 : Les raisons lรฉgislatives et รฉconomiques
1- Les contraintes dโordre lรฉgislatives
a- La complexitรฉ des dรฉmarchรฉs administrative
b- Asymรฉtrie dโinformation et absence dโun Etat de droit
c- La thรฉorie de Hirschman
2- Les contraintes au niveau รฉconomique
a- La fiscalitรฉ
b- Le non accessibilitรฉ au crรฉdit
c- Un marchรฉ fortement concurrentiel
Section 3 : Recommandations de pistes de formalisation du secteur informel
Conclusion
Bibliographie
Tables des matiรจres
Annexe