Les contraintes au cœur du ménage

Le choix. Souvent vu comme une envie permettant de satisfaire un besoin ou un plaisir, le choix est davantage le résultat d’un processus de réflexion approfondi qui fait défaut à la notion d’envie. Qu’elles soient implicites ou explicites, les contraintes auxquelles chaque agent fait face au cours de sa vie, influencent chacun de ses choix et déplacent ses envies au rang de décisions. La décision résidentielle. Quelle décision peut être plus réfléchie que celle relative au lieu d’habitation ? Tout en rythmant la vie quotidienne, elle possède une dimension économique particulière, qui incite les ménages à prendre en considération l’ensemble des tenants et des aboutissants qui la sous-tendent. Cette décision,qui concerne chaque individu, se pose souvent plusieurs fois au cours d’une vie et le processus qui mène à la décision, fait appel à des contraintes que l’agent se doit d’intégrer à sa réflexion, sous peine de voir son bien-être considérablement réduit.

LA CONTRAINTE DU MARCHÉ

La discrimination 

L’égalité d’accès à un logement décent pour l’ensemble des habitants du territoire français est un objectif politique depuis de nombreuses décennies, qui ne semble pourtant pas atteint à l’heure actuelle. Régulièrement pointées du doigt, les pratiques discriminatoires à l’encontre de populations ciblées, sont un phénomène souvent abordé dans la littérature économique.

Le terme de discrimination, souvent défini de différentes façons au sein de celle-ci, mérite qu’on le redéfinisse : la discrimination résidentielle correspond à un comportement qui vise à favoriser ou défavoriser un groupe d’individus, à lui refuser l’accès à un logement, ou à lui attribuer un loyer plus élevé en raison de certaines caractéristiques individuelles, alors que l’ensemble des locataires est parfaitement substituable dans le processus d’attribution du logement, au revenu près. En théorie, lorsqu’un logement du secteur locatif privé est disponible, il devrait être attribué à n’importe quel ménage présentant, toutes choses égales par ailleurs, un niveau de revenus suffisant pour assurer le paiement de ses loyers.

Les études traitant de la discrimination résidentielle en France, dénoncent bien souvent les conditions de vie des immigrés, c’est-à-dire les « résidents français nés en dehors du territoire sous une autre nationalité »  . Toutefois, une grande part de ces études se focalise sur le parc social (Bonnal (2012)[28] montre que les immigrés font face à un délai d’attente supérieur à celui des français pour l’obtention d’un logement social) où la population immigrée est majoritaire, et peu s’intéressent aux inégalités d’accès sur le parc locatif privé. En revanche, les analyses descriptives menées par l’INSEE, l’INED, l’IAURIF ou encore le GELD montrent des conditions résidentielles inférieures à celles des français et parlent de « discrimination » et de « ségrégation » sous couvert de regroupements communautaires, sans pour autant tenir compte des préférences de certains pour ce mode de vie (Turquie, Algérie, Maroc et d’Asie du Sud-Est sont fortement présentes dans les zones à haute concentration d’immigrés, tandis que les locataires venant d’Espagne ou du Portugal le sont moins) et en s’appuyant également sur l’appréciation des immigrés eux mêmes quant au sentiment d’être victimes de discrimination. La plupart des analyses économétriques relatives à ce phénomène vis-à-vis de la population immigrée cherchent à mettre en évidence les différences en matières de prix, de conditions, de mobilité et de voisinage, à partir de différences socio-économiques observables. En Norvège, par exemple, une étude empirique des contrats de location indique que les immigrés et leurs descendances paient en moyenne une majoration de 8% sur leur loyer par rapport aux Norvégiens, majoration atteignant près de 14% pour les immigrés issus du continent Africain (Beatty et Sommervoll, 2012[12]). Toutefois, les auteurs émettent certaines réserves quant à la véracité de l’effet discriminatoire mis en évidence et montrent que ce dernier ne peut être différencié des facteurs non observables. En outre, ces écarts de loyers sont susceptibles d’être surestimés si la composition ethnique du voisinage est omise. En effet, aux États-Unis, les prix de l’immobilier sont généralement plus bas dans les quartiers principalement habités par des AfroAméricains, alors que ceux des quartiers majoritairement blancs ont tendance à être plus cher (Chambers, 1992[45] ; Kiel et Zabel, 1996[113]). Bon nombre d’études de testing et d’audit quasi-expérimentales se sont développées sur le continent américain dans le cadre de locations et de ventes immobilières : certaines ont pour objectif de montrer les différences de traitements de la part des propriétaires, entre les minorités ethniques et les américains, à travers des refus ou réductions d’opportunités (certains propriétaires proposent, en moyenne, moins de logements, refusent des visites ou ne donnent pas suite aux demandes des minorités Noires) (Yinger, 1995 ; Riach et Rich, 2002[154]). Des études plus récentes révèlent également des niveaux significatifs de discrimination à l’encontre de la population Hispanique, bien qu’inférieurs à ceux des Afro-Américains (Galster, 1990a ; Page, 1994[149] ; Roychoudhury et Goodman, 1992[156] ; Turner et Mikelsons, 1992[167] ; Yinger, 1986 ; Yinger, 1998 ; Ondrich et al, 1999). Ils expliquent ce phénomène par de la discrimination fondée sur le client : les propriétaires anticipent les préférences de leurs clients blancs en refusant l’accès des quartiers majoritairement blancs aux Afro-Américains (Yinger, 1986). Schmutz (2011)[157] confirme un tel résultat sur des données françaises. Des études basées sur l’analyse du testing montrent que les propriétaires sont d’autant plus susceptibles d’exercer ce comportement s’ils possèdent au moins deux logements dans l’immeuble (Hanson et Hawley, 2011). Galster (1990)[83], McIntosh et Smith (1974)[134] et Turner et Mikelsons (1992)[167] montrent que les propriétaires sont susceptibles de comportements discriminatoires basés sur l’anticipation d’effets potentiellement négatifs sur les prix des logements du quartier, résultant de l’évolution de la composition ethnique au sein de celui-ci. A partir d’une étude de testing, les minorités se voient proposer un nombre équivalent de logements, mais situés dans un quartier systématiquement différent. Ondrich et al. (2003) montrent que les représentants immobiliers mobilisent moins d’efforts lorsqu’ils font la promotion de logements situés dans les quartiers mixtes ou de transition (quartiers majoritairement blancs où s’installent peu à peu des groupes minoritaires). Heckman (1998) pointait le risque que des caractéristiques non observables viennent biaiser les résultats des mesures. Des études américaines sur la discrimination résidentielle ont, par le suite, cherché à remédier à ces déficiences d’expériences de terrain en introduisant les caractéristiques socio-économiques des testeurs, contribuant ainsi à réduire l’effet discriminatoire et du biais grâce à une plus grande précision des mesures (Choi, Ondrich et Yinger, 2005[55] ; Zhao, 2006). Massey et Lundy (2001)[131] montrent, en outre, que ces comportements inégalitaires s’exercent en amont de la rencontre physique avec le client, dans le sens où l’offreur identifie les origines ethniques du client à travers l’accent lors des entretiens téléphoniques (Purnell, Idsardi et Baugh, 1999[152]). De même, Drydakis (2011)[72] montre qu’en Grèce, la discrimination s’exerce à l’encontre des femmes avec un accent albanais dans le sens où leur sont proposés moins de logements et se voient systématiquement proposer un loyer plus élevé ; il est également plus fréquent qu’elles soient interrogées sur leur emploi et leur situation financière que les femmes sans accent. Hanson, Hawley et Taylor (2011), fournissent des preuves d’une discrimination subtile en montrant qu’aux États-Unis, les représentants immobiliers favorisent les clients blancs à travers des réponses plus rapides, plus détaillées et en faisant appel à un langage plus positif que lorsqu’il s’agit de clients Afro-Américains. Alors que les premières études portaient principalement sur la discrimination envers les Afro-Américains, des études plus récentes menées en Europe et aux États-Unis se sont concentrées sur la discrimination à l’encontre des clients d’Afrique du Nord. Carpusor et Loges (2006)[44] montrent que ces candidats avec un nom à consonance Arabe ont trois fois plus de chances d’être dissuadés de visiter un appartement à Los Angeles que les candidats avec un nom américain ; des études suédoises (Ahmed et Hammarstedt, 2008), espagnoles (Bosh, Carnero et Farre, 2010[29]), canadiennes (Hogan et Brent, 2011[102]), italiennes (Baldini et Federici, 2011[11]) et norvégiennes (Andersson et al., 2012[5]) affichent des résultats similaires. En Norvège, Andersson et al. (2012)[5] montrent que les hommes dont le nom est à consonance Maghrébine sont de 16 points de pourcentage moins susceptibles de recevoir une réponse positive que les femmes portant un nom norvégien. En outre, ces dernières sont les plus favorisées par les propriétaires, alors que les femmes portant un nom Maghrébin le sont légèrement moins, sans toutefois être défavorisées (Bengstsson, Iverman et Hinnerich, 2012[21] ; Ahmed et Hammarstedt, 2008) ; les avantages des femmes sur les candidats hommes de même origine ethnique sont également observés en Italie (Baldini et Federici, 2011[11]).

Modèle théorique

Initialement introduit par F. Edgeworth (1922), le modèle de discrimination trouve sa première réelle modélisation dans le travaux de Becker (1957) et Arrow (1973). A partir des hypothèses traditionnelles de concurrence pure et parfaite et d’homogénéité parfaite des agents  , cette formulation permet d’expliquer la présence de discrimination sur un marché et d’en dériver les conséquences ; toutefois, la prédiction théorique de résorption de la discrimination dans le temps n’étant pas compatible avec l’observation empirique, bon nombre de modèles, marqués par une complexification croissante, se sont développés depuis.

Afin d’examiner le marché locatif privé de l’immobilier, nous nous inspirons du modèle de prix hédoniques de Rosen (1986) en considérant que l’aversion du propriétaire est une caractéristique intrinsèque au logement mais inobservable par l’économètre. Ce modèle, très simple, permet d’illustrer les mécanismes à l’œuvre derrière les écarts de loyers observés pour des logements identiques et des locataires qui se distinguent par un critère discriminant (nationalité, religion, couleur de peau, ethnicité  , etc). Il permet également d’expliquer les raisons pour lesquelles deux propriétaires, présentant des préférences différentes envers les locataires, proposent, à un même ménage, deux niveaux de loyers différents pour des logements en tous points similaires. Il a également pour vocation d’amener le lecteur à réfléchir aux conséquences de tels comportements sur les écarts de loyers au sein d’un territoire, ainsi qu’à celles qui poussent certaines populations à se regrouper dans certaines zones.

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Table des matières

INTRODUCTION
I LA CONTRAINTE DU MARCHÉ
1 La discrimination
1.1 Modèle théorique
1.2 Modèle économétrique
1.3 Présentation des données
1.4 Écarts de loyers et prix de la discrimination
1.5 Conclusion
1. A Enquête Nationale Logement 1996
1. B Quelques définitions
1. C Tests d’égalités de moyennes et de proportions
1. D Détail des estimations
II LES CONTRAINTES AU CŒUR DU MÉNAGE
2 La mise en ménage
2.1 Modèle théorique
2.2 Modèle économétrique
2.3 Présentation des données
2.4 Premier choix résidentiel et répartition du pouvoir
2.5 Conclusion
2. A L’Enquête Nationale Logement 2002
2. B Identification des parcours de mobilité
2. C Maximum de vraisemblance
2. D Détail des estimations
3 Les temps de trajet domicile-travail
3.1 Modèle théorique
3.2 Modèle économétrique
3.3 Présentation des données
3.4 Localisation résidentielle et trajets domicile-travail
3.5 Conclusion
3. A Le Recensement de la Population de 1999
3. B Appariement des données individuelles et de temps de trajet
3. C Estimation du revenu individuel et de sa répartition
3. D Tests d’égalités de proportions et de moyennes
3. E Détail des estimations
III Conclusion : contributions et limites
CONCLUSION
Bibliographie

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