Définition du sujet et « mise en lumière » de l’image
Comme nous l’avons indiqué dans les propos précédents, l’image ne peut se définir, s’appréhender uniquement à travers le droit, il faut la rattacher à d’autres disciplines des sciences humaines comme la littérature, la philosophie ou la sociologie, mais aussi à une discipline autonome à laquelle le droit s’intéresse par un travail de «juridicisation », il s’agit des sciences de l’information et de la communication. L’image, à travers cette approche hors du droit, cette focalisation externe pour emprunter un terme propre à la littérature, permet de penser le droit de manière pluridisciplinaire, car comme le dit le professeur Claude CHAMPAUD : « celui qui ne sait que le Droit, ne connait pas le droit » . Un autre auteur célèbre, DEL VECCHIO écrit : « Le droit est de toutes les sciences la seule qui doive connaître toutes les autres » . Ainsi, avant d’être un moyen d’expression au même titre que l’écrit d’ailleurs, reconnue et protégée par le droit positif (B), l’image est aussi et surtout un langage, une forme de communication liant la communauté humaine depuis la nuit des temps et indispensable à la compréhension de l’homme et de son environnement (A).
L’image vue comme un langage et un outil de communication
Cette approche doit nous amener, ab initio, à nous pencher sur l’influence que l’image exerce en tant que langage donc moyen de diffusion d’un savoir, d’une culture au sein d’une société donnée, à une époque donnée, comme l’écriture d’ailleurs (1), alors que l’évolution résultant du progrès technologique et la rationalisation des rapports humains à l’ère de la mondialisation et des médias de masse, amènent à repenser la place, le pouvoir conféré à l’image dans les sociétés occidentales. Cette dernière est de plus en plus libérée des contraintes religieuses, politiques, artistiques ou morales, mais dépend désormais d’autres types de contraintes, tenant aux nouveaux supports de communication qui conduisent à son uniformisation, mais aussi à sa démocratisation (2).
L’image et les rapports entre l’Homme et la société
À l’aube de l’Humanité, les Hommes utilisaient déjà l’image comme moyen de communication, comme langage pour communiquer, bien avant la parole ou l’écriture. Les dessins dans les grottes (art rupestre ou pariétal) notamment les peintures paléographiques des grottes de Lascaux (20.000 et 15.000 ans avant Jésus-Christ) sont les premières traces d’images sous forme de pictogrammes que nous ont laissées les Hommes. Ces images permettent d’identifier et de comprendre les conditions sociales et culturelles dans lesquelles elles ont été produites, alors qu’à cette époque lointaine l’écriture n’existe pas et qu’aucune forme de langue écrite n’est attestée. Les premières formes d’écriture sont apparues bien plus tard en Basse-Mésopotamie au IVe millénaire avant Jésus-Christ (écriture cunéiforme inscrite sur des tablettes d’argile). L’alphabet, à la base de l’écriture que nous connaissons, sera inventé par les Phéniciens.
L’évolution des civilisations s’accompagne du développement des langues et des premières formes de langage apparues en Occident avec les civilisations indo-européennes qui ont fait l’objet de nombreuses études notamment celles du linguiste et ethnologue Georges DUMEZIL. Néanmoins, la transmission et la diffusion du savoir, de la culture s’est faite au départ de manière orale (et c’est toujours le cas aujourd’hui dans les sociétés traditionnelles). Nous sommes en présence de ce que Régis DEBRAY appelle la « logosphére », c’est-à-dire l’ère des discours présents dans les grandes cités comme Athènes ou Rome dans l’Antiquité. Tout citoyen participait à la vie politique, économique ou sociale en débattant directement des grands sujets au sein de l’espace public, c’est-à-dire l’Agora, dans la Grèce démocratique du VIIIe siècle avant Jésus-Christ ou sur le forum dans l’antiquité romaine sous la République en moins 509 avant Jésus-Christ.
L’image était peu présente sauf peut-être sous forme d’objets de cultes (cas des bustes d’empereurs romains ou des monnaies frappées à leur effigie) ou de dessins figurant sur des objets (comme des vases grecs par exemple) représentant les Dieux ou des scènes de la mythologie voire des rites funéraires dans l’Égypte antique (traces grâce aux hiéroglyphes). Par ailleurs, des mosaïques, des fresques ou des sculptures taillées dans la pierre ont permis de témoigner à cette époque de faits historiques importants. L’image reste cependant, par son caractère rudimentaire, associée au sacré et à la mort. En réalité à travers la mythologie et le polythéisme, l’Homme vénère sa propre personne qu’il idéalise à travers une image divine qu’il contemple et à laquelle il obéit. L’image dans l’Antiquité n’est donc pas la représentation d’une chose réelle, mais la projection d’une croyance de l’homme. Elle est liée au religieux, au divin donc au culte et à la mort, comme le montre la reproduction du visage des empereurs moulée à la cire ou le mannequin que l’on dispose à la place du corps mortel et qui sert d’effigie .
LA LIBERTÉ DE LA PRESSE ET L’IMAGE FIXE : UNE LIBERTÉ CONSACRÉE
La liberté de la presse et de l’image de presse dans le cas qui nous intéresse se rattache à la notion de liberté d’expression et plus largement à la notion de liberté de communication garantie au niveau constitutionnel français, mais aussi au niveau conventionnel. Par ailleurs, en France le droit de la communication englobe les différents médias de l’écrit, du son ou de l’image. Ce droit, bien que figurant dans un code spécifique, n’est pas un droit harmonisé puisque le code de la communication regroupe un ensemble de textes épars comme le souligne le professeur Emmanuel DERIEUX. Parmi eux, la loi du 1881 sur la presse écrite qui régit l’ensemble des dispositions concernant les moyens de communication reposant sur support papier que ce soit les écrits ou les images figurant dans les journaux imprimés, les périodiques, mais aussi les livres et les affiches. Cette loi forme à elle seule un véritable code de la presse alors que le code de la communication n’en est pas un puisqu’il renvoie à d’autres dispositions issues d’autres codes comme le Code pénal, le Code civil, le code de l’environnement ou le code de la propriété intellectuelle. La liberté du juge est donc large en matière d’interprétation de ces textes et permet ainsi parfois d’y voir plus clair dans un domaine où le droit est pensé de manière pluridisciplinaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : L’IMAGE LIBÉRÉE DE LA CONTRAINTE POLITIQUE PAR LE POUVOIR PRÉTORIEN ET SA LIBRE CIRCULATION DANS L’ESPACE PUBLIC DÉMOCRATIQUE
TITRE I : LA LIBERTÉ DE LA PRESSE ET DE L’IMAGE FIXE : UNE LIBERTÉ CONSACRÉE
CHAPITRE I : LES CONTENTIEUX DE L’IMAGE IMPRIMÉE ET SON ÉVOLUTION
CHAPITRE II : LES CONTENTIEUX DE L’AFFICHAGE OU L’IMAGE DANS L’ESPACE OUVERT
TITRE II : LA LIBERTÉ DE L’IMAGE CINÉMATOGRAPHIQUE ET AUDIOVISUELLE: UNE LIBERTÉ SURVEILLÉE
CHAPITRE I : LA LIBERTÉ D’EXPRESSION CINÉMATOGRAPHIQUE ET LE DROIT DU CINÉMA : VERS UNE LIBERTÉ DE L’IMAGE ?
CHAPITRE II : LE SECTEUR TÉLÉVISUEL ENTRE MONOPOLE DE L’ÉTAT SUR L’INFORMATION ET PRIVATISATION DE L’IMAGE
PARTIE II : L’IMAGE VULGARISÉE PAR LE PROGRÉS TECHNOLOGIQUE OU LES JUGES SAISIS PAR LE PHÉNOMÈNE DES COMMUNICATIONS DE MASSE FACE A LA NÉCESSITÉ DU RENOUVEAU DÉMOCRATIQUE
TITRE I : LA DÉMATÉRIALISATION DE L’IMAGE ET LA FRAGMENTATION DES CONTENTIEUX DANS LE CYBERESPACE
CHAPITRE I : LES ŒUVRES VISUELLES ET LA PROTECTION DES CRÉATIONS Á L’ÈRE DU NUMÉRIQUE
CHAPITRE II : INTERNET OU L’IMAGE ACCESSIBLE EN LIGNE : UN DROIT JURISPRUDENTIEL EN CONSTRUCTION MASQUÉ PAR DES ZONES D’OMBRE
TITRE II : LES DROITS DU CITOYEN DANS L’ENVIRONNEMENT MULTI-COMMUNICATIONNEL
CHAPITRE I : LE DROIT A L’IMAGE MIS Á L’ÉPREUVE : UN ÉTAT DES LIEUX
CHAPITRE II : L’IMAGE-SAVOIR : UN ESSAI « D’EIKONOLOGIE JURIDIQUE »
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
SOURCES TEXTUELLES ET JURISPRUDENTIELLES
TABLE DES MATIÈRES
INDEX
ANNEXES
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