Les conséquences internationales de l’évolution démographique de la fédération de Russie (1991-2012)

« La diversité des sources de puissance qui a suivi la fin de la guerre froide […] a redonné son importance à d’anciens facteurs que le face-à-face américano-soviétique avait un temps marginalisés. La puissance démographique, bien oubliée, reprend sa pertinence » . Cette analyse du spécialiste des relations internationales Bertrand Badie confirme que la démographie reste un facteur pertinent pour analyser les relations internationales au XXIème siècle.

Dans leur ouvrage Introduction à l’histoire des relations internationales, Jean-Baptiste Duroselle et Pierre Renouvin évoquent le poids des « forces démographiques » dans la compréhension des relations internationales, tout en soulignant leur caractère relatif : « A aucun moment, les forces démographiques ne peuvent être examinées hors du contexte économique, politique et psychologique » . En tant qu’outil d’analyse des relations internationales, la démographie présente un grand intérêt, mais aussi un paradoxe. D’un côté, il s’agit d’un paramètre instable, tributaire de la conjoncture et des défauts inhérents aux statistiques. D’un autre côté, les évolutions démographiques ont un caractère structurel, ce qui permet un exercice de prospective. Les manifestations des phénomènes démographiques sur la scène internationale sont multiples. Les caractéristiques démographiques d’un pays vont avoir des incidences sur l’économie, l’armée, la société, et d’autres facteurs qui déterminent les relations internationales d’un Etat.

Preuve de son importance, le facteur démographique a une place significative dans la définition des concepts-clés des relations internationales. Le terme de relations internationales peut se définir comme « les rapports et flux transfrontaliers, matériels et immatériels, qui peuvent s’établir entre deux ou plusieurs individus, groupes ou collectivités » . La scène internationale ne se limite donc pas aux rapports interétatiques. Elle intègre plus largement les sociétés civiles, dont le profil résulte en partie des spécificités démographiques d’une population. Par exemple, l’âge moyen d’une population constitue un facteur explicatif de l’état des opinions publiques. Un des conceptsclés des relations internationales est la puissance. Elle peut se comprendre comme « une capacité de faire, capacité de faire faire, capacité d’empêcher de faire, capacité de refuser de faire » . Ce concept a une dimension démographique car « la puissance politique n’est pas un absolu mais une relation humaine » . L’influence fait également partie des notions essentielles de la discipline des relations internationales. Elle se définit comme « la capacité à obtenir ce que vous voulez à travers l’attraction » . La démographie d’un Etat constitue un moyen et un indicateur de son influence. Ainsi, les migrations montrent dans une certaine mesure l’attractivité d’un pays.

analyser les relations internationales de la Russie à l’aide de la démographie

Le souhait de travailler sur le lien entre la démographie et les relations internationales de la Russie semble justifié au regard de la singularité des évolutions démographiques russes depuis 1991. La population du pays baisse. D’après Rosstat, le service fédéral des statistiques, la Russie compte 143 millions d’habitants en 2012, contre 148,3 millions en 1991. Cette baisse s’explique en premier lieu par un déficit naturel qui s’élève à 12,7 millions de personnes entre 1991 et 2012. D’un côté, le pays a une faible natalité. D’après l’Institut National des Études Démographiques (INED), le nombre d’enfants par femme est de 1,57 en 2010, en deçà du seuil de renouvellement de génération. D’un autre côté, le pays a une forte mortalité. En 2012, l’espérance de vie russe reste faible : 64,56 ans pour les hommes et 75,86 ans pour les femmes . Cependant, le pays a un excédent migratoire de 7 millions de personnes entre 1991 et 2012 qui a permis de réduire le déficit naturel. Ces indicateurs donnent un caractère structurel à cette baisse de population. En 2010, l’ONU estimait que la Russie compterait 128,9 millions d’habitants en 2030.

Ces changements correspondent également à des évolutions qualitatives de la structure de la population de la Russie post-soviétique. Les familles ont profondément changé : augmentation du nombre de familles monoparentales et des naissances hors mariages, absence de père et hausse du nombre d’orphelins en raison de la surmortalité masculine. La situation démographique russe crée aussi des déséquilibres entre les générations, visibles dans une pyramide des âges qui montre une évolution démographique par à-coups. Le déficit naturel pose également la question du recours à l’immigration, ce qui amène à réfléchir à la capacité de la société russe à absorber un nombre conséquent de migrants.

L’analyse des relations internationales de la Russie par le biais de sa démographie semble également justifiée par l’importance politique de la question démographique. Elle fait partie des thèmes majeurs de la vie politique et nourrit de vifs débats. Dans le milieu académique russe, la discussion porte surtout sur les moyens permettant d’enrayer la baisse de la population : recours à l’immigration ou politique nataliste. La presse russe aborde régulièrement ce sujet, en général de façon dramatique. Ce catastrophisme concerne surtout l’immigration. Le quotidien Komsomolskaïa Pravda publie en 2013 un article intitulé : « Les Chinois envahiront-ils la Sibérie et l’ExtrêmeOrient ? » . Les hommes politiques russes s’intéressent aussi à la démographie. Le 10 mai 2006, le président Vladimir Poutine a qualifié cette question de « problème le plus aigu de la Russie contemporaine » .

L’étude de la démographie en Russie

Analyser les relations internationales de la Russie par le biais de la démographie nécessite de tenir compte des spécificités de la discipline dans ce pays. Elle naît comme discipline indépendante en 1917. Novoselski, Paevski, Kvitkine, Strumiline, Ptukhi, Tomiline font partie des démographes soviétiques les plus importants. Les années 1930 marquent un tournant dans l’étude de la démographie. Le pouvoir soviétique instrumentalisait les statistiques démographiques dans le but de construire le socialisme par les chiffres . La démographie soviétique connaît aussi un mouvement d’ouverture vers les autres sciences humaines, notamment avec l’ouvrage de Dmitri Valenteï Système des connaissances sur la population, paru en 1976. Dans la Russie postsoviétique, plusieurs instituts s’intéressent à la démographie. On peut mentionner l’institut des études démographiques de Moscou, certains départements du MGU (l’Université d’Etat de Moscou), l’institut des problèmes socio-économiques de la population de l’Académie des Sciences ou l’institut de démographie du Haut Collège d’Économie à Moscou. Anatoli Vichnevski, directeur de ce dernier institut, a fondé et dirige actuellement le site demoscope.ru, base documentaire de grande qualité qui recense des articles de presse et scientifiques sur la démographie de la Russie.

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Table des matières

Introduction
-Objet de la recherche : analyser les relations internationales de la Russie à l’aide de la démographie
– L’étude de la démographie en Russie
– Déterminer un cadre géographique et chronologique
1-Un cadre géographique gigogne
2-La structure administrative de la Fédération de Russie
3-Les justifications politiques et démographiques des bornes chronologiques
– Méthodologie et sources
1-Des recherches entre France et Russie
2-Un déséquilibre dans l’origine des sources
3-Faire le deuil de l’exhaustivité
-Hypothèses de travail
-Problématique
-Annonce de plan
1 ère partie- Le déclin démographique : des défis internes qui redéfinissent la puissance russe
A- L’interrelation entre démographie et politique en Russie
1- Le portrait démographique de la Russie
a) La « croix » russe
b) Le « glissement occidental »
c) Un déclin démographique en trois temps
2- Les évolutions régionales : un « patchwork démographique »
a) Une influence moindre du facteur ethnique
b) Des inégalités géographiques face à la mortalité
c) Des migrations internes creusant les écarts démographiques
3-Le déclin démographique : une question centrale pour la Russie
a) Une source de préoccupation identitaire pour la société
b) Une double politisation de la question démographique : l’exemple du recensement
c) Le déclin démographique nourrissant le nationalisme
4-La politique démographique
a) Priorité à la natalité
b) Une politique peu volontariste face à la dégradation sanitaire
c) Une politique migratoire de rattrapage
B- Les répercussions du déclin démographique
1-Une polarisation spatiale accrue
a) Russie d’Europe, Russie d’Asie
b) Un « archipel métropolitain » européen
c) Régions intégrées/territoires désintégrés
2-L’affaiblissement de l’économie russe
a) Une carence de main-d’œuvre
b) Une dégradation du capital humain
c)Les impacts budgétaires du déclin démographique
3- La nécessaire réforme de l’armée russe
a) La Russie : combien de divisions ?
b) Les paradoxes de la conscription
c) Une « révolution dans les affaires militaires » difficile
C- Approches théoriques du lien démographie/ relations internationales de la Russie
1- Démographie et puissance
a) L’approche réaliste
b) La démographie, un enjeu de sécurité
c) L’Extrême-Orient russe et la puissance démographique chinoise
2- Démographie et influence
a) L’approche libérale
b) La démographie, une influence à plusieurs échelles
c) Les vecteurs démographiques de l’influence russe
3- Démographie et perception
a) L’approche constructiviste
b) La démographie comme thème de sécurisation
c) La relation ambivalente entre perception et politique étrangère russe
Conclusion de la 1ère partie
2 ème partie- Une nouvelle place du critère démographique dans la politique étrangère russe
A- La question démographique dans le processus d’élaboration de la politique étrangère russe
1-Une intégration limitée de la question démographique par les acteurs de la politique étrangère russe
a) Un agrégat d’acteurs dans la politique étrangère russe
b) Des acteurs capitalisant sur la question démographique
c) Une expertise imparfaite sur les questions démographiques
2- Le discours de puissance infirmé par la réalité démographique
a) La derjava ou l’ambiguïté des ambitions russes
b) Le potentiel démographique d’une puissance régionale
c) De la « puissance pauvre » à la « puissance malade »
3- La question démographique comme indicateur d’une contradiction de politique étrangère
a) Moscou sur la défensive
b) « L’île Russie » : une chimère au regard du déclin démographique
c) Une marge de manœuvre limitée
B- Le poids relatif du facteur démographique sur les questions internationales de la Russie
1-L’aspect démographique secondaire sur certains axes de la politique étrangère russe
a) UE/Russie : la démographie confinée à la politique intérieure
b) Une question quasi-absente des relations russo-américaines
c) L’enjeu démographique de l’Arctique négligé
2- Le facteur démographique : opportunités de politique étrangère
a) Un « pont humain » entre la Russie et Israël
b) La place de la Russie dans l’enjeu de la sécurité alimentaire
c) La démographie russe dans la stratégie des entreprises multinationales
3- L’impact de la question démographique sur les relations sino-russes
a) L’appréhension russe d’une dépendance vis-à-vis de la Chine
b) L’ambiguïté chinoise sur sa politique migratoire
c) Les efforts diplomatiques chinois pour rassurer Moscou
4- L’Extrême-Orient russe : le handicap démographique dans la région Asie-Pacifique
a) Primauté ou marginalité stratégique de l’Extrême-Orient russe ?
b) L’intérêt déçu des pays voisins pour la région
c) Hésitations en Extrême-Orient russe entre repli et coopération
Conclusion de la 2ème partie
3ème partie- L’impact du déclin démographique russe sur les relations avec les anciennes républiques soviétiques
A- D’une interdépendance démographique à une interdépendance politique
1- Complémentarités démographiques fragiles au sein de l’espace postsoviétique
a) Des pays excédentaires : un réservoir de main-d’œuvre ?
b) Concurrence démographique au sein de l’espace post-soviétique
c) Un système migratoire eurasiatique bousculé
2- Les migrations, symbole d’une interdépendance économique
a) Le poids économique des migrants par les transferts de fonds
b) Un large spectre de stratégies économiques des migrants
c) L’influence des migrants
3- Les États contraints à la coopération politique
a) Des constructions étatiques sur une base ethnonationale
b) L’impuissance des États face à l’interdépendance démographique
c) Des réticences à la coopération dans le domaine migratoire
B- Le facteur démographique comme outil de soft power russe dans l’espace postsoviétique
1- Les minorités comme éventuel levier politique
a) L’échec de la politique envers les Russes de l’étranger
b) Redéfinir le lien entre la Russie et les populations russes
c) L’instrumentalisation des minorités présentes en Russie
2- L’Asie centrale : un terrain propice pour le soft power russe
a) Le soft power : une nécessité démographique
b) Les liens migratoires : un atout russe face aux rivaux dans la région
c) L’éducation comme instrument du soft power
3- Russie-Kazakhstan : entre attraction et tension
a) Le facteur démographique russe nourrissant des craintes du Kazakhstan
b) Un potentiel d’attraction russe réel mais fragile
c) L’affirmation prudente du Kazakhstan en Asie centrale
Conclusion de la 3ère partie
CONCLUSION GENERALE

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