Les conséquences des troubles du langage écrit sur le parcours scolaire

La dyslexie développementale

Les troubles d’apprentissage de la lecture peuvent affecter différentes composantes de l’acte de lire : la reconnaissance des mots, la compréhension orale et/ou écrite ou encore ces deux composantes. Nous parlerons de dyslexie uniquement pour évoquer un trouble de la reconnaissance des mots (de Weck & Marro, 2010). A noter que nous abordons ici la dyslexie dite développementale – en tant que trouble dans lequel les habiletés en lecture n’ont jamais été acquises – par opposition à la dyslexie acquise qui résulte d’une lésion cérébrale et dans laquelle ces habiletés ont été perdues (Frith, 1985). D’après Sprenger-Charolles & Colé (2006), environ 5% d’enfants seraient concernés par la dyslexie. La dyslexie est probablement le trouble spécifique des apprentissages qui a été le plus étudié jusqu’à présent (Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm], 2007). Il existe, en effet, de nombreux travaux à son sujet et les différentes définitions dépendent des courants théoriques dans lesquels elles s’insèrent.

C’est tout d’abord dans une perspective neurolinguistique que se développent les premières hypothèses quant à l’origine de la dyslexie. Le premier à s’intéresser à ce trouble dans le domaine médical a été Morgan, en 1896, au moment où la scolarité devient obligatoire (de Weck & Marro, 2010). Dans ce contexte, de nombreux cas d’enfants présentant de graves difficultés dans l’apprentissage de la lecture sont décrits. Morgan émet l’hypothèse de problèmes visuels pour expliquer les difficultés observées qu’il nomme « cécité verbale congénitale » (de Weck & Marro, 2010, p.135). Au début du XXe siècle, tout en conservant la terminologie proposée par Morgan, d’autres auteurs, tels que Hinshelwood, proposent que ces troubles seraient liés à un défaut au niveau du développement du cerveau (de Weck & Marro, 2010). Les enfants présentant uniquement des troubles de la lecture et ceux présentant des déficits aux niveaux sensoriel et intellectuel sont déjà distingués à ce moment, d’où l’idée de trouble spécifique de la lecture. Dans les années 1920, les psychologues commencent à se pencher sur ces cas et remarquent qu’avec un entraînement adapté, les enfants concernés peuvent apprendre à lire. Apparaît alors le terme de dyslexie pour exprimer un dysfonctionnement au niveau des apprentissages (de Weck & Marro, 2010), ainsi que l’hypothèse d’une origine développementale de ce trouble.

En parallèle, les relations entre la dyslexie et d’autre troubles d’ordre affectif sont abordées. Suite à la Seconde Guerre Mondiale, la perspective instrumentale se développe, mettant en avant l’idée que les difficultés d’apprentissage de la lecture résulteraient d’un déficit au niveau de l’un des processus psychologiques fondamentaux suivants : la perception, la mémoire, le langage et la pensée (de Weck & Marro, 2010). Cette conception est toujours d’actualité. Cependant, le rôle essentiel de la conscience phonologique dans l’apprentissage de la lecture a été largement prouvé, permettant ainsi de préciser qu’un déficit de cette composante pourrait être en jeu dans la dyslexie (de Weck & Marro, 2010). De nos jours, la dyslexie est considérée comme un trouble de la reconnaissance des mots écrits (Inserm, 2007). Si nous nous en tenons à une définition toujours actuelle de ce trouble, nous pouvons évoquer celle proposée par Lyon, Shaywitz & Shaywitz (2003). Ces auteurs conçoivent la dyslexie comme un trouble spécifique des apprentissages d’origine neurobiologique.

Elle se caractérise par des difficultés au niveau de la précision et de la fluence dans la reconnaissance des mots et par des habiletés faibles pour le décodage et l’orthographe. Ces difficultés résultent généralement d’un déficit phonologique, inattendu en dépit d’autres habiletés cognitives intactes et d’un enseignement efficace. De son côté, le Dictionnaire d’Orthophonie propose d’utiliser le terme de « dyslexie développementale » pour désigner : « les troubles spécifiques persistants de l’apprentissage de la lecture se manifestant chez des enfants de niveau d’efficience intellectuelle normal, sans problèmes sensoriels primaires, visuels ou auditifs (DMS-IV), sans troubles psychiques graves, ayant toujours été normalement scolarisés, et issus de milieux socioculturels normalement stimulants. » (Brin, Courrier, Lederlé & Masy, 2004, p.80). Des problèmes de compréhension écrite peuvent être une conséquence secondaire à ces difficultés. En outre, une expérience de lecture réduite limite le développement du lexique, ainsi que des connaissances générales (Lyon, Shaywitz & Shaywitz, 2003). Cela explique que certains enfants présentant une dyslexie possèdent également un stock lexical faible et peinent parfois à comprendre ce qu’ils lisent sans pour autant présenter de trouble de la compréhension.

Différents types de dyslexies

Pour reconnaître un mot et le lire à voix haute, il existe, chez le lecteur expérimenté, deux voies : la voie lexicale et la voie non-lexicale (Coltheart, Curtis, Atkins & Haller, 1993). Celles-ci se mettent progressivement en place chez l’apprenti-lecteur. Tout d’abord, se développe la voie d’assemblage, appelée également voie phonologique ou encore voie non-lexicale, qui fait appelle à la médiation phonologique et consiste en la réalisation de la correspondance graphème-phonème (de Weck & Marro, 2010). Puis la voie d’adressage, aussi appelée voie lexicale, se met en place. Cette dernière permet au lecteur d’accéder directement à la représentation mentale du mot rencontré dans son lexique orthographique grâce au traitement visuel des mots écrits (Sprenger-Charolles & Serniclaes, 2003). La mise en place de chacune de ces voies peut être perturbée, et ce, indépendamment de l’autre. Il est ainsi possible de distinguer plusieurs types de dyslexies. Selon les difficultés observées chez un sujet dyslexique, la voie atteinte peut être précisée. Lorsque la voie d’assemblage est atteinte, nous parlons de dyslexie phonologique. Celle-ci se caractérise par des difficultés pour le décodage de pseudo-mots, surtout s’ils sont longs, et de mots peu familiers (OMS, 2001). Cependant, la lecture de mots réguliers et irréguliers semble plutôt préservée (Inserm, 2007). Les principales erreurs observées sont des lexicalisations de pseudo-mots et, pour les mots, des erreurs visuelles et/ou portant sur la morphologie flexionnelle et dérivationnelle (de Weck & Marro, 2010). Lorsque la voie phonologique est touchée, des difficultés au niveau de la conscience phonologique (dans les tâches de métaphonologie) et de la mémoire verbale à court terme sont également observées (Inserm, 2007).

Le second type de dyslexie est appelé dyslexie de surface et fait référence à une atteinte de la voie d’adressage. Celle-ci se manifeste par des difficultés pour décoder des mots irréguliers et peu fréquents (Inserm, 2007). En outre, d’importantes difficultés s’observent pour le choix des homophones hétérographes (OMS, 2001). La lecture de pseudo-mots et de mots réguliers est, quant à elle, relativement préservée (Inserm, 2007). Les erreurs généralement observées dans cette situation sont des régularisations des mots, des paralexies visuelles et plus rarement des paralexies phonémiques (de Weck & Marro, 2010). Il semblerait que ces difficultés soient liées à l’impossibilité d’acquérir des représentations orthographiques (de Weck & Marro, 2010). Certaines études ont mis en évidence des troubles de la mémoire visuelle et du traitement visuo-attentionnel associés à la dysorthographie de surface (Inserm, 2007). Toutefois, il n’y a pas de consensus à ce propos. Finalement, il arrive que les deux voies soient atteintes. Nous parlons alors de dyslexie mixte ou profonde. Elle correspond à un « trouble massif et sévère d’apprentissage de la lecture » (OMS, 2001, p.80) se caractérisant par des difficultés tant dans la lecture de pseudo-mots, que de mots irréguliers (Inserm, 2007). Dans les études à ce sujet, de grandes différences interindividuelles au niveau des performances pour chacune des voies de lecture et des troubles associés sont observées. Il est probable que la dyslexie mixte regroupe une population présentant une grande variabilité de difficultés (Inserm, 2007).

Différents types de dysorthographies

En regard à la dyslexie, le modèle à double voie est également applicable à l’orthographe. L’utilisation de la voie d’assemblage consiste à segmenter la parole en phonèmes, puis à appliquer la correspondance phonème-graphème. La voie d’adressage quant à elle permet d’accéder directement au mot dans le lexique orthographique (de Weck & Marro, 2010). Il est ainsi possible de distinguer différents types de dysorthographies en fonction des difficultés présentées par le sujet. Premièrement, il existe la dysorthographie phonologique qui correspond à une atteinte de la voie d’assemblage. La stratégie phonographémique étant déficitaire, les difficultés sont principalement constatées dans la transcription de pseudo-mots (Inserm, 2007) et de mots irréguliers qui sont souvent régularisés (de Weck & Marro, 2010). Parfois, la capacité à orthographier les mots (réguliers et irréguliers) est entièrement préservée (Inserm, 2007). Les difficultés observées dans le cas d’une dysorthographie phonologique seraient liées à un déficit de la conscience phonologique (comme pour la dyslexie phonologique) qui empêcherait le développement de la stratégie phonographémique (de Weck & Marro, 2010). Les erreurs relevées sont donc la plupart du temps phonologiquement non plausibles (Inserm, 2007).

Lorsque la voie d’adressage est touchée, nous parlons de dysorthographie de surface. La stratégie lexicale qui ne peut être utilisée correctement freine la construction du lexique orthographique (de Weck & Marro, 2010). Les difficultés se manifestent essentiellement dans la transcription des mots orthographiquement complexes, soit principalement des mots irréguliers. Toutefois, la transcription de pseudo-mots est parfaitement préservée. De plus, bien que l’orthographe des mots complexes soit erronée, les erreurs observées sont généralement phonologiquement plausibles (Inserm, 2007). Il semblerait donc que les difficultés ne soient pas liées à un déficit phonologique, mais plutôt à d’importantes difficultés au niveau de la mémoire à long terme. Les représentations orthographiques des mots seraient difficilement créées et maintenues, empêchant ainsi la constitution du lexique orthographique. De plus, les enfants présentant une dysorthographie de surface ont souvent de la peine à retenir les correspondances phonographémiques irrégulières ou peu fréquentes et à s’appuyer sur les règles implicites de la langue pour la transcription des mots (de Weck & Marro, 2010).

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Table des matières

DÉCLARATION SUR L’HONNEUR
RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
I. INTRODUCTION
II. CADRE THÉORIQUE
1. LES TROUBLES DU LANGAGE ÉCRIT
1.1. Les troubles du langage écrit
1.2. La dyslexie développementale
1.2.1. Définition
1.2.2. Dépistage
1.2.3. Différents types de dyslexies
1.2.4. Troubles associés
1.3. La dysorthographie développementale
1.3.1. Définition et dépistage
1.3.2. Remarque
1.3.3. Différents types de dysorthographies
1.4. Dyslexie et/ou dysorthographie ?
1.5. Les conséquences des troubles du langage écrit sur le parcours scolaire
2. L’ADOLESCENCE
2.1. Définition de l’adolescence
2.2. Les enjeux identitaires à l’adolescence
3. LE SYSTÈME ÉDUCATIF SUISSE
3.1. Le système éducatif suisse
3.2. Particularités du système éducatif suisse
3.3. Le passage de l’école obligatoire au secondaire II en Suisse
4. L’ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE
4.1. Définition de l’orientation
4.2. Comment un jeune choisit-il son orientation professionnelle ?
4.2.1. Précision terminologique
4.2.2. Facteurs pris en compte dans le choix professionnel
5. LA TRANSITION ÉCOLE OBLIGATOIRE – MONDE PROFESSIONNEL
5.1. Définition de la transition selon différentes approches
5.1.1. L’approche développementale
5.1.2. L’approche sociologique
5.1.3. L’approche psychosociale
5.2. La transition de l’école obligatoire au monde professionnel dans une approche psychosociale
5.3. Pourquoi s’intéresser aux transitions ?
5.3.1. Précision terminologique : les sphères d’expérience
5.3.2. L’intérêt des transitions
5.4. Les processus impliqués dans la transition
5.5. Le sens des apprentissages
5.6. Les ressources mobilisables lors d’une transition
III. PROBLÉMATIQUE
IV. MÉTHODOLOGIE
1. POPULATION
1.1. Recherche de la population
1.2. Contact et prise de rendez-vous
2. UNE APPROCHE QUALITATIVE
3. RECUEIL DES DONNÉES
3.1. L’entretien biographique
3.2. Représentation des sphères d’expérience
3.3. Le guide d’entretien
4. LE DÉROULEMENT DE LA RECHERCHE
4.1. Les entretiens exploratoires
4.2. La suite des entretiens
4.3. Transcription des entretiens
5. ANALYSE DES ENTRETIENS
5.1. Précision quant aux entretiens analysés
5.2. L’analyse qualitative
V. RÉSULTATS
Participant 1 : Romain
Participant 3 : Jonathan
Participant 4 : Jérôme
Participant 5 : Thomas
Participante 7 : Marie
Participante 8 : Camille
Participant 9 : Daniel
Participant 10 : Nolan
Participante 11 : Maya
Synthèse de certains résultats quantifiables
VI. DISCUSSION
1. ANALYSE DES RÉSULTATS
1.1. Remarques préalables
1.2. Choix et orientation professionnelle
1.3. Processus identitaires
1.4. Processus d’apprentissage
1.5. Processus de construction de sens
1.6. Sens des apprentissages
1.7. Ressources
2. RÉFLEXION PERSONNELLE
3. LIMITES DE CETTE RECHERCHE
VII. CONCLUSION
1. CONCLUSION EN REGARD DES QUESTIONS DE RECHERCHE
2. APPORTS PROFESSIONNELS ET PERSONNELS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
1. Annexe 1 : Lettre informative aux participants
2. Annexe 2 : Accord de participation à la recherche
3. Annexe 3 : Représentation des sphères d’expérience
4. Annexe 4 : Tableau d’analyse du guide d’entretien
5. Annexe 5 : Guide d’entretien définitif
6. Annexe 6 : Fiche de renseignements
7. Annexe 7 : Conventions de transcription

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